Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 896

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : L. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 mars 2023 (GE-22-3719)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 10 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-357

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, L. L. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale, laquelle a rejeté son appel.

[3] La division générale a établi que la prestataire était en retard lorsqu’elle a demandé à la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, de réviser sa décision initiale au sujet de sa demande de prestations d’assurance-emploi. La division générale a aussi établi que la Commission a agi de façon équitable lorsqu’elle a refusé d’accorder plus de temps à la prestataire pour lui permettre de demander une révision. Par conséquent, la division générale a conclu que la Commission n’avait pas à réviser sa décision initiale.

[4] La prestataire affirme que la division générale n’a pas respecté les principes d’équité procédurale et qu’elle a commis une erreur de fait importante. La prestataire explique que la division générale a fait erreur lorsqu’elle a évalué son intention constante de demander une révision à la Commission. Elle ajoute que la division générale n’a pas compris ce que la preuve représentait.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, la prestataire doit avoir au moins un argument défendableNote de bas page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire se termine à cette étape-ciNote de bas page 2.

[6] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Question en litige

[7] Voici les questions à trancher :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté les principes d’équité procédurale?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve dont elle disposait?

Je ne donne pas la permission de faire appel

[8] La division d’appel donne la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Un appel a une chance raisonnable de succès si l’on peut soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas page 3.

[9] Pour qu’il y ait erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur qu’elle a commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Contexte général

[10] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi en novembre 2021. La Commission a rejeté sa demande le 16 février 2022Note de bas page 4.

[11] La prestataire a demandé à la Commission de réviser une décision qui, selon elle, avait été rendue à l’oral le 17 août 2022Note de bas page 5. La prestataire a déposé sa demande de révision le 2 septembre 2022Note de bas page 6.

[12] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, une personne peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la date où elle reçoit communication de cette décision ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorderNote de bas page 7.

[13] La Commission peut accorder un délai plus long pour permettre à une personne de présenter une demande de révision si elle est convaincue : qu’une explication raisonnable justifie le besoin d’un délai supplémentaire; que la personne a manifesté l’intention constante de demander une révision.

[14] La Commission a reconnu que la prestataire a demandé une révision. La prestataire a présenté sa demande le 2 septembre 2022. La Commission a compris qu’elle lui demandait de réviser sa décision du 16 février 2022.

[15] Comme la prestataire a présenté sa demande le 2 septembre 2022, la Commission a établi que plus de 30 jours s’étaient écoulés depuis la communication de sa décision du 16 février 2022. C’était en fait plus de six mois qui avaient passé depuis que la Commission avait rejeté sa demande.

[16] La Commission a écrit qu’elle a examiné les raisons du retard de la prestataire. Elle a décidé que ces raisons [traduction] « ne satisfont pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révisionNote de bas page 8 ». Elle a donc refusé de réviser sa décision.

Peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté les principes d’équité procédurale?

[17] La prestataire affirme que la division générale n’a pas respecté les principes d’équité procédurale.

[18] Toutefois, elle n’a relevé aucune erreur de procédure. Par exemple, elle ne dit pas que la division générale a omis de lui donner un préavis suffisant pour l’audience ou omis de lui fournir tous les documents nécessaires. Et surtout, elle ne laisse pas entendre que la division générale a omis de lui donner l’occasion de présenter ses arguments de façon équitable. Rien ne porte à croire non plus que le membre de la division générale avait un parti pris.

[19] La prestataire affirme que Service Canada l’a mal informée et l’a induite en erreur, puisque personne ne l’aurait avisée qu’elle devait demander une révision à la Commission. Et même si c’était le cas, même si Service Canada l’avait mal informée ou induite en erreur, ce n’est pas une erreur de procédure de la part du membre de la division générale. Pour que ce soit un argument défendable, il faut que l’allégation d’erreur de procédure vise la division générale.

[20] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale n’a pas respecté les principes d’équité procédurale.

Peut-on soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve dont elle disposait?

[21] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait. Elle soutient que la division générale a ignoré ou mal interprété certains éléments de preuve.

[22] La prestataire dit avoir communiqué dix fois avec Service Canada de fin mars au 18 août 2022. Elle lui a téléphoné chaque fois pour discuter de sa demande d’assurance-emploi. Certaines de ses conversations ont duré plus d’une heureNote de bas page 9.

[23] La prestataire affirme qu’à chacune de ces conversations, Service Canada lui a fait savoir que sa demande était à l’étude. Elle précise que ce n’est qu’en août 2022 qu’elle a appris que Service Canada ne s’était pas encore penché sur sa demande. Elle a appris qu’elle devait alors demander à Service Canada (la Commission) de réviser sa décision du 15 février 2022. C’est ainsi que l’examen de sa demande serait déclenché.

[24] La prestataire affirme aussi qu’elle a toujours eu l’intention de faire sa demande afin d’obtenir des prestations. Elle pose la question suivante : pourquoi aurait-elle continué de communiquer avec Service Canada si elle n’avait pas eu l’intention constante de faire sa demande?

[25] La prestataire soutient que la division générale aurait dû interpréter sa série d’appels téléphoniques à Service Canada comme une preuve de son intention constante de faire sa demande.

[26] Je tiens à mentionner que le rôle de la division générale était d’abord et avant tout de décider si la Commission avait agi de façon équitable lorsqu’elle avait évalué s’il fallait donner à la prestataire plus de temps pour présenter sa demande de révision.

[27] Lorsque la division générale conclut que la Commission n’a pas agi équitablement, elle peut assumer le rôle de la Commission et décider si la personne doit avoir plus de temps pour présenter sa demande de révision. Cependant, lorsque la division générale conclut que la Commission a agi équitablement, aucun autre rôle ne lui est attribué.

[28] À moins que la Commission ait agi de façon inéquitable, la division générale n’a tout simplement pas le pouvoir de réexaminer les faits et de tirer sa propre conclusion.

[29] La division générale a bien décrit son rôle et le droit applicableNote de bas page 10. Elle a reconnu que la Commission avait un pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de décider de prolonger le délai ou non. Cependant, comme la division générale l’a expliqué, la Commission doit rendre sa décision de façon équitable lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire.

[30] Pour rendre une décision de façon équitable, il faut prendre en compte certains facteurs et ignorer les facteurs qui ne sont pas pertinents. Il faut agir de bonne foi et d’une manière non discriminatoire.

[31] La division générale a conclu que la Commission avait pris en compte tous les renseignements pertinents que la prestataire avait fournis. La division générale a établi que le rapport de décision de la Commission montrait celaNote de bas page 11. La Commission a écrit ce qui suit :

[traduction]
La demandeuse [prestataire] a attendu au 2 septembre 2022 pour demander une révision, soit 169 jours après avoir pris connaissance de la décision. La Commission a examiné les raisons de son retard telles qu’elles sont décrites dans la déclaration de la prestataire obtenue le 29 septembre 2022. La demandeuse n’a pas fourni d’explication raisonnable pour le retard de sa demande de révision. En effet, elle affirme que son retard est dû au fait qu’elle ne souhaitait pas faire réviser la décision au début et que, par conséquent, il est attribuable à sa négligence et à son désintérêt.

La demandeuse n’a pas non plus manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas page 12.

[32] Le 29 septembre 2022, la prestataire aurait dit à la Commission qu’elle n’avait pas eu besoin d’une révision jusqu’à ce qu’elle reçoive un relevé d’emploi modifiéNote de bas page 13. Cela concorde avec ce qu’elle a écrit dans sa demande à la division d’appel : [traduction] « J’avais réellement l’intention de réclamer mes prestations [d’assurance-emploi] lorsque le relevé d’emploi modifié a été produit en marsNote de bas page 14. »

[33] Autrement dit, son intention de demander une révision est apparue après que son employeur a modifié son relevé d’emploi en mars 2022.

[34] La prestataire soutient que le fait qu’elle ait communiqué avec Service Canada de mars à août 2022 était pertinent pour évaluer si elle avait eu une intention constante de demander une révision. La prestataire est d’avis que, si la Commission n’a pas tenu compte de ce fait, sa décision n’a donc pas été rendue de façon équitable. Elle laisse entendre que la division générale aurait dû intervenir à ce moment-là et décider si elle aurait dû obtenir plus de temps pour demander à la Commission de réviser sa décision.

[35] Toutefois, rien n’indique que la Commission était au courant de cet élément de preuve lorsqu’elle a décidé s’il fallait accorder plus de temps à la prestataire. La Commission a tranché la question en fonction de la preuve dont elle disposait. Bref, si elle n’avait pas cet élément de preuve, il n’a pas pu l’examiner.

[36] La division générale a clairement établi que la prestataire devait démontrer à la Commission qu’elle avait l’intention constante de lui demander de réviser sa décision tout au long du processus, du moment où elle a reçu sa décision initiale jusqu’au moment de sa demande. Autrement dit, la prestataire devait démontrer qu’elle avait une intention constante même avant que son employeur modifie son relevé d’emploi.

[37] La prestataire aurait dit à la Commission qu’elle n’avait pas eu besoin d’une révision jusqu’à ce qu’elle reçoive un relevé d’emploi modifiéNote de bas page 15. La Commission en a déduit que la prestataire n’avait pas une intention constante entre le 16 février 2022 et le 24 mars 2022. Dans cette optique, il n’était donc pas pertinent que la prestataire ait communiqué avec la Commission plusieurs fois après le 24 mars 2022, avant de faire sa demande de révision.

[38] Il est possible que la prestataire ait eu l’intention de demander une révision à la Commission depuis la décision initiale. Il est possible qu’elle ait attendu que son employeur modifie son relevé d’emploi avant de demander une révision. Autrement dit, il se peut qu’elle ait eu une intention constante dès le départ.

[39] Cependant, si c’est le cas, rien dans la preuve n’explique raisonnablement le retard de la prestataire du 16 février 2022 au 24 mars 2022. Le fait que la prestataire ait peut-être attendu la modification de son relevé d’emploi n’explique pas pourquoi elle n’a pas pu demander une révision entre-temps.

[40] En résumé, comme la division générale s’est assurée que la Commission avait rendu sa décision de façon équitable – en agissant de bonne foi, en prenant en compte tous les facteurs pertinents et en ignorant tous ceux qui ne l’étaient pas –, elle ne pouvait pas remettre en question l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

[41] Je ne suis pas convaincue que l’on puisse soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve concernant les multiples appels téléphoniques avec la Commission entre mars et août 2022. Cet élément de preuve n’était pas pertinent, puisqu’il était clair que la prestataire n’avait pas manifesté une intention constante avant mars 2022.

Autre question : le relevé d’emploi modifié

[42] À part la question du retard de sa demande de révision, la prestataire affirme qu’elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle ne travaillait plus en raison d’un manque de travail. Pour avancer cet argument, elle s’appuie sur son relevé d’emploi modifié.

[43] Au départ, l’employeur de la prestataire a déclaré qu’il l’avait mise en congéNote de bas page 16. Dans le relevé d’emploi modifié, il a déclaré qu’il y avait un manque de travail ou que c’était la fin du contrat ou de la saisonNote de bas page 17.

[44] Je ne tire aucune conclusion sur les circonstances qui ont mené à la fin d’emploi de la prestataire, mais un relevé d’emploi ne permet pas d’établir l’admissibilité aux prestations. Il faudrait aussi que la Commission examine tous les faits. Il faudrait notamment qu’elle communique avec l’employeur.

[45] Lors de ses premières discussions avec la Commission, la prestataire a laissé entendre qu’elle ne travaillait plus parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoireNote de bas page 18. Dans sa demande de révision déposée le 2 septembre 2022, elle a déclaré que son contrat avait pris fin en raison d’un manque de travailNote de bas page 19. Lorsqu’elle a de nouveau parlé à la Commission le 29 septembre 2022, elle a fait référence à son relevé d’emploi modifié. Elle a mis l’accent sur le manque de travail. Elle aurait également déclaré que son employeur avait mis fin à son contrat parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique vaccinaleNote de bas page 20.

[46] Il faudrait que la Commission prenne en compte tous ces facteurs, ainsi que tout autre fait pertinent. Même si la prestataire n’avait pas été en retard ou qu’elle avait pu obtenir plus de temps pour demander une révision, la Commission aurait fait un examen plus approfondi. Elle aurait évalué ce qui a entraîné la fin d’emploi de la prestataire.

[47] Je soulève cette question pour montrer aux parties que l’affaire n’est pas aussi simple qu’elle peut en avoir l’air.

Conclusion

[48] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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