Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 961

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : M. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 avril 2023
(GE-23-108)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 24 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-382

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Décision

[1] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce qu’elle n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La prestataire, M. S., travaillait comme technicienne en laser dans une clinique médicale privée. Le 22 décembre 2021, la clinique a congédié la prestataire après qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce que le refus de respecter la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que le refus de respecter la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle prétend que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a fait référence à la politique de son employeur, mais n’a pas démontré ce qu’elle contenait.
  • Elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.
  • Elle n’a pas tenu compte de la preuve montrant que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait son droit à la sécurité de sa personne aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La prestataire doit démontrer que la division générale a fait au moins l’une des choses suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.Note de bas de page 1

[6] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 2 Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendable.Note de bas de page 3 Si la prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que la prestataire n’a pas de cause défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste à la prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[10] La prestataire soutient qu’elle n’est pas coupable d’inconduite parce qu’elle n’a rien fait de mal. Elle laisse entendre qu’en la forçant à se faire vacciner sous menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Elle soutient que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace.

[11] Je peux comprendre la frustration de la prestataire, toutefois, je ne vois pas le bien-fondé de ses arguments aux termes de la loi.

[12] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux termes de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal).

Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 4

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] La prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a porté atteinte à ses droits de la personne, mais ce n’est pas la question à trancher en l’espèce. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je ne peux trancher que les questions prévues par la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options en vertu d’autres lois. Et ce n’est pas à moi de décider si son employeur l’a congédiée à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour elle. Je ne peux examiner qu’une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 5

[15] Comme la loi l’a forcée à se concentrer sur des questions précises, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider si la politique de vaccination de la clinique allait à l’encontre du contrat de travail de la prestataire ou violait ses droits de la personne ou constitutionnels. La division générale n’avait pas non plus le pouvoir de décider si l’employeur a agi équitablement dans la façon dont il a mis en œuvre sa politique.

Une affaire récente confirme l’interprétation de la loi par la division générale

[16] Une décision récente de la Cour fédérale a confirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte spécifique des obligations de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, Cecchetto portait sur le refus d’un appelant de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.Note de bas de page 6 La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ou de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.Note de bas de page 7

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses allégations de congédiement abusif et ses revendications en matière de droits de la personne dans le cadre du système juridique.

[18] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si la prestataire a enfreint la politique de son employeur sur la vaccination et, dans l’affirmative, si cette violation était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner vraisemblablement sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[19] Devant la division générale, la prestataire a soutenu que son employeur n’avait jamais précisé quelle serait la pénalité pour ceux et celles qui ne se conformaient pas à la politique. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais imaginé perdre son emploi pour cette raison-là.

[20] Étant donné le droit applicable en matière d’inconduite, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en évaluant la preuve.

La division générale a examiné tous les facteurs pertinents

[21] D’après ce que je peux voir, la division générale n’a pas ignoré et n’a pas mal compris le témoignage de la prestataire. La prestataire aurait simplement voulu que la division générale accorde plus d’importance à son témoignage. La division générale a plutôt décidé que d’autres éléments de preuve étaient plus crédibles.

[22] La division générale a fondé sa décision sur les conclusions suivantes :

  • L’employeur de la prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a mis en place et communiqué une politique exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés dans un délai précis.
  • La prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans le délai prévu.
  • La prestataire savait, ou aurait dû savoir, qu’elle pourrait perdre son emploi si elle refusait de respecter la politique dans les délais prescrits.

[23] Ces conclusions semblent bien refléter les documents au dossier, ainsi que le témoignage de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire avait commis une inconduite parce que sa conduite était délibérée et qu’elle a mené de façon prévisible à son congédiement.

La division générale a le droit de soupeser tous les éléments de preuve disponibles

[24] La prestataire reproche à la division générale d’avoir conclu qu’elle a enfreint la politique de son employeur sans jamais avoir lu les détails de la politique.

[25] Il est vrai que le dossier ne contenait pas de document officiel intitulé [traduction] « politique de vaccination ». Toutefois, la division générale disposait de nombreux éléments de preuve montrant i) qu’une telle politique existait, et ii) que la politique prévoyait une date limite avant laquelle les employés devaient être entièrement vaccinés, sinon ils risquaient d’encourir certaines pénalités. Dans sa décision, la division générale a souligné les faits suivants :

  • Le 26 septembre 2021, la clinique a envoyé un courriel à la prestataire pour lui demander de recevoir sa première dose du vaccin avant la fin d’octobre 2021 et de recevoir sa deuxième dose du vaccin dans les quatre à six semaines suivant la première dose. Le courriel ne comprenant aucun détail sur ce qui se passerait si un employé ne se faisait pas vacciner.Note de bas de page 8
  • Le 26 octobre 2021, la clinique a envoyé un autre courriel à la prestataire pour lui rappeler son obligation de se faire vacciner. Le courriel prolongeait la date limite pour se faire vacciner au 30 novembre 2021. Il comprenait aussi un avertissement qui indiquait que si un employé ou une employée ne respectait pas l’obligation de vaccination, la clinique [traduction] « envisagerait toutes les options pour répondre au mieux aux besoins des patients en toute sécurité à long terme ».Note de bas de page 9
  • Les notes téléphoniques de la Commission montrent que la prestataire a dit à plusieurs reprises qu’elle savait que le refus de respecter la politique de vaccination de son employeur pourrait entraîner la perte de son emploi.Note de bas de page 10
  • La prestataire a déclaré que son employeur lui a dit en novembre 2021 qu’elle serait congédiée de son emploi parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner.

[26] Dans son rôle de juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude quant à la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve dont elle dispose.Note de bas de page 11 Dans la présente affaire, après avoir examiné les courriels, les notes et le témoignage, la division générale a conclu que la prestataire connaissait la politique de son employeur et comprenait qu’il y avait de bonnes chances qu’elle soit congédiée si elle ne s’y conformait pas dans un certain délai. En l’absence d’erreur de fait importante, je ne vois aucune raison de remettre en question cette conclusion.Note de bas de page 12

Conclusion

[27] Étant donné les motifs mentionnés ci-dessus, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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