Assurance-emploi (AE)

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Citation : SG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1144

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (550569) datée du 2
décembre 2022 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Denis Bourgeois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 27 avril 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 7 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-4275

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est d’accord avec la Commission.

[2] L’appelant effectuait des semaines entières de travail à partir du 2 mai 2022. Par conséquent, il se peut qu’il ne soit pas en mesure de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme employé pour un pêcheur. Son dernier jour de travail était le 3 juillet 2021. Il a fait une demande initiale de prestations le 3 octobre 2021. Il a reçu des prestations jusqu’à la semaine du 24 avril 2022.

[4] Il a téléphoné la Commission de l’assurance-emploi du Canada en avril pour déclarer qu’il allait devenir pêcheur indépendant à partir du 2 mai 2022. Il a demandé à la Commission de mettre fin à sa période de prestations. Celle-ci lui a dit que ce n’était pas nécessaire. En raison de ces conseils, l’appelant a continué à présenter ses déclarations à la Commission.

[5] La Commission a conclu que parce que l’appelant était un pêcheur indépendant, il lançait une entreprise. Elle a conclu que l’appelant a effectué des semaines entières de travail pendant la période en question. Elle a informé l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 2 mai 2022.

[6] L’appelant n’est pas d’accord et il soutient qu’il devrait recevoir des prestations de pêcheur. Il affirme qu’il est pêcheur indépendant et qu’il a lancé une entreprise, mais qu’il a mal été conseillé de présenter ses déclarations. Il dit qu’il voulait mettre fin à sa période de prestations régulières.

Questions en litige

[7] Est-ce que l’appelant a démontré qu’il était en chômage ?

[8] Est-ce qu’il pouvait mettre fin à sa période de prestations régulières au profit des prestations de pêcheur ?

Analyse

[9] L’appelant n’a jamais prétendu d’être en chômage après le 2 mai 2022. À l’audience, il a dit qu’il a téléphoné la Commission pour l’informer qu’il devenait pêcheur indépendant à cette date.

[10] Je vais toutefois faire l’analyse de la question du chômage, car elle est la question principale en litige d’après la décision de révision du 2 décembre 2022.

[11] Une personne qui participe à l’exploitation d’une entreprise peut ne pas avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.

[12] La loi prévoit qu’une personne peut recevoir des prestations d’assurance‑emploi pour chaque semaine où elle est au chômageNote de bas de page 1. Une semaine de chômage signifie une semaine pendant laquelle une personne n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 2.

[13] De plus, la loi considère qu’une personne qui participe à l’exploitation d’une entreprise effectue des semaines entières de travailNote de bas de page 3. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 4.

Exception si la participation était limitée

[14] Une exception s’applique lorsque la participation d’une partie prestataire à l’entreprise était limitéeNote de bas de page 5.

[15] L’exception s’applique si l’importance de la participation de l’appelant à l’entreprise était si limitée qu’une personne ne compterait pas normalement sur cette entreprise comme principal moyen de gagner sa vieNote de bas de page 6.

[16] C’est l’appelant qui doit prouver que sa participation à l’entreprise était si limitée que l’exception s’appliqueNote de bas de page 7. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il est plus probable qu’improbable que la participation de l’appelant était limitée.

Six facteurs pour évaluer l’importance de la participation

[17] Pour décider si l’exception s’applique, je dois prendre en considération les six facteurs suivantsNote de bas de page 8 :

  1. a) Combien de temps l’appelant consacrait-il à son entreprise ?
  2. b) Combien l’appelant avait-il investi dans son entreprise et quels étaient ces investissements (tels que les sommes d’argent, la propriété, les biens et les ressources) ?
  3. c) Sur le plan financier, l’entreprise était-elle une réussite ou un échec ?
  4. d) L’entreprise était-elle destinée à être continue ?
  5. e) Quelle était la nature de l’entreprise ?
  6. f) L’appelant prestataire avait-il l’intention et la volonté de trouver rapidement un autre emploi ?

Temps consacré

[18] L’appelant a expliqué à la Commission qu’il passait de 70 heures et plus par semaine du 2 mai 2022 au 1er juillet 2022.Note de bas de page 9 Il y travaillait du dimanche au samedi. Le temps qu’il consacrait au travail à l’entreprise ne démontre pas une participation limitée.Note de bas de page 10

[19] Je conclus que l’appelant effectuait des semaines entières à son entreprise de pêche à compter du 2 mai 2022. Quand ce n’est pas la saison de pêche, l’appelant a expliqué qu’il faut faire la préparation et la maintenance de l’équipement avant la saison de pêche.Note de bas de page 11

Investissements

[20] La nature et le montant des investissements (tels que les sommes d’argent, la propriété, les biens et les ressources) de l’appelant prestataire ne démontrent pas une participation limitée parce qu’il a fait un prêt de 700 000 $. Il a un bateau de pêche et de l’équipement de pêche. Il a acheté un moteur de 50 000 $.Note de bas de page 12

[21] Je conclus que les investissements faits dans l’entreprise ne l’ont pas été dans une mesure limitée. Ces investissements visaient à contribuer au succès de l’entreprise.

Réussite ou échec financiers

[22] La situation financière de l’entreprise de l’appelant ne démontre pas une participation limitée parce que l’entreprise a un revenu annuel brut de 149 000 $. Il doit dépenser environ 12 000 $ en essence pour son bateau pour la saison et 30 000 $ en équipement. Il doit payer des assurances pour son bateau.Note de bas de page 13

[23] Je conclus que les revenus provenant du travail indépendant du prestataire peuvent constituer son principal moyen de subsistance pendant cette période.Note de bas de page 14

Entreprise continue

[24] L’entreprise de l’appelant prestataire était destinée à être exploitée de façon continue. Cela ne démontre pas une participation limitée parce que l’appelant connaissait bien les avantages et les risques de son entreprise.

[25] Mais à cause de la nature de l’entreprise, il est impossible de déterminer si l’entreprise pourra continuer à être viable.

Nature de l’entreprise de l’appelant

[26] L’entreprise de l’appelant est la pêche. Il a acheté l’entreprise de son père. Il y travaillait comme employé depuis plusieurs années. Cela ne démontre pas une participation limitée. Il est évident qu’il connaissait bien la nature de l’entreprise en raison de son expérience dans le métier. Devenir propriétaire serait une étape naturelle pour lui.

Intention et volonté de trouver rapidement un autre emploi

[27] L’appelant travaillait à plein temps dans son entreprise à partir du 2 mai 2022. C’est à cette date que la Commission a imposé une inadmissibilité. Il n’y a pas de preuve qui démontre qu’il avait l’intention ou la volonté de trouver un autre emploi. Son intention était la réussite de son entreprise. Cela ne démontre pas une participation limitée.

[28] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré l’intention ou la volonté de se trouver un emploi sans tarder.

Alors, la participation de l’appelant était-elle assez limitée ?

[29] La participation de l’appelant n’était pas à ce point limitée que l’exception s’applique. Une personne compterait normalement sur cette entreprise comme principal moyen de gagner sa vie.

[30] J’ai examiné les six facteurs mentionnés ci-dessus. Deux facteurs sont particulièrement importants. La jurisprudence établit que le temps consacré au travail et l’intention et la volonté de l’appelant d’accepter sans tarder un autre emploi sont importantsNote de bas de page 15.

[31] Après avoir tenu compte de tous ces facteurs, je conclus que l’exception ne s’applique pas à l’entreprise de l’appelant.

[32] L’appelant effectuait des semaines entières de travail. Par conséquent, il ne pourrait pas recevoir de prestations régulières, parce qu’il n’y a pas eu de semaine où il était au chômage.

[33] La Cour d’appel fédérale a constaté que les efforts d’une partie prestataire pour créer un nouvel emploi ou lancer sa propre entreprise sont très louables. Cependant, le but du régime d’assurance‑emploi est d’offrir des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent du travail. Malheureusement, les efforts de l’appelant prestataire dépassent le cadre du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 16.

Est-ce que l’appelant pouvait mettre fin à sa période de prestations régulières au profit des prestations de pêcheur ?

[34] L’appelant ne pouvait pas mettre fin à sa période de prestations régulières au profit des prestations de pêcheur.

[35] La Commission lui a imposé une inadmissibilité. Il n’avait pas démontré qu’il était au chômage à partir du 2 mai 2022. Cependant, l’appelant a toujours expliqué qu’il voulait simplement terminer ses prestations régulières. Il voulait ensuite commencer des prestations de pêcheur.

[36] À l’audience, l’appelant a expliqué qu’il a téléphoné la Commission pour lui aviser qu’il allait devenir pêcheur indépendant. Il a dit qu’il avait acheté l’entreprise de son père. Il a demandé à la Commission de terminer ses prestations régulières en conséquence.

[37] Il a dit que les agents de la Commission lui ont dit que ce n’était pas la bonne chose à faire. Ils lui ont dit de s’enregistrer comme pêcheur indépendant, mais de continuer à présenter ses déclarations.

[38] L’appelant a expliqué que le tout a été bloqué par la suite. Il a décidé d’arrêter de présenter ses déclarations en pensant que ses prestations régulières seraient simplement annulées.

[39] La Commission dit qu’une demande régulière ne peut pas être annulée pour l’établissement d’une demande à titre de pêcheur.

[40] Malheureusement pour l’appelant, je suis d’accord avec la Commission.

[41] D’après la division d’appel du Tribunal :

[42] En vertu de l’alinéa 10(8)d) de la Loi, une demande de cessation anticipée d’une période de prestations ne peut être accordée que si le prestataire se qualifie immédiatement pour des prestations aux termes de la partie I de la Loi ou en tant que travailleur indépendant aux termes de la partie VIII.1 de la Loi. Puisque les prestations de pêcheur ne sont pas couvertes dans ces parties de la Loi, il s’ensuit que des prestations régulières ne peuvent être terminées au profit de prestations de pêcheur.Note de bas de page 17

[43] Pour être admissibles aux prestations de pêcheur, les parties prestataires doivent être inadmissibles aux prestations régulières de l’assurance-emploi.Note de bas de page 18

[44] D’après un certificat d’attestations de la Commission, l’appelant avait 6 semaines d’admissibilité de prestations qui n’avaient pas été payées.Note de bas de page 19 La dernière semaine payée était la semaine du 24 avril 2022.

[45] Il est dommage que l’appelant ait reçu des informations de la Commission qui n’étaient pas claires. Ce processus fut long et frustrant pour lui. Il pense qu’il a mal été informé. La Cour d’appel fédérale a déclaré que recevoir de l’information erronée de la Commission ne constitue pas un motif de redressement de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a également dit que la loi devait être respectée même si la Commission avait commis une erreur.Note de bas de page 20

[46] Je suis sensible à la situation du prestataire, mais même s’il serait tentant de le faire dans un cas comme celui-ci, je ne suis pas autorisée à réécrire la loi ni à l’interpréter de façon contraire à son sens ordinaire.Note de bas de page 21

Conclusion

[47] Je conclus que l’appelant effectuait des semaines entières de travail, alors il n’était pas au chômage.

[48] Je conclus qu’il ne pouvait pas terminer ses prestations régulières au profit des prestations de pêcheur.

[49] L’appel est donc rejeté.

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