Assurance-emploi (AE)

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Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1078

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (534569) datée du 24 octobre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 avril 2023
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 4 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3894

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Depuis plusieurs années, l’appelante travaille pour le gouvernement du Canada. Le 1er février 2022, elle est mise en congé pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[4] Le 7 février 2022, l’appelante présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[5] Après enquête, la Commission refuse de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelante, parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. En effet, elle n’a pas respecté la politique de son employeur. Elle a fait un choix personnel.

[6] L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission. Elle a demandé une exemption de l’obligation de se faire vacciner pour des motifs religieux. Elle est croyante et pratiquante catholique. Elle doit agir selon sa conscience. Elle n’est pas liée par la position du Pape concernant la vaccination.

[7] De plus, l’employeur n’a pas agi correctement dans le processus de l’évaluation de sa demande d’exemption.

Question que je dois examiner en premier

[8] Lors de l’audience, l’appelante a cité certains documents à l’appui de ses prétentions. Je lui ai accordé le droit de produire les documents après l’audience. Je l’ai informée que la Commission pouvait faire des représentations à leur sujet et qu’elle avait le droit de répliquer.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi ?

[11] Avant de décider de cette question, je vais déterminer si l’appelante a été mise en congé administratif ou si elle a été suspendue de son emploi.

[12] Je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi. Selon la Loi sur l’assurance-emploi, c’est l’appelante, avec l’accord de son employeur, qui entreprend le congéNote de bas de page 2.

[13] Selon la preuve au dossier, l’appelante n’a pas demandé un congé administratif qui a été autorisé par son employeur. De plus, ce ne sont pas les mots utilisés, par l’employeur, qui déterminent la nature de l’arrêt de travail, mais les faits.

[14] Ainsi, dans les faits, l’employeur accorde à l’appelante jusqu’au 12 novembre 2021 pour respecter la Politique de vaccination. C’est-à-dire qu’elle doit attester de son statut vaccinal. Elle est suspendue deux jours pour ne pas avoir fourni une attestation vaccinale.

[15] Elle est en vacances du 15 novembre 2021 au 2021. À son retour, elle demande une exemption pour des motifs religieux et spirituels.

[16] L’employeur refuse de lui accorder sa demande d’exemption le 17 février 2022. L’appelante a été suspendue de son emploi, parce qu’elle n’a pas respecté la Politique de son employeur.

[17] Je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi pour ne pas avoir respecté la Politique vaccinale de son employeur.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi ?

[18] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupableNote de bas de page 5.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 6.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[21] Je retiens que dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, son employeur, le gouvernement du Canada, met en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19.

[22] La politique s’applique à tous les employés, dont l’appelante. Les employés disposent d’un délai pour être informés de la nature des vaccins. Ils disposent également d’un délai pour se conformer à la politique ou pour fournir une attestation d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses.

[23] L’appelante demande à son employeur d’en être exemptée pour des motifs médicaux et religieux. Elle présente à son employeur des documents à l’appui de sa demande.

[24] Après avoir étudié la demande de l’appelante, l’employeur refuse de l’exempter de sa politique pour une raison médicale et non religieuse religieuse. Pour l’employeur, il s’agit d’un choix personnel. L’appelante est suspendue de son emploi pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination.

[25] Avant de procéder à l’analyse, je vais disposer de certaines questions reliées à la politique de l’employeur.

[26] Je n’ai pas à décider de la légalité de la politique de l’employeur, du refus de transmettre des informations médicales à l’employeur, du refus de recevoir un vaccin, du respect de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans un contrat de travail ou de la convention collective. Également, je n’ai pas à décider si le vaccin est efficace ou quel est son contenu. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas de page 8.

[27] Également, ce n’est pas mon rôle de déterminer si l’employeur a agi correctement. Il existe des recours, comme le dépôt d’un grief, si on est en désaccord avec la façon de faire de l’employeur.

[28] En fait, il s’agit de déterminer si le refus de l’appelante de se soumettre à la politique de son employeur constitue de l’inconduite au sens de la Loi.

[29] L’appelante soutient qu’il avait le droit de refuser de respecter la politique de vaccination de son employeur en raison de ses croyances religieuses.

[30] Je suis d’avis que cette preuve démontre qu’elle est une pratiquante de la religion catholique. Cependant, pour savoir si son interprétation personnelle du message de Dieu et ses convictions nécessitent un accommodement de son employeur, je suis d’avis que cela doit être décidé devant l’instance appropriéeNote de bas de page 9.

[31] Également, je n’ai pas à décider de la légitimité des personnes qui ont statué sur la valeur ou la preuve de ses convictions.

[32] Je tiens à préciser que les principaux chefs religieux, dont le Pape, se sont dit ne pas être en désaccord avec la vaccination. L’appelante ne conteste pas ce fait, mais elle se dit non liée par la position du Pape. Elle est en droit de le faire, mais il s’agit de son choix personnel dans le cadre de son cheminement avec Dieu.

[33] Par ailleurs, l’appelante s’appuie sur les directives de la Commission de l’assurance-emploi pour démontrer qu’elle avait le droit de refuser de se faire vacciner en raison, notamment, de ses croyances religieuses.

[34] Je ne suis pas liée par les directives de la Commission. Je suis liée par le droit qui s’applique aux faits de la présente affaire.

[35] Concernant la décision de la Cour suprême du CanadaNote de bas de page 10 en ce qui a trait à la liberté de religion que l’appelante a citée, je n’ai pas le pouvoir de décider de la constitutionnalité de la politique de vaccination de son employeurNote de bas de page 11.

[36] Concernant les décisions du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 12, je ne suis pas liée par la décision DL, puisqu’il s’agit d’une décision de la division générale. De toute façon, les faits dans cette affaire ne sont pas les mêmes. En effet, l’employeur avait décidé de refuser la demande, avant de recevoir les lettres d’exemptions à des fins religieuses. Ce qui n’est pas le cas de l’appelante.

[37] Concernant la décision NE de la division d’appel, la division d’appel a renvoyé la cause devant la division générale, parce que la cause a été rejetée de façon sommaire. La division d’appel a conclu qu’il y avait une cause défendable en soulevant l’illégalité de la politique de l’employeur.

[38] Cependant, cette décision de la division d’appel n’est plus pertinente. En effet, la Cour fédéraleNote de bas de page 13 a statué qu’il n’appartient pas au Tribunal de la sécurité sociale de déterminer de la légalité ou de la raisonnabilité d’une politique de vaccination de l’employeur.

[39] En effet, je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Ce n’est pas le comportement de l’employeur que je dois analyser, mais le geste de l’appelanteNote de bas de page 14.

[40] Selon la Commission, l’employeur a adopté une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui est entrée en vigueur le 6 octobre 2021. Selon cette politique, tous les employés doivent être entièrement vaccinés, à moins que des mesures d’adaptation ne soient prises en raison d’une contre-indication médicale certifiée, de la religion ou d’un autre motif de distinction illicite prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’appelante doit s’y conformer sinon, il y a inconduite. En choisissant de ne pas se conformer à la politique de son employeur, l’appelante fait preuve d’insubordination. L’inconduite est démontrée.

[41] Toujours, selon la Commission, l’appelante a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. En effet, elle n’a pas démontré que sa religion interdit la vaccination. Elle a fait un cheminement personnel pour en arriver à refuser de suivre la politique de son employeur. Elle savait ou devait savoir qu’il serait suspendu pour ce motif.

[42] Je vais maintenant déterminer si le refus de l’appelante de respecter la politique de vaccination de l’employeur constitue de l’inconduite. Pour y arriver, je dois tenir compte du contexteNote de bas de page 15.

[43] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 16, la Cour a effectivement tenu compte du contexte. Dans cette affaire, la prestataire travaille à titre de réceptionniste pour une Première nation. Elle vit également dans la réserve. L’employeur a adopté une politique visant à interdire la consommation d’alcool au travail et dans la réserve, afin de traiter le problème de consommation d’alcool et de drogue de la population. La prestataire a consommé de l’alcool à son domicile. Elle a été congédiée. En fait, la Première nation avait intérêt à maintenir sa crédibilité et donner l’exemple dans la lutte contre les problèmes de consommation.

[44] La Cour d’appel fédérale a également décidé qu’il importe peu que la politique ne soit pas stipulée dans le contrat de travail, il peut s’agir d’une condition morale, ou matérielle explicite ou impliciteNote de bas de page 17.

[45] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a statué que les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 18.

[46] Dans l’arrêt Nelson, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 19.

[47] Ainsi, le gouvernement du Canada a adopté un ensemble de mesures pour gérer la pandémie de la COVID-19, dont une politique de vaccination qui s’applique à l’appelante

[48] Je retiens que l’appelante a été informée de la Politique de vaccination de son employeur et des conséquences en cas de refus de la respecter, à savoir une suspension ou le congédiement. Elle savait qu’elle serait suspendue en raison de son refus de se conformer à la Politique de vaccination.

[49] Elle a tenté d’obtenir une exemption médicale, mais cela n’a pas fonctionné. En effet, la peur de se faire vacciner n’est pas une raison médicale. Par la suite, elle a tenté une exemption religieuse, mais sa demande a été refusée. À mon avis, elle a créé sa situation de chômageNote de bas de page 20.

[50] J’estime que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploiNote de bas de page 21. Ce qui est le cas de l’appelante.

[51] Je ne suis pas d’accord avec l’appelante, lorsqu’elle soutient qu’elle ne savait pas qu’elle serait suspendue après avoir demandé l’exemption pour un motif religieux. Elle le savait puisqu’elle a présenté sa demande d’exemption. Elle ne pouvait pas présumer d’une réponse favorable de son employeur, puisqu’elle connaissait la position du Pape au sujet de la vaccination.

[52] J’estime que l’appelante a refusé de se soumettre à la Politique de vaccination pour des motifs personnels. En agissant ainsi, elle savait qu’elle serait suspendue. Elle a provoqué sa situation de chômage. Elle a le droit de faire des choix personnels, mais elle ne peut pas les faire assumer par l’ensemble des cotisants au Régime de l’assurance-emploi.

[53] Je suis donc d’avis que la Commission a démontré que l’appelante a été suspendue en raison de son inconduite.

Alors, l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite ?

[54] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[55] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[56] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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