Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 866

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : M. V.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 24 mars 2023
(GE-22-3580)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 29 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-390

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel ne sera pas instruit.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 30 mars 2020. La défenderesse (Commission) a approuvé sa demande de prestation d’assurance-emploi d’urgence, laquelle est entrée en vigueur le 29 mars 2020.

[3] Le prestataire a reçu un paiement anticipé de 2 000 $ le 6 avril 2020. Ce paiement correspond à 4 semaines de la prestation d’urgence (4 x 500 $ = 2 000 $). Le prestataire a également reçu 500 $ par semaine pour les demandes qu’il a présentées pendant 10 semaines, du 29 mars 2020 au 6 juin 2020 (10 x 500 $ = 5 000 $). Le prestataire a cessé de présenter des déclarations après être retourné au travail à temps plein le 7 juin 2020.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’a pas touché aux prestations d’urgence assez longtemps, alors il doit rembourser le paiement anticipé parce qu’il représente des semaines de prestations d’urgence auxquelles il n’est pas admissible. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[5] La division générale a conclu que le prestataire avait reçu 7 000 $ de prestations d’urgence alors qu’il n’avait droit qu’à 5 000 $. Elle a conclu que le prestataire devait rembourser le trop-payé de 2 000 $.

[6] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient qu’il était inacceptable que la membre de la division générale entende sa cause puisqu’il lui avait demandé à de nombreuses reprises de se récuser. Il soutient qu’il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi et que la Commission lui en a versé moins que ce à quoi il avait droit. De plus, il estime qu’il était illégal que l’assurance-emploi modifie la loi à son avantage pendant la pandémie de COVID-19.

[7] Je dois décider si la division générale a commis une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[8] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[9] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[11] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[12] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?  

Versement excédentaire de prestations d’urgence

[13] Le prestataire soutient avoir demandé des prestations d’assurance-emploi. Il estime qu’il est injuste qu’il a reçu des prestations d’urgence plutôt que des prestations d’assurance-emploi parce qu’il aurait reçu davantage de prestations. De plus, il estime qu’il était illégal que l’assurance-emploi modifie la loi à son avantage pendant la pandémie de COVID-19.

[14] Devant la division générale, le prestataire n’a pas contesté avoir reçu 10 semaines de prestations d’urgence (5 000 $) et un versement anticipé de prestations d’urgence (2 000 $).

[15] Le prestataire a établi une période de prestations débutant le 29 mars 2020.

[16] Comme l’a déclaré la division générale, la loi précise qu’aucune période de prestations régulières d’assurance-emploi ne peut être établie du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020. La loi ne prévoit pas la possibilité pour le prestataire de refuser la prestation d’urgence et de recevoir des prestations régulières au lieu, ou de choisir de ne pas la recevoir.Note de bas de page 1 Il devait recevoir la prestation d’urgence à raison de 500 $ par semaine.Note de bas de page 2

[17] Comme l’a conclu la division générale, cela signifie que le prestataire est admissible à seulement 10 semaines de prestations d’urgence (entre le 29 mars 2020 et le 6 juin 2020). Il a reçu 10 semaines de versements avant son retour au travail le 7 juin 2020. Le paiement anticipé de 2 000 $ représente 4 semaines de prestations d’urgence en plus des 10 semaines auxquelles le prestataire est admissible.

[18] La loi dit que le prestataire doit rembourser les semaines de prestations d’urgence qu’il a reçues sans y être admissible.Note de bas de page 3

[19] Je tiens à répéter que la loi sur les mesures d’urgence n’accepte pas les divergences et n’accorde aucun pouvoir discrétionnaire au Tribunal quant à son application.Note de bas de page 4

[20] Je comprends que le prestataire estime qu’il est injuste d’avoir reçu des prestations d’urgence plutôt que des prestations d’assurance-emploi. Il n’en demeure pas moins que ni la division générale ni la division d’appel n’ont le pouvoir de déroger aux règles établies par le Parlement concernant l’octroi de prestations.

[21] Ce motif d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Refus de se récuser

[22] Le prestataire soutient qu’il était inacceptable que la membre de la division générale entende sa cause parce qu’il lui a demandé à de nombreuses reprises de se récuser.

[23] Le prestataire a fait appel à la division générale le 24 octobre 2022.Note de bas de page 5 Une première audience en personne était prévue pour le 25 janvier 2023.Note de bas de page 6 Le prestataire a demandé que son audience soit reportée de 9 à 12 mois afin qu’il puisse préparer sa défense contre les allégations de la Commission.Note de bas de page 7

[24] La division générale a décidé de tenir une conférence préparatoire avec le prestataire pour discuter de plusieurs points, y compris une date et une heure d’audience potentielles.Note de bas de page 8

[25] Au cours de la conférence préparatoire, la membre a réitéré son obligation de procéder à l’appel aussi rapidement et équitablement que les circonstances le permettent.Note de bas de page 9 Elle a posé des questions au prestataire pour savoir où en était sa préparation à l’audience à venir. Elle a décidé d’accorder un ajournement et d’organiser une autre conférence préparatoire le 25 janvier 2023 pour faire le suivi des progrès du prestataire.

[26] À la suite de la conférence préparatoire, le prestataire a demandé à la membre de la division générale de se récuser.Note de bas de page 10 Il a soutenu que pendant la conférence préparatoire, la membre a été impolie et conflictuelle et ne l’a pas laissé présenter ses arguments. Il a ajouté que la membre l’avait intimidé et avait fait preuve d’une attitude condescendante à son égard tout au long de la conférence préparatoire.

[27] Le 5 janvier 2023, la membre de la division générale a rendu sa décision écrite, qui rejetait la demande du prestataire de se récuser.

[28] Compte tenu du moyen d’appel que le prestataire a choisi, j’ai procédé à l’écoute de l’enregistrement intégral de la conférence préparatoire qui a eu lieu le 21 décembre 2022.

[29] Je n’ai trouvé aucune preuve montrant que la membre de la division générale a été impolie et conflictuelle envers le prestataire et qu’elle ne lui a pas permis de présenter ses arguments. Je n’ai trouvé aucune preuve montrant que la membre a intimidé le prestataire ou a fait preuve d’une attitude condescendante à son égard pendant la conférence préparatoire.

[30] J’ai remarqué que la membre était patiente et respectueuse envers le prestataire et qu’elle a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait prévu une conférence préparatoire. Elle a informé le prestataire de son obligation envers les deux parties d’agir équitablement. Elle s’est renseignée sur les progrès du prestataire quant à sa préparation pour l’audience avant de fixer une nouvelle date d’audience. La membre a décidé que l’affaire n’exigeait pas une période de 9 à 12 mois pour se préparer. Elle a aussi invité le prestataire à une autre conférence préparatoire pour suivre son progrès avant de fixer une date officielle d’audience. Après qu’il lui a demandé de se récuser, elle l’a informé calmement de la procédure à suivre s’il voulait présenter une demande de récusation.

[31] Le fait qu’à un moment donné, la membre estimait qu’il y avait une contradiction quant aux raisons pour lesquelles le prestataire demandait un délai aussi important ne constitue pas une preuve de partialité. Le prestataire a eu l’occasion de clarifier ses commentaires.

[32] Il semble ressortir de l’enregistrement que le prestataire n’était vraiment pas d’accord que la membre de la division générale ne lui accorde pas un ajournement de 9 à 12 mois pour préparer sa cause. En soi, cela ne constitue pas un motif d’exclusion.

[33] Je comprends que le prestataire est insatisfait de la décision de la Commission de recouvrer les trop-payés auprès des prestataires qui ont correctement présenté leur demande prestations d’assurance-emploi. Toutefois, le prestataire a bénéficié d’un délai de quatre mois (de novembre à février) pour préparer sa cause avant l’audience qui a eu lieu le 8 mars 2023. Ce délai est plus que suffisant et raisonnable compte tenu du degré de difficulté de son cas.

[34] Je dois répéter qu’une allégation de partialité est une allégation grave. Elle remet en question l’intégrité du Tribunal et de ses membres. On ne peut pas la faire à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressions d’une partie prestataire.

[35] Je ne vois aucune erreur révisable dans la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’a pas démontré que les paroles ou les actes de la membre auraient amené une personne raisonnable, informée des circonstances, à convenir qu’elle ne trancherait pas la question dont elle était saisie de façon équitable, que ce soit consciemment ou inconsciemment.

[36] Ce motif d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[38] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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