Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1008

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (513871) datée du 20 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 27 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3487

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa perte d’emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. Son employeur a déclaré l’avoir congédiée parce qu’elle a dérogé à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qu’il avait mise en place (elle ne s’est pas fait vacciner).

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que son employeur lui a exigé injustement de se faire vacciner. Elle ajoute qu’elle ne pensait pas être congédiée si elle dérogeait à sa politique.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Charte des droits et libertés

[6] Dans son avis d’appel, l’appelante fait référence à la Charte des droits et libertésNote de bas de page 2.

[7] Le Tribunal de la sécurité sociale ne peut tenir compte d’aucun argument lié à la Charte des droits et libertés à moins qu’il soit question précisément d’une violation de la Charte qui découle d’une disposition sur l’assurance-emploi (Loi sur l’assurance-emploi et Règlement sur l’assurance-emploi). À l’audience, j’en ai informé l’appelante et lui ai demandé si elle voulait présenter une contestation fondée sur la Charte que le Tribunal pourrait prendre en considération. Elle a dit que non.

[8] L’appelante a quand même continué de faire référence à la Charte (en disant que la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 violait ses droits garantis par la Charte). Mais elle savait que je ne pourrais pas tenir compte de cet argument pour la raison que je viens de mentionner.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour trancher cette question, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois établir la raison de la perte d’emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[11] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a dérogé à la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 (elle ne s’est pas fait vacciner).

[12] L’appelante et la Commission s’entendent sur la raison de la perte d’emploi. L’appelante affirme avoir été congédiée parce qu’elle a dérogé à la politique de son employeurNote de bas de page 3. Et celui-ci a dit la même chose à la CommissionNote de bas de page 4.

La raison du congédiement est-elle une inconduite selon la loi?

[13] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelante est une inconduite.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si le congédiement de l’appelante est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[16] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 8.

[17] La Commission doit prouver que l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été congédiée en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[19] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si certaines lois offrent d’autres options à l’appelante. Et ce n’est pas à moi non plus de décider si son employeur l’a congédiée injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 12. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite, car l’appelante connaissait la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et ce qui pouvait arriver si elle ne la respectait pas, mais elle a quand même choisi de ne pas s’y conformerNote de bas de page 13.

[21] L’appelante affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite, car son employeur lui a exigé injustement de se faire vacciner et elle ne pensait pas qu’elle serait congédiée si elle agissait contre sa politique (en ne se faisant pas vacciner)Note de bas de page 14.

[22] L’employeur a expliqué ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 15 :

  • Il a congédié l’appelante le 17 février 2022 parce qu’elle avait dérogé à sa politique de vaccination contre la COVID-19 en ne se faisant pas vacciner.
  • L’exigence vaccinale s’appliquait à tout le personnel parce que le travail a lieu dans un établissement de soins de santé.
  • Fin août 2021, tous les membres du personnel ont été avisés qu’ils devaient être vaccinés au plus tard le 20 octobre 2021.
  • L’employeur a averti (dans une lettre) chaque personne qui ne répondait pas aux exigences qu’elle pouvait être suspendue ou congédiée.

[23] Voici quelques points clés de la politique de l’employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 :

  • Son entrée en vigueur est immédiate (le 7 septembre 2021)Note de bas de page 16.
  • Tous les membres du personnel doivent suivre la politique en se faisant vacciner entièrementNote de bas de page 17.
  • Tous les membres du personnel doivent confirmer leur statut vaccinal et être vaccinés entièrement au plus tard le 20 octobre 2021, à moins d’avoir une exemption approuvéeNote de bas de page 18.
  • Les personnes qui ne respectent pas la politique feront face à des mesures progressives pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 19.

[24] L’appelante affirme ce qui suit :

  • Elle était au courant de la politique de son employeur. Elle ne se rappelait pas le nombre de sections qu’elle avait lues, mais elle comprenait que certaines choses découlaient de cette politiqueNote de bas de page 20.
  • Elle a choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons médicales et parce qu’elle s’inquiétait de la sûreté du vaccin et des conséquences à long termeNote de bas de page 21.
  • Elle a demandé une exemption de nature médicale à son employeur, mais celui-ci a rejeté sa demande. Le personnel médical lui a également dit qu’elle ne remplissait pas les critères pour être exemptéeNote de bas de page 22.
  • Son employeur a refusé injustement son congé de maladie en novembre et en décembre 2021Note de bas de page 23.
  • Son employeur lui a exigé injustement de se faire vacciner pour continuer à travailler. La vaccination n’a jamais été requise avant, et la politique de son employeur était une nouveautéNote de bas de page 24. De plus, son emploi représentait un faible risque pour la population généraleNote de bas de page 25.
  • De façon injuste, son employeur n’a pas répondu directement lorsqu’elle lui a demandé d’accepter toute responsabilité en cas d’effets secondaires du vaccin. Et quand elle a voulu se renseigner, l’employeur a répondu qu’il n’offrait plus de séance d’information sur la vaccinationNote de bas de page 26.
  • Elle savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne respectait pas la politique de son employeur. Il l’avait avertie à ce sujetNote de bas de page 27.
  • Mais elle ne pensait pas être congédiée. Elle espérait que son employeur mette à jour sa politique à mesure que la pandémie de COVID-19 évoluait et qu’on en savait plus sur la vaccination.

[25] Je considère que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[26] J’estime que l’appelante a fait des choses qui ont mené à son congédiement. Elle savait que son employeur avait établi une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et qu’elle devait respecter certaines exigences pour s’y conformer.

[27] J’estime également que ce qu’elle a fait était intentionnel, car elle a décidé consciemment d’agir contre la politique.

[28] La preuve montre que l’appelante connaissait la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant, comme je l’ai mentionné plus haut. Elle a aussi mentionné qu’elle a demandé une exemption de nature médicale, ce qui montre qu’elle connaissait la politique et ses exigences.

[29] La preuve montre aussi que l’appelante a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Comme je l’ai mentionné plus haut, elle a affirmé ne pas s’être fait vacciner même après le rejet de sa demande d’exemption médicale.

[30] Je reconnais que l’appelante croit que son employeur lui a exigé injustement de se faire vacciner pour continuer à travailler, car son emploi représentait un faible risque pour la population générale.

[31] Je reconnais également que l’employeur n’a pas répondu directement lorsque l’appelante lui a demandé d’accepter toute responsabilité en cas d’effets secondaires du vaccin, qu’elle pensait que c’était injuste, et que son employeur lui a dit qu’il ne tenait plus de séance d’information sur la vaccination.

[32] Cependant, je juge que ces arguments ne sont pas pertinents pour mon examen. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Loi sur l’assurance-emploi et les tribunaux limitent mon analyse de l’inconduite aux actions de l’appelante, alors je dois laisser de côté la conduite de l’employeur.

[33] Autrement dit, je ne peux pas évaluer si l’employeur a agi injustement pour les raisons que l’appelante avance. Si elle veut faire valoir ces arguments, elle doit s’adresser à une autre instance.

[34] Même si je reconnais les préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19, la preuve montre qu’elle a décidé consciemment de s’y opposer. Après le rejet de sa demande d’exemption médicale, elle ne s’est pas fait vacciner. J’en conclus que ses actions étaient intentionnelles.

[35] Je considère que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique pouvait entraîner son congédiement.

[36] La preuve montre que l’appelante savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne respectait pas la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle le savait parce que son employeur l’avait avertie à ce sujet, comme je l’ai mentionné plus haut.

[37] Voici une preuve qui montre que l’employeur a averti l’appelante qu’elle pouvait être congédiée en cas de non-respect de sa politique :

  • Une lettre datée du 17 décembre 2021 a été envoyée à l’appelante. On peut y lire que l’employeur s’attendait à ce qu’elle soit vaccinée entièrement au plus tard le 20 octobre 2021, puis qu’il lui a laissé jusqu’au 30 novembre 2021 pour obtenir sa première dose. Comme elle ne l’a pas fait et qu’elle a ainsi enfreint la politique, elle a été mise en congé sans solde du 17 au 30 décembre 2021. Si elle ne fournissait aucune preuve de sa première dose au 30 décembre 2021, il y aurait congédiement motivé à cette même dateNote de bas de page 28.

[38] Je reconnais que l’appelante ne pensait pas être congédiée si elle dérogeait à la politique. Elle espérait que son employeur mette à jour sa politique à mesure que la pandémie de COVID-19 évoluait et qu’on en savait plus sur la vaccination.

[39] Cependant, cela ne veut pas dire que l’appelante n’aurait pas pu savoir qu’elle risquait d’être congédiée. La preuve montre que son employeur lui a dit que le congédiement était chose possible, comme je l’ai mentionné plus haut.

[40] Il se peut que l’appelante pensait qu’elle allait pouvoir garder son emploi, mais qu’elle était aussi au courant du risque de congédiement. En effet, elle a confirmé qu’elle connaissait la politique de l’employeur et les conséquences en cas de non-respect, comme je l’ai mentionné plus haut.

[41] Même si je reconnais que l’appelante ne pensait pas être congédiée si elle dérogeait à la politique de son employeur, la preuve montre qu’elle aurait quand même dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour cette raison.

[42] Par conséquent, je conclus que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi pour les raisons suivantes : elle a fait des choses qui ont entraîné son congédiement (elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), ce qu’elle a fait était intentionnel et elle savait ou aurait dû savoir que ses actions entraîneraient son congédiement.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[44] En effet, ce qu’elle a fait a mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait ou aurait dû savoir que le refus de se faire vacciner après le rejet de sa demande d’exemption médicale pouvait lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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