Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 952

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : J. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 20 mars 2023 (GE-22-3317)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 21 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-385

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, J. B., travaillait pour Bell Canada à titre de représentante du service à la clientèle. Le 31 janvier 2022, Bell a placé la prestataire en congé sans solde après qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur, et qu’elle savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle prétend que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.
  • Elle a ignoré le fait que son contrat de travail ne disait rien au sujet de la nécessité de la forcer à suivre un traitement médical.
  • Elle n’a pas tenu compte de la preuve montrant que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait le droit reconnu en common law de décider de ce qui arrive à son corps.
  • Elle a ignoré la preuve montrant que son employeur avait rejeté sa demande d’exemption religieuse sans raison valable.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. L’appelante doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas page 3. Si la prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une employée ou un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste à la prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[10] La prestataire soutient qu’elle n’est pas coupable d’inconduite parce qu’elle n’a rien fait de mal. Elle soutient qu’en la forçant à se faire vacciner sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle affirme que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin développé de façon contraire à l’éthique.

[11] Je peux comprendre la frustration de la prestataire, mais, selon la loi telle qu’elle est, je ne vois pas le bien-fondé de ses arguments.

[12] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 4.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

La prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a porté atteinte à ses droits, mais ce n’est pas la question en litige ici. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employée ou l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelante (lui offrir des mesures d’adaptation). Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 5.

[14] Comme la loi l’a forcée à se concentrer sur des questions étroites, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de Bell contredisait le contrat de travail de la prestataire ou violait ses droits. La division générale n’avait pas non plus le pouvoir de décider si Bell aurait dû prendre des mesures d’adaptation pour la prestataire ou si le processus de demande d’exemption comportait des lacunes.

Une affaire récente valide l’interprétation de la loi par la division générale

[15] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 6. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait ni du mandat ni de la compétence de la division d’appel, ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 7.

[16] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré que le système juridique prévoyait d’autres moyens par lesquels M. Cecchetto aurait pu faire valoir ses prétentions en matière de congédiement injustifié ou de droits fondamentaux.

[17] C’est également vrai dans la présente affaire. Les seules questions qui étaient importantes étaient de savoir si la prestataire avait enfreint la politique de vaccination de son employeur et, si oui, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner vraisemblablement sa suspension ou son congédiement. Dans l’affaire qui nous concerne, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[18] À la division générale, la prestataire a déposé une lettre de son église décrivant ses objections fondées sur la foi au développement du vaccin. Elle a soutenu que Bell aurait dû lui accorder une exemption de l’obligation de se faire vacciner pour des motifs religieux. Elle soutient maintenant que la division générale a ignoré la preuve montrant que Bell a agi injustement en rejetant systématiquement toutes les demandes d’exemption religieuse.

[19] D’après ce que je peux voir, la division générale n’a pas ignoré les observations de la prestataire sur ces points. Elle ne pensait tout simplement pas qu’elles étaient convaincantes ou, compte tenu de l’état de la loi, pertinentes.

[20] La division générale a fondé sa décision sur les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les membres du personnel fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés dans un délai précis.
  • La prestataire savait, ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique dans le délai prévu entraînerait une perte d’emploi.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner avant la date limite.

[21] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire avait commis une inconduite parce que son refus de suivre la politique de son employeur était délibéré et qu’il était prévisible qu’il ait entraîné son congédiement. La prestataire croyait peut-être que le refus de se conformer à la politique ne ferait pas de tort à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à elle d’en décider.

[22] La prestataire affirme que la division générale a ignoré ses objections religieuses profondes à la vaccination, ainsi que la preuve qu’elle remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption au titre de la politique de vaccination de son employeur.

[23] Toutefois, la division générale n’a pas ignoré la tentative de la prestataire d’obtenir une exemption pour des motifs religieux. Dans sa décision, la division générale a écrit :

À la lumière de ces éléments de preuve, je ne suis pas convaincu que l’employeur de l’appelante n’a approuvé aucune demande d’exemption. L’appelante pouvait seulement dire qu’elle pensait que c’est ce qui s’était produit à cause de ce que d’autres membres de son groupe WhatsApp avaient dit. Mais elle ne pouvait pas dire avec certitude que c’est ce qui s’était vraiment produit pour tous les membres du personnel. De plus, elle ne pouvait pas fournir d’autres éléments de preuve que ce qu’elle avait dit. Par conséquent, je n’accorde pas beaucoup d’importance à cet argument.

De plus, je reconnais que l’appelante estime que sa demande d’exemption religieuse aurait dû être approuvée et qu’elle n’aurait pas dû avoir à se faire vacciner parce qu’elle travaillait à temps plein à la maison.

Cependant, je juge que ces arguments ne sont pas non plus pertinents dans la présente affaire. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Loi sur l’assurance-emploi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante, et non sur celles de l’employeur, lors de l’analyse de l’inconduiteNote de bas page 8.

[24] La division générale n’a pas été autorisée à examiner ce que son employeur a fait ou omis de faire. La division générale devait plutôt se concentrer sur le comportement de la prestataire et vérifier s’il s’agissait d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence connexe.

Conclusion

[25] Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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