Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 972

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Représentante : V. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (524558) datée du 30 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 20 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] En raison de la situation unique de la prestataire, elle a prouvé qu’elle était disponible pour travailler, même lorsqu’elle étudiait à temps plein. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme assistante en soins continus non accréditée dans un établissement de soins de longue durée.

[4] Son employeur a commencé à embaucher des infirmières accréditées, ce qui a fait en sorte qu’on allait éventuellement réduire considérablement ses heures de travail. L’employeur prévoyait offrir plus de quarts de travail aux infirmières accréditées, plutôt qu’à la prestataire qui n’était pas accréditée.

[5] L’employeur a offert de l’envoyer suivre un programme de certification pour devenir assistante en soins continus accréditée pourvu qu’elle accepte de travailler pour lui à temps plein pendant deux ans après avoir terminé le programme. La prestataire affirme qu’elle a accepté et signé un contrat qui prévoyait cela avec son employeur.

[6] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 15 mai 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler en raison de ses études à temps plein.

[7] La prestataire affirme que le programme qu’elle suivait ressemblait à un stage, car c’est son employeur qui le dirigeait; elle a continué à travailler pour son employeur tout en poursuivant ses études, comme une stagiaire.

[8] La Commission affirme qu’il n’y a aucune preuve que la prestataire a été dirigée vers son cours par sa province ou qu’elle était inscrite à un quelconque programme d’apprentissage. Elle doit donc satisfaire aux exigences de disponibilité comme toute autre partie prestataire.Note de bas page 1

[9] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

Questions que je dois examiner en premier

50(8) Inadmissibilité

[10] Dans ses observations, la Commission affirme qu’elle a déclaré la prestataire inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi porte sur le défaut d’une personne de prouver à la Commission qu’elle faisait ou fait actuellement des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.  

[11] Ayant examiné la preuve, il me semble que la Commission n’a pas demandé à la prestataire de prouver ses démarches habituelles et raisonnables. De plus, je ne vois pas où la Commission aurait expliqué à la prestataire quel type de preuve elle devait fournir pour prouver ses démarches habituelles et raisonnables.

[12] Même si je ne suis pas obligé de suivre une autre décision du tribunal, je trouve convaincant le raisonnement de TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 11. On a conclu dans cette décision qu’il ne suffit pas que la Commission discute des démarches de recherche d’emploi avec la partie prestataire, elle doit demander expressément une preuve à la partie prestataire et lui expliquer quel type de preuve correspondrait à une démarche « habituelle et raisonnable ».

[13] Étant donné l’absence de preuve selon laquelle la Commission a demandé à la prestataire de prouver ses démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable au titre de l’article 50(8) de la Loi, la Commission n’a pas déclaré la prestataire inadmissible au titre de cet article de la Loi. Par conséquent, ce n’est pas quelque chose dont je dois tenir compte.

Documents présentés après l’audience

[14] La prestataire a envoyé plusieurs documents après l’audience. J’ai accepté et pris en considération tous ces documents avant de rendre ma décision, car il s’agissait de tous les renseignements que j’avais demandés à l’audience.Note de bas page 2

[15] La Commission a également envoyé des documents après l’audience, que j’ai acceptés et pris en considération, car il s’agissait de renseignements que j’avais demandés à la Commission.Note de bas page 3

Questions en litige

[16] L’argument de la prestataire selon laquelle elle était stagiaire.

[17] La question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler.

Analyse

L’argument de la prestataire selon laquelle elle était stagiaire

[18] Si la prestataire suivait, à ses frais, un programme ou un cours vers lequel la Commission (ou une autorité désignée par elle) l’a dirigée, elle serait considérée comme disponible pour travailler.Note de bas page 4

[19] Même si les deux parties ont présenté plusieurs arguments portant sur la question de savoir si la prestataire a été dirigée vers son cours ou vers un programme de stage, je juge que tous ces arguments sont sans objet.

[20] Pour satisfaire au critère prévu par la loi, la prestataire doit avoir payé son cours, comme la loi le mentionne, à ses frais. Toutefois, la prestataire a déclaréNote de bas page 5 (et son école le confirmeNote de bas page 6) qu’elle n’a pas payé son cours.

[21] Comme la prestataire n’a pas payé le cours, c’est-à-dire qu’elle ne suivait pas le cours à ses frais, je conclus qu’elle ne peut pas satisfaire au critère prévu par la loi. Elle ne peut donc pas être considérée comme disponible pour travailler pendant qu’elle suivait son cours parce qu’elle a été dirigée vers ledit cours.

[22] Cette conclusion ne veut pas dire qu’il est impossible qu’elle soit considérée comme disponible pour travailler pendant qu’elle suivait son cours. Cela signifie simplement qu’elle ne peut pas être automatiquement considérée comme disponible. Je devrai effectuer une analyse détaillée pour décider si elle était vraiment disponible.

La disponibilité pour travailler de la prestataire

La prestataire était étudiante

[23] La prestataire était étudiante.Note de bas page 7 On présume que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles.Note de bas page 8 Comme cette présomption s’applique seulement aux personnes qui étudient à temps plein, la première chose que je dois vérifier est si la prestataire était étudiante à temps plein.

[24] Je conclus que la prestataire était étudiante à temps plein, car elle a déclaré que ses cours avaient lieu le lundi, le mardi et le mercredi de 8 h à 17 h, et que même si les cours étaient tous en ligne, la présence était obligatoire. Le jeudi et le vendredi, elle faisait du travail lié à son stage pratique, huit heures par jour. J’estime que le fait qu’elle étudiait (je considère son travail de stagiaire comme une formation scolaire puisqu’il faisait partie de son cours obligatoire) cinq jours par semaine, à raison de 40 heures par semaine, démontre qu’elle était étudiante à temps plein.

[25] Comme elle étudiait à temps plein, la présomption de non-disponibilité s’applique à elle.

[26] Toutefois, une partie prestataire peut réfuter la présomption en démontrant l’existence de circonstances exceptionnelles,Note de bas page 9 ou en prouvant qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en étudiant à temps plein.Note de bas page 10

[27] Je conclus que la prestataire a présenté des circonstances exceptionnelles qui réfutent la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle était aux études à temps plein.

[28] J’estime que les circonstances exceptionnelles de la prestataire sont les suivantes : l’emploi (établissement de soins de longue durée)Note de bas page 11 qu’elle a occupé pendant ses études lui offrait des quarts de travail 24 heures sur 24. La prestataire a fourni des exemples des types de quarts de travail offerts par son employeur,Note de bas page 12 et je trouve ses exemples crédibles, car il est tout à fait raisonnable qu’un établissement de soins de longue durée exige que le personnel travaille 24 heures sur 24.

[29] Cela signifie que la prestataire avait la possibilité de travailler à temps plein, sans mesure d’adaptation spéciale de sa part ou de celle de son employeur, en raison de la nature unique de son travail, lequel offre des quarts de travail 24 heures par jour. Je juge qu’on ne peut pas présumer qu’elle n’est pas disponible parce qu’elle avait la possibilité très réelle de travailler à temps plein.

[30] Toutefois, le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que la prestataire n’est pas disponible. Je dois tout de même examiner la loi et décider si la prestataire est réellement disponible.

Les critères de disponibilité

[31] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si la prestataire est disponible. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas page 13 :

  1. a) Elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) Elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[32] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de la prestataire,Note de bas page 14 au cours de la période d’inadmissibilité (à compter du 15 mai 2022).

Vouloir retourner travailler

[33] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[34] Je juge que le fait que la prestataire ait travaillé tout au long de ses étudesNote de bas page 15, qu’elle ait signé un contrat pour commencer à travailler à temps plein avec son employeur dès la fin de ses études et qu’elle ait immédiatement commencé à travailler à temps plein le lendemain de la fin de ses études démontre son désir de travailler.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[35] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour se trouver un emploi.

[36] Les efforts de la prestataire sont suffisants, car ils lui ont permis d’obtenir un poste à temps plein dans son domaine (soins de longue durée) à compter du 10 décembre 2022, comme l’indique son témoignage.

[37] De plus, elle occupait un emploi pendant ses études et cherchait un autre emploi, puisqu’elle n’obtenait pas assez d’heures. Elle a présenté de multiples demandes d’emploi à divers employeurs, comme le montre son dossier de recherche d’emploi.Note de bas page 16 Cela montre qu’elle ne cherche pas à obtenir de l’assurance-emploi en complément de ses heures de travail ni à traiter l’assurance-emploi comme une subvention salariale; elle cherchait activement un emploi de façon continue.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[38] La prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[39] D’habitude, les personnes qui étudient à temps plein et qui travaillent en fonction de leur horaire scolaire sont considérées comme non disponibles.Note de bas page 17

[40] Toutefois, vu la situation unique de la prestataire, je juge que ses études, même s’il s’agissait d’un choix personnel, n’ont pas limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[41] La prestataire a déclaré que son expérience et ses études sont dans le domaine des soins de longue durée. La prestataire affirme qu’il y a des quarts de travail disponibles 24 heures sur 24 dans son domaine et elle a fourni des exemples de certains de ces quarts de travail.Note de bas page 18

[42] Je juge que la situation unique de la prestataire, qui travaille dans un domaine où les quarts de travail sont disponibles 24 heures sur 24, fait de sa situation une exception à la règle générale selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein sont considérées comme indisponibles.

[43] Je conclus que, comme la prestataire peut faire des quarts de travail 24 heures par jour, ses études ne limitaient pas indûment sa disponibilité. Ses études ne constituaient pas un obstacle important, auquel il aurait été difficile pour l’employeur ou la prestataire de s’adapter afin qu’elle puisse travailler à temps plein.

[44] Il ne s’agit pas de conjectures; il y a des éléments de preuve au dossier, comme les bordereaux de paie de la prestataire.

[45] Par exemple, au cours de la période de paie du 18 septembre 2022 au 1er octobre 2022, la prestataire a accumulé 70 heures de travail, ce qui est très près de la norme générale de 40 heures par semaine (80 heures par deux semaines) d’un emploi à temps plein. Comme elle était aux études pendant cette période, cela montre qu’elle a la possibilité, en raison de la disponibilité de 24 heures de quarts de travail dans son domaine, de travailler à temps plein pendant ses études.

[46] La prestataire a également déclaré qu’elle peut faire des quarts de travail en partie, ce qui signifie qu’elle peut commencer un quart de travail à n’importe quel moment qui lui convient. Il y a aussi des occasions où elle a fait un quart de travail complet, ainsi qu’une partie du quart de travail suivant afin d’accumuler plus d’heures. J’estime que cela démontre la flexibilité de son domaine et appuie le fait que ses études ne limiteraient pas trop sa disponibilité à travailler.

[47] J’estime que la situation unique de la prestataire distingue également sa situation des situations où une partie prestataire n’a que la possibilité d’être disponible.Note de bas page 19 Le fait qu’elle puisse faire des quarts de travail 24 heures sur 24 et obtenir des parties de quart de travail n’est pas une possibilité, mais plutôt une réalité, une réalité dont la partie prestataire tirait activement profit.

[48] Même si elle n’obtenait pas d’heures à temps plein, cela n’était pas attribuable à une restriction imposée par ses études; son employeur ne lui donnait tout simplement pas les heures.

[49] Je conclus également qu’avec des quarts de travail disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, il était possible pour la prestataire de travailler à temps plein en considérant seulement les jours ouvrables, ce que la loi définit comme étant du lundi au vendredi.Note de bas page 20

[50] Enfin, je conclus qu’à compter du moment où la prestataire a terminé ses études (après le 9 décembre 2022), elle n’avait pas de conditions personnelles qui limitaient trop ses chances de retourner sur le marché du travail.

Donc, la prestataire est-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[51] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[52] L’appel est accueilli.

[53] Étant donné sa situation unique, la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[54] Par conséquent, elle n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

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