Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1034

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (542932) datée du 24 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 11 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 18 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3821

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’est pas admissible à recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi du 30 juin 2022 au 5 septembre 2022 (période de congé estivale).

Aperçu

[3] L’appelante travaille comme enseignante à temps plein dans une école secondaire.

[4] En septembre 2021, elle est tombée malade et a pris un congé. Son médecin a dit qu’elle pouvait retourner au travail à compter du 6 septembre 2022.

[5] Une fois que ses jours de congé de maladie et ses prestations de maladie de courte durée se sont écoulés, elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[6] La Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a versé des prestations jusqu’au 29 juin 2022, puis elle a cessé. Elle dit qu’elle ne peut pas lui verser de prestations pendant les vacances d’été parce qu’il s’agit d’une période de congé.

[7] La loi précise que les enseignantes et les enseignants ne sont pas admissibles aux prestations pendant les périodes de congé, à moins de satisfaire à l’une des trois exceptionsNote de bas de page 1. La Commission soutient que l’appelante ne satisfait à aucune des exceptions.

[8] L’appelante affirme que, comme elle était malade pendant les vacances d’été et donc incapable de travailler, elle devrait avoir droit à des prestations. Elle soutient qu’il n’est pas logique que les personnes qui reçoivent d’autres types de prestationsNote de bas de page 2 continuent de les recevoir pendant les périodes de congé, mais pas les personnes qui reçoivent des prestations de maladie.

[9] Elle fait également valoir que, comme la commission scolaire ne couvrait plus sa part des cotisations d’assurance et de pension après la fin de ses prestations de maladie de courte durée, son emploi a effectivement pris fin. Elle croit donc satisfaire à l’une des exceptions prévues par la loi.

[10] L’appelante affirme également que la Commission ne l’a pas informée qu’elle avait cessé de lui verser des prestations. Elle l’a appris lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle avait beaucoup moins d’argent dans son compte bancaire que prévu. Elle dit que cela a entraîné un stress supplémentaire et aggravé sa maladie.

[11] Je dois décider si l’appelante avait droit à des prestations pendant les vacances d’été.

Questions en litige

[12] L’appelante travaille-t-elle comme enseignante?

[13] Dans l’affirmative, était-elle admissible à recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi pour la période de congé?

Analyse

[14] La loi précise que les enseignantes et les enseignants n’ont pas droit aux prestations régulières ou de maladie de l’assurance-emploi pendant les périodes de congéNote de bas de page 3.

[15] Les périodes de congé sont les périodes de l’année où les enseignantes et les enseignants n’enseignent pas normalement, comme les vacances d’été, de Noël et de Pâques ainsi que les congés semestrielsNote de bas de page 4.

[16] Une enseignante ou un enseignant peut recevoir des prestations d’assurance-emploi si elle ou il répond à l’une des trois exceptions suivantes :

  1. i. son contrat de travail a pris fin;
  2. ii. son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. iii. elle ou il avait un autre emploi, en plus d’enseigner, qui faisait qu’elle ou il était admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 5.

L’appelante travaillait-elle comme enseignante?

[17] J’accepte le fait que l’appelante travaillait comme enseignante. Elle l’a confirmé dans sa demande de prestations, dans ses conversations avec la Commission et lors de son témoignage. Tous les documents au dossier corroborent (c’est-à-dire renforcent) son témoignage selon lequel elle est enseignante.

[18] L’appelante et la Commission sont toutes deux d’accord sur le fait qu’elle est enseignante, et rien au dossier ne contredit cela.

L’appelante a-t-elle droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant les vacances d’été?

[19] L’appelante n’a pas droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant les vacances d’été.

[20] L’appelante n’a pas démontré qu’elle répond à l’une ou l’autre des exceptions à la règle prévue par la loi selon laquelle les enseignantes et les enseignants ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de congé. Et les vacances d’été sont clairement une période de congé scolaire.

L’appelante n’avait pas perdu son emploi

[21] Pour établir si l’appelante a été congédiée, je dois examiner s’il y a eu une « véritable rupture » dans la continuité de son emploi. Autrement dit, je dois décider si elle était vraiment au chômage pendant les vacances d’étéNote de bas de page 6.

[22] La jurisprudence dit qu’il y a un certain nombre de facteurs que je dois examiner pour décider s’il y a eu une interruption d’emploi. Ces facteurs comprennent les suivants :

  • la durée de la période d’emploi;
  • les termes du contrat de travail
  • le bénéfice d’une indemnité pendant la période de congé;
  • le relevé d’emploi rempli par l’employeur;
  • autre preuve de reconnaissance par l’employeur.

[23] L’appelante a déclaré qu’elle travaillait pour la commission scolaire de façon continue depuis 2003. Sa demande de prestations le confirme.

[24] L’appelante n’a pas produit de contrat de travail. Elle dit qu’elle n’est pas certaine d’en avoir jamais signé un. Cependant, elle a déclaré qu’elle a un statut permanent à la commission scolaire depuis 2006.

[25] Elle a expliqué qu’étant donné qu’elle a un statut permanent depuis 2006, à moins qu’on ne détermine qu’elle était une employée excédentaire (parce qu’il n’y avait pas assez d’inscriptions pour la prochaine année scolaire), elle était assurée d’avoir un emploi pour la prochaine année scolaire. Elle a dit que les enseignantes et les enseignants qui étaient jugés comme étant excédentaires l’apprenaient habituellement en avril de l’année scolaire précédente. De plus, même lorsqu’une enseignante ou un enseignant avec un poste permanent est jugée ou jugé comme étant excédentaire, la commission scolaire tente de trouver un emploi dans une autre école ou dans l’enseignement d’autres cours. L’appelante avait déjà été jugée comme étant excédentaire dans le passé, mais la commission scolaire l’a toujours affectée à d’autres postes. Il n’y a donc pas eu d’interruption de son emploi depuis 2006.

[26] L’appelante a confirmé qu’elle n’a pas été jugée comme une employée excédentaire pendant l’année scolaire de 2021-2022. Elle a reconnu qu’elle avait la garantie d’avoir un emploi en septembre, au début de l’année scolaire de 2022-2023, dès que son état de santé lui permettait de retourner au travail.

[27] Elle ajoute que sa représentante syndicale et son avocate lui ont dit que la commission scolaire devait la reprendre dès que sa santé lui permettait de retourner au travail.

[28] L’appelante a déclaré qu’une partie de sa rémunération pour la période d’enseignement de 10 mois de chaque année a été reportée et lui a été versée pendant l’été. Elle a donc reçu un revenu pendant 12 mois de l’année. Son relevé d’emploi le confirme.

[29] Le relevé d’emploi indique également que la raison de la cessation d’emploi était une maladie ou une blessure, et que la date prévue du rappel au travail était inconnue. Il ne dit pas qu’elle ne retournera pas au travail.

[30] Selon les documents déposés par l’appelante avec son avis d’appel, son employeur s’attendait clairement à ce qu’elle retourne au travail lorsque sa santé le permettrait. Elle a considéré qu’elle était en « congé de maladie payé », puis en « congé de maladie sans solde » à la fin de ses prestations de maladie de courte durée. On lui a dit qu’elle devrait s’assurer d’être membre en règle de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario avant de retourner en classe. Si elle retournait en classe en janvier, les frais qu’elle verse à l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario seraient versés directement par la commission scolaire au moyen d’une retenue sur la paie.

[31] Compte tenu des éléments que la jurisprudence m’oblige à prendre en considération, il me semble évident, à la lumière de la preuve, qu’il n’y a pas eu de véritable interruption de l’emploi de l’appelante à la commission scolaire.

[32] Elle avait travaillé de façon continue à la commission scolaire pendant plus de 15 ans.

[33] Elle était payée pendant 12 mois de l’année même si elle travaillait pendant 10 mois.

[34] Elle était en congé temporaire et devait retourner en classe dès que sa santé le lui permettait.

[35] Son employeur n’avait d’autre choix que de la reprendre dès qu’elle pouvait démontrer adéquatement qu’elle était prête à recommencer à travailler.

[36] Bien qu’elle ne recevait aucune rémunération, elle est demeurée dans le système de paie.

[37] Ces faits démontrent qu’il n’y a pas eu de véritable interruption de son emploi.

[38] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que malgré le fait qu’on lui ait garanti un emploi en septembre, elle était effectivement en chômage pendant les vacances scolaires parce que la commission scolaire avait cessé de payer sa part des cotisations d’assurance-maladie, d’assurance dentaire et d’assurance-vie, et sa part de la cotisation de pension.

[39] Dans la mesure où elle devait assumer l’intégralité du coût de sa couverture d’assurance, les accords régissant son régime de prestations le prévoient. Elle a été informée par un gestionnaire des prestations qu’au titre du régime de soins de santé des employés négocié par son syndicat, la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario, elle est responsable de toute prime payable pendant un congé de maladieNote de bas de page 7. Essentiellement, cette obligation fait partie de ses conditions d’emploi et appuie davantage la conclusion selon laquelle elle a conservé son emploi.

[40] En ce qui concerne les cotisations de pension de l’appelante, son témoignage indique que son employeur a cessé de verser des cotisations de pension en son nom après la fin de ses prestations de maladie de courte durée. Cependant, des documents déposés par l’appelante démontrent qu’elle a choisi de ne pas cotiser à la pension pendant son congéNote de bas de page 8. Ils montrent également qu’elle avait la possibilité de rembourser ces paiements lorsqu’elle est retournée au travail.

[41] Elle a confirmé à l’audience que pendant son congé de maladie, elle a continué de participer à la police d’assurance collective de la commission scolaire. Normalement, une personne perd les prestations d’une police d’assurance collective lorsqu’elle n’est plus employée. Le fait qu’elle devait assumer la totalité de la cotisation est simplement une condition de son contrat de travail et l’une des modalités du régime de prestations. Pour ce qui est de la pension, elle pouvait récupérer les mois « perdus » pendant qu’elle était en congé en cotisant pour cette période.

[42] Selon la preuve, je ne peux pas conclure qu’il y a eu une interruption de son emploi. Par conséquent, cette exception ne s’applique pas à elle.

L’appelante n’enseignait pas sur une base occasionnelle ou de suppléance

[43] L’appelante a confirmé qu’elle n’était pas une enseignante occasionnelle ou suppléante. Elle avait un statut permanent auprès de la commission scolaire. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence confirme qu’une personne qui occupe un poste continu d’enseignante n’est pas une enseignante occasionnelle ou suppléante, même si elle n’a pas nécessairement un poste permanent d’enseignante à temps pleinNote de bas de page 9.

[44] L’appelante travaille de façon continue pour la commission scolaire depuis 2003. Elle a un poste permanent à temps plein.

[45] Je conclus qu’elle n’est manifestement pas une enseignante occasionnelle ou suppléante. Cette exception ne s’applique pas à elle.

L’appelante n’avait pas un autre emploi qui l’aurait rendue admissible aux prestations d’assurance-emploi

[46] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas d’autre emploi. Elle travaillait seulement comme enseignante. Rien ne prouve le contraire.

[47] J’accepte donc le fait qu’elle n’avait pas d’autre emploi et qu’elle n’est pas autrement admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cette exception ne s’applique pas à elle.

L’appelante a-t-elle donc droit à des prestations pendant les vacances d’été?

[48] Comme aucune des exceptions prévues par la loi ne s’applique à l’appelante, elle n’a pas droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi pour les périodes de congé. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations pendant les vacances d’été.

[49] L’appelante affirme que cela n’a aucun sens. Elle a démontré qu’elle était malade et incapable de travailler pendant les vacances d’été. Par conséquent, elle n’est pas dans la même situation qu’une enseignante en bonne santé et capable de trouver un emploi. De plus, elle était en congé sans solde et n'aurait pas reçu des prestations en double si elle avait reçu des prestations d’assurance-emploi. Elle fait valoir que sa position ressemble davantage à celle d’une enseignante en congé parental ou s’occupant d’un membre de sa famille malade. Elle dit que si les autres ont droit à des prestations pendant les périodes de congé, elle devrait en avoir aussi.

[50] Je ne suis pas en désaccord avec l’appelante sur le fait que dans sa situation, il n’est pas logique qu’elle n’ait pas droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé, sans modification législative permettant aux parties prestataires qui reçoivent des prestations de maladie de continuer à les recevoir pendant les périodes de congé scolaire, je n’ai d’autre choix que de conclure qu’elle ne peut pas recevoir de prestations pendant les vacances d’étéNote de bas de page 10.

[51] L’appelante m’a dirigé vers certaines décisions du TribunalNote de bas de page 11. Elle dit qu’elles appuient sa position selon laquelle elle a droit à des prestations pendant les vacances d’été.

[52] Je félicite l’appelante de s’être si bien préparée pour l’audience. Je suis heureuse qu’elle ait pu utiliser les ressources mises à la disposition de la population par le Tribunal pour l’aider à comprendre ses droits et à préparer ses appels.

[53] Toutefois, les cas auxquels elle fait référence ne sont pas semblables en fait à son cas. Ils ne s’appliquent pas à sa situation. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas liée par les autres décisions du Tribunal. Par conséquent, ces affaires n’ont aucune incidence sur la décision que j’ai rendue.

[54] Enfin, l’appelante affirme que la Commission lui a causé du tort en ne l’informant pas du fait qu’elle ne lui verserait pas de prestations pendant les vacances d’été. Elle dit que cela la mettait dans une situation financière précaire et lui causait un énorme stress.

[55] Même si je compatis avec l’appelante, je n’ai pas le pouvoir de lui accorder une réparation à cet égard. Le fait que la Commission ne l’a pas avisée que le versement de ses prestations serait suspendu pendant les vacances d’été ne me permet pas de décider qu’elle devrait recevoir des prestations auxquelles elle n’a pas droit au titre de la loi.

[56] Je remarque que la Commission s’est excusée de son erreur. Cependant, je reconnais que cela ne fait pas grand-chose pour l’appelante.

Conclusion

[57] L’appel est rejeté.

[58] L’appelante n’est pas admissible à recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant les vacances d’été. En effet, elle est enseignante et ne peut pas recevoir de prestations de maladie pendant les périodes de congé.

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