Assurance-emploi (AE)

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Citation : CS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1055

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (538397) datée du 27
septembre 2022 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 14 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3590

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelant travaille à X. Il a cessé d’occuper son emploi le 12 novembre 2021 parce qu’il n’a pas fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 comme l’exigeait la directive de vaccination de l’employeur.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant avait été congédié en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle ne pouvait pas lui verser des prestations.

[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il admet qu’il n’a pas transmis une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur, mais il explique qu’il a consulté un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail le 2 novembre 2021. Il explique que l’employeur exerçait une pression afin qu’il soit vacciné alors qu’il prônait le libre choix. Cependant, il fait valoir que l’employeur aurait pu attendre le 12 novembre 2021 avant de lui transmettre la lettre de congédiement puisqu’il avait jusqu’à cette date pour transmettre une attestation de vaccination contre la Covid-19.

[6] Je dois déterminer si l’appelant a été congédié en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[7] L’appelant a-t-il fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur comme l’exigeait la directive de vaccination ?

[8] Si oui, ces gestes constituent-ils de l’inconduite ?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelant a-t-il fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur comme l’exigeait la politique de vaccination ?

[10] J’estime que l’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas fourni l’attestation de vaccination contre la Covid-19 exigé par l’employeur.

[11] L’employeur a indiqué sur le relevé d’emploi que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une suspension ou d’un congédiement.

[12] Le 7 juillet 2022, l’appelant déclare à un employé de la Commission que l’employeur n’a pas fournie de raison à son congédiement. L’employé de la Commission indique alors que le relevé d’emploi ainsi que la lettre de congédiement ont été transmis par l’employeur et que la raison du congédiement est claire : il a refusé de transmettre une attestation de vaccination contre la Covid-19 comme l’exigeait la directive. L’appelant explique également qu’il a été congédié parce qu’il n’aurait pas voulu faire des transactions illégales pour l’employeur. Bien que cette déclaration soit survenue le 7 juillet 2022, lors de l’audience, l’appelant fait valoir qu’au moment de son arrêt de travail il était confus et que ses réponses n’étaient pas cohérentes.

[13] Lors de l’audience, l’appelant a également expliqué que les relations n’étaient pas toujours satisfaisantes avec sa supérieure. Néanmoins, il admet avoir été congédié parce qu’il n’a pas présenté une attestation de vaccination contre la Covid-19 et il indique que l’employeur exerçait une pression afin qu’il soit vacciné. L’appelant indique avoir déposé une plainte à la CNESST pour pratique interdite et harcèlement psychologique.

[14] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle il a cessé d’occuper son emploi.

[15] Je conclus que l’appelant n’a pas fourni l’attestation de vaccination exigée par l’employeur et qu’il a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi ?

[16] Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 2

[17] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite. Un travailleur qui est suspendu de ses fonctions en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[18] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas de page 5 (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal).

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 6

[20] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[21] Un rapport médical de la CNESST indique que l’appelant est en arrêt de travail à compter du 2 novembre 2021 en raison d’un trouble anxio-dépressif. Le médecin qui a signé ce rapport indique : discrimination et congédiement abusif.Note de bas de page 8 L’appelant a déposé une plainte pour pratique interdite et harcèlement psychologique auprès de la CNESST.

[22] L’appelant a expliqué à un employé de la Commission que l’employeur mettait de la pression afin qu’il soit vacciné alors qu’il prônait le libre choix. Il soutient qu’il est admissible à l’assurance-emploi et que les normes du travail ont retenu son dossier confirmant une inconduite de l’employeur. Il explique que l’employeur n’avait pas le droit de le congédier pendant son congé de maladie.

[23] Comme il l’a déclaré lors de l’audience, l’appelant a indiqué à un employé de la Commission le 27 septembre 2022, qu’il n’a pas refusé de se faire vacciner et qu’il était plutôt en réflexion, il refusait tout simplement de dévoiler son statut vaccinal. Il explique qu’il avait jusqu’au 12 novembre 2021 pour transmettre une attestation de vaccination alors que l’employeur l’a congédié sans attendre alors qu’il était en congé de maladie le 4 novembre 2021. L’employé de la Commission a demandé à l’appelant s’il était vacciné au 12 novembre 2021 et l’appelant a répondu que la question ne se posait plus parce qu’il a été congédié et qu’il ne veut pas transmettre d’informations personnelles le concernant. Il a aussi indiqué qu’il ne se souvient plus s’il était vacciné au moment de son congédiement.

[24] L’appelant explique qu’il est microbiologiste de formation et que sa réflexion au sujet de la vaccination contre la Covid-19 est rigoureuse. Il soutient que l’employeur dit des mensonges et il ne comprend pas pourquoi sa version n’est pas retenue alors que l’employeur l’a congédié le 4 novembre 2021 plutôt que d’attendre au 12 novembre 2021. Selon lui, l’exigence de vaccination contre la Covid-19 était abusive puisque le 3 novembre 2021, le gouvernement provincial a indiqué qu’il n’obligeait plus les employés travaillant de le milieu de la santé à être vaccinés contre la Covid-19.

[25] Lors de l’audience, l’appelant a admis avoir été informé de la directive de vaccination de l’employeur ainsi que des conséquences s’il ne s’y conformait pas. Il explique que l’employeur mettait beaucoup de pression afin qu’il se fasse vacciner. L’appelant savait qu’il serait congédié le 12 novembre 2021 s’il ne fournissait pas une attestation de vaccination contre la Covid-19.

[26] Le 7 juillet 2022, le directeur général de la clinique a indiqué à un employé de la Commission que l’appelant avait été congédié parce qu’il a refusé de se conformer à la directive de vaccination obligatoire contre la Covid-19 adoptée par l’employeur. Il explique que l’appelant a été averti à plusieurs reprises, qu’il savait qu’il devait présenter une attestation de vaccination contre la Covid-19 au plus tard le 12 novembre 2021 et que s’il ne le faisait pas, il serait congédié. Une lettre recommandée lui a été transmise le 14 octobre 2021 pour l’informer de la démarche à suivre.

[27] Le directeur explique qu’au début novembre 2021, l’appelant a indiqué qu’il ne voulait pas être vacciné et il a pris un congé de maladie à compter du 2 novembre 2021. Étant donné que l’appelant avait indiqué son intention de ne pas être vacciné, l’employeur a transmis une lettre de congédiement le 4 novembre 2021. L’employeur explique que cette lettre précise que l’appelant sera congédié à compter du 12 novembre 2021 étant donné qu’il refuse de présenter une attestation de vaccination contre la Covid-19 comme l’exige la directive.

[28] La Commission soutient que l’employeur est soumis aux règles de la CNESST afin d’assurer la santé et la sécurité de ses employés. En ce sens, elle fait valoir que l’employeur a le droit d’adopter des règles et des directives qui circonscrivent le lien d’emploi et que le refus d’obéir ou d’obtempérer à une directive peut constituer une inconduite au sens de la Loi. Particulièrement, la Commission affirme que l’appelant a agi délibérément et volontairement lorsqu’il a refusé de se conformer à la directive de vaccination adoptée par l’employeur et que ce geste constitue une inconduite.

[29] La Commission affirme également que le Tribunal n’a pas la compétence pour déterminer si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable lorsqu’il a adopté sa politique de vaccination obligatoire.Note de bas de page 9

[30] Je suis d’accord avec la Commission. Parce qu’il n’a pas accepté de se conformer à la directive de vaccination de l’employeur, l’appelant a été congédié. Il n’est pas question de déterminer si l’appelant avait le droit ou non de consentir à recevoir le vaccin contre la Covid-19. Cependant s’il ne le faisait pas, il y avait des conséquences et l’appelant le savait.

[31] Mon rôle n’est pas de déterminer si le congédiement était une mesure appropriée. Une décision récente a été rendue par la Cour d’appel fédérale qui indique que le Tribunal a « un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système judiciaire ».Note de bas de page 10 Cette décision précise également que le Tribunal n'a pas la compétence de statuer sur la légitimité ou la légalité des directives et des politiques gouvernementales visant à lutter contre la pandémie de la Covid-19 et qu’il existe d'autres façons pour un prestataire de contester ces directives et politiques. Il est également précisé qu’il est raisonnable que le Tribunal n'examine pas ces arguments et que les tribunaux n'interviendront pas dans les décisions du Tribunal pour ce motif.

[32] Mon rôle est de déterminer si l’appelant a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’il a refusé de se conformer à la directive de vaccination obligatoire contre la Covid-19 adoptée par l’employeur. Je n’ai pas à analyser le comportement de l’employeur pour déterminer si l’adoption d’une telle politique est justifiée. En ce sens, la Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal doit mettre l’accent sur la conduite du prestataire et non sur celle de l’employeur. Ainsi, il y a inconduite lorsqu’un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.Note de bas de page 11

[33] Bien que je comprenne les explications de l’appelant concernant le choix qu’il a fait ou les raisons pour lesquelles il ne voulait pas dévoiler son statut vaccinal à son employeur, l’employeur a adopté une directive et il exigeait que les employés fournissent une attestation de vaccination contre la Covid-19 au plus tard le 12 novembre 2021. L’appelant ne l’a pas fait.

[34] Il est vrai que l’appelant a transmis des documents au Tribunal démontrant qu’il a consulté un médecin le 2 novembre 2022. Cependant, le certificat médical signé par le médecin ne démontre pas qu’il était exempté de recevoir le vaccin. S’il y avait un risque pour sa santé, l’appelant pouvait consulter son médecin et demander à son employeur une exemption de fournir l’attestation contre la Covid-19 pour des raisons médicales.

[35] De plus, même si je comprends que l’appelant a contesté son congédiement devant une autre instance et qu’il fait valoir que l’employeur aurait dû attendre au 12 novembre 2021 afin d’être certain s’il présenterait une attestation de vaccination ou non, l’appelant a indiqué lors de l’audience qu’il n’a pas recontacté l’employeur après avoir consulté un médecin le 2 novembre 2021. Les faits démontrent que l’employeur lui a transmis une lettre de congédiement le 4 novembre 2021 et, comme l’employeur l’a expliqué à la Commission, ce congédiement qui est effectif au 12 novembre 2021.

[36] J’ai pris connaissance de la décision A.L. c Commission de l’assurance-emploi du Canada transmise par l’appelant après l’audience.Note de bas de page 12 Dans cette cause, la convention collective des employés avait été renégociée afin d’y inclure une politique de vaccination obligatoire et ce cas particulier ne s’applique pas à celui de l’appelant. Je précise également que ce dossier a été contesté par la Commission devant la division d’appel du Tribunal et que la permission d’en appeler a été accordée le 9 février 2023.

[37] L’employeur a des responsabilités afin d’assurer la santé et la sécurité de ses employés et il peut adopter des directives ou des politiques en ce sens. Mon rôle n’est pas de déterminer si le congédiement était une mesure appropriée ou si l’employeur aurait dû proposer une mesure alternative au congédiement.Note de bas de page 13 Au sens de la Loi, lorsqu’un employé ne respecte pas une directive de l’employeur de façon volontaire, ce comportement l’empêche de remplir ses obligations envers son employeur.

[38] C’est en ce sens que l’appelant ne respecte pas ses obligations envers son employeur et qu’il a posé un geste volontaire. Même si je fais face à certaines versions contradictoires, la déclaration de l’employeur indiquant que l’appelant l’avait avisé de son intention de ne pas se faire vacciner m’apparaît fiable et crédible lorsque je soupèse l’ensemble des déclarations au dossier. L’appelant a indiqué à plus d’une reprise qu’il ne voulait pas dévoiler son statut vaccinal et qu’il refusait également d’exiger des employés de la Clinique une conformité à la directive de vaccination contre la Covid-19 de l’employeur puisque cette pratique était, selon lui, illégale.

[39] Il m’apparaît plus probable qu’improbable que l’appelant a indiqué à son employeur son refus de transmettre l’attestation de vaccination contre la Covid-19 avant de rencontrer son médecin le 2 novembre 2021. En ne respectant pas la directive de vaccination contre la Covid-19 de l’employeur, l’appelant a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelant savait qu’il pouvait être congédié s’il ne fournissait pas une attestation de vaccination contre la Covid-19 et il a choisi de ne pas le faire. Ce geste est volontaire.

[40] Pour conclure à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, l’intention coupable n’a pas non plus à être démontrée. C’est-à-dire que je n’ai pas à déterminer si l’appelant a fait quelque chose de mal.

[41] L’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas respecté les règles émises par l’employeur; il a refusé de se conformer à la directive de vaccination obligatoire pour tous les employés. En refusant de se conformer aux règles de l’employeur, l’appelant ne satisfait pas aux obligations de son emploi.

[42] L’appelant connaissait les règles et il a décidé de ne pas s’y conformer. Ce geste volontaire constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

[43] L’appelant ne peut pas recevoir des prestations régulières s’il a été congédié après avoir commis une inconduite. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera suspendu ou congédié.

[44] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur et que le fait d’avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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