Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 994

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : J. P.
Représentant : Rabbin Sidney Speakman
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (539987) datée du 3 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 24 janvier 2023

Personnes présentes à l’audience :

Appelant (prestataire)
Représentant de l’appelant
Deux observateurs, membres de la famille de l’appelant

Date de la décision : Le 30 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3654

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant, J. P. (prestataire).

[2] Le prestataire n’a pas subi d’arrêt de rémunération au cours de la période de référenceNote de bas de page 1. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi à compter du 14 février 2021.

[3] La Commission a agi de façon judiciaire (appropriée) lorsqu’elle a annulé la période de prestations du 14 février 2021. L’annulation de la période de prestations entraîne un trop-payé de prestations d’assurance-emploi. Je ne peux pas annuler ou réduire le trop-payé.

Aperçu

[4] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a commencé sa période de prestations le 14 février 2021. Le prestataire a présenté des déclarations et a reçu des prestations d’assurance-emploi.

[5] Plusieurs mois plus tard, l’employeur du prestataire, GDI, a déposé un relevé d’emploi modifié. La Commission a effectué un examen. Elle a communiqué avec l’employeur pour vérifier si le prestataire avait eu une période de sept jours sans travail et la raison pour laquelle il avait cessé de travailler.

[6] La Commission a établi que le prestataire n’avait pas subi d’arrêt de rémunération pendant la période de référence, soit du 16 février 2020 au 14 février 2021. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’il a reçues.

[7] La Commission a annulé la période de prestations du 14 février 2021. Cela a entraîné un trop-payé de prestations d’assurance-emploi de 11 736 $. La Commission a maintenu cette décision après révision.

[8] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission et le trop-payé qui en résulte. Il a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[9] Le prestataire a-t-il subi un arrêt de rémunération pendant la période de référence?

[10] La Commission a-t-elle agi correctement (judiciairement) en annulant la période de prestations?

[11] Si oui, puis-je annuler ou réduire le trop-payé de prestations d’assurance-emploi?

Questions que je dois examiner en premier

Conférence préparatoire

[12] Le 22 décembre 2022, j’ai invité les parties à participer à une conférence préparatoire. Le représentant du prestataire a comparu. Nous avons discuté du processus d’audience, des questions en litige, du critère juridique et de la compétence du Tribunal. Un résumé de notre discussion lors de cette conférence a été envoyé aux deux partiesNote de bas de page 2.

Analyse

[13] Pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi et établir une période de prestations, une partie prestataire doit avoir subi un arrêt de rémunération et accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurableNote de bas de page 3. Une période de prestations est la période pendant laquelle des prestations peuvent être versées.

Arrêt de la rémunération

[14] Je conclus que le prestataire n’a pas subi d’arrêt de rémunération avant le début de la période de prestations du 14 février 2021. J’ai tenu compte de ce qui suit pour arriver à cette conclusion.

[15] Un arrêt de rémunération survient lorsque les critères suivants sont remplis :

  • la partie prestataire est mise à pied ou congédiée;
  • la partie prestataire ne travaille pas pour cet employeur pendant sept jours consécutifs; et
  • la partie prestataire ne reçoit aucune rémunération provenant de cet emploiNote de bas de page 4.

[16] Il y a différents critères pour établir l’arrêt de rémunération d’une partie prestataire qui demande des prestations spécialesNote de bas de page 5. Les prestations spéciales comprennent les prestations de maladie, les prestations de maternité, les prestations parentales et les prestations pour proches aidants. Habituellement, les parties prestataires qui demandent des prestations spéciales cessent de travailler en raison d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine, d’une grossesse ou pour s’occuper d’un enfant. Dans ces cas, la semaine de l’arrêt de rémunération survient au début de la semaine au cours de laquelle la rémunération du prestataire a diminué de plus de 40 % sa rémunération hebdomadaire normaleNote de bas de page 6.

[17] Dans la présente affaire, je conclus que le prestataire doit remplir les trois critères énoncés ci-dessus [au paragraphe 13] pour établir l’existence d’un arrêt de rémunération. Je reconnais que le prestataire affirme que sa rémunération hebdomadaire a diminué de 40 %. Cependant, il n’a pas demandé de prestations spéciales ni cessé de travailler en raison d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine, d’une grossesse ou pour s’occuper d’un enfant. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[18] Le prestataire convient qu’avant le 14 février 2021, il n’a pas été mis à pied. Il a plutôt continué à travailler, mais son employeur a réduit ses quarts de travail de 5 jours à 3 jours par semaine. Il a déclaré qu’il travaillait du lundi au vendredi. Ensuite, son employeur a réduit ses heures de travail et il a travaillé les lundis, mercredis et vendredis. Il a confirmé qu’il n’avait pas eu une période de 7 jours consécutifs sans travail ni rémunération au cours des 52 semaines précédant le 14 février 2021.

[19] Je conclus que le prestataire ne remplit pas les trois critères pour établir un arrêt de rémunération. Il n’a pas été mis à pied et il n’a pas eu une période de sept jours sans travail ni rémunération. Par conséquent, il ne remplit pas les critères pour établir une période de prestations à compter du 14 février 2021.

La Commission a-t-elle agi correctement?

[20] Oui, j’estime que la Commission a agi correctement en examinant la demande et en annulant la période de prestations.

[21] La loi prévoit qu’une fois qu’une période de prestations a été établie, c’est à la Commission de décider si elle l’annuleraNote de bas de page 7. Pour décider si une période de prestations doit être annulée, la Commission examine si la partie prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[22] La Commission prend ses propres décisions quant à l’annulation d’une période de prestations. C’est ce qu’on appelle un pouvoir discrétionnaire.

[23] Même si la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’annuler une période de prestations, elle doit rendre sa décision de façon équitable. La Commission doit examiner tous les renseignements lorsqu’elle rend sa décision. Elle doit être attentive aux renseignements importants qui indiquent si une personne est admissible aux prestations et ignorer les éléments qui ne sont pas importantsNote de bas de page 8.

[24] Je dois respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Habituellement, cela signifie que je ne peux pas modifier la décision de la Commission. Cependant, si la Commission n’a pas rendu sa décision de façon équitable, je peux alors jouer le rôle de la Commission. Ensuite, je peux décider si le prestataire est admissible aux prestations.

[25] Les documents au dossier montrent que la Commission a terminé son examen de la période de prestations le 28 juillet 2022. Cela est 17 mois après les semaines pour lesquelles des prestations ont été payées ou devaient l’être.

[26] La Commission a le pouvoir d’examiner les demandes antérieuresNote de bas de page 9. Plus précisément, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la Commission dispose d’un délai de 36 mois après avoir versé des prestations pour réexaminer une demande de prestations.

[27] Comme l’a déclaré la Commission, la Cour d’appel fédérale reconnaît que la Commission ne peut pas examiner les changements apportés aux demandes au moment précis où ils sont faits. C’est précisément pour cette raison que la Loi sur l’assurance-emploi donne à la Commission le temps d’annuler ou de modifier toute décision rendue relativement à une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[28] Rien dans les documents d’appel ne me porte à croire que la Commission était d’avis que le prestataire avait fourni des déclarations fausses ou trompeuses. La Commission affirme plutôt avoir reçu un relevé d’emploi modifié, puis avoir procédé à l’examen des demandes. C’est au cours de cet examen que la Commission a établi que le prestataire n’avait pas subi d’arrêt de rémunération.

[29] Je conclus que la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents au cours de son examen. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui me permettrait de conclure que la Commission a ignoré des facteurs pertinents, considéré des facteurs non pertinents, omis d’agir de bonne foi ou agi de façon discriminatoire.

[30] Je reconnais que le représentant du prestataire a fait valoir que le gouvernement avait annulé l’obligation de purger un délai de carence. Cependant, cela n’est pas pertinent pour établir si le prestataire a subi un arrêt de rémunération. En effet, un délai de carence survient après le début de la période de prestations, comme le prévoit l’article 13 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cependant, un arrêt de rémunération survient avant le début d’une période de prestations et relève de l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] Il s’agit vraiment d’une situation malheureuse où la Commission n’a pas cherché à savoir si le prestataire avait subi un arrêt de rémunération avant d’établir la période de prestations du 14 février 2021 et de lui verser des prestations. Cependant, la Cour d’appel fédérale a conclu que même dans les cas où les erreurs de la Commission entraînent un trop-payé de prestations, sa décision doit être maintenue s’il n’y a pas de préjudice pour le prestataireNote de bas de page 11. Dans la présente affaire, je conclus que l’erreur de la Commission ne cause pas de préjudice au prestataire parce qu’elle ne l’a pas empêché de faire appel de la décision de révision.

[32] Je reconnais que si la Commission avait effectué son examen plus tôt, le trop-payé de prestations pourrait avoir été moins élevé. Cependant, la Commission a fait son évaluation dans le délai prévu par la Loi sur l’assurance-emploi, de sorte que le trop-payé est valide.

Vais-je annuler ou réduire le trop-payé de prestations d’assurance-emploi?

[33] Non. Je n’ai pas le pouvoir de me prononcer sur les demandes d’annulation ou de réduction d’un trop-payé. Ce pouvoir appartient à la CommissionNote de bas de page 12. C’est la Cour fédérale du Canada qui a compétence pour instruire un appel relatif à une question d’annulationNote de bas de page 13.

[34] Par conséquent, si la Commission a refusé une telle demande et que le prestataire souhaite poursuivre un appel au sujet d’une question d’annulation, il peut le faire auprès de la Cour fédérale du Canada.

[35] Si le prestataire souhaite négocier des modalités de remboursement pour le trop-payé, il pourrait communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour discuter des options de remboursement.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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