Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 991

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : E. I.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2023
(GE-22-3496)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 27 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-554

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission d’en appeler. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] E. I. est le demandeur. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi, alors je vais l’appeler le prestataire. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté la demande de prestations du prestataire parce qu’elle a conclu que l’employeur l’avait congédié pour inconduiteNote de bas de page 1. La Commission n’a pas modifié sa décision lorsque le prestataire lui a demandé de la réviser.

[3] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Il demande maintenant la permission de faire appel à la division d’appel.

[4] Je refuse la permission de faire appel. Le prestataire n’a soulevé aucun argument défendable selon lequel la division générale aurait commis une erreur de fait importante.

Question en litige

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur de fait importante :

  1. a) en citant mal les propos du prestataire au sujet de son « droit de ne pas tenir compte » des décisions de l’employeur.
  2. b) en examinant seulement un passage sélectif de la lettre du 2 mai 2022 du prestataire.
  3. c) en interprétant une partie du témoignage du prestataire comme s’il s’agissait d’une « réflexion après-coup ».
  4. d) en comprenant mal la nature du pouvoir de sa superviseure.
  5. e) en se fondant sur des renseignements partiaux tirés du dossier de la Commission.

Analyse

Principes généraux

[6] Pour que sa demande de permission de faire appel soit accueillie, les motifs d’appel du prestataire doivent faire partie des « moyens d’appel ». Ceux-ci décrivent les types d’erreurs que je peux prendre en considération.

[7] Je peux examiner seulement les erreurs suivantes :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a commis une erreur de droit au moment de rendre sa décisionNote de bas de page 2.

[8] Pour que je lui accorde la permission de faire appel et que le processus d’appel puisse aller de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. D’autres décisions des tribunaux ont établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une « cause défendableNote de bas de page 3 ».

Erreur de fait importante

[9] Le prestataire n’admet pas que le fait qu’il ait pris quatre semaines de congé constituait une inconduiteNote de bas de page 4. Il affirme que la division générale a ignoré ou mal compris la preuve en évaluant sa conduite. Il a signalé un certain nombre d’exemples précis.

Déformation des propos du prestataire

[10] Le prestataire fait référence au paragraphe 15 de la décision de la division générale, où le membre a écrit : « Il affirme qu’il avait le droit de ne pas tenir compte de la décision de son employeur. » Le prestataire affirme qu’il n’a jamais dit cela pendant l’audience.

[11] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a mal interprété la preuve du prestataire.

[12] La division générale n’a pas prétendu citer le témoignage du prestataire à l’audience. Lorsqu’elle a fait référence à la déclaration du prestataire, elle a cité des notes prises par la Commission au sujet de sa conversation avec lui (page GD3-25 du dossier d’appel). Les notes de la Commission précisaient que [traduction] « L’employeur a avisé le client qu’il peut seulement prendre jusqu’à deux semaines de vacances à la fois. Le client croyait qu’il avait le droit de ne pas tenir compte de cela parce qu’il s’agissait de ses vacances. »

Examen d’un passage seulement de la lettre du 2 mai 2022

[13] Le prestataire soutient que la division générale a fait référence à une partie seulement de sa lettre du 2 mai 2022 et qu’elle n’a pas tenu compte de toute la lettre.

[14] Le prestataire a raison de dire que la division générale a cité seulement la première partie de la lettre, soit l’avis qu’il a donné à l’employeur de son intention de prendre des vacances pendant 20 jours ouvrables et de revenir le 5 juillet 2022. La division générale n’a pas fait référence au deuxième paragraphe, dans lequel le prestataire mentionne certaines discussions antérieures qu’il avait eues avec l’employeur.

[15] Toutefois, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en omettant de faire référence à toute la lettre. À la lecture de la décision, la division générale a fait référence à la lettre seulement parce qu’elle indiquait le moment où le prestataire avait annoncé son intention de prendre des vacances et la période de vacances à laquelle il s’attendait.

[16] La discussion dont il est question dans la deuxième partie de la lettre portait apparemment sur la capacité de l’employeur d’embaucher un employé temporaire pour le remplacer pendant qu’il était en vacances. Il semble que le prestataire avait compris que lui et l’employeur avaient pris des dispositions qui lui permettraient de prendre les quatre semaines de congé demandées.

[17] Je conviens que la division générale aurait dû faire référence à ces éléments de preuve, s’il n’y avait pas eu d’autres preuves de la réponse de l’employeur à la demande de quatre semaines de congé formulée par le prestataire.

[18] Cependant, il y avait d’autres éléments de preuve. L’employeur a expressément rejeté la demande du prestataire à la fois avant et après la lettre du 2 mai 2022. Le 17 avril 2022, la vice-présidente de l’employeur a écrit au prestataire pour lui dire qu’elle avait discuté de sa demande avec sa gestionnaire. Elle appuyait la décision de la gestionnaire de n’accorder que deux semaines consécutives de vacances. Cette décision faisait suite à la demande formulée par le prestataire le 12 avril 2022 pour que la vice-présidente annule la décision de la gestionnaire et au courriel de rappel que le prestataire avait envoyé le 17 avril 2022. Dans son courriel de rappel, le prestataire disait avoir besoin de l’approbation rapidement pour pouvoir réserver son billet d’avion.

[19] La vice-présidente a de nouveau envoyé un courriel au prestataire le 25 mai 2022. Elle a souligné qu’elle n’approuvait pas les quatre semaines de vacances du prestataire et l’a avisé qu’il devait revenir dans les deux semaines, sinon il risquait de perdre son emploi. Le 1er juin 2022, le prestataire a confirmé avoir reçu le courriel du 25 mai 2022 de la vice-présidente.

[20] La division générale n’est pas tenue de faire référence à chaque élément de preuve, mais on peut généralement présumer qu’elle a examiné l’ensemble de la preuve portée à sa connaissanceNote de bas de page 5.

[21] Dans la présente affaire, la décision de la division générale dépendait de sa conclusion selon laquelle le prestataire avait désobéi à un ordre écrit et direct et qu’il savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’il perde son emploi pour cette raison. La deuxième partie de la décision du 2 mai 2022 peut constituer une preuve à l’appui de l’affirmation du prestataire selon laquelle l’employeur et lui avaient discuté de mesures possibles lui permettant de prendre quatre semaines de vacances. Toutefois, cette preuve n’aurait eu que peu d’incidence sur la décision. Quelle que soit l’impression que le prestataire a eue de ces discussions antérieures, la preuve de ces discussions ne remet pas en question la preuve selon laquelle le prestataire avait compris que l’employeur avait pris la décision définitive de rejeter sa demande visant à prendre quatre semaines de vacances.

Mauvaise interprétation de la réponse du prestataire

[22] Le prestataire a déclaré que le membre de la division générale [traduction] « a donné l’impression que ma réponse à la déclaration [du membre] selon laquelle j’ai acheté le billet après le refus de l’employeur était une réflexion après-coup ». Le prestataire est préoccupé par le fait que le membre a tiré une conclusion défavorable concernant son hésitation à répondre à la question et que cela a nui à l’évaluation qu’il a faite de sa crédibilité. Le prestataire a dit que le membre de la division générale [traduction] « sentait de l’hésitation », ce qui, selon lui, l’a amené à [traduction] « supposer qu’il ne disait probablement pas la vérité ».

[23] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en interprétant mal la réponse du prestataire.

[24] La division générale a écrit avoir « indiqué les dates de son billet et les courriels que son employeur lui a envoyés » et que le prestataire « y a réfléchi et a convenu qu’il avait acheté le billet après le refus [de sa demande visant à prendre quatre semaines de vacances] de son employeur ».

[25] Peu importe si le prestataire a [traduction] « hésité » parce qu’il pensait (comme l’a écrit la division générale) ou s’il a hésité parce qu’il essayait de comprendre le membre par l’entremise d’une personne agissant comme interprète, rien dans la décision ne donne à penser que la division générale a remis en question sa franchise à cause de son hésitation.

[26] La preuve de la lettre de refus envoyée par l’employeur le 17 avril 2022 allait directement à l’encontre de l’affirmation initiale du prestataire, selon laquelle l’employeur n’avait pas rejeté sa demande avant qu’il achète son billet le 18 mai 2022. Je suis d’avis que la division générale avait le loisir de tirer une conclusion défavorable de ces renseignements contradictoires, qu’il s’agisse de la crédibilité ou de la fiabilité de la preuve du prestataire. Toutefois, rien dans la décision ne donne à penser qu’elle l’a fait.

[27] La division générale n’a pas conclu que le prestataire avait induit la Commission en erreur ou qu’il avait l’intention d’induire le membre en erreur. La division générale n’a pas non plus tiré de conclusion sur la crédibilité du prestataire de façon générale.

Mauvaise compréhension du pouvoir de la superviseure

[28] Le prestataire a dit que la division générale avait mal compris le pouvoir de sa superviseure.

[29] Le membre de la division générale a dit qu’il se demandait pourquoi le prestataire avait cru sa superviseure immédiate sur parole plutôt que la décision de sa vice-présidente. Selon le membre, le prestataire avait répondu que la superviseure était la mère du propriétaire de l’entreprise et qu’elle avait du pouvoir.

[30] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en comprenant mal le pouvoir de la superviseure.

[31] Dans sa demande à la division d’appel, le prestataire a dit essentiellement la même chose que ce qui était énoncé dans la décision de la division générale. Il a dit que sa superviseure immédiate était la mère des propriétaires de l’entreprise et qu’elle exerçait un pouvoir informel considérable.

[32] Le prestataire a également expliqué en détail comment la superviseure avait renversé les politiques de l’entreprise par le passé. Dans la mesure où son explication supplémentaire va au-delà de ce qui a été déposé en preuve à la division générale, je n’en tiendrai pas compte. Je ne peux pas examiner d’autres renseignements qui n’avaient pas été portés à la connaissance de la division généraleNote de bas de page 6.

[33] Quoi qu’il en soit, la division générale a saisi l’essentiel de la preuve du prestataire, à savoir que sa superviseure a plus de pouvoir dans l’entreprise en raison de sa relation avec les propriétaires. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la division générale n’est pas tenue de faire référence à tous les éléments de preuve.

Le fait de se fonder sur le dossier de la Commission

[34] Enfin, le prestataire s’est dit préoccupé par le fait que la Commission avait prédéterminé les résultats de son enquête.

[35] Que ce soit vrai ou non, la division générale est différente de la Commission. Le manque d’équité ou l’insuffisance de l’enquête de la Commission ne peut pas soutenir une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur. La question de savoir si la division générale a commis une erreur n’est pas pertinente.

[36] L’audience de la division générale a été l’occasion pour le prestataire de transmettre sa propre preuve et de présenter sa version des faits. Le travail de la division générale consiste à évaluer le témoignage du prestataire et les autres éléments de preuve, ainsi que les autres éléments de preuve au dossier de la Commission, y compris la preuve de l’employeur, et à tirer des conclusions de fait.

[37] Le prestataire n’a pas affirmé que le membre de la division générale s’était fondé exclusivement sur la preuve au dossier de la Commission. Il n’a pas avancé que le membre avait un parti pris ou qu’il avait préétabli le résultat.

[38] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[39] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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