Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 953

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (513239) datée du 6 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience  : Le 8 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 20 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3317

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspensionNote de bas page 1). Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. Son employeur a déclaré qu’elle avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] L’appelante convient qu’elle a été suspendue pour cette raison. Cependant, elle affirme que son employeur l’a traitée injustement et qu’il ne lui a pas accordé d’exemption religieuse de sa politique.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[8] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[9] L’appelante et la Commission s’entendent sur la raison de la suspension de l’appelante. Celle-ci affirme avoir été suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de son employeurNote de bas page 3. L’employeur affirme également qu’elle a été suspendue pour cette raisonNote de bas page 4.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[10] La raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment décider si la suspension de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[12] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 5. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 6. Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas page 7).

[13] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 8.

[14] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 9.

[15] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 11.

[16] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelanteNote de bas page 12 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite parce que l’appelante connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur et ce qui pouvait arriver si elle ne la respectait pas, mais elle a quand même choisi de ne pas la suivreNote de bas page 13.

[18] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur l’a traitée injustement et qu’il ne lui a pas accordé une exemption religieuse de sa politiqueNote de bas page 14.

[19] L’employeur de l’appelante a déclaré ce qui suit à la CommissionNote de bas page 15 :

  • Elle a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.
  • Tous les membres du personnel ont été informés de la date limite pour se faire vacciner contre la COVID-19, et du fait que s’ils ne se faisaient pas vacciner dans ce délai, ils pourraient être congédiés.
  • Il n’a pas pu fournir une copie de la politique, car il s’agissait seulement d’un mandat ministériel que les membres du personnel devaient respecter.

[20] L’appelante a dit ce qui suit à la Commission et dans son témoignage :

  • Elle a été mise en congé sans solde pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur (en se faisant vaccinerNote de bas page 16).
  • Elle était au courant de la politiqueNote de bas page 17. Il n’y avait pas de documentation réelle de la politique parce qu’elle ne faisait que suivre le mandat fédéral de vaccination, mais son employeur a envoyé des communications aux membres du personnel à ce sujet.
  • Elle a demandé une exemption religieuse de la politique, mais son employeur a refuséNote de bas page 18.
  • Elle ne s’est pas fait vacciner après que son employeur a rejeté sa demande d’exemption religieuseNote de bas page 19.
  • Son employeur aurait dû approuver sa demande d’exemption religieuse.
  • Son employeur n’a approuvé aucune demande d’exemptionNote de bas page 20. Elle fait partie d’un groupe de membres du personnel sur WhatsApp et elle ne connaît personne dans le groupe dont la demande d’exemption a été approuvée.
  • Son employeur lui a dit qu’elle pouvait être suspendue (mise en congé sans solde) si elle ne respectait pas sa politique. Elle a reçu un courriel lui disant qu’elle devait être vaccinée au plus tard à une certaine date ou qu’elle pouvait être congédiéeNote de bas page 21. Elle a aussi reçu d’autres avertissements, mais elle ne se rappelait pas combienNote de bas page 22.
  • Cependant, elle ne pensait pas qu’elle serait suspendue parce que son contrat de travail initial et le code de conduite commercial de son employeur ne l’obligeaient pas à se faire vaccinerNote de bas page 23.
  • Elle n’aurait pas dû avoir à se faire vacciner parce qu’elle travaillait de la maison à temps pleinNote de bas page 24.
  • Certains de ses collègues dans la même situation ont vu leurs demandes d’assurance-emploi approuvées, alors la sienne devrait l’être aussiNote de bas page 25.
  • Elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années et mérite de l’obtenir lorsqu’elle en a besoin. Elle a également eu des difficultés financières parce que la Commission a rejeté sa demande d’assurance-emploiNote de bas page 26.

[21] La témoin de l’appelante a également déclaré ce qui suit :

  • Elle et l’appelante ont été mises en congé sans solde le jour même, mais sa demande d’assurance-emploi a finalement été approuvée.
  • La prise de décision de la Commission sur les demandes d’assurance-emploi n’est pas cohérente et se résume à qui vous en parlez.

[22] Je compatis avec l’appelante, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite pour les raisons suivantes.

[23] Je conclus que l’appelante a posé les gestes qui ont mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, et elle savait ce qu’elle devait faire pour la suivre.

[24] J’estime également que les gestes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas suivre la politique de son employeur.

[25] Il y a des éléments de preuve montrant que l’appelante connaissait la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant et qu’elle avait reçu des communications à ce sujet, comme je l’ai mentionné plus haut. Elle a aussi dit qu’elle avait demandé une exemption religieuse, ce qui montre qu’elle connaissait la politique et ses exigences.

[26] Il y a aussi des éléments de preuve montrant que l’appelante a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle ne s’était pas fait vacciner après que son employeur a refusé sa demande d’exemption religieuse, comme je l’ai mentionné plus haut.

[27] Je reconnais que l’appelante ne croit pas que la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi est correcte parce que certains de ses collègues dans la même situation ont reçu l’approbation de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Je reconnais également que la témoin de l’appelante a reçu l’approbation de recevoir des prestations d’assurance-emploi même si elle et l’appelante ont été suspendues le même jour, comme elle l’a déclaré.

[28] Malheureusement, je juge que cet argument n’est pas pertinent dans la présente affaire. Je ne suis pas obligé de suivre les décisions de la Commission concernant d’autres demandes d’assurance-emploi et je ne peux pas présumer des renseignements précis sur lesquels la Commission s’est fondée pour rendre ces décisions. La Loi sur l’assurance-emploi et la Cour disent que je peux examiner les actions de l’appelante seulement par rapport à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite, comme je l’ai mentionné plus haut. Si l’appelante veut poursuivre cet argument, elle doit le faire auprès d’une autre instance.

[29] Je reconnais également que l’appelante pense que son employeur n’a approuvé aucune demande d’exemption.

[30] Cependant, je juge que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer que c’est ce qui s’est produit.

[31] J’ai demandé à l’appelante pourquoi, selon elle, son employeur n’avait approuvé aucune demande d’exemption et elle a répondu qu’elle pensait que personne de son groupe WhatsApp n’avait pu obtenir une exemption. Je lui ai demandé si elle avait d’autres éléments de preuve pour montrer que son employeur n’avait approuvé aucune demande d’exemption, mais elle a répondu que non.

[32] À la lumière de ces éléments de preuve, je ne suis pas convaincu que l’employeur de l’appelante n’a approuvé aucune demande d’exemption. L’appelante pouvait seulement dire qu’elle pensait que c’est ce qui s’était produit à cause de ce que d’autres membres de son groupe WhatsApp avaient dit. Mais elle ne pouvait pas dire avec certitude que c’est ce qui s’était vraiment produit pour tous les membres du personnel. De plus, elle ne pouvait pas fournir d’autres éléments de preuve que ce qu’elle avait dit. Par conséquent, je n’accorde pas beaucoup d’importance à cet argument.

[33] De plus, je reconnais que l’appelante estime que sa demande d’exemption religieuse aurait dû être approuvée et qu’elle n’aurait pas dû avoir à se faire vacciner parce qu’elle travaillait à temps plein à la maison.

[34] Cependant, je juge que ces arguments ne sont pas non plus pertinents dans la présente affaire. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Loi sur l’assurance-emploi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante, et non sur celles de l’employeur, lors de l’analyse de l’inconduite.

[35] Autrement dit, je ne peux pas vérifier si l’employeur de l’appelante a agi équitablement en choisissant de refuser sa demande d’exemption religieuse et en lui demandant de se faire vacciner même si elle travaillait à temps plein à la maison. Si l’appelante veut poursuivre cet argument, elle doit le faire auprès d’une autre instance.

[36] Par conséquent, même si je reconnais les préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, je juge que la preuve montre qu’elle a pris la décision consciente de ne pas la suivre. Elle ne s’est pas fait vacciner après que son employeur a rejeté sa demande d’exemption religieuse, ce qui démontre que ses gestes étaient intentionnels.

[37] Je juge également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que si elle ne respectait pas la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, elle pourrait être suspendue.

[38] Il y a des éléments de preuve montrant que l’appelante savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle le savait parce que son employeur l’avait avertie à plusieurs reprises qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler si elle ne se faisait pas vacciner, comme je l’ai mentionné plus haut.

[39] Je reconnais que l’appelante pensait qu’elle ne serait pas suspendue parce que son contrat de travail initial et le code de conduite de son employeur ne l’obligeaient pas à se faire vacciner.

[40] Cependant, je juge que cet argument n’est pas pertinent. Le contrat de travail initial de l’appelante et le code de conduite de l’employeur ne sont pas des éléments que je peux examiner ici. En effet, je dois me concentrer sur les actions de l’appelante qui ont mené à sa suspension, comme je l’ai mentionné plus haut.

[41] De plus, j’estime que même si l’appelante pensait qu’elle ne serait pas suspendue pour les raisons qu’elle a mentionnées, cela ne veut pas dire qu’elle ne pouvait pas savoir qu’elle pouvait être suspendue. Elle a dit que son employeur l’avait avertie par écrit que cela pourrait se produire, comme je l’ai mentionné plus haut.

[42] Autrement dit, j’estime qu’il était tout à fait possible pour l’appelante de croire les deux choses en même temps (qu’elle allait pouvoir conserver son emploi, mais qu’elle pouvait aussi être suspendue), d’autant plus qu’elle a confirmé qu’elle connaissait la politique de son employeur et ce qui se passerait si elle ne la respectait pas.

[43] Par conséquent, même si je reconnais que l’appelante ne pensait pas qu’elle serait suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur, je juge que la preuve montre qu’elle savait qu’elle pouvait être suspendue pour cette raison.

[44] Ainsi, je conclus que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi puisqu’elle a posé les gestes qui ont mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur), que ses gestes étaient intentionnels, et qu’elle savait ou aurait dû savoir que ses gestes mèneraient à sa suspension.

L’appelante a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[45] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[46] En effet, les actions de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait ou aurait dû savoir que le refus de se faire vacciner après que son employeur a rejeté sa demande d’exemption religieuse entraînerait probablement sa suspension.

[47] L’appelante affirme que sa suspension lui a causé un préjudice financier et qu’elle est admissible à l’assurance-emploi parce qu’elle y a cotisé pendant de nombreuses années.

[48] Je comprends l’argument de l’appelante et je suis sensible à sa situation financière. Malheureusement, l’assurance-emploi n’est pas une prestation automatique. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour recevoir des prestations. Dans la présente affaire, je conclus que l’appelante n’a pas satisfait à ces exigences pour les raisons mentionnées ci-dessus.

Conclusion

[49] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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