Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 975

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mai 2023
(GE-22-3562)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 25 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-414

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] D. D. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait comme opérateur de véhicule de transport en commun pour une municipalité. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’il a cessé de travailler. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations du 6 juin 2022 au 16 septembre 2022 parce qu’il avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[3] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a dit que le prestataire était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, qu’il savait qu’il avait l’obligation de divulguer son statut vaccinal et qu’il serait suspendu s’il ne le faisait pas.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appelNote de bas de page 3. Il soutient que la division générale a commis une erreur de compétence, une erreur de droit et une erreur de fait importante.

[5] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[6] Je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droit?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait?

Analyse

[7] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel accorde la permission de faire appelNote de bas de page 4.

[8] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5. Cela signifie qu’il doit exister un moyen défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 6.

[9] Les moyens d’appel possibles à la division d’appel sont les suivants. La division générale a :

  • agi de façon inéquitable;
  • outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • commis une erreur de droit;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 7.

[10] Pour que l’appel du prestataire aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel lui confère une chance raisonnable de succès.

Je refuse au prestataire la permission de faire appel

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit

[11] La division générale commet une erreur de compétence si elle ne tranche pas une question qu’elle doit trancher ou si elle tranche une question qu’elle n’a pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 8.

[12] La division générale commet une erreur de droit si elle n’applique pas la bonne loi ou si elle applique la bonne loi, mais l’interprète ou l’applique malNote de bas de page 9.

[13] Le prestataire fait valoir ce qui suit dans cet appelNote de bas de page 10 :

  • Premièrement, il affirme que le personnel a le droit de refuser de subir un test génétique ou de communiquer les résultats d’un test génétique selon la Loi sur la non-discrimination génétique, qui a modifié le Code du travailNote de bas de page 11. Il fait valoir que la politique de l’employeur exigeait qu’il passe un test de dépistage par amplification en chaîne par polymérase. Il soutient que ce sont des tests génétiques qui violent le Code du travail.
  • Deuxièmement, il affirme que l’employeur ne peut pas imposer de mesures disciplinaires ou menacer de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’une personne qui refuse de subir un test génétique ou de communiquer les résultats d’un test génétiqueNote de bas de page 12.
  • Troisièmement, il affirme que la division générale a ignoré la Loi sur la non‑discrimination génétique et le Code du travail et qu’elle a fondé sa décision uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] La division générale devait décider si la Commission a prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance‑emploi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne suspendue en raison d’une inconduite n’est pas admissible aux prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 13.

[16] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour d’appel fédérale défini l’inconduite comme une conduite qui est délibérée, ce qui signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 14.

[17] La Cour a également affirmé qu’il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié (ou suspendu dans le cas présent)Note de bas de page 15.

[18] Dans sa décision, la division générale s’est appuyée sur l’article pertinent de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16. Elle a énoncé et appliqué le critère juridique d’inconduite énoncé ci-dessus fondé sur la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] La division générale n’a pas ignoré la Loi sur la non‑discrimination génétique ni le Code canadien du travail, elle a simplement décidé qu’elle ne pouvait pas rendre de décision fondée sur d’autres lois. Elle a déclaré qu’elle pouvait seulement décider s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 17.

[20] Plus précisément, la division générale a déclaré qu’elle ne pouvait pas trancher les questions suivantesNote de bas de page 18 :

  • si le prestataire a été congédié de manière déguisée ou injustifiée ou suspendu sans solde selon le droit du travail;
  • si l’employeur a enfreint la convention collective ou comment interpréter un contrat de travail;
  • si l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du prestataire ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation selon le droit en matière de droits de la personne;
  • s’il y a eu atteinte à la vie privée ou à d’autres droits du prestataire dans le contexte de son emploi.

[21] Pour cette raison, la division générale a noté qu’elle n’avait tiré aucune conclusion sur la validité de la politique de vaccination de l’employeur ou sur toute violation des droits du prestataire qui sont protégés par d’autres loisNote de bas de page 19.

[22] La division générale a souligné la compétence limitée du TribunalNote de bas de page 20. Elle a cité le paragraphe suivant d'une décision récente de la Cour intitulée Cecchetto impliquant des faits similaires. M. Cecchetto a été suspendu et congédié de son emploi parce qu’il n’avait pas respecté la politique de son employeur relative à la COVID-19Note de bas de page 21. La Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 32 de sa décision :

[traduction]
Le demandeur est visiblement frustré par le fait qu’aucune des décisions n’ait abordé ce qu’il considère comme des questions de droit et de fait fondamentales, par exemple, l’intégrité physique, le consentement aux tests médicaux, la sûreté et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques. Mais cela ne rend pas la décision de la division d’appel déraisonnable pour autant. La principale faille de son argument est qu’il reproche aux personnes qui ont rendu les décisions de ne pas avoir réglé un ensemble de questions qu’elles ne sont pas légalement autorisées à examiner.

[23] La division générale avait le droit de s’appuyer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence applicable qui définit l’inconduite. Le prestataire demandait à la division générale de trancher des questions qu’elle ne peut pas trancher. La Cour a déjà déclaré que le Tribunal n’avait pas le pouvoir de trancher les questions que le prestataire soulève concernant la politique de vaccination, le consentement, les tests et les renseignements médicaux privésNote de bas de page 22.

[24] La division générale a correctement axé son analyse sur la conduite du prestataire et non celle de l’employeur. C’est ce que la jurisprudence dit de faireNote de bas de page 23.

[25] De plus, la Cour a jugé que le Tribunal n’a pas à examiner si la sanction (la suspension dans la présente affaire) était justifiée. Elle doit plutôt décider si la conduite constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 24.

[26] La division générale a conclu que le prestataire était au courant de la politique, qu’il a délibérément choisi de ne pas la respecter et qu’il connaissait les conséquences de ne pas le faireNote de bas de page 25. Par conséquent, la division générale a estimé qu’il avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[27] Pour ces raisons, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droit. La division générale a fait référence aux bonnes parties de la loi et les a appliquées correctement. Elle a également tranché les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher. La division générale ne peut pas évaluer si l’employeur a enfreint la Loi sur la non-discrimination génétique, le Code canadien du travail ou d’autres lois lorsqu’il a mis en œuvre et appliqué sa propre politique. Aucun de ces moyens d’appel ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante

[28] La division générale commet une erreur de fait lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 26.
[29] Par conséquent, je peux intervenir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire. Cela implique d’examiner certaines des questions suivantesNote de bas de page 27 :

  • La preuve contredit-elle carrément l’une des principales conclusions de la division générale?
  • Y a-t-il des éléments de preuve qui pourraient appuyer rationnellement l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels qui contredisent l’une de ses principales conclusions?

[30] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a dit qu’il avait refusé de divulguer son statut vaccinal et qu’il avait enfreint la politique de l’employeurNote de bas de page 28. Il soutient que la politique exigeait seulement que les membres du personnel effectuent eux-mêmes des tests d’amplification en chaîne par polymérase.

[31] La division générale a jugé que la Commission avait prouvé que la conduite du prestataire constituait une inconduite parce qu’il était au courant de la politique de vaccination de l’employeur et de son obligation de divulguer son statut vaccinal avant la date limiteNote de bas de page 29.

[32] La division générale a également estimé que le prestataire savait aussi quelles seraient les conséquences s’il n’effectuait pas les tests antigéniques. Elle a reconnu qu’il était libre de refuser de se faire vacciner et d’effectuer des tests parce que c’était son choix personnelNote de bas de page 30. Cependant, elle a également affirmé que l’employeur a le droit de mettre en œuvre des politiques pour assurer la sécurité du personnel et de la clientèle.

[33] La preuve au dossier appuie les conclusions de la division générale :

  • À l’audience, le prestataire a dit à la division générale qu’il ne s’était pas conformé à la politique parce qu’il n’avait pas divulgué son statut vaccinal et qu’il n’avait pas effectué les tests antigéniquesNote de bas de page 31.
  • La politique de l’employeur prévoit qu’à compter du 1er novembre 2021, les personnes qui n’ont pas été vaccinées ou qui ne divulguent pas leur statut vaccinal doivent se soumettre régulièrement à des tests antigéniques rapides pour la COVID-19 et fournir une preuve de résultat négatifNote de bas de page 32.
  • Le prestataire a précédemment déclaré à la Commission qu’il était en congé forcé parce qu’il ne voulait pas communiquer son statut vaccinal à l’employeurNote de bas de page 33.
  • La lettre de congé sans solde indique que le prestataire a été mis en congé sans solde parce qu’il n’a pas fourni de preuve de résultat négatif à un test antigénique rapideNote de bas de page 34.

[34] La division générale n’a pas fait directement référence à tous les éléments de preuve susmentionnés dans sa décision. Elle n’avait pas besoin de mentionner chaque élément de preuve. Il ressort de la jurisprudence qu’un tribunal administratif chargé d’établir des faits est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et qu’il n’est pas tenu de mentionner chaque élément de preuve dans ses motifsNote de bas de page 35. Dans la présente affaire, il n’y a pas lieu d’écarter cette présomption. On peut présumer que la division générale a examiné tous les éléments de preuve.

[35] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur au sujet des faits de la présente affaire. Ses principales conclusions au sujet de l’inconduite étaient cohérentes avec les faits et la preuve. Ce moyen d’appel ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès.

Il n’y a aucune autre raison d’accorder au prestataire la permission de faire appel

[36] J’ai examiné le dossier d’appel, écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et lu la décision de la division généraleNote de bas de page 36. Je n’ai vu aucun élément de preuve pertinent que la division générale a pu ignorer ou mal interpréter. De plus, la division générale a appliqué la jurisprudence et l’article de loi pertinents.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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