Assurance-emploi (AE)

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Citation : SD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1187

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (553733) datée du 29 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Denis Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 19 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 25 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-4085

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] L’appelante travaillait dans une usine à Edmundston au Nouveau-Brunswick. Le patron a avisé les membres du personnel qu’il y aurait un arrêt de travail de deux semaines. Il leur a demandé de choisir les dates de l’arrêt de travail. Le personnel a choisi les dates du 17 juillet 2022 au 30 juillet 2022.

[3] L’appelante a communiqué avec sa superviseure pour lui demander si elle pouvait avoir trois jours et demi de congé supplémentaires. Elle voulait être capable de visiter son frère qui venait de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle ne l’avait pas vu depuis le début de la pandémie.

[4] Elle n’a jamais eu une réponse claire pour savoir si elle pouvait prendre ces jours de congé ou non. Elle a décidé de prendre les jours sans avoir eu la permission.

[5] À son retour, elle a été informée qu’elle avait quitté son emploi. Elle dit qu’elle n’a pas quitté son emploi, mais qu’elle a été congédiée.

Questions en litige

[6] L’appelante a-t-elle quitté son emploi volontairement ?

[7] Si oui, était-elle fondée à quitter volontairement son emploi ?

[8] Sinon, est-ce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite ?

Analyse

[9] Je conclus que l’appelante n’a pas quitté son emploi volontairement.

[10] Une personne est fondée à quitter son emploi si elle n’a pas d’autre solution raisonnable que de le faire en tenant compte d’une liste de circonstances énumérées. Le critère à appliquer est de savoir si le fait de quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable pour l’appelante lorsqu’elle l’a faitNote de bas page 1.

[11] Le droit explique qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas page 2.

[12] La partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle perd son emploi en raison de son inconduite ou si elle quitte volontairement un emploi sans justification. La loi établit que pour décider si une partie prestataire a volontairement quitté son emploi, la question à se poser est de savoir si la partie prestataire avait le choix de conserver ou de quitter son emploiNote de bas page 3.

L’appelante a-t-elle quitté son emploi volontairement ?

[13] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante a quitté son emploi volontairement.

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi.

[15] La Commission de l’assurance-emploi du Canada dit que l’appelante a quitté volontairement son emploi, car elle a choisi de prendre un congé sans autorisation de son employeur. Selon la Commission, le fait de ne pas s’être présentée au travail pour quatre jours peut être interprété comme un départ volontaire.

[16] L’appelante n’est pas d’accord. Elle explique qu’elle a demandé trois jours et demi de congé. Sa superviseure lui a dit « qu’elle jouait avec sa job ».Note de bas page 4 Son patron ne lui a pas dit oui ou non. Il lui a laissé prendre la décision. Elle a décidé de prendre ces jours de congé sans autorisation.

[17] À l’audience, elle a dit qu’elle s’est présentée au travail après ses jours de congé. Elle est rentrée à la date qu’elle avait dite, c’est-à-dire le 8 août 2022. Elle était prête à travailler. Sa superviseure lui a dit qu’elle ne pouvait pas rentrer travailler parce qu’elle avait quitté son emploi. Par la suite, elle a rencontré le patron. Il a réaffirmé qu’elle avait quitté son emploi parce qu’elle ne s’était pas présentée au travail. Il l’a informée que son relevé d’emploi avait déjà été envoyé. Elle pouvait postuler son emploi si elle voulait. Elle a refusé.

[18] Elle dit que tout le monde au travail était au courant d’où elle était lors de son absence. L’employeur connaissait la raison pour laquelle elle n’était pas au travail. Elle avait informé son patron qu’elle reviendrait au travail le 8 août 2022, après ses trois jours et demi de congé supplémentaires. D’après elle, l’employeur l’a congédié.

[19] Je conclus que l’appelante a été congédiée. Elle voulait garder son emploi, mais l’employeur a mis fin à celui-ci. Elle n’a jamais dit qu’elle quittait son emploi. Il y avait assez de travail et elle était prête à travailler. Elle n’a pas eu le choix de conserver ou non son emploi.

[20] À l’audience, elle a insisté sur le fait qu’elle n’a pas volontairement quitté son emploi. Elle est arrivée au travail le 8 août 2022, prête à travailler. Son argumentation est crédible. Il est clair que c’est son employeur qui a mis fin à son emploi.

Est-ce que l’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite ?

[21] L’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[22] Pour conclure que les gestes constituent de l’inconduite, il suffit que le geste reproché à l’appelante soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas page 5. En fait, la notion d’inconduite n’est pas définie par la loi et s’analyse en fonction des principes tirés de la jurisprudence. La loi « exige [pour qu’il y ait exclusion du bénéfice des prestations] la présence d’un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas page 6 ».

[23] Elle reconnait que le fait de s’être absentée du travail sans autorisation a mené à la fin de son emploi. Ce geste constitue de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Lorsqu’elle a demandé si son congé était approuvé ou non, son patron a simplement dit : « C’est toi qui sais ça ». C’était leur dernière conversation avant le congé. À l’audience, elle a dit qu’elle sentait que c’était à elle de prendre la décision. Elle explique qu’elle pensait qu’elle allait subir des conséquences si elle choisissait de s’absenter. Elle a demandé au patron si elle pouvait être congédiée. Il a répondu : « On n’est pas rendu là. »

[24] L’appelante admet qu’elle a eu tort de prendre congé sans autorisation. Elle a pris une décision qui était consciente, délibérée et intentionnelle. Même si elle ne pensait pas perdre son emploi en prenant ce congé, c’est cet acte qui a mené à sa fin d’emploi. Elle dit que si l’employeur avait été plus clair sur les conséquences qu’elle pouvait subir, elle n’aurait pas pris ce congéNote de bas page 7

[25] Elle pensait qu’il allait peut-être lui donner une lettre d’avertissement ou la suspendre pour une période de trois jours à une semaine. Elle était une bonne employée. Elle ne prenait jamais de congé de maladie. Elle ne s’attendait pas à perdre son emploi.

[26] La jurisprudence a établi que le rôle du Tribunal n’est pas d’évaluer si le congédiement est justifié ou si la sanction prise à l’endroit de l’appelante était appropriée. Le rôle du Tribunal est plutôt de déterminer si les gestes posés par celle-ci constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 8.

[27] L’employeur a dit à la Commission que l’appelante a quitté volontairement son emploi parce qu’elle ne s’est pas présentée au travail. Il a dit qu’elle devait fournir une justification. Elle devait faire une demande de congé formelle par écrit avec la raison de sa demandeNote de bas page 9. L’employeur dit qu’elle a refusé de fournir une demande formelle de congé. L’appelante affirme que même si elle n’était pas au courant de cette politique, elle regrette de ne pas avoir fait sa demande par écrit. L’employeur a aussi dit à la Commission que l’appelante a bien été avisée des conséquences si elle prenait congé sans autorisation. Les tribunaux ont déclaré que le défaut de se présenter au travail tel que requis sans le consentement de l’employeur constitue une inconduite.Note de bas page 10

[28] L’employeur a aussi dit à la Commission que l’appelante avait l’habitude de s’absenter de la sorte. Il a dit que c’était la troisième fois qu’elle partait et revenait. L’appelante dit que ce n’est pas vrai et que ses autres absences étaient dues à un manque de travail.

[29] La Commission argumente que l’appelante n’a pas réussi à épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Elle dit qu’elle aurait pu se présenter au travail le 2 août 2022, comme l’employeur le souhaitait. La Commission explique aussi qu’elle aurait pu modifier ses plans et voir sa famille à un autre moment.

[30] L’appelante dit qu’elle n’avait pas vu son frère depuis le début de la pandémie. Elle a seulement un frère et elle voulait vraiment le voir. Elle ne pouvait pas le voir pendant la fermeture de l’usine, car il n’était pas encore arrivé à Québec.

[31] Je suis d’accord avec la Commission. L’appelante n’a pas réussi à épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Elle a choisi de ne pas se présenter au travail. Elle aurait pu voir son frère la fin de semaine. À l’audience, elle a dit que le vendredi était d’habitude une demi-journée de travail.

[32] Peut-être que l’employeur n’a pas dit assez clairement qu’il ne voulait pas que l’appelante prenne des jours de congé supplémentaires. Toutefois, l’appelante savait qu’elle allait subir des conséquences à son retour. Dans une décision de la Cour d’appel fédérale nommée Fleming, il est clair que l’accent doit être mis sur la conduite de l’employé, et non sur celle de l’employeurNote de bas page 11.

[33] La Commission prétend que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Toutefois, l’appelante argumente qu’elle a été congédiée. Il importe peu de savoir qui a pris l’initiative de rompre la relation d’emploi parce que les deux questions se rapportent à une exclusionNote de bas page 12.

[34] Je conclus que la décision de l’appelante était intentionnelle et délibérée. C’est la cause directe de la perte de son emploi.

[35] L’appelante a perdu son emploi à cause de son inconduite.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté. L’appelante est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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