Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 986

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (507849) datée du 18 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 15 février 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 11 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-2865

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme professeur au collège X (l’employeur). En août 2021, l’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire qui exigeait que tous les membres du personnel travaillant sur le campus soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 18 octobre 2021. L’appelant n’a pas voulu se faire vacciner pour se conformer à la politique. De septembre à décembre 2021 (la session d’automne), l’employeur lui a permis de se soumettre quotidiennement à un test rapide au lieu de fournir une preuve de vaccination. Cette option n’était toutefois plus offerte en janvier 2022, pendant la session d’hiver.

[4] Le 4 janvier 2022, l’appelant a été mis en congé sans solde parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique. Le 6 janvier 2022, il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] L’intimée (Commission) a décidé qu’il avait volontairement pris congé de son emploi sans justificationNote de bas de page 2 et qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[6] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a dit que l’employeur l’avait forcé à prendre un congé sans solde parce qu’il n’avait pas respecté la politique. Il a expliqué qu’il demandait des prestations d’assurance-emploi seulement pour la période allant du 4 janvier 2022 au 6 mars 2022Note de bas de page 4. Il a aussi soutenu qu’il était disposé et apte à travailler tout ce temps-là, mais que l’employeur l’en avait injustement empêché.

[7] La Commission a maintenu sa décision de refuser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant. Toutefois, elle a changé la raison du refus. La Commission a affirmé que l’appelant ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi du 3 janvier 2022 au 29 avril 2022Note de bas de page 5 parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[8] L’appelant a porté cette décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[9] Je dois décider si l’appelant a perdu son emploiNote de bas de page 7 en raison de son inconduiteNote de bas de page 8. Pour ce faire, je dois examiner la raison pour laquelle il a été suspendu du 3 janvier 2022 au 29 avril 2022, puis décider si la conduite qui a entraîné la perte de son emploi est considérée comme une « inconduite » par la loi dans le cadre des prestations d’assurance-emploi.

[10] La Commission affirme que l’appelant était au courant de la politique, des dates limites pour s’y conformer et des conséquences de son non-respect, et qu’il a fait le choix conscient et délibéré de ne pas s’y conformer. Il savait qu’il pouvait être mis en congé sans solde en faisant ce choix, et c’est ce qui s’est passé. La Commission affirme que ces faits prouvent que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, ce qui signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[11] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit avoir fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. Il n’a pas fait une demande à son l’employeur pour obtenir une exemption médicale ou religieuse à la politique. Il a plutôt demandé à l’employeur de [traduction] « renouveler » l’exemption qu’il lui avait précédemment accordée et qui lui permettait de continuer à travailler à condition de passer un test rapide chaque jour. Il affirme que l’employeur aurait pu continuer de lui offrir cette mesure d’adaptation (les tests rapides), mais qu’il avait décidé de ne pas le faire. L’appelant affirme également que son congé sans solde involontaire pendant la session d’hiver était illégalNote de bas de page 9, et il souligne qu’il a réintégré son emploi au trimestre suivant.

[12] Je suis d’accord avec la Commission. Voici mon raisonnement.

Question en litige

[13] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[14] Pour répondre à cette question, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été suspendu de son emploiNote de bas de page 10. Ensuite, je dois décider si cette raison est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[15] L’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination, comme l’exigeait la politique, et qu’il n’avait pas d’exemption approuvée.

[16] L’employeur n’a pas participé à la collecte des faits de la Commission sur les raisons pour lesquelles l’appelant a cessé de travailler.

[17] Cependant, la Commission a inclus une copie de l’énoncé de politique sur le vaccin contre la COVID-19 du collège X dans le dossier de révisionNote de bas de page 11. L’énoncé comprenait les éléments suivants :

  • La politique avait été annoncée en août 2021 et elle s’appliquait à toutes les personnes employées travaillant sur le campus.
  • La politique allait entrer en vigueur à la session d’automne.
  • Les personnes employées devaient avoir communiqué leur statut vaccinal au plus tard le 7 septembre 2021, conformément à [traduction] « l’entente de retour sur le campus » de l’automne 2021.
  • Les personnes employées qui n’avaient pas été entièrement ou partiellement vaccinées devaient avoir présenté une demande d’exemption au plus tard le 7 septembre 2021.
  • Les personnes employées avaient jusqu’au 18 octobre 2021 pour fournir la preuve qu’elles avaient été entièrement vaccinées ou pour obtenir une exemption de l’employeur.
  • Les personnes employées pouvaient demander des mesures d’adaptation pour des motifs liés aux droits de la personne (y compris des raisons médicales) ou pour des raisons morales.
  • L’employeur avait accepté de travailler avec le personnel exempté au [traduction] « cas par cas » pour trouver des mesures d’adaptation, par exemple offrir des [traduction] « solutions de rechange aux exigences de santé et de sécurité déjà en place », comme passer des tests rapides régulièrement ou travailler à distance lorsque possible.

[18] L’appelant a fourni une copie d’un courriel que l’employeur lui a envoyé le 14 décembre 2021 au sujet de la session d’hiver (voir la page GD3-30). Le courriel de l’employeur disait ceci :

  • L’appelant serait mis en congé sans solde à compter du 4 janvier 2022 parce qu’il n’avait pas respecté la politique.
  • Ses tâches d’enseignement pour la session d’hiver seraient assignées à d’autres professeures et professeurs.
  • Le congé sans solde était mis en place [traduction] « à titre de mesure provisoire alors que la session d’hiver 2022 allait commencer ».
  • Le statut d’emploi de l’appelant serait [traduction] « révisé » en avril 2022Note de bas de page 12.

[19] L’appelant admet qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination avant la date limite prévue par la politique. Il a dit à plusieurs reprises que l’employeur avait refusé de prolonger les mesures d’adaptations qu’il lui avait accordées pendant la session d’automne, soit de passer des tests rapides, ce qui l’avait empêché de travailler pendant la session d’hiver. Lors de l’audience, l’appelant a confirmé que l’employeur l’avait mis en congé sans solde au début de la session d’hiver, mais qu’il avait réintégré son poste à la session du printemps.

[20] La preuve montre que l’appelant a été suspendu de son emploi le 4 janvier 2022 parce qu’il n’avait pas fourni de preuve de vaccination, comme l’exigeait la politique, et qu’il n’avait pas d’exemption approuvée pour la session d’hiver.

Question en litige no 2 : La raison de la suspension est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] Oui, la raison de la suspension de l’appelant (à savoir le non-respect de la politique) est une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. L’inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante (ou négligente) qu’elle est presque délibérée (ou qu’elle témoigne d’un mépris délibéré pour les effets de ses actions sur l’exécution de son travail)Note de bas de page 14.

[23] Lors de l’audience, l’appelant a fait valoir qu’il était un employé exemplaire et qu’il n’avait pas adopté un comportement pouvant être considéré comme une inconduite, d’autant plus qu’il avait été réintégré dans son poste. Cependant, la loi précise qu’il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[24] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 16.

[25] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 17. Pour ce faire, elle s’appuie sur la preuve que le personnel de Service Canada obtient de l’employeur et de l’appelant.

[26] La preuve obtenue de l’employeur est présentée aux paragraphes 16 à 18 plus haut.

Preuves et observations de l’appelant

[27] L’appelant a déclaré ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 18 :

  • L’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID­19 en août 2021.
  • Il a refusé de divulguer son statut vaccinal.
  • Il a obtenu une exemption à la politique [traduction] « pour des raisons liées à l’autonomie corporelle »Note de bas de page 19. Cette exemption lui permettait de travailler sur le campus pendant la session d’automne à condition de passer un test rapide chaque jour.
  • Les tests rapides qu’il passait chaque jour étaient effectués sur le campus.
  • Il a enseigné pendant toute la session d’automne, et il a passé un test rapide chaque jour jusqu’au 13 décembre 2021.
  • En novembre 2021, il a demandé que son exemption soit renouvelée pour la session d’hiver (janvier à avril 2022).
  • Le 14 décembre 2021, sa gestion lui a dit que son exemption ne serait pas prolongée et que l’employeur ne lui offrait plus l’option de passer un test rapide chaque jour.
  • L’employeur lui a dit qu’il serait mis en congé involontaire pour une période indéterminée s’il ne se conformait pas à la politique.
  • Il n’a pas demandé d’exemption médicale ou religieuse.
  • Il n’était pas vacciné.
  • Aucune mesure d’adaptation ne lui a été offerte, donc il ne pouvait pas se rendre au travail.
  • Il a été mis en congé sans solde puisqu’il n’a pas respecté la politique.
  • L’employeur ne lui a pas offert la possibilité d’enseigner à distance (en ligne), même si plusieurs de ses collègues avaient cette possibilité.
  • Il a déposé un grief auprès de son syndicat.
  • Le 3 mars 2022, sa gestion l’a contacté pour lui faire une proposition : il pouvait prendre ses vacances maintenant (au lieu des mois de vacances habituels de juillet et août) et être payé à partir du 7 mars, puis retourner au travail pendant la session de mai à août.
  • On l’a injustement empêché de subvenir aux besoins de sa famille du 4 janvier 2022 au 6 mars 2022.

[28] Voici ce que l’appelant a déclaré à l’audience :

  • S’il y a eu une inconduite, elle a été commise par l’employeur.
  • La politique est entrée en vigueur le 7 septembre 2021Note de bas de page 20.
  • Il n’a jamais dit à l’employeur qu’il se ferait vacciner.
  • Il a demandé une exemption au titre de la section 4.1 de la politique, et l’exemption lui a été accordée.
  • À l’automne, il a été exempté de fournir une preuve de vaccination et il a continué de travailler. Il a suivi toutes les autres étapes de santé et de sécurité exigées par l’employeur, dont celle de passer un test rapide chaque jour.
  • Le 18 octobre 2021, il a présenté un formulaire de demande d’exemption pour la session d’hiverNote de bas de page 21.
  • Le 21 octobre 2021, on lui a dit que sa demande d’exemption avait été approuvéeNote de bas de page 22 et que la prochaine étape du processus consistait à assister à une séance de formation conformément à la section 4.2 de la politique.
  • Il a terminé la séance d’information et il a obtenu un certificat d’achèvementNote de bas de page 23.
  • Le 5 novembre 2021, l’employeur a envoyé une note de service énonçant le protocole de retour sur le campus à compter de janvier 2022Note de bas de page 24.
  • Il l’a signée le 5 novembre 2021 et il a demandé que son exemption soit renouvelée pendant la session d’hiverNote de bas de page 25.
  • Il n’a pas reçu de réponse écrite à sa demande d’exemption, mais sa gestion l’a informé verbalement que son exemption ne serait pas renouvelée.
  • Le 14 décembre 2021, il a reçu un courriel pour l’informer qu’il serait mis en congéNote de bas de page 26.
  • [traduction] « Essentiellement, l’employeur voulait une preuve de vaccination » et lui a dit qu’il n’était [traduction] « pas autorisé à choisir l’option no 4 » mentionnée dans la note de service du 5 novembre 2021.
  • Il a droit à l’autonomie corporelle.
  • L’employeur a commis une inconduite en refusant sa deuxième demande d’exemption. L’exemption lui aurait permis de continuer à enseigner et à passer un test rapide chaque jour pendant la session d’hiver.
  • Il s’est conformé à la politique en suivant les procédures et les dates limites pour demander que son exemption pour la session d’automne soit renouvelée pendant la session d’hiver.
  • Il était [traduction] « admissible » à cette exemption, car l’employeur la lui avait accordée la session précédente. L’employeur ne lui a jamais expliqué pourquoi la situation avait changé.
  • Il est un employé syndiqué.
  • Aucune clause de la convention collective qui régit son emploi ne prévoit la vaccination obligatoire contre la COVID-19.
  • L’employeur a imposé unilatéralement le mandat de vaccination sans négocier la réouverture de la convention collective.
  • Il n’avait pas l’obligation expresse ou implicite de se faire vacciner contre la COVID-19.
  • Il a respecté sa convention collective et il n’a jamais manqué à ses obligations. 
  • Il refusait qu’on le [traduction] « force » à se faire vacciner simplement pour conserver son emploi.
  • La politique allait à l’encontre de ses droits constitutionnels.
  • Lorsque sa deuxième demande d’exemption a été refusée, cela n’a rien changé pour lui.
  • Il a fait ses propres recherches et il a décidé de ne pas se faire vacciner.
  • Il savait qu’en se prévalant de ces droits, il y aurait des conséquences, dont un congé sans solde. Il n’a toutefois pas changé d’avis.
  • Si sa conduite était si [traduction] « grave », pourquoi l’employeur l’avait-il réintégré dans son poste?
  • Cela revient à dire que l’employeur admet que le congé sans solde involontaire était illégal.
  • Les faits qu’il présente sont les mêmes que ceux présentés par une prestataire dans une affaire où le membre du Tribunal a annulé la décision de la Commission qui avait conclu qu’il y avait eu inconduite, et où le membre a déclaré que la prestataire (A. L.) n’était pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 27 Remarque : j’utiliserai « décision A. L. » pour parler de cette affaire.

[29] L’appelant me demande de suivre la décision A. L.

[30] Je ne peux pas suivre la décision A. L., car une décision de la Cour fédérale va à l’encontre de la décision A. L. Je suis tenue de suivre la décision de la Cour fédérale, et non la décision A. L.

[31] Les faits dans l’affaire A. L. sont semblables à ceux de l’appelant. A. L. travaillait dans un hôpital. Son emploi était régi par une convention collective. Elle a été suspendue puis congédiée de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Le membre du Tribunal a conclu qu’A. L. n’avait pas perdu son emploi pour inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi pour deux raisons :

  • Premièrement, le membre a conclu que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur n’était pas une condition d’emploi expresse ou implicite d’A. L. et que, par conséquent, son refus de se faire vacciner n’était pas une inconduite.
  • Deuxièmement, le membre a conclu que la prestataire avait droit à l’intégrité physique et qu’elle a exercé ce droit lorsqu’elle a refusé de se faire vacciner. Le membre a conclu que l’exercice de ce droit légal ne pouvait pas être qualifié d’acte répréhensible ou de conduite indésirable qui ferait en sorte d’exclure la prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[32] Je ne suis pas liée par les décisions des autres membres du Tribunal, mais je peux m’y fier pour me guider si je les trouve convaincantes ou utilesNote de bas de page 28.

[33] Je trouve la décision A. L. ni utile ni convaincante.

[34] Je refuse de suivre la décision A. L. parce qu’elle va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour fédérale que je dois suivre en ce qui concerne l’inconduite.

[35] Selon la jurisprudence, le Tribunal n’a pas la compétence d’interpréter ou d’appliquer une convention collective ou un contrat de travailNote de bas de page 29. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir légal d’interpréter ou d’appliquer les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois dans le cadre des décisions rendues au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 30.

[36] Autrement dit, le rôle du Tribunal n’est pas de décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou équitable, ou si elle allait à l’encontre de la convention collective. Son rôle n’est pas non plus de décider si la pénalité imposée, à savoir la suspension ou le congé sans solde, était trop sévère. Le Tribunal doit se concentrer sur la raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler, puis décider si la raison qui a entraîné sa suspension constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 31.

[37] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené à la suspension de l’appelant était son refus de fournir une preuve de vaccination conformément à la politique, en l’absence d’une exemption approuvée.

[38] La preuve non contestée qui figure au dossier de la Commission ainsi que le témoignage de l’appelant à l’audience me permettent de tirer les conclusions supplémentaires suivantes :

  1. a) L’appelant a été informé de la politique et a eu le temps de s’y conformer.
  2. b) Son refus de se conformer à la politique, c’est-à-dire fournir une preuve de vaccination en l’absence d’une exemption approuvée, était délibéré et intentionnel. Son refus de se conformer à la politique était donc volontaire.
  3. c) Il savait (ou aurait dû savoir) que son refus de fournir une preuve de vaccination en l’absence d’une exemption approuvée pouvait entraîner sa suspension.
  4. d) Son refus de se conformer à la politique était la cause directe de sa suspension.

[39] L’employeur a le droit d’établir des politiques en matière de sécurité au travail. L’appelant avait le droit de refuser de se conformer à la politique. En choisissant de ne pas se faire vacciner et de ne pas fournir une preuve de vaccination en l’absence d’une exemption approuvée, il a pris une décision personnelle qui a eu des conséquences prévisibles pour son emploi.

[40] La division d’appel du Tribunal a confirmé à maintes reprises qu’il importe peu que la décision d’une partie prestataire soit fondée sur des préoccupations en matière de protection de la vie privée, sur des croyances religieuses, sur des problèmes médicaux ou sur toute autre raison personnelle. Le choix conscient de ne pas se conformer à une politique de sécurité liée à la COVID-19 en milieu de travail est considéré comme étant délibéré et constituera une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 32.

[41] Ces décisions du Tribunal s’appuient sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 33. De plus, une décision récente de la Cour fédérale a confirmé ce principe dans le contexte précis d’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 34. Je suis liée par cette affaire.

[42] Par conséquent, je conclus que le refus délibéré de l’appelant de fournir une preuve de vaccination conformément à la politique, en l’absence d’une exemption approuvée, constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] L’appelant fait valoir que l’employeur a agi illégalement en le suspendant.

[44] Cependant, je n’ai pas le pouvoir de décider si lemployeur a enfreint la convention collective de l’appelant ou ses droits. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider s’il a été suspendu injustement, si le processus de demande de mesures d’adaptation de l’employeur était approprié ou si l’employeur aurait dû lui permettre de passer des tests rapides ou lui offrir quelconques mesures d’adaptation. L’appelant peut déposer ses plaintes contre l’employeur auprès d’un tribunal judiciaire ou d’un autre tribunal qui tranche de telles questions.

[45] Par conséquent, je ne tire aucune conclusion quant à la validité de la politique ou à toute transgression des droits de l’appelant. Il est libre de présenter ces arguments aux organismes décisionnels appropriés et d’y demander réparationNote de bas de page 35.

[46] Toutefois, aucun des arguments ni aucune des observations que l’appelant a présentés ne change le fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il a été suspendu et congédié par la suite en raison d’une conduite qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 36.

[47] Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[48] Il est vrai que l’employeur a mis fin au congé sans solde de l’appelantNote de bas de page 37 et que celui-ci a fini par reprendre son emploi. Toutefois, cela ne change rien au fait qu’à compter du 4 janvier 2022 et jusqu’au 6 mars 2022, il était suspenduNote de bas de page 38 en raison d’une conduite que la loi considère comme une inconduite. Il est donc inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pendant la période de suspension.

[49] Enfin, l’appelant a fait valoir qu’il a payé ses [traduction] « cotisations à l’assurance-emploi », qu’il a travaillé pendant sa période de référence et qu’il avait besoin d’une aide financière pour la période où on l’a [traduction] « empêché » de subvenir aux besoins de sa familleNote de bas de page 39.

[50] Malheureusement pour l’appelant, il ne suffit pas d’avoir cotisé au régime d’assurance-emploi ou d’avoir besoin d’un soutien financier. Si une partie prestataire est suspendue de son emploi en raison de son inconduite, elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi pendant la période de suspension, peu importe le nombre d’années pendant lesquelles elle a cotisé au programme ou sa situation financière difficile.

Conclusion

[51] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Il ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[52] L’appel est rejeté.

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