Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 992

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. I.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (542671) datée du 13 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Interprète
Date de la décision : Le 28 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3496

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel d’E. I.

[2] Il n’est pas retourné au travail après ses deux semaines de vacances approuvées, ignorant ainsi la politique, les directives et l’avertissement de son employeur. Celui-ci l’a congédié pour cette raison.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé qu’il a perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. Autrement dit, il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[4] Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[5] En juin 2022, E. I. (l’appelant) a perdu son emploi au service d’une entreprise de solutions de stationnement (l’employeur) dans la région du Grand Toronto. Il travaillait comme agent.

[6] Son employeur affirme l’avoir congédié parce qu’il a pris quatre semaines consécutives de vacances, alors qu’on lui a dit qu’il ne pouvait pas le faire. On avait autorisé l’appelant à prendre deux semaines consécutives. Son employeur a dit qu’il s’agissait d’un abandon de poste, d’une insubordination et d’un juste motif de congédiement.

[7] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[8] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite. Il avait le droit de prendre quatre semaines de vacances chaque année. Il devait prendre quatre semaines consécutives pour se rendre dans son pays d’origine afin de régler certaines questions juridiques. Il affirme que son employeur ne lui a pas donné d’instructions claires et qu’il a tardé à prendre une décision. Il a donc acheté un billet d’avion pour s’absenter pendant quatre semaines.

[9] Je dois décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[10] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[11] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[12] Je dois décider deux choses :

  • la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

La raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi

[13] J’estime que l’employeur a congédié l’appelant parce que celui-ci n’a pas respecté la politique de l’entreprise sur les vacances et sa décision d’approuver le fait qu’il prenne deux semaines consécutives de vacances, et non pas quatre.

[14] L’employeur a dit à l’appelant que l’on avait mis fin à son emploi pour abandon de poste, pour juste motif de congédiement et pour insubordination parce qu’il n’était pas retourné au travail après les deux semaines de vacances que l’entreprise avait approuvéesNote de bas de page 2.

[15] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il avait le droit de ne pas tenir compte de la décision de son employeurNote de bas de page 3. Il a ajouté que la véritable raison pour laquelle son employeur l’avait congédié était d’éviter le versement d’indemnités de départ si cela devait se produire à l’avenirNote de bas de page 4.

[16] Je préfère la preuve de la Commission (fournie par l’employeur) à celle de l’appelant. Je n’ai aucune raison de douter de la raison que l’employeur a donnée à la Commission et qu’il a écrite dans sa lettre de licenciement à l’appelant. La raison est logique dans les circonstances et s’appuie sur des événements et des documents, à partir du moment où l’appelant a demandé des vacances jusqu’à celui où son employeur l’a congédié. Rien ne prouve la croyance de l’appelant selon laquelle son employeur l’avait congédié pour éviter l’indemnité de départ.

Cette raison est une inconduite au sens de la loi

[17] Le fait que l’appelant ne soit pas retourné au travail après ses deux semaines de vacances approuvées, ignorant ainsi la politique, les directives et l’avertissement de son employeur, constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[18] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Les décisions rendues par les tribunaux énoncent le critère juridique de l’inconduite. Le critère juridique m’indique les types de faits et les questions juridiques à prendre en compte lorsque je rends ma décision.

[19] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[20] Je dois me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable ou si une suspension ou un congédiement constitue une sanction raisonnableNote de bas de page 7.

[21] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’a pas à avoir l’intention de faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 8. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 9. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 10.

[22] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 11.

[23] Je peux m’appuyer sur les décisions rendues par Tribunal dans le cadre d’autres appels pour trancher la présente affaire. Je peux suivre une décision qui est bien motivée, qui soulève la même question de droit et dont les faits sont semblables à ceux du présent appel. Le Tribunal et les juges-arbitres (qui tranchaient les appels avant la création du Tribunal) ont décidé qu’une personne a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi dans les situations suivantes :

  • elle a pris une semaine de vacances de plus après que son employeur lui a dit de ne pas le faireNote de bas de page 12;
  • elle a pris une semaine de vacances après que son employeur lui a dit que le congé n’était pas approuvé et qu’on lui a dit que, si elle s’absentait, les conséquences pouvaient aller jusqu’à la perte de son emploiNote de bas de page 13;
  • elle a pris congé après s’être vue refuser ce congé, même si quelqu’un l’a remplacéeNote de bas de page 14
  • elle ne s’est pas présentée au travail comme requis lors d’une date précise sans permissionNote de bas de page 15.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[24] Selon la Commission, le fait de ne pas se présenter au travail alors que l’employeur a refusé d’autoriser des vacances constitue une inconduite, surtout si l’appelant a été formellement avisé du risque associé à la contestation de la décision de l’employeurNote de bas de page 16.

[25] La Commission affirme que l’employeur avait le droit de s’attendre à ce que l’appelant retourne au travail après deux semaines. L’employeur a approuvé deux semaines consécutives de vacances. L’appelant le savait. Il savait qu’il mettrait son emploi en danger s’il prenait quatre semaines consécutives. Il a quand même pris quatre semaines. Et son employeur l’a congédié pour cette raison. Par conséquent, le non-respect de la politique et des directives de son employeur était volontaire ou insouciant au point d’être délibéré.

[26] Voici ce que montrent les documents de l’employeur :

  • l’entreprise a une politique et une procédure pour les vacancesNote de bas de page 17;
  • le formulaire de demande de vacances que l’appelant a signé le 29 mars 2022 indique ce qui suit :
    • [traduction]

    • « Les membres du personnel doivent obtenir une approbation pour prendre des vacances;
    • les membres du personnel NE DOIVENT PAS finaliser la planification de leurs vacances avant l’approbation par écrit du calendrier de vacances. »
  • 13 et 17 avril 2022 : L’appelant envoie un courriel à la vice-présidente des finances pour lui demander de prendre quatre semaines de vacances consécutives, parce que sa gérante avait rejeté cette demande et n’avait approuvé que deux semainesNote de bas de page 18.
  • 17 avril 2022 : La vice-présidente des finances envoie un courriel à l’appelant indiquant que sa demande de quatre semaines consécutives de vacances n’est pas approuvée; deux semaines consécutives sont approuvées seulement.
  • 25 mai 2022 : La vice-présidente des finances envoie un courriel à l’appelant pour confirmer de nouveau que les quatre semaines de vacances qu’il a demandées ne sont pas accordées et l’avertir qu’il mettrait son emploi en danger s’il ne revenait pas après deux semaines.
  • 1er juin 2022 : L’appelant envoie un courriel à la vice-présidente pour confirmer qu’il avait reçu le courriel du 25 mai 2022.

[27] L’appelant affirme avoir remis une lettre à L. G., sa superviseure immédiate, le 2 mai 2022. Il a écrit : [traduction] « Voici mon préavis d’un mois indiquant que je prendrai les vacances auxquelles j’ai droit annuellement, c’est-à-dire 20 jours ouvrables à compter du 6 juin 2022, jusqu’au 4 juillet 2022 inclusivement. Je retournerai au travail le mardi 5 juillet 2022Note de bas de page 19. »

[28] L’appelant affirme qu’il a quatre semaines de vacances par année. Il avait donc le droit de prendre ces quatre semaines de manière consécutive. Son employeur ne lui a pas donné d’instructions claires sur ce qu’il devait faire. De plus, l’employeur a tardé à décider s’il convenait d’approuver de vacances. L’appelant est donc allé de l’avant et a acheté son billet d’avion, avant que son employeur rejette sa demande visant à prendre quatre semaines consécutives (et qu’il n’approuve que deux semaines consécutives). Tout au long du processus, il a fait part de ses démarches à son employeur.

[29] À l’audience, j’ai indiqué les dates de son billet d’avion et les courriels que son employeur lui a envoyés. Ces dates montrent qu’il a acheté le billet après queson employeur a refusé sa demande visant à prendre quatre semaines de vacances consécutives. Il y a réfléchi et a convenu qu’il avait acheté le billet après le refus de son employeur.

[30] L’appelant a déclaré que L. G., sa superviseure immédiate, avait dit que le fait qu’il prenne quatre semaines consécutives ne causait pas de problème. Je lui ai demandé pourquoi il croyait sa superviseure immédiate sur parole plutôt que les décisions écrites de la vice-présidente des finances. D’autant plus que celle-ci a reconfirmé sa décision le 25 mai, après la conversation de l’appelant avec sa superviseure. Il a dit que L. G. était la mère du propriétaire de l’entreprise. Elle a également du pouvoir.

[31] J’accepte la preuve et l’argument de la Commission. Je n’ai aucune raison de douter de sa preuve, qui est principalement fondée sur les documents qu’elle a reçus de l’employeur. Je n’ai aucune raison de douter qu’il s’agisse de vrais documents.

[32] À la lumière de cette preuve, je conclus que la Commission a démontré que l’appelant a commis une inconduite en prenant quatre semaines consécutives de vacances. Sa conduite allait à l’encontre d’un ordre direct et écrit de son employeur. De plus, il avait été avisé par écrit qu’il était possible qu’il soit congédié s’il ne retournait pas au travail après deux semaines de vacances. Les décisions du Tribunal et des juges-arbitres que j’ai mentionnées ci-dessus appuient également l’argument de la Commission.

[33] Je n’accepte pas que l’appelant ait cru sa superviseure plutôt que les courriels qu’il reconnaît avoir reçus de la vice-présidente des finances. J’estime qu’il s’agit d’une des nombreuses raisons qu’il a données pour justifier le fait d’être allé à l’encontre de la décision de son employeur, parce qu’il y était opposé. J’estime qu’il savait que son employeur avait refusé sa demande et s’attendait à ce qu’il retourne au travail après deux semaines. De plus, il savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié s’il ne le faisait pas. Je suis d’avis qu’il le savait parce que son employeur a refusé sa demande, une première fois oralement et la deuxième par écrit. L’entreprise l’a également avisé par écrit qu’il y aurait des conséquences s’il ne retournait pas au travail après deux semaines.

[34] Si j’ai tort, et qu’il ne le savait pas, j’estime qu’il aurait dû le savoir. Il n’était pas raisonnable de sa part d’accepter et de croire ce que sa superviseure lui a dit alors que la vice-présidente des finances a dit le contraire par écrit. Le formulaire de demande de vacances qu’il a rempli indique que les demandes de vacances doivent être approuvées par écrit. Je conclus donc que sa conduite est une inconduite parce qu’il aurait dû savoir qu’il ne pouvait pas prendre plus de deux semaines de vacances et qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi s’il le faisait.

Les autres arguments de l’appelant

[35] L’appelant affirme que je devrais lui accorder le bénéfice du douteNote de bas de page 20.

[36] Je ne le ferai pas pour deux raisons.

[37] Premièrement, la règle du « bénéfice du doute » s’applique à la Commission, et non au Tribunal.

[38] Deuxièmement, et plus important encore, cette règle s’applique seulement lorsque « les éléments de preuve présentés de part et d’autre sont équivalents ». Dans le présent appel, ce n’est pas le cas. J’ai conclu que la Commission a prouvé, selon la preuve, qu’il est plus probable qu’improbable que la conduite de l’appelant constituait une inconduite. Autrement dit, la preuve de la Commission selon laquelle il a commis une inconduite est plus solide que celle de l’appelant, selon laquelle il ne l’a pas fait. Elle a beaucoup plus de force, pour les raisons que j’ai mentionnées plus haut.

Conclusion

[39] J’ai décidé que la Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi pour une raison qui est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] L’appelant est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[41] La Commission a donc rendu la bonne décision.

[42] De plus, je dois rejeter l’appel de l’appelant.

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