Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 962

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (465135) datée du
25 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 avril 2023
Numéro de dossier : GE-23-108

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. L’employeur de l’appelante affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle a contrevenu à la politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Quoique l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas de l’inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

La division d’appel a renvoyé l’appel à la division générale

[6] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de l’appelante. Celle-ci avait porté en appel la décision de révision de la Commission. L’appelante a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. La division d’appel a conclu que la division générale aurait dû examiner les éléments de preuve contradictoires. Pour cette raison, elle a renvoyé l’appel à la division générale pour un réexamen.

Question en litige

[7] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Selon la loi, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique dans les cas de congédiement et de suspension.Note de bas de page 2

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[10] Je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a contrevenu à la politique de vaccination de son employeur.

[11] L’appelante affirme avoir perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner. 

[12] La Commission affirme que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur en matière de vaccination.

[13] L’appelante ne conteste pas la raison du congédiement de son employeur. Elle a expliqué pourquoi elle avait décidé de ne pas se faire vacciner. Cependant, je conclus que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a contrevenu à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. 

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur lassurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) nous montre comment déterminer si le congédiement de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 5

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 6

[18] La loi n’indique pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeur.Note de bas de page 7  Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 8

[19] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 9

[20] Je ne peux trancher que les questions prévues par la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options en vertu d’autres lois. Et ce n’est pas à moi de décider si son employeur l’a congédiée à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour elle.Note de bas de page 10 Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[21] Dans une affaire appelée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tort.Note de bas de page 11  Il a perdu son emploi en raison de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait des drogues. De plus, il aurait dû être couvert par les résultats de son dernier test de dépistage.

[22] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, selon la jurisprudence de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question n’était pas de savoir si le congédiement d’un employé était ou non injustifié, mais plutôt de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constituait une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 12

[23] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que, lorsqu’on interprète et applique la Loi, l’accent est clairement mis sur le comportement de l’employé, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les employés qui ont été congédiés à tort ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions sanctionnent le comportement de l’employeur, plutôt que de faire payer les actions de l’employeur par les contribuables.Note de bas de page 13

[24] Dans une affaire plus récente appelée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage.Note de bas de page 14 Il a fait valoir qu’il a été congédié à tort, puisque les résultats des tests ont démontré qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 15

[25] De même, dans l’arrêt Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de sa dépendance à l’alcool.Note de bas de page 16 Il a fait valoir que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une invalidité. La CAF a répété que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait; il n’est pas pertinent que l’employeur ne lui a pas fourni de mesures d’adaptation.Note de bas de page 17

[26] Ces affaires ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19; toutefois, les principes établis dans ces affaires demeurent pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement et les politiques de l’employeur et de décider s’il était correct de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[27] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu inconduite. Elle affirme que lorsqu’elle a été embauchée, son employeur ne l’a pas obligée à se faire vacciner. Elle dit aussi qu’elle a le droit de décider ce qu’elle veut mettre dans son corps. 

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle affirme que l’appelante savait quelles seraient les conséquences si elle ne se faisait pas vacciner.

[29] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelante savait qu’elle perdrait son emploi si elle ne se faisait pas vacciner. 

[30] L’appelante travaillait comme technicienne en laser dans un bureau médical. Son employeur l’a congédiée le 22 décembre 2021 parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19.

[31] L’appelante a fait parvenir à la Commission un courriel que son employeur lui a envoyé le 26 septembre 2021 au sujet de la vaccination contre la COVID-19. L’employeur a fait référence à l’obligation de vaccination provinciale touchant tous les médecins, le personnel et les employés contractuels. L’employeur a demandé à tous ses employés de recevoir la première dose du vaccin au plus tard à la fin d’octobre 2021 et de recevoir la deuxième dose dans les quatre à six semaines suivantes. Ce courriel ne disait rien de ce qui se passerait si les employés ne se faisaient pas vacciner.

[32] L’appelante a fait suivre à la Commission un autre courriel que son employeur lui a envoyé le 26 octobre 2021. L’employeur lui a accordé une prolongation; elle avait jusqu’au 30 novembre 2021 pour recevoir les deux doses du vaccin. L’employeur a dit que cela était conforme à la prolongation accordée par l’autorité provinciale en matière de santé. Le courriel indique que si l’appelante ne respectait pas le délai, l’employeur serait obligé d’envisager toutes les options pour répondre aux besoins des patients.

[33] D’après les courriels que l’appelante a envoyés à la Commission, je constate que son employeur l’a obligée à se faire vacciner contre la COVID-19. Je conclus que l’employeur respectait l’obligation de vaccination mise en place par l’autorité provinciale en matière de santé. Je conclus donc que les détails dans les courriels reflètent la politique de l’employeur selon laquelle ses employés devaient être vaccinés contre la COVID-19.

[34] La Commission a demandé à l’appelante si son employeur ou la politique de l’employeur lui a expliqué que quiconque contrevenait à la politique de vaccination perdrait son emploi. Selon les notes de la Commission, l’appelante a dit oui. 

[35] Après avoir demandé à la Commission de réviser sa décision initiale, l’appelante a de nouveau parlé à la Commission. Les notes de la Commission reflètent le fait que l’appelante a dit comprendre qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne se faisait pas vacciner.

[36] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas vraiment discuté avec son employeur des deux courriels qu’elle a transmis à la Commission. Elle a dit qu’elle pensait que le deuxième courriel aurait mentionné les conséquences découlant du refus de se faire vacciner.  

[37] L’appelante a déclaré que le deuxième courriel de son employeur disait qu’il y aurait des conséquences, mais ne précisait pas de quoi il s’agissait. Elle a dit qu’elle n’a jamais imaginé perdre son emploi pour cette raison-là. 

[38] Je juge que l’appelante ne savait pas ou n’aurait pas pu savoir, d’après les courriels de l’employeur, ce qui se passerait si elle ne recevait pas les deux doses du vaccin. J’estime que le deuxième courriel est vague. Il aurait pu être question d’options non disciplinaires ou disciplinaires. L’appelante n’aurait pas pu connaître les options en lisant le courriel.

[39] Malgré le manque de clarté des courriels quant aux conséquences, l’appelante a déclaré que son employeur lui avait dit en novembre 2021 qu’elle serait congédiée parce qu’elle n’était pas vaccinée. J’estime que cela concorde avec ses déclarations à la Commission selon lesquelles elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne se faisait pas vacciner.

[40] J’accepte le fait que l’appelante a continué à travailler jusqu’au 22 décembre 2021, soit environ trois semaines après la date limite de l’employeur pour se faire vacciner. L’appelante a déclaré que cela démontre que le fait de ne pas être vacciné ne posait pas vraiment de problème. Elle a déclaré que son employeur lui permettait de travailler parce qu’il avait besoin d’elle. Je conclus que l’appelante a eu le temps de se conformer à l’exigence de vaccination pour ne pas perdre son emploi.

[41] L’appelante a dit qu’elle avait peur des effets secondaires du vaccin. Elle croit également que le vaccin semble inefficace puisque ses amis et les membres de sa famille qui ont été vaccinés ont quand même eu la COVID-19. Je comprends les préoccupations de l’appelante. Mais ce n’est pas mon rôle de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le vaccin est sécuritaire et efficace.

[42] L’appelante a déclaré que lorsqu’elle a commencé à travailler pour l’employeur, il n’y avait pas d’exigence de vaccination en place. Elle a dit que c’est son droit de décider de ce qu’elle met dans son corps. 

[43] Je n’ai aucune raison de douter que l’employeur n’avait pas déjà mis en place une exigence de vaccination avant l’embauche de l’appelante. Cependant, j’ai déjà conclu que la politique détaillée par l’employeur dans les courriels qu’il a envoyés à l’appelante changeait cela. Même si l’appelante avait la possibilité de décider de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, je juge que cela allait à l’encontre de la politique de son employeur.

[44] Je conclus que la conduite de l’appelante, soit de s’opposer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, était délibérée. Elle a fait un choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Elle l’a fait en sachant que son employeur la congédierait. Pour ces motifs, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Donc, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[45] À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[46] En effet, la conduite de l’appelante a mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[47] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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