Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1118

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (431303) datée du 18 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 août 2023
Numéro de dossier : GE-22-1252

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante a reçu 49 semaines de prestations régulières et spéciales combinées d’assurance-emploi jusqu’au 18 décembre 2021, date à laquelle l’intimée (la Commission) a établi que sa période de prestations avait expiré.

[3] En appel devant le Tribunal, l’appelante a prouvé qu’elle avait droit à une prolongation de sa période de prestations. Le Tribunal a donc prolongé sa période jusqu’au 15 janvier 2022.

[4] La loi permet à une partie prestataire de toucher un maximum de 50 semaines de prestations régulières et spéciales combinées au cours d’une même période de prestations. Cela signifie que l’appelante a jusqu’au 15 janvier 2022 pour toucher 50 semaines de prestations combinées. Elle n’a reçu que 49 semaines de prestations jusqu’au 18 décembre 2021, alors elle a droit à une (1) semaine supplémentaire de prestations pour sa demande.

[5] La Commission doit verser à l’appelante une semaine supplémentaire de prestations parentales standards pour la semaine du 19 au 25 décembre 2022.

Aperçu

[6] L’appelante a commencé à demander des prestations régulières d’assurance-emploi le 20 décembre 2020. Elle a reçu 21 semaines de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[7] Le 28 juin 2021, l’appelante a renouvelé sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi. Les prestations de maternité et les prestations parentales sont des prestations spéciales de l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[8] L’appelante a demandé 35 semaines de prestations parentales standards, mais la Commission a décidé qu’elle pouvait recevoir des prestations pendant seulement 13 semaines. Elle a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Le Tribunal a décidé qu’elle avait droit à quatre semaines supplémentaires de prestations parentales, mais la Commission n’était pas d’accord et a porté cette décision en appel à la division d’appel du Tribunal.

[10] La division d’appel a décidé que le Tribunal avait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. Cet article de loi prévoit qu’une partie prestataire qui reçoit des prestations régulières d’assurance-emploi à la suite de sa demande ne peut pas recevoir plus de 50 semaines de prestations régulières et spéciales combinées au cours d’une seule période de prestations. La division d’appel a renvoyé l’appel au Tribunal avec des instructions pour examiner les répercussions de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi sur la demande de l’appelante.

[11] L’appel m’a été assigné et j’ai organisé une conférence préparatoire avec l’appelante pour clarifier la question en litige.

[12] Lors de la conférence préparatoire, l’appelante a déclaré qu’elle souhaitait présenter un argument fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés à l’appui de son appelNote de bas de page 4.

[13] Il existe un processus spécial pour présenter un argument fondé sur la Charte au Tribunal. Dans le cadre de ce processus, l’appelante devait déposer un avis de contestation au titre de la Charte énonçant les articles précis de la Loi sur l’assurance-emploi (ou les lois connexes) qui, selon elle, violent ses droits garantis par la Charte et présenter de brèves observations à l’appui de l’argument constitutionnel qu’elle voulait présenter.

[14] Je n’étais pas convaincue que l’avis de contestation de la Charte de l’appelante était suffisant pour soulever une question constitutionnelle devant le Tribunal. Le 4 avril 2023, j’ai rendu une décision interlocutoire rejetant son avis de contestation fondé sur la Charte et renvoyant son appel au processus d’appel régulier.

[15] Le 24 mai 2023, l’appelante a été entendue pour examiner les répercussions de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi sur sa demande, conformément aux directives de la division d’appelNote de bas de page 5.

[16] À l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle avait l’intention de faire appel de la décision interlocutoire rejetant son avis de contestation fondé sur la Charte. J’ai accepté de repousser à plus tard la décision sur les répercussions de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi jusqu’à ce que la division d’appel ait traité son appel de la décision interlocutoire.

[17] Le 24 juillet 2023, la division d’appel a rendu une décision sur la demande de permission de faire appel de la décision interlocutoire de l’appelante rejetant son avis de contestation fondé sur la Charte. Elle a rejeté la demande comme étant prématurée. Elle a dit que le Tribunal devrait rendre sa décision définitive dans l’appel et que, par la suite, l’appelante pourrait présenter une autre demande à la division d’appelNote de bas de page 6.

[18] Par conséquent, je dois maintenant rendre ma décision sur les répercussions de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi sur la demande de l’appelante, comme l’avait d’abord ordonné la division d’appelNote de bas de page 7.

Questions en litige

[19] La division d’appel m’a demandé de tenir compte de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi. Pour ce faire, je dois répondre à deux questions :

  1. a) Quelle est la période pendant laquelle des prestations d’assurance-emploi peuvent être versées à l’appelante dans le cadre de sa demande?
  2. b) Combien de semaines de prestations parentales régulières, de prestations de maternité et de prestations standards l’appelante peut-elle recevoir pendant sa période de prestations?

Analyse

Question en litige no 1 : Quelle est la période de prestations de l’appelante?

[20] Une période de prestations est la période au cours de laquelle des prestations peuvent être verséesNote de bas de page 8.

[21] Cette période dure normalement 52 semaines, mais elle peut être prolongée dans certaines circonstancesNote de bas de page 9.

[22] Dans la présente affaire, le Tribunal a déjà décidé que l’appelante a droit à une prolongation de quatre semaines de sa période de prestationsNote de bas de page 10. La Commission était d’accord et la division d’appel n’a pas modifié cette conclusionNote de bas de page 11.

[23] Cela signifie que les conclusions initiales concernant la durée de la période de prestations de l’appelante demeurent en vigueur : la période de prestations de l’appelante est prolongée de 28 jours de sorte qu’elle s’étend du 20 décembre 2020 (date du début de sa demande) au 15 janvier 2022Note de bas de page 12.

[24] Cette période de 56 semaines est celle où des prestations d’assurance-emploi peuvent lui être versées.

[25] Je dois maintenant décider du nombre de semaines de prestations qu’elle peut recevoir dans ce délai.

Question en litige no 2 : Combien de semaines de prestations combinées l’appelante peut-elle recevoir?

a) Mes conclusions

[26] L’appelante peut recevoir jusqu’à 50 semaines de prestations régulières et de prestations spéciales de l’assurance-emploi dans le cadre de sa demande.

[27] Même si sa période de prestations est prolongée de façon à ce qu’elle dure 56 semaines, la loi ne lui permet pas de recevoir plus de 50 semaines de prestations combinées dans une seule période de prestations.

[28] Les 50 semaines de prestations d’assurance-emploi combinées doivent être versées au cours de sa période de prestations de 56 semaines, soit entre le 20 décembre 2020 et le 15 janvier 2022.

[29] L’appelante a reçu 49 semaines de prestations régulières et spéciales combinées jusqu’au 18 décembre 2021. Par conséquent, elle a droit à une semaine de prestations de plus.

b) La loi

[30] Lorsque des prestations spéciales de l’assurance-emploi, comme les prestations de maternité et les prestations parentales, sont combinées à des prestations régulières d’assurance-emploi au cours de la même période de prestations, le nombre total de semaines de prestations ne peut pas dépasser 50 semainesNote de bas de page 13.

[31] Lorsque l’appelante a commencé à demander des prestations régulières d’assurance-emploi le 20 décembre 2020, il s’agissait d’une nouvelle demande initiale de prestations d’assurance-emploi et du début d’une nouvelle période de prestations de 52 semainesNote de bas de page 14 au cours de laquelle il lui était possible de recevoir une combinaison de prestations régulières et de prestations spéciales d’assurance-emploiNote de bas de page 15 pendant un maximum de 50 semaines.

[32] La prolongation d’une période de prestations ne change pas le nombre maximal de semaines de prestations combinées qu’une partie prestataire peut recevoir. Elle modifie seulement la période pour toucher ces prestations.

[33] Par conséquent, le fait de porter la période de prestations de l’appelante à 56 semaines ne change pas le nombre maximal de semaines de prestations combinées qu’elle peut recevoir dans le cadre de sa demande. L’appelante peut toujours recevoir des prestations régulières et des prestations spéciales pendant un maximum de 50 semaines, mais elle a tout simplement plus de temps pour les recevoir.

c) Historique des paiements

[34] J’ai demandé à la Commission de fournir un historique des prestations versées à l’appelante dans le cadre de sa demandeNote de bas de page 16.

[35] L’historique des paiements montre les éléments suivants :

  1. a) Elle a observé son délai de carenceNote de bas de page 17 la semaine du 20 décembre 2020.
  2. b) Elle a reçu 10 semaines de prestations régulières d’assurance-emploi du 27 décembre 2020 au 6 mars 2021.
  3. c) Elle a travaillé pendant les 2 semaines suivantes, alors aucune prestation ne lui a été versée.
  4. d) Elle a reçu 11 semaines supplémentaires de prestations d’assurance-emploi du 21 mars 2021 au 5 juin 2021.
  5. e) Elle a reçu 15 semaines de prestations de maternité du 6 juin 2021 au 18 septembre 2021.
  6. f) Elle a reçu 13 semaines de prestations parentales standards du 19 septembre 2021 au 18 décembre 2021.

[36] En date du 18 décembre 2021, le total combiné de ces prestations régulières et ces prestations spéciales équivalait à 49 semaines.

[37] La Commission affirme avoir cessé de verser des prestations à l’appelante parce que sa période de prestations a pris fin le 18 décembre 2021Note de bas de page 18.

[38] Toutefois, cela ne tient pas compte de la prolongation de la période de prestations accordée par le Tribunal le 20 décembre 2021Note de bas de page 19 (et que la Commission a acceptée devant la division d’appelNote de bas de page 20).

[39] La prolongation de la période de prestations permet à l’appelante de toucher jusqu’ au 15 janvier 2022 le maximum de 50 semaines d’admissibilité aux prestations régulières et aux prestations spéciales combinées dans le cadre de sa demande. Comme elle n’a reçu que 49 semaines de prestations combinées jusqu’au 18 décembre 2021, elle a le droit de toucher une semaine de plus de prestations dans le cadre de sa demande.

[40] Par conséquent, la Commission doit lui verser une semaine de prestations parentales standards pour la semaine du 19 au 25 décembre 2021.

d) Qu’en est-il des autres semaines de prestations parentales demandées par l’appelante?

[41] Pour recevoir le reste des 35 semaines de prestations parentales que l’appelante souhaite recevoirNote de bas de page 21, elle doit établir une nouvelle période de prestations initiale commençant après l’expiration de sa période de prestations le 15 janvier 2022. Pour ce faire, elle doit remplir les conditions d’admissibilité en place à ce moment-là.

[42] L’appelante aura besoin d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour établir une nouvelle période initiale de prestations parentales. Cependant, comme elle n’a pas travaillé depuis la naissance de son enfant en juin 2021, elle n’a accumulé aucune heure d’emploi assurable qui pourrait servir à établir une nouvelle période de prestations.

[43] L’appelante a témoigné au sujet des difficultés qu’elle éprouve à gérer la maladie de son bébé. Elle a ajouté que le fait que ses prestations parentales prennent fin plus tôt lui a causé un stress supplémentaire considérable ainsi que d’importantes difficultés financières. Elle ne croit pas que l’application de la loi, en particulier de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi, est équitable dans sa situation.

[44] Je suis sensible à la situation de l’appelante et je reconnais sa frustration de ne pas pouvoir recevoir de prestations parentales au-delà de la semaine supplémentaire que j’ai ordonnée (19 au 25 décembre 2021).

[45] Je comprends qu’elle espérait que le Tribunal avait le pouvoir discrétionnaire d’ordonner le versement de semaines supplémentaires de prestations parentales. Toutefois, ni la Loi sur l’assurance-emploi ni son règlement n’accordent de pouvoir discrétionnaire quant à la détermination du nombre de semaines d’admissibilité aux prestations.

[46] Le nombre de semaines de prestations que l’appelante peut recevoir est prescrit par les articles 10 et 12 de la Loi sur l’assurance-emploi et il n’y a pas de place pour examiner quoi que ce soit d’autre que les règles énoncées dans ces articles. La période de prestations de l’appelante a commencé le 20 décembre 2020 et doit se terminer le 15 janvier 2022. Elle a jusqu’au 15 janvier 2022 pour toucher le nombre maximal de 50 semaines pour la combinaison des prestations régulières et de prestations spéciales de l’assurance-emploi versées dans le cadre de sa demande.

[47] Le calcul du nombre de semaines d’admissibilité doit être strictement appliqué et je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de modifier le libellé clair de la loi, peu importe si les circonstances de l’appelante sont difficiles ou convaincantes. Je dois m’inspirer de la déclaration de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Granger c Canada (CAEC), [1989] 1 R.C.S. 141, selon laquelle un décideur est lié par la loi et ne peut refuser de l’appliquer, même pour des motifs d’équité.

[48] Par conséquent, je ne peux pas accorder la réparation demandée par l’appelante. Seul le législateur peut modifier la Loi sur l’assurance-emploi pour offrir une plus grande souplesse aux parents dans sa situation. La Loi sur l’assurance-emploi n’a fait l’objet d’aucune modification qui permettrait à l’appelante de recevoir des prestations parentales supplémentaires dans le cadre de sa demande.

Conclusions

[49] L’appelante peut recevoir des prestations régulières et des prestations spéciales pendant un maximum de 50 semaines au cours de sa période de prestations.

[50] Sa période de prestations prolongée s’étend du 20 décembre 2020 au 15 janvier 2022.

[51] Elle a reçu 49 semaines de prestations régulières et de prestations spéciales combinées de l’assurance-emploi jusqu’au 18 décembre 2021, ce qui signifie qu’elle peut recevoir une semaine de plus de prestations sur sa demande.

[52] La Commission doit verser à l’appelante une semaine supplémentaire de prestations parentales standards pour la semaine du 19 au 25 décembre 2022.

[53] L’appel est accueilli en partie.

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