Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DH c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1067

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : D. H.
Représentant : R. P.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (551748) datée du 3 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 3 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 15 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-4035

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. L’appelante n’avait pas de justification parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi le 21 juillet 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi (ou avait choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] L’appelante affirme que la qualité de l’air dans la région où elle travaillait était faible en raison des particules provenant du traitement du revêtement en poudre et des émanations d’une fournaise industrielle. Elle affirme que cela lui a causé une irritation pulmonaire et qu’elle s’inquiétait des effets négatifs possibles que cela avait sur sa santé. Elle a décidé de quitter son emploi. Elle affirme qu’elle était fondée à le faire parce qu’elle avait informé l’employeur des problèmes de qualité de l’air et que rien n’a été fait.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de partir lorsqu’elle l’a fait, l’appelante aurait pu vérifier auprès d’un médecin que tout problème de santé qu’elle éprouvait découlait de l’exposition à des contaminants en milieu de travail et a recommandé qu’elle ne continue pas de travailler dans ces conditions. De plus, elle affirme qu’elle aurait pu prendre plus de mesures auprès de l’employeur pour tenter de régler la question avant de partir. Elle ajoute qu’elle devait chercher d’autres possibilités d’emploi avant de choisir de quitter son emploi.

[6] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante convient qu’elle a envoyé un courriel à son employeur le 8 juillet 2022 pour l’informer qu’elle démissionnait et que sa dernière journée serait le 21 juillet 2022. Rien ne prouve le contraire, de sorte que j’accepte ce fait.

Les parties ne conviennent pas que l’appelante avait une justification

[10] Les parties ne conviennent pas que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que la personne était fondée à poser ce geste.

[12] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 2.

[13] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle avait une justification. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. En d’autres termes, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de démissionnerNote de bas de page 3.

[14] Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4.

[15] Une fois que j’ai décidé des circonstances qui s’appliquent à l’appelante, celle-ci doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 5.

Les circonstances qui existaient lorsque l’appelante a démissionné

Conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité

[16] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré que les conditions de travail constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité au moment où elle a décidé de quitter son emploi.

[17] L’appelante soutient que les conditions de travail rattachées à son emploi représentaient un danger pour sa santé ou sa sécurité. Elle a fait valoir et témoigné qu’elle travaille au bureau d’un fabricant qui applique de la poudre de revêtement. Au moment de son départ, elle y travaillait depuis 22 mois.

[18] L’appelante affirme que même lorsqu’elle a commencé à y travailler, elle savait qu’il y avait un problème de qualité de l’air. Elle a d’abord accepté les conditions, mais elle a constaté qu’au fil du temps, la mauvaise qualité de l’air se révélait de plus en plus problématique pour elle. Elle a dit qu’elle avait commencé à se sentir malade tous les jours et qu’elle trouvait la situation incroyablement stressante. Elle a décidé qu’elle ne pouvait plus tolérer le risque pour sa santé et a choisi de partir.

[19] Elle a précisé que l’air était parfois lourd et qu’il y avait des émanations provenant du four utilisé dans le processus de revêtement en poudre. Elle dit qu’à la mi-journée, elle commençait à se sentir étourdie et que ses poumons lui faisaient mal. Elle raconte que juste avant de quitter son emploi, elle avait fait de l’exercice et avait de la difficulté à respirer.

[20] Elle a indiqué qu’à son arrivée au travail le matin, elle voyait une couche de poussière et de gravier sur les surfaces du bureau. L’essuyage des surfaces a révélé une couleur compatible avec les revêtements en poudre utilisés.

[21] L’appelante a appuyé sa prétention concernant les risques pour la santé associés à l’inhalation de sable de silice utilisé dans le processus de revêtement en poudre d’une [traduction] « fiche de données sur la sécurité ». Elle confirme avoir obtenu ces fiches de données après avoir effectué quelques recherches en ligne.

[22] L’appelante a déclaré qu’elle est une survivante du cancer. Elle a exprimé que les effets à long terme de son combat contre le cancer ont affecté son état d’esprit et qu’elle craint une rechute. Elle craignait que l’environnement au travail puisse avoir des impacts négatifs sur sa santé et provoquer une récidive du cancer.

[23] Environ deux semaines avant que l’appelante ne présente sa démission, elle a constaté un changement notable dans la qualité de l’air. Elle raconte qu’il y avait une odeur de fumée dans l’air et que celle-ci lui a causé de la difficulté à respirer. Elle dit qu’elle ressentait de l’irritation et de la lourdeur au niveau des poumons. Sa gorge était irritée et elle ne se sentait pas bien de façon générale. Elle affirme que les travailleurs de l’usine utilisent des équipements de protection comme des respirateurs pour les protéger, mais que personne au bureau ne s’en sert. Elle a déclaré que même la gestionnaire avait une vilaine toux, ce qu’elle a attribué à la mauvaise qualité de l’air.

[24] L’appelante a fait valoir que, parfois, la qualité de l’air n’était pas toujours mauvaise et que certains jours étaient pires que d’autres, notamment les journées chaudes. L’appelante a soutenu qu’elle avait parlé à sa gestionnaire et au propriétaire lors de conversations informelles au sujet de la qualité de l’air, mais que les seules solutions proposées étaient d’ouvrir la porte menant à l’extérieur et d’utiliser un ventilateur.

[25] L’appelante a confirmé qu’elle n’avait jamais déposé de plainte officielle concernant la qualité de l’air. Dans les observations de l’appelante, elle a déclaré qu’elle avait dit à la gestionnaire qu’elle avait ressenti des étourdissements à une occasion. Toutefois, en réponse à ma question de savoir si elle a déjà dit directement à l’employeur qu’elle se sentait malade en raison de la qualité de l’air, elle a admis qu’elle n’avait jamais mentionné à l’employeur que la qualité de l’air la rendait malade. Elle n’a pas non plus demandé d’avis à son médecin pour établir si ses symptômes pouvaient être raisonnablement liés au milieu de travail.

[26] Bien qu’elle ait un représentant désigné en matière de santé et de sécurité au travail, l’appelante ne l’a pas consulté pour lui faire part de ses préoccupations concernant la qualité de l’air.

[27] La Commission soutient que lorsqu’elle a communiqué avec l’employeur, celui-ci a dit que l’appelante avait soulevé certaines préoccupations concernant la qualité de l’air, mais a indiqué qu’elle n’avait reçu aucune plainte particulière concernant la qualité de l’air de sa part ou d’autres employés. L’employeur a fait valoir que l’appelante avait dit qu’elle partait en raison de la qualité de l’air, mais a ajouté plus tard que la principale raison de son départ était que la charge de travail était trop lourde à gérer.

[28] L’employeur a fait remarquer à la Commission que lorsqu’un problème de qualité de l’air s’était produit, il avait réglé le problème immédiatement et qu’il n’y avait pas eu d’autres incidents. Le gestionnaire a déclaré que sa toux était due au tabagisme et non à la qualité de l’air.

[29] L’employeur affirme que l’appelante a éprouvé des difficultés à suivre le rythme du travail et qu’elle a pris des mesures pour réaffecter certaines de ses tâches parce que l’appelante n’était pas du genre à demander de l’aide.

[30] La Commission était au courant des prétentions de l’appelante, mais n’a présenté aucune preuve supplémentaire de la part de l’employeur concernant la qualité de l’air qui contredirait les prétentions de l’appelante, sauf les déclarations de l’employeur selon lesquelles personne d’autre ne s’était plaint de la qualité de l’air. Aucun résultat d’analyse de la qualité de l’air n’a été soumis.

[31] Toutefois, il n’y a pas non plus d’autres plaintes qui corroborent les affirmations de l’appelante et il n’y a pas de procès-verbaux de réunions où la qualité de l’air a été officiellement discutée.

[32] Compte tenu des préoccupations accrues de l’appelante en raison de son combat antérieur contre le cancer, je suis convaincu qu’elle a ressenti les symptômes qu’elle a décrits et qu’elle croyait que sa santé était à risque. Toutefois, je ne suis pas convaincu que la mauvaise qualité de l’air représente un événement quotidien ni que le niveau d’exposition puisse être considéré comme un danger pour la santé ou la sécurité. C’est la raison pour laquelle des analyses de la qualité de l’air sont effectuées. Elles visent à établir le niveau de contamination et si les niveaux détectés sont supérieurs aux limites établies. Une déclaration plus catégorique de l’appelante à l’employeur ou une consultation avec le représentant en matière de santé et de sécurité aurait pu mener à de telles analyses et éventuellement confirmer les craintes de l’appelante.

[33] Je dois conclure que l’appelante a parfois laissé entendre à l’employeur qu’il y avait des problèmes de qualité de l’air. Toutefois, l’absence d’une plainte officielle indiquant expressément qu’elle présentait des symptômes qui la rendaient malade a probablement laissé l’impression à l’employeur qu’il avait réglé la question de façon satisfaisante plutôt que de conclure qu’il devait entreprendre une évaluation complète.

[34] L’appelante a été en mesure de noter expressément la mauvaise qualité de l’air comme raison de son départ dans sa démission. Il s’ensuit qu’elle aurait également pu informer officiellement l’employeur de la qualité de l’air et de ses symptômes avant de démissionner pour lui donner la possibilité de régler adéquatement la situation.

[35] Je ne suis pas convaincu que l’appelante ait exprimé ses préoccupations à l’employeur de manière à communiquer clairement les symptômes qu’elle éprouvait et sa conviction qu’ils étaient causés par la qualité de l’air.

[36] Par conséquent, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’environnement opposait un danger à la santé et la sécurité de l’appelante.

[37] La Commission soutient que l’appelante a quitté son emploi non pas en raison de ses problèmes de santé, mais parce que la charge de travail était trop lourde. J’écarte les déclarations de la Commission concernant la charge de travail.

[38] Je ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure que l’appelante éprouvait des difficultés au travail ou que l’employeur craignait qu’elle ne réponde pas aux attentes. Je ne peux pas non plus voir de commentaires de l’appelante à l’appui de son insatisfaction à l’égard de la charge de travail.

[39] L’appelante a peut-être déclaré que la charge de travail était lourde et a même exprimé le désir d’avoir un emploi qui comportait moins de responsabilités, mais cela ne m’amène pas à conclure qu’elle était incapable d’exécuter les fonctions de l’emploi et que la charge de travail était la véritable raison de son départ.

[40] Je suis convaincu que ce sont les craintes de l’appelante de conséquences négatives sur la santé causées par la qualité de l’air qui ont finalement mené à sa démission. Je dois maintenant me pencher sur la question de savoir si l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

L’appelante avait des solutions de rechange raisonnables

[41] Je conclus que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle a posé ce geste.

[42] La Commission affirme que l’appelante aurait pu consulter un médecin pour obtenir une preuve médicale de son état et qu’elle ne devrait plus rester dans l’environnement. De plus, elle laisse entendre que l’appelante aurait pu tenter de s’entendre avec l’employeur pour corriger tout problème de qualité de l’air et, enfin, qu’elle aurait pu chercher un autre emploi avant de quitter le sienNote de bas de page 6.

[43] L’appelante n’est pas d’accord et explique qu’elle n’a pas besoin de présenter une preuve médicale alors que le risque pour sa santé allait de soi. Elle a également conclu que d’autres tentatives de discuter des problèmes de qualité de l’air avec l’employeur seraient vaines parce que ses préoccupations n’avaient pas été prises au sérieux lorsqu’elle les a exprimées. Enfin, elle affirme avoir cherché un autre emploi avant de quitter son poste.

Fournir une preuve médicale

[44] Je conclus que l’appelante n’a pas cherché à obtenir une preuve médicale suffisante pour qu’il soit conclu que le milieu de travail lui causait des problèmes de santé et qu’elle devrait quitter l’environnement (son emploi) lorsqu’elle l’a fait.

[45] La Commission soutient qu’il incombe à l’appelante de démontrer qu’elle éprouvait un problème de santé légitime au point où elle devait quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. La Commission mentionne que l’appelante a indiqué qu’elle n’avait pas consulté un médecin pour obtenir une preuve médicale de ses problèmes de santé parce qu’elle craignait ce qu’on pourrait lui dire compte tenu de ses problèmes de santé antérieurs (cancer).

[46] La Commission affirme que l’appelante ne s’est pas conformée à l’exigence de fournir une preuve médicale suffisante pour appuyer son départ lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 7.

[47] L’appelante n’est pas d’accord. Elle soutient qu’elle n’avait pas besoin de consulter un médecin pour obtenir la preuve médicale. De plus, elle affirme que si elle avait consulté un médecin, ce dernier aurait sûrement convenu que les conditions de travail présentaient un risque possible pour sa santé.

[48] L’appelante a étayé sa cause en invoquant une décision récente du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) dans laquelle le membre du TSS a conclu que des conditions de travail dangereuses qui entraînent des préoccupations médicales combinées à une culture négative en milieu de travail appuyaient une conclusion selon laquelle l’appelante était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 8.

[49] Dans l’affaire du TSS intitulée WA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 937, la membre a conclu que l’appelant avait consulté un médecin à plus d’une reprise et que le médecin avait fourni une note médicale. De toute évidence, la membre était convaincue que les conclusions du médecin appuyaient une conclusion selon laquelle la situation de l’appelant constituait un danger pour sa santé ou sa sécurité.

[50] Je distingue les circonstances de cette affaire de la présente affaire du fait que l’appelante n’a pas demandé d’avis médical en l’espèce. Elle n’a pas consulté son médecin et n’a pas expliqué ses symptômes pour que le médecin puisse établir un lien entre ses symptômes et le milieu de travail.

[51] L’appelante a présenté trois autres décisions CUB à l’appui de sa prétention selon laquelle elle n’avait pas besoin de consulter un médecin pour démontrer qu’elle avait un problème de santé légitimeNote de bas de page 9.

[52] Le représentant de l’appelante a affirmé que cette dernière n’avait pas besoin de consulter un médecin parce qu’il était évident que les problèmes de santé présentaient un risque pour sa santé et que si elle avait consulté un médecin, ce dernier aurait été du même avis. Dans deux décisions, le problème résidait dans la présence de fumée de cigarette secondaire en milieu de travail. Dans une autre décision, il s’agissait de la capacité d’une personne âgée à répondre aux exigences physiques d’un emploi. Dans tous les cas, le décideur a admis d’office sa connaissance de la fumée secondaire dans un lieu de travail ou ses observations d’un appelant pendant l’audience.

[53] Il existe des preuves médicales importantes provenant d’études sur la fumée secondaire et de la jurisprudence à partir desquelles les décideurs pourraient tirer des conclusions sans autre confirmation dans tous les cas. Je ne suis pas convaincu qu’il existe un niveau similaire de connaissances et de preuves d’enquête pour former la même conclusion dans la présente affaire.

[54] La fiche de données sur la sécurité indique que l’exposition à des concentrations dans l’air supérieures aux limites d’exposition prescrites par la loi ou recommandées peut entraîner une irritation du nez, de la gorge et des poumons. Toutefois, aucun test n’a été effectué dans sa zone particulière du lieu de travail pour déterminer les concentrations dans l’air ou la présence de fumée dans le lieu de travail de l’appelante.

[55] De plus, le représentant de l’appelante suggère que les décisions citées constituent de la jurisprudence. Je ne suis pas d’accord. Ni les décisions CUB ni les décisions du TSS ne sont de la jurisprudence. Elles peuvent me donner une orientation fondée sur les conclusions de décisions antérieures sur des questions semblables. Toutefois, je ne suis pas tenu de me conformer aux constatations et aux conclusions tirées dans ces décisions individuelles. Je suis tenu d’examiner et de suivre la jurisprudence véritable, comme les décisions de la Cour d’appel fédérale.

[56] Je conclus que l’argument avancé, selon lequel un médecin aurait accepté sa décision de quitter son poste, est une supposition. L’appelante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de la conclusion qu’un médecin aurait accepté sa caractérisation du milieu de travail et conclu qu’il s’agissait de la cause de ses problèmes de santé ou que ceux-ci étaient suffisamment graves pour justifier son départ lorsqu’elle l’a fait.

Rencontrer l’employeur et tenter de conclure une entente qui tienne compte de ses problèmes de santé

[57] Je conclus que l’appelante n’a pas suffisamment exprimé ses préoccupations en matière de santé pour être considérée comme ayant tenté de conclure une entente pour répondre à ses besoins.

[58] La Commission soutient que l’appelante a bel et bien mentionné le problème de la qualité de l’air à l’employeur et que ce dernier a convenu qu’il y avait un problème, mais que la lacune avait été corrigée. Elle indique que l’appelante n’a pas déposé de plainte officielle au sujet de la qualité de l’air et qu’elle n’a pas consulté le représentant en matière de santé et de sécurité au travail. Elle a noté que l’appelante n’avait pas cherché à être mutée à un autre poste.

[59] Elle soutient que l’appelante n’a pas épuisé toutes les solutions de rechange raisonnables pour tenter de corriger les conditions environnementales.

[60] L’appelante n’est pas d’accord. Elle soutient qu’elle a parlé à son gestionnaire et qu’elle a déclaré qu’elle se sentait étourdie. Elle a attribué ses étourdissements à la qualité de l’air. Elle affirme que l’employeur lui a suggéré d’ouvrir la porte, ce qui, selon elle, ne constituait pas une solution adéquate.

[61] L’appelante admet qu’elle n’a pas déposé de plainte officielle auprès de l’employeur au sujet de la qualité de l’air. Elle affirme qu’elle ne croyait pas que cela aurait entraîné des mesures de la part de l’employeur si elle l’avait fait. L’appelante a laissé entendre que le même gestionnaire éprouvait également des problèmes de santé en raison de la qualité de l’air parce qu’il toussait. Toutefois, le gestionnaire a déclaré à la Commission que sa toux était due au tabagisme et non à la qualité de l’air.

[62] L’appelante a ajouté qu’elle avait également parlé de l’air au propriétaire de l’entreprise à une occasion précise, mais que le propriétaire lui a seulement suggéré d’utiliser un ventilateur.

[63] L’appelante a admis qu’elle n’avait jamais dit à l’employeur qu’elle croyait que la qualité de l’air la rendait malade. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas déposé de plainte officielle parce qu’elle craignait d’éventuelles représailles si elle le faisait et a raconté un incident au cours duquel elle a été témoin d’un employé réprimandé par l’employeur juste avant leur licenciement.

[64] L’appelante a admis qu’il y a un représentant en matière de santé et de sécurité, mais qu’elle ne connaissait pas la personne. Elle affirme qu’elle n’a pas consulté le représentant parce qu’elle croyait que cela ferait simplement en sorte qu’il soulèverait la question à la direction, ce qu’elle a affirmé avoir déjà fait.

[65] Comme l’appelante a elle-même admis qu’elle n’avait jamais dit à l’employeur que la qualité de l’air la rendait malade, on ne peut conclure qu’elle a vraiment tenté d’informer l’employeur de ses problèmes de santé et d’essayer de résoudre le problème. D’après sa propre description des événements, ces occasions où elle a exprimé une préoccupation à la direction semblent être plus cohérentes avec les commentaires reçus qui n’ont peut-être pas impressionné la direction du niveau de ses préoccupations, de sorte qu’ils seraient invités à approfondir leur enquête.

[66] L’appelante a fait valoir qu’elle n’avait pas demandé de mutation parce qu’il s’agissait d’un petit employeur et qu’il n’y avait pas d’endroit où elle aurait pu aller qui n’était pas à proximité de la transformation industrielle. Je conviens que la possibilité d’une mutation n’existait pas et ne peut donc pas être considérée comme une solution de rechange raisonnable.

[67] Je suis convaincue qu’il aurait été raisonnable pour l’appelante de faire part de ses préoccupations à la direction de façon plus catégorique afin de lui faire comprendre qu’elle était préoccupée par sa santé en raison de la qualité de l’air. Une discussion sur un problème ne se limite pas à exprimer un commentaire à un gestionnaire pendant une pause.

[68] Le fait de ne pas le faire a laissé l’employeur penser qu’il avait réglé les problèmes lorsqu’il a fait des suggestions à l’appelante pour remédier à la qualité de l’air lors de certains incidents. Cela ne permettait pas à l’employeur de connaître l’ampleur des problèmes de santé que l’appelante prétend éprouver.

[69] De plus, la raison même pour laquelle une entreprise a un représentant en matière de santé et de sécurité est de créer un processus officiel par lequel les employés peuvent parler à un employé compétent en milieu de travail qui pourra ensuite soumettre la question à la direction et entamer des discussions officielles. Ces discussions officielles visent à partager des renseignements essentiels qui peuvent mener à des enquêtes et à la résolution de problèmes de santé et de sécurité.

[70] L’appelante a laissé entendre que cela n’aurait fait aucune différence si elle l’avait fait parce que cela n’aurait que soulevé la question auprès de la direction qui n’aurait rien fait. Encore une fois, une telle conclusion constitue une supposition. Il n’existe aucun moyen de savoir ce qui a pu ressortir des discussions formelles. Même si c’était vrai et que l’employeur n’avait rien fait après une telle consultation, il aurait au moins appuyé davantage la décision de l’appelante de partir.

[71] L’appelante a laissé entendre que de telles activités ne sont couronnées de succès que dans les milieux syndiqués et qu’elles n’auraient pas été prises au sérieux dans le milieu non syndiqué de son employeur. Elle laisse entendre qu’elle pourrait bien avoir fait l’objet de représailles de la part de l’employeur malgré les exigences législatives.

[72] Je dois manifester mon désaccord. Le simple fait que l’employeur ait un représentant en matière de santé et de sécurité constitue une reconnaissance de ses responsabilités de maintenir un milieu de travail sain et sécuritaire. Les employeurs sont conscients de leur responsabilité lorsqu’ils ne tiennent pas compte des préoccupations en matière de santé et de sécurité. Laisser entendre que l’employeur ignorerait simplement la question ou appliquerait des représailles contre une personne qui s’est plainte est, au mieux, spéculatif. La seule façon de savoir est de s’engager dans un processus de bonne foi dans l’intention de trouver une solution.

[73] Encore une fois, même si l’employeur n’avait pas tenu compte du représentant en matière de santé et de sécurité ou s’il avait pris des représailles contre l’appelante, il n’aurait fait que renforcer sa décision de partir après avoir exercé ces options.

[74] J’estime qu’il aurait été particulièrement utile et raisonnable pour l’appelante d’avoir consulté le représentant en matière de santé et de sécurité pour approfondir la question de la qualité de l’air et les mesures correctives avant de décider de quitter son emploi.

[75] Je me trouve persuadé par une décision CUB et, surtout, par la décision de la Cour d’appel fédérale qui l’a infirmée.

[76] Dans la décision CUB 66996, l’appelant a accepté un emploi dans une usine où il y avait de la poussière de silice. L’appelant a pris conscience que les effets à long terme de la poussière pouvaient causer le cancer. Il croyait que les conditions présentaient un risque pour sa santé. Il a quitté son emploi sans consulter un médecin ni exprimer clairement ses préoccupations à l’employeur.

[77] La Commission lui a donné raison : l’environnement présentait un risque pour sa santé ou sa sécurité. En appel, le juge-arbitre a également jugé en sa faveur en soulignant que l’appelant avait une préoccupation légitime.

[78] La Cour d’appel fédérale a toutefois infirmé les décisions de la Commission et du juge-arbitre. La Cour a noté que l’appelant avait quitté son emploi sans discuter des conditions de travail avec l’employeur et qu’il n’avait donc pas tenté d’appliquer une solution raisonnable pour corriger les conditions de travail afin d’atténuer ses préoccupations et de conserver son emploiNote de bas de page 10.

Chercher un autre emploi avant de quitter son poste

[79] Je conclus que l’appelante n’a pas effectué de recherche d’emploi sincère avant de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[80] La Commission soutient que l’appelante a commencé à chercher un autre emploi seulement une semaine avant de prendre sa décision de partir et de démissionner. Elle laisse entendre qu’il ne s’agissait pas d’une période suffisamment longue pour trouver un autre emploi avant de quitter son poste.

[81] L’appelante affirme qu’elle a bel et bien tenté de trouver un autre emploi avant de partir. Elle dit avoir postulé plusieurs emplois et avoir eu une entrevue. Elle avoue n’avoir commencé ses recherches qu’une semaine avant de quitter son emploi.

[82] L’appelante soutient que, bien qu’il existe une règle générale selon laquelle il faille chercher un autre emploi avant de quitter un emploi, ce n’est pas le cas lorsqu’il existe des conditions de travail intolérables qui constituent un danger pour la santé et la sécurité.

[83] L’appelante a déclaré qu’elle s’inquiétait dès le début de son emploi et qu’elle avait connu les problèmes de mauvaise qualité de l’air pendant plus de 22 mois. Elle affirme qu’au cours des deux semaines précédant sa démission, la qualité de l’air s’est considérablement détériorée, ce qui lui a causé des symptômes de santé préoccupants.

[84] Je souscris à la déclaration de l’appelante selon laquelle des conditions de travail intolérables peuvent annuler la nécessité de tenter de trouver un autre emploi. Toutefois, l’appelante doit démontrer que les conditions de travail étaient intolérables.

[85] L’appelante n’a cherché un autre emploi qu’une semaine avant sa démission.

[86] Cette période est insuffisante pour que l’on s’attende à trouver un autre emploi. Une tentative sincère de trouver un autre emploi aurait nécessité une période plus longue pour préparer un curriculum vitæ, chercher des possibilités d’emploi, envoyer des demandes d’emploi, attendre les réponses, assister à des entrevues, évaluer les offres d’emploi et trouver un nouvel emploi.

[87] Elle laisse entendre que les conditions de travail sont devenues intolérables et qu’elle n’a eu d’autre choix que de partir lorsqu’elle l’a fait. Toutefois, l’appelante avait éprouvé des préoccupations au sujet de la qualité de l’air pendant toute la période de son emploi de 22 mois, mais elle n’avait pas cherché un autre emploi plus tôt.

[88] De plus, l’appelante n’est pas partie immédiatement lorsqu’elle a ressenti l’aggravation de ses symptômes. Elle a remis sa démission le 8 juillet 2022, donnant à l’employeur un préavis de deux semaines de son intention de partir et de sa volonté de former son remplaçant.

[89] Dans ses observations et pendant l’audience, l’appelante a exprimé de sérieuses préoccupations au sujet de la qualité de l’air et des symptômes qu’elle a causés ainsi que des effets d’une exposition à long terme. Cependant, au moment même où elle affirme que la qualité de l’air était à son pire, elle n’a pas parlé à l’employeur de la nature grave de ses symptômes, comme sa difficulté à respirer. Elle n’a pas demandé de congé de maladie à l’employeur ni demandé une autre forme de congé pour se retirer immédiatement de l’environnement.

[90] La volonté de l’appelante de demeurer au bureau pendant deux semaines supplémentaires laisse entendre que sa décision de quitter son emploi n’était pas le résultat de conditions de travail intolérables, mais plutôt de conditions de travail indésirables.

[91] Je conclus que l’appelante ne m’a pas convaincu que les conditions étaient tellement intolérables qu’elle devait partir immédiatement. Je suis convaincu que l’appelante aurait pu soit commencer à chercher un autre emploi plus tôt, soit rester plus longtemps, afin de tenter sérieusement de trouver un autre emploi avant de décider de partir. Elle aurait également pu demander un congé pour se retirer de l’environnement pendant qu’elle cherchait un autre emploi.

L’appelante n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi

[92] Compte tenu des circonstances en présence lorsque l’appelante a quitté son emploi, celle-ci avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, pour les raisons susmentionnées. Par conséquent, elle n’était pas fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[93] L’une des prémisses fondamentales du régime d’assurance-emploi est que vous ne pouvez pas quitter volontairement votre emploi et imposer le fardeau financier de cette décision aux autres cotisants du régime. C’est pourquoi la loi et la jurisprudence exigent qu’un prestataire soit fondé à quitter son emploi.

[94] Pour l’appelante, les circonstances ont peut-être présenté une raison particulièrement bonne de quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait. Elle était sincèrement soucieuse de protéger sa santé. Cependant, une bonne raison de partir est différente d’une justification de partir. Pour établir qu’elle était fondée à quitter son emploi, il faut démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. L’appelante avait des options (solutions de rechange) qui auraient pu entraîner un changement dans l’environnement de travail de sorte qu’elle a écarté son désir de quitter son emploi et de le conserver.

Conclusion

[95] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[96] Par conséquent, l’appel est rejeté et l’appelante demeure exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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