Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 921

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : D. S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (498763) datée du 21 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 10 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 26 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3812

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’il a été suspendu parce qu’il s’est opposé à sa politique de vaccination : il n’avait pas d’exemption et il n’a pas dit s’il avait été vacciné.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite. Il estime qu’il aurait dû bénéficier d’une mesure d’adaptation ou d’une exemption pour motifs religieux. À son avis, ce qu’il a fait ne constitue pas une inconduite. Il a droit à son autonomie corporelle. Il estime que ces politiques n’étaient pas en place au moment de son embauche et met donc en doute la capacité de son employeur d’imposer unilatéralement une politique.

[5] La Commission a accepté le motif du congédiement de l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et, pour cette raison, elle a conclu que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Documents déposés après l’audience

[6] Pendant l’audience, l’appelant a fait référence à plusieurs documents. J’ai informé l’appelant pendant l’audience que je ne pouvais pas suivre les liens vers les sites Web. Il a eu l’occasion de soumettre les documents dont il a discuté pendant l’audience.

[7] Ces documents/observations ont été reçus et figurent aux pages GD7 et GD8.

[8] L’appelant a également envoyé un document supplémentaire dont il n’a pas été discuté à l’audience. Ce document est une demande de contrôle judiciaireNote de bas page 2. Il ne s’agit donc pas d’une décision judiciaire, mais plutôt d’une personne qui demande la révision de son dossier.

[9] Comme ce document n’avait fait l’objet d’aucune discussion, j’ai demandé aux deux parties de présenter des observations sur sa pertinence et sur la question de savoir s’il devrait être accepté ou non. J’ai demandé que les observations soient reçues au plus tard le 22 mai 2023. À la date de délivrance de la présente ordonnance, aucune des parties n’a présenté d’observations.

[10] Je conclus que, bien que la demande de contrôle judiciaire puisse avoir une certaine similitude avec la présente affaire, il ne s’agit pas d’une décision. Je ne suis donc pas tenue de la suivre, car elle ne provient pas d’un tribunal par lequel je suis liée. Ce ne sont que des arguments. De plus, le document est daté du 17 avril 2023 et, compte tenu des nombreuses occasions que l’appelant a eues de soumettre des documents ou d’en discuter, il aurait pu soumettre celui‑ci plus tôt. Autrement dit, il était loisible à l’appelant d’aborder la demande de contrôle judiciaire pendant son audience.

[11] Comme je ne sais pas exactement quels sont les arguments de l’appelant concernant ce document, je ne vais pas l’accepter. Je conclus que sa valeur n’est pas claire, car il s’agit simplement des arguments de quelqu’un.

Question en litige

[12] L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[13] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique lorsque l’employeur a congédié ou suspendu le prestataireNote de bas page 3.

[14] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[15] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il s’est opposé à la politique de vaccination de son employeur.

[16] L’appelant affirme qu’il a d’abord été mis en congé pour cette raison. Il a déclaré qu’en raison de sa religion, il ne voulait pas se faire vacciner. Il n’a pas divulgué à son employeur s’il était vacciné ou non. Il affirme qu’il a tenté d’obtenir une exemption pour motifs religieux, mais que l’employeur lui a refusé cette exemption. À son avis, il ne s’agit pas d’une inconduite pour avoir omis de se conformer à la politique. L’appelant affirme que le critère qui se rattache à l’inconduite est exigeant et que son seul refus de se faire vacciner contre la COVID-19 n’a eu aucune incidence sur sa capacité d’exercer ses fonctions auprès de son employeur. Aucune science ne montre que les vaccins contre la COVID-19 ont empêché l’infection ou la transmission. L’obligation de se faire vacciner était déraisonnable, car il avait des préoccupations en matière de sécurité personnelle ainsi que des croyances religieuses sincères qui auraient dû être prises en compte. La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 n’était pas en place au moment de son embauche. À son avis, il devrait avoir droit à des prestations.

Le motif du congédiement de l’appelant est‑il une inconduite au sens de la loi?

[17] Le motif du congédiement de l’appelant constitue une inconduite en droit.

[18] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous montre comment décider si le congédiement de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[19] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 4. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 5. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 6.

[20] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas page 7.

[21] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 9.

[22] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 10.

[23] Je ne peux trancher que les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Et il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a congédié à tort ou s’il aurait dû prendre des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à son égardNote de bas page 11. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[24] Dans une affaire dont a été saisie la Cour d’appel fédérale (CAF), intitulée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas page 12. Il avait perdu son emploi en raison de la politique de son employeur en matière de dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage de drogue auraient tout de même dû être valides.

[25] En réponse, la CAF a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi, et non s’il a été congédié à tortNote de bas page 13.

[26] La CAF a également affirmé que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé. Elle a souligné que les employés qui font l’objet d’un congédiement injustifié ont d’autres recours. Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance‑emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas page 14.

[27] Dans l’affaire plus récente intitulée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas page 15. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort, car les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a déclaré que l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a affirmé que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 16.

[28] De même, dans l’affaire Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de son alcoolismeNote de bas page 17. Il a soutenu que son employeur devait lui accorder des mesures d’adaptation parce que l’alcoolisme est considéré comme une déficience. La CAF a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait; le fait que l’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard n’est pas pertinentNote de bas page 18.

[29] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’elles disent demeure pertinent. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de déterminer s’il avait raison de congédier l’appelant. Je dois plutôt m’attarder à ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[30] Il y a également une décision très récente de la Cour fédérale, CecchettoNote de bas page 19, dans laquelle le Tribunal a refusé des prestations à l’appelant parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La Cour a conclu que le rôle du Tribunal était restreint et qu’il devait tenir compte de l’« inconduite » sous le régime de la Loi.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[31] La Commission et l’appelant s’entendent sur les principaux faits dans l’affaire. Les principaux faits sont ceux que la Commission doit établir pour démontrer que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi.

[32] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a informé l’appelant en des termes clairs de ses attentes concernant l’obligation de se faire vacciner ou de lui dire qu’il s’était fait vacciner; 
  • l’employeur a à plusieurs reprises envoyé des lettres à l’appelant ou parlé à ce dernier pour lui faire part de ses attentes;
  • l’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique

[33] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique de vaccination de l’employeur était injuste ou allait à l’encontre de la loi;
  • la common law confirme qu’il a légalement le droit de ne pas accepter de traitement médical;
  • la common law confirme qu’il a droit à des croyances religieuses sincères.

[34] L’appelant affirme avoir travaillé en tout temps à la maison depuis le début de la pandémie. Il ajoute qu’avant la pandémie, il avait la possibilité de travailler de la maison, mais qu’en raison de son rôle, il estimait qu’il était préférable d’aller travailler avec son équipe.

[35] Le 13 septembre 2021, le médecin hygiéniste provincial (MHP) a annoncé que tous les employés du secteur de la santé publique devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021Note de bas page 20.

[36] Le 14 octobre 2021, le MHP a pris un autre décret afin de clarifier celui qu’il avait pris précédemmentNote de bas page 21. Ce décret prévoyait que, pour continuer à travailler, le personnel devait avoir reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 25 octobre 2021.

[37] L’employeur a également envoyé, le 15 octobre 2021, une note de service expliquant ses attentes et les conséquences du non‑respect de la politiqueNote de bas page 22. La note de service de l’employeur mentionne également que l’employé qui n’a pas reçu sa première dose d’un vaccin contre la COVID-19 [traduction] « ne sera pas autorisé à travailler, sur place ou à distance »Note de bas page 23. On peut lire également dans la note de service que l’employé qui n’a pas reçu une dose de vaccin avant le 26 octobre 2021 sera mis en congé sans solde. Suivant la même note de service, [traduction] « les employés qui n’ont pas reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 15 novembre doivent s’attendre à être licenciés ou à ce que les ententes contractuelles conclues avec [l’employeur] soient résiliées »Note de bas page 24.

[38] L’appelant a demandé en vain une exemption pour motifs religieux. Il a été mis en congé le 26 octobre 2021. Le 16 novembre 2021, il a été congédié de son emploiNote de bas page 25.

Exemption pour des raisons médicales ou autres

[39] L’appelant savait que son employeur exigeait que, pour maintenir son emploi, il obtienne une exemption s’il ne se faisait pas vaccinerNote de bas page 26.

[40] La note de service de l’employeur comprend des renseignements sur les exemptions relatives aux vaccins. Elle prévoit que [traduction] « la seule exception au décret de vaccination obligatoire concerne les personnes qui demandent au MHP d’approuver un report ou une exemption pour des raisons médicalesNote de bas page 27.

[41] Le 24 octobre 2021, l’appelant a écrit à son employeur pour demander une exemption pour motifs religieuxNote de bas page 28.

[42] Le 25 octobre 2021, son employeur a répondu et a confirmé qu’une [traduction] « demande d’exemption à l’égard du décret pris par le MHP doit être présentée au MHP et elle ne peut être présentée que pour des raisons médicales »Note de bas page 29. On peut lire également dans la réponse que [traduction] « les employeurs n’ont pas le pouvoir d’accorder une exemption ou une mesure d’adaptation relativement aux dispositions du décret du MHP, que ce soit pour des motifs médicaux, religieux ou autres »Note de bas page 30.

[43] L’appelant a ensuite confirmé auprès de son employeur que cela signifiait qu’il serait mis en congé le lendemain.

[44] L’appelant a témoigné au sujet de ses croyances religieuses sincères en ce qui concerne la vaccination. Il a invoqué plusieurs documents à l’appui de ces croyances religieusesNote de bas page 31. J’admets que l’appelant refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses.

[45] L’appelant a admis qu’il n’avait pas d’exemption sous le régime de la politique obligatoire de son employeur. Comme il n’y a aucune preuve du contraire, j’accepte le témoignage de l’appelant sur ces points.

Non-respect des modalités d’un contrat

[46] L’appelant affirme que son employeur a violé le contrat de travail en instaurant unilatéralement une politique de vaccination. L’appelant affirme que la Commission n’avait aucune preuve de son contrat initial et que, par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’il y avait eu violation du contrat initial.

[47] Je conviens que la Commission n’a pas fourni le contrat initial que l’appelant dit avoir signé. Pourtant, l’appelant est d’accord pour dire que son employeur avait une politique sur la vaccination contre la COVID-19. L’appelant admet qu’un décret du MHP exigeait que les personnes travaillant dans des établissements de soins de santé soient vaccinées. Cela signifie qu’une politique sur la vaccination contre la COVID-19 était en place.

[48] Comme il a été mentionné précédemment, il ressort clairement des affaires McNamara, Paradis et MishibinijimaNote de bas page 32 qu’il y a lieu de se concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait.

[49] Récemment, la Cour fédérale a tranché l’affaire CecchettoNote de bas page 33. Dans cette affaire, le Tribunal (division générale et division d’appel) avait rejeté l’appel de l’appelant pour obtenir des prestations parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La Cour fédérale a conclu que le Tribunal a un [traduction] « rôle étroit et précis à jouer dans le système juridique »Note de bas page 34. Dans cette affaire, il fallait décider pourquoi l’appelant avait été congédié et déterminer s’il s’agissait d’une « inconduite » au sens de la Loi.

[50] La Cour fédérale a également affirmé en des termes clairs qu’un prestataire peut ne pas être satisfait du régime d’assurance‑emploi, mais qu’il dispose [traduction] « d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations »Note de bas page 35.

[51] Cela signifie que les appelants ont d’autres possibilités s’ils estiment que leur employeur n’agissait pas conformément à leur contrat de travail. Pour cette raison, je n’ai pas le pouvoir de décider du bien‑fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination de son employeur. Cela signifie que je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité du contrat, car cela ne relève pas de mon pouvoir.

[52] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres loisNote de bas page 36. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[53] L’appelant soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il s’est acquitté de toutes les fonctions qui étaient exigées de lui en vertu de son contrat de travail initial. Il affirme que le non‑respect de la politique de vaccination ne l’a pas empêché de s’acquitter de ses fonctions et n’a pas nui à sa capacité de les accomplir.

[54] L’appelant a noué une relation d’emploi en mai 2007. On constate que c’était avant la pandémie. Cela signifie que l’employeur n’avait pas de politique en cas de pandémie.

[55] L’appelant ne conteste pas qu’il y avait une politique de vaccination. Il ne conteste pas qu’il ne s’y est pas conformé. Il n’a pas non plus contesté qu’il savait quelles étaient les conséquences du non‑respect de la politique de son employeur.

[56] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, notamment d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse d’emploi pour l’appelantNote de bas page 37.

[57] Il ressort également clairement de la décision Cecchetto qu’un employeur peut adopter unilatéralement une politique de vaccination sans le consentement de l’employéNote de bas page 38.

Travail à domicile

[58] L’appelant a fait valoir qu’il n’est pas juste que son employeur impose une politique visant à protéger sa santé et sa sécurité alors qu’il travaille à domicile. Il affirme qu’il n’y avait aucun risque de contact avec d’autres employés ou le public.

[59] L’appelant ne croit pas qu’il soit juste que la politique de son employeur s’applique à lui étant donné qu’il travaille de la maison.

[60] L’appelant estime que la politique de son employeur est injuste et qu’elle n’aurait pas dû s’appliquer à lui. Or, la politique précise en des termes clairs qu’elle s’applique à tout le personnel. Elle prescrit également que l’employé qui ne la respecte pas [traduction] « ne sera pas autorisé à travailler, sur place ou à distance »Note de bas page 39. La seule exemption à la politique était fondée sur des raisons médicales.

[61] Ce n’est pas à moi de décider si la politique de l’employeur est raisonnable ou juste. Comme il a été mentionné dans la jurisprudence, l’accent est mis sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait.

La Charte et les autres lois doivent être respectées.

[62] L’appelant a fait référence à de nombreuses décisions et soutient que, parce qu’il respectait ses croyances religieuses, cela ne peut être interprété comme une inconduiteNote de bas page 40. L’appelant affirme également qu’il a le droit de déterminer son propre traitement médical et qu’il jouit donc d’une autonomie corporelle.

[63] L’appelant estime que la politique de l’employeur allait à l’encontre de plusieurs lois. À son avis, la politique de son employeur contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). L’appelant estime qu’il a droit à la liberté religieuse et à l’autonomie corporelle. Il estime que son employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation. L’appelant affirme également qu’en vertu de la Health Care (Consent) and Care Facility (Admission) ActNote de bas page 41, il a le droit de refuser de consentir aux soins de santé.

[64] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne. La Charte est l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[65] Les différentes cours et différents tribunaux appliquent ces lois. Le Tribunal peut se demander si un article de la Loi (ou de ses règlements) porte atteinte aux droits garantis par la Charte. L’appelant n’a pas déclaré qu’il conteste une partie de la Loi. Il estime plutôt que la politique de son employeur a enfreint la Charte ou les droits de la personne.

[66] Il n’est pas de ma compétence (de mon pouvoir) de déterminer si une mesure prise par un employeur contrevient à la Charte ou à des lois sur les droits de la personne. L’appelant devrait s’adresser à une autre cour ou à un autre tribunal pour régler ces types de questions.

AL c Commission de l’assurance‑emploi du CanadaNote de bas page 42

[67] L’appelant affirme que son employeur a violé son contrat de travail en mettant unilatéralement en œuvre une politique de vaccination obligatoire. L’appelant n’est pas syndiqué.

[68] Il a soulevé une décision récente du Tribunal de la sécurité sociale dans laquelle le demandeur a obtenu des prestations parce que l’employeur n’était pas autorisé à modifier unilatéralement un contrat de travail. Il s’agit de la décision AL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada

[69] Dans cette affaire, A.L. travaillait au sein de l’administration d’un hôpital et a été congédiée au bout du compte au motif qu’elle avait omis de respecter la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[70] La membre du Tribunal a conclu qu’A.L. n’avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle a conclu qu’il y avait une convention collective par laquelle l’employeur et les employés étaient liés. La membre du Tribunal a conclu que, en l’absence d’une loi particulière exigeant une modalité, l’employeur n’avait pas le droit d’imposer unilatéralement une nouvelle condition d’emploi, car cela était contraire à la convention collective. Elle a expliqué que, parce qu’il n’y avait aucune loi exigeant la vaccination obligatoire, il était inapproprié d’imposer unilatéralement cette nouvelle modalité.

[71] Par conséquent, elle a conclu qu’A.L. n’avait manqué à aucune obligation envers l’employeur en choisissant de ne pas être vaccinée, car aucune loi n’exigeait une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19. On a fait remarquer que la convention collective abordait la question de savoir si les vaccins autres que le vaccin contre la COVID-19 étaient obligatoires. La membre du Tribunal a conclu que d’autres vaccins étaient envisagés dans la convention collective et qu’ils n’étaient pas obligatoires. Elle a expliqué que les vaccins contre la COVID-19 devraient suivre le même processus que les autres vaccins prévus dans la convention collective.

[72] De plus, la membre du Tribunal a conclu qu’A.L. avait le droit de choisir de recevoir ou non un traitement médical. Ce choix était perçu comme un « droit ». La membre du Tribunal a conclu que même si le choix (l’action) était contraire à la politique d’un employeur, il ne pouvait pas être considéré comme étant une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 43.

[73] Je ne suis pas liée par cette décision ou par d’autres décisions du TribunalNote de bas page 44. Je peux choisir d’adopter leur raisonnement si je juge celui‑ci persuasif ou utile. Je n’adopterai pas le raisonnement formulé dans cette affaire pour les motifs qui suivent.

[74] En l’espèce, l’appelant n’est pas syndiqué et il n’a pas dit qu’il avait une convention collective. Il n’a pas non plus soumis son contrat de travail. Mais il affirme qu’il n’y avait dans son contrat de travail aucune obligation d’accepter un traitement médical, à défaut de quoi il serait congédié. Cela ne semble pas être la même chose que dans l’affaire à laquelle l’appelant faisait référence. C’est l’un des points sur lesquels on peut distinguer la présente affaire de la décision A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada.

[75] Toutefois, mes raisons de ne pas suivre la décision A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada vont au‑delà des similitudes ou des différences factuelles. Je ne suis pas cette décision notamment parce qu’elle est contraire à d’autres décisions judiciaires. Comme il a été mentionné précédemment, il ressort clairement des affaires McNamara, Paradis, Mishibinijima et CecchettoNote de bas page 45 qu’il y a lieu de s’attarder à ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait.

[76] L’appelant affirme que son employeur a violé son contrat de travail en mettant en œuvre une politique unilatéralement. Il s’agit d’un argument semblable à la conclusion de la membre du Tribunal selon laquelle un employeur ne peut instaurer de nouvelles conditions (en l’absence d’une loi qui l’exige) à moins qu’un employé y consente explicitement ou implicitement. Pourtant, comme il a été mentionné précédemment, d’autres tribunaux judiciaires et administratifs ont examiné cette question même et ont tiré des conclusions différentes.

[77] D’autres possibilités s’offrent à l’appelant qui estime que l’employeur n’a pas agi conformément à une convention. Pour cette raison, bien que j’en arrive à la conclusion que la situation de l’appelant peut être distinguée de celle dont il était question dans A.L. c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une modalité du contrat de travail, car cela ne relève pas de mon pouvoirNote de bas page 46.

[78] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres loisNote de bas page 47. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[79] L’appelant affirme que la modification des conditions de son emploi et de son contrat par son employeur est déraisonnable. Mais je ne crois pas que cela signifie que l’employeur ne pouvait pas créer et mettre en œuvre une politique pour faire face à une pandémie sans précédent. Encore une fois, l’appelant peut s’adresser à une autre cour ou un autre tribunal s’il croit que son employeur a contrevenu à son contrat de travail.

Guide de la détermination de l’admissibilitéNote de bas page 48

[80] L’appelant affirme de façon générale qu’il devrait avoir droit à des prestations selon les principes du Guide de la détermination de l’admissibilité (le guide). Il affirme qu’il n’a pas commis d’inconduite au sens de la Loi.

[81] Ce guide énonce les politiques internes de la Commission. Il s’agit d’un outil qu’utilise le personnel de la Commission pour interpréter et appliquer la Loi afin de trancher les demandes d’assurance‑emploi. Cela signifie qu’il n’établit pas le droit. Je ne crois pas que les politiques internes générales de la Commission nous éclairent en l’espèce.

Efficacité du vaccin et caractère raisonnable de la politique

[82] L’appelant affirme qu’il n’y a aucune preuve que les vaccins contre la COVID-19 empêchent l’infection ou la transmission du virusNote de bas page 49. Il ne m’appartient pas de trancher les questions de l’efficacité du vaccin ou du caractère raisonnable de la politique de l’employeur, qui s’appliquait à tout le personnel.

[83] L’appelant a également présenté une décision concernant un congédiement injustifiéNote de bas page 50. Cette décision porte sur une modification unilatérale d’un contrat. L’appelant affirme que l’employeur n’a pas le droit d’imposer unilatéralement une condition importante au contrat de travail.

[84] Il ne m’appartient pas de décider si l’appelant a été congédié injustement. L’appelant pourrait disposer d’autres moyens de faire valoir ses allégations de congédiement injustifié. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal compétent. C’est ce qu’a indiqué en des termes clairs la Cour fédérale dans la décision CecchettoNote de bas page 51.

Éléments de l’inconduite?

[85] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[86] Il n’est pas contesté que l’employeur avait une politique de vaccination. L’appelant était au courant de la politique de vaccination. Je conclus que l’appelant a choisi lui‑même de ne pas divulguer son statut vaccinal ou de ne pas se faire vacciner. Il s’ensuit que son choix de ne pas se faire vacciner (ou de ne pas divulguer son statut) était conscient, délibéré et intentionnel.

[87] L’appelant ne jouissait d’aucune mesure d’adaptation ou exemption à la politique. Son employeur a précisé en des termes clairs que l’employé non vacciné qui ne jouissait d’aucune exemption serait mis en congé sans solde et ensuite licenciéNote de bas page 52.

[88] La politique de l’employeur exige que tous les employés divulguent leur statut vaccinal et que soit ils aient une exemption, soit ils se fassent vacciner. L’appelant n’a pas divulgué son statut vaccinal, ne s’est pas fait vacciner et n’avait pas d’exemption. Il n’a donc pas respecté la politique de son employeur. Pour cette raison, il ne pouvait pas se rendre au travail pour s’acquitter de ses obligations envers son employeurNote de bas page 53. Il s’agit d’une inconduite.

[89] L’appelant a admis qu’il savait qu’en ne divulguant pas son statut vaccinal ou en ne se faisant pas vacciner (ou en n’ayant pas d’exemption), il serait mis en congé sans solde au 26 octobre 2021. Il a également admis qu’il savait que s’il continuait de ne pas se conformer à la politique, il serait congédié. Il a été congédié le 16 novembre 2021. Il savait donc qu’il était réellement possible qu’il soit mis en congé sans solde et ensuite congédié.

[90] L’inconduite de l’appelant, à savoir l’omission de divulguer son statut vaccinal, de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption, a mené à son congédiement.

[91] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant connaissait l’existence de la politique de vaccination obligatoire et qu’il ne s’est pas conformé à cette politique ni n’a obtenu d’exemption. L’appelant savait qu’en ne se conformant pas à la politique, il ne serait pas autorisé à se présenter au travail. En conséquence, il ne pourrait pas exercer ses fonctions auprès de son employeur. L’appelant savait également qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.

Prestations d’assurance-emploi

[92] L’appelant affirme que la Commission a pour mandat de permettre à une personne qui perd involontairement son emploi de recevoir des prestationsNote de bas page 54. L’objet de l’assurance‑emploi n’est pas contesté.

[93] L’appelant croit également que, parce qu’il a cotisé à l’assurance‑emploi pendant des années, il devrait avoir droit à des prestations. L’assurance‑emploi est un régime d’assurance et, comme pour d’autres régimes d’assurance, il faut satisfaire à certaines exigences pour toucher des prestations. Le régime d’assurance‑emploi vise à aider les travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi et sont incapables de trouver un autre emploi. Je ne crois pas que cela s’applique dans la présente situationNote de bas page 55.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[94] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci‑dessus, j’estime que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[95] Cela s’explique par le fait que les actes de l’appelant ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner ou de dire s’il l’avait été allait probablement mener à son congédiement.

Conclusion

[96] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[97] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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