Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 985

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 avril 2023
(GE-22-2865)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 26 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-444

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a présenté aucun argument défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, D. B., est professeur dans un collège communautaire. Le 4 janvier 2022, le collège a mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire, car le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait enfreint délibérément la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement la perte de son emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il prétend que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement;
  • elle s’est appuyée sur une affaire de la Cour fédérale appelée Cecchetto, même si les faits de cette affaire étaient considérablement différents des siensNote de bas de page 1.

Question en litige

[5]   Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. L’appelant doit démontrer que la division générale a commis l’une des erreurs suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 4. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour rendre sa décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[9] Lorsqu’il évalue un cas d’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste aux yeux du prestataire, mais il s’agit d’une interprétation que les tribunaux ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite tout geste intentionnel qui est susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[10] Le prestataire soutient qu’il n’est pas coupable d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal. Il laisse entendre qu’en le forçant à se faire vacciner sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits. Il fait valoir que son employeur tentait de lui imposer contre son gré un vaccin potentiellement dangereux et inefficace.

[11] Je comprends la frustration du prestataire. Toutefois, compte tenu de la loi telle qu’elle existe, je ne vois pas le bien-fondé de ses arguments.

[12] Il est important de garder à l’esprit qu’aux fins de l’assurance-emploi, le terme « inconduite » a un sens précis qui ne correspond pas nécessairement à celui qu’on utilise au quotidien. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelle. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante (ou négligente) qu’elle est presque délibérée.

[...]

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 5.

[13] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Elle a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[14] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que la politique de vaccination obligatoire du collège allait à l’encontre de ses droits de la personne. Mais là n’est pas la question. Ce qui importe, c’est de savoir si le collège avait une politique et si le prestataire l’a délibérément ignorée en sachant qu’il y aurait des conséquences. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective de l’appelant ou ses droits. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider s’il a été suspendu injustement, si le processus de demande de mesures d’adaptation de l’employeur était approprié ou si l’employeur aurait dû lui permettre de passer des tests rapides ou lui offrir quelconques mesures d’adaptation. L’appelant peut déposer ses plaintes contre l’employeur auprès d’un tribunal judiciaire ou d’un autre tribunal qui tranche de telles questionsNote de bas de page 6.

[15] Je ne vois pas comment il serait possible de soutenir que ce passage cite incorrectement la loi. La division générale était tenue de s’appuyer sur des affaires déterminantes qui disent qu’elle doit se concentrer sur deux questions très précises. Par conséquent, la division générale est arrivée à la conclusion inévitable que le prestataire avait commis une inconduite, dans le sens où le terme est utilisé dans le contexte de l’assurance-emploi.

La division générale s’est fondée à juste titre sur l’affaire Cecchetto

[16] La division générale a souligné dans ses motifs que la question de l’inconduite, dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19, a été examinée dans une affaire récente. En effet, dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a confirmé que la loi ne permet pas au Tribunal de trancher certaines questions :

[traduction] Malgré les arguments du demandeur, rien ne justifie l’annulation de la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait ni du mandat ni de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale, que ce soit à la division d’appel ou à la division généraleNote de bas de page 7.

[17] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons dans le système juridique pour le prestataire de faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[18] Le prestataire soutient que l’affaire Cecchetto portait sur des faits très différents des siens. Je ne suis pas d’accord. Bien sûr, il n’y a pas deux cas identiques. Toutefois, la situation du prestataire est suffisamment semblable à celle de M. Cecchetto pour justifier que la division générale se soit appuyée sur cette affaire. Comme le prestataire, M. Cecchetto a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Comme le prestataire, M. Cecchetto a soutenu que la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail et qu’elle allait à l’encontre de ses droits de la personne. Comme le prestataire, M. Cecchetto a soutenu que son employeur avait refusé de façon déraisonnable de lui offrir des mesures d’adaptation.

[19] Compte tenu de ces similitudes, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur en invoquant l’affaire Cecchetto. Ici, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions pertinentes sont les suivantes : le prestataire a-t-il enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, cette infraction était-elle délibérée et susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement? Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[20] Devant la division générale, le prestataire a souligné que le collège l’avait exempté de sa politique de vaccination obligatoire tout au long de l’automne 2021. Il a souligné que le collège lui avait à la place permis de se soumettre quotidiennement à un test rapide et d’assister à des séances d’information pendant quatre mois. Il a soutenu que le collège avait soudainement et déraisonnablement refusé de prolonger son exemption en janvier 2022, et qu’il l’avait forcé à prendre un congé sans solde.

[21] D’après ce que je peux voir, la division générale n’a pas ignoré ces points. Elle ne leur a tout simplement pas accordé autant d’importance que l’aurait voulu le prestataire. Compte tenu du droit encadrant l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale aurait commis une erreur lorsqu’elle a examiné les éléments de preuve dont elle disposait.

[22] La division générale a fondé sa décision sur les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur a adopté et communiqué une politique qui exigeait que les membres du personnel fournissent une preuve de vaccination complète dans un délai précis.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique après une date précise entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans les délais prescrits.
  • Le prestataire n’a jamais demandé d’exemption religieuse ou médicale prévue par la politique.
  • L’employeur n’était pas tenu d’accepter les demandes répétées de mesures d’adaptation du prestataire.

[23] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage du prestataire. L’un des rôles de la division générale est d’établir les faits. Pour se faire, elle a droit à une certaine marge de manœuvre dans l’appréciation de la preuveNote de bas de page 8. Dans la présente affaire, après avoir examiné les courriels, les notes de service et les témoignages, la division générale a conclu que le prestataire était au courant de la politique de son employeur et qu’il comprenait qu’il y avait de bonnes chances qu’il soit congédié s’il ne s’y conformait pas dans les délais prescrits. Puisqu’il n’y a pas d’erreur de fait importante, je ne vois aucune raison de remettre en question cette conclusionNote de bas de page 9.

Conclusion

[24] Pour les motifs que je viens d’expliquer, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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