Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 939

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : J. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 24 mars 2023
(GE-22-3660 et GE-22-3661)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 19 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-378
AD-23-379

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, J. K., travaillait comme technicien pour une entreprise nationale de télécommunications. Le 14 avril 2022, l’entreprise a suspendu le prestataire après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite. Elle a également décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi. Elle était également d’accord avec la Commission pour dire que le prestataire ne s’était pas rendu disponible pour travailler après sa suspension.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a eu tort de conclure qu’il n’était pas disponible pour travailler, car il attendait simplement d’être rappelé par son employeur.

Question en litige

[5]   Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. L’appelant doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois décider s’il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire (i) a perdu son emploi en raison d’une inconduite et (ii) ne s’est pas rendu disponible pour travailler.

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

Il est impossible de soutenir que la division générale a fait une erreur en concluant que le prestataire avait commis une inconduite

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une employée ou un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[10] Devant la division générale, le prestataire a soutenu qu’il n’avait pas commis d’inconduite parce qu’il n’avait rien fait de mal. Il a laissé entendre qu’en le forçant à se faire vacciner sous la menace d’un congédiement, son employeur avait porté atteinte à ses droits.

[11] Je peux comprendre la frustration du prestataire, mais je ne vois pas comment la division générale a mal interprété la loi pertinente.

[12] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 4.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] Le prestataire a fait valoir que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait ses droits, mais ce n’est pas la question dans la présente affaire. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur avait une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je peux trancher les questions au titre de la Loi sur l’assurance-emploi seulement. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Et ce n’est pas à moi de décider si son employeur l’a suspendu à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour lui (lui offrir des mesures d’adaptation). Je peux seulement examiner une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[15] Comme la loi l’a forcée à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de son employeur contredisait le contrat de travail du prestataire ou violait ses droits.

Une affaire récente valide l’interprétation de la division générale de l’inconduite

[16] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 6. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

Malgré les arguments du demandeur, rien ne permet d’infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 7.

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré que le système juridique prévoyait d’autres moyens par lesquels M. Cecchetto aurait pu faire valoir ses prétentions en matière de congédiement injustifié ou de droits fondamentaux.

[18] C’est également vrai dans la présente affaire. Les seules questions qui étaient importantes étaient de savoir si le prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, si oui, si cette infraction était délibérée et susceptible d’entraîner vraisemblablement sa suspension ou son congédiement. Dans l’affaire qui nous concerne, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

La division générale a examiné tous les facteurs pertinents qui ont mené à la suspension du prestataire

[19] Devant la division générale, le prestataire a déclaré qu’il avait refusé de se faire vacciner parce qu’il avait peur des aiguilles et parce qu’il croyait déjà bénéficier de l’immunité contre la COVID-19. Il a ajouté qu’à la fin d’un congé de maladie, il ne pensait pas qu’il serait nécessaire de se faire vacciner, parce que le gouvernement fédéral abandonnait déjà ses mandats et qu’il s’attendait à ce que son employeur fasse de même.

[20] La division générale a accordé peu d’importance à ces explications. Étant donné le droit relatif à l’inconduite, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en agissant ainsi.

[21] La division générale a fondé sa décision sur les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les membres du personnel fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés dans un délai précis.
  • Le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que le non-respect de la politique dans le délai prévu entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans le délai prévu.

[22] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage du prestataire. La division générale a conclu que le prestataire avait commis une inconduite parce que son refus de suivre la politique de son employeur était délibéré et qu’il a vraisemblablement entraîné sa suspension. Le prestataire croyait peut-être que le refus de se conformer à la politique ne causerait pas de tort à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire ne s’était pas rendu disponible pour travailler

La division générale a bien résumé la loi sur la disponibilité

[23] Aux termes de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire n’a pas droit aux prestations à moins d’être capable de travailler et disponible à cette fin. La Cour d’appel fédérale affirme que cela exige que les décideurs examinent si la partie prestataire :

  • voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible;
  • a tenté de le faire en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • a établi des conditions déraisonnables qui limitaient ses chances de trouver un emploiNote de bas de page 8.

[24] Je suis convaincu que la division générale a bien résumé la loi sur la disponibilité.

La division générale n’a pas ignoré ou déformé la preuve concernant la tentative du prestataire de trouver un autre emploi (ou son absence)

[25] La division générale a examiné les observations écrites et orales du prestataire et, après avoir appliqué la loi à la preuve disponible, a tiré les conclusions suivantes :

  • Le prestataire attendait de retourner à son ancien emploi. Il s’attendait à ce que son employeur renonce à ses mandats puisque le gouvernement fédéral le faisait.
  • Le prestataire croyait qu’il était toujours lié par son employeur. Il a dit que selon son code de déontologie, il ne pouvait pas travailler pour une autre entreprise.
  • Le prestataire a établi des conditions personnelles déraisonnables. Il avait peur de perdre son indemnité de départ s’il quittait son employeur pour un autre emploi.

[26] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire était capable de travailler, mais non disponible à cette fin.

Une partie prestataire ne peut pas obtenir gain de cause en défendant de nouveau sa cause

[27] L’argument que le prestataire a présenté à la division d’appel est le même que celui qu’il a présenté à la division générale. Le prestataire insiste sur le fait qu’il était disponible pour travailler.

[28] Cependant, la division générale a entendu cet argument et, après avoir appliqué la loi à la preuve, a décidé qu’il n’était pas fondé.

[29] Pour obtenir gain de cause à la division d’appel, une partie prestataire doit faire plus que simplement être en désaccord avec la division générale. Elle doit aussi relever les erreurs précises que la division générale a commises en rendant sa décision et expliquer comment ces erreurs, s’il y en a, s’inscrivent dans au moins un des quatre moyens d’appel prévus par la loi. Une audience à la division d’appel n’est pas censée être une « reprise » de l’audience à la division générale.

[30] Dans son rôle de juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve dont elle disposeNote de bas de page 9. Dans la présente affaire, la division générale a examiné ce que le prestataire a fait après avoir perdu son emploi et a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler. En l’absence d’erreur de droit ou de fait importante, je ne vois aucune raison de remettre en question cette conclusionNote de bas de page 10.

Conclusion

[31] Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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