Assurance-emploi (AE)

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Citation : GL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 95

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. L.
Représentante : H. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (468339) datée du 16 juin 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : L’appelante
La représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 18 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2712

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable pour justifier son retard à remplir ses déclarations du prestataireNote de bas de page 1. Cela signifie que sa demande de prestations d’assurance-emploi peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt. Une antidate de sa demande de prestations doit lui être accordéeNote de bas de page 2.

Aperçu

[2] Le 7 février 2021, après avoir travaillé pour l’employeur X jusqu’au 3 novembre 2020, l’appelante présente une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 3.

[3] Le 8 mars 2021, elle remplit ses déclarations du prestataire, pour chacune des semaines suivantes : 10 au 16 janvier 2021, 17 au 23 janvier 2021, 24 janvier 2021 au 30 janvier 2021 et 31 janvier 2021 au 6 février 2021Note de bas de page 4. L’appelante reçoit le message qu’elles ont été remplies avec succès et qu’elles ont bien été reçues par le système de déclarations de l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[4] Les 7 mai 2021,15 et 16 janvier 2022, ainsi que les 21 et 24 février 2022, elle tente de remplir ses déclarations du prestataire, mais elles sont refuséesNote de bas de page 6.

[5] Le 25 janvier 2022, elle demande à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) que ses déclarations du prestataire soient traitées à compter du 10 janvier 2021Note de bas de page 7.

[6] Le 11 mars 2022, la Commission l’informe que le versement des prestations d’assurance-emploi établies pour sa demande de prestations ne peut pas commencer à partir du 10 janvier 2021 parce qu’elle n’a pas démontré que pour la période du 10 janvier 2021 au 20 novembre 2021, un motif valable justifiait son retard à présenter sa demandeNote de bas de page 8.

[7] Le 16 juin 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 11 mars 2022 pour sa demande d’antidate (procédure de demande – déclarations tardives)Note de bas de page 9.

[8] L’appelante fait valoir qu’après avoir présenté sa demande de prestations, elle a rempli ses déclarations du prestataire et qu’elles ont d’abord été acceptées pour la période du 10 janvier 2021 au 6 février 2021. Elle souligne que lorsqu’elle a rempli ses déclarations du prestataire pour cette période, un message lui a aussi été envoyé pour lui indiquer qu’elle n’avait pas besoin de communiquer avec la Commission pour vérifier qu’elles avaient été bien reçues. L’appelante indique ne pas avoir reçu de prestations après avoir rempli les déclarations en question. Elle explique qu’elle croyait ne pas avoir le droit d’en recevoir. L’appelante explique avoir ensuite appris de la part de la Commission que ses déclarations du prestataire avaient été rejetées, étant donné que la formation qu’elle avait entreprise n’avait pas été approuvée au moment de les remplir. Elle fait également valoir que des documents médicaux indiquent qu’elle a des problèmes de santé qui font en sorte qu’elle a de la difficulté à gérer ses responsabilités. L’appelante précise qu’avec l’aide de sa mère, elle a entrepris une démarche pour qu’une antidate de sa demande de prestations lui soit accordée. Le 11 août 2022, l’appelante conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Question en litige

[9] Je dois déterminer si l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à remplir ses déclarations du prestataire afin que sa demande de prestations soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 10.

Analyse

[10] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, il faut présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travaillé et pour laquelle on souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 11. Pour cela, il faut présenter des déclarations à la Commission toutes les deux semaines. Les déclarations sont habituellement faites en ligne. Il y a des délais à respecterNote de bas de page 12.

[11] Une demande de renouvellement de prestations est une demande présentée par un prestataire qui cherche à réactiver une période de prestations établie antérieurement par une demande initiale mise en veilleuse pendant quatre semaines consécutives ou plus. Une demande de renouvellement doit être présentée dans la semaine qui suit la semaine de chômageNote de bas de page 13.

[12] L’antidate d’une demande de prestations d’assurance-emploi permet qu’une demande de prestations présentée en retard soit considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits.

[13] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée, soit la période entre la date antérieure à laquelle il veut que sa demande soit considérée et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas de page 14.

[14] Un motif valable est une raison acceptable selon la Loi pour expliquer le retard. La présentation d’un motif valable signifie qu’une demande de prestations peut être traitée comme ayant été présentée plus tôt.

[15] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’un prestataire qui ne présente pas sa demande dans les délais prévus doit démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard à le faire et qu’il a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situationNote de bas de page 15.

[16] Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[17] Selon la Cour, avoir un motif valable, c’est avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas de page 16.

[18] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la Loi lui imposaitNote de bas de page 17. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’ont empêché de le faireNote de bas de page 18.

Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à remplir ses déclarations du prestataire et pouvant ainsi faire en sorte quesa demande de prestations soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt?

[19] J’estime que les raisons invoquées par l’appelante de ne pas avoir rempli ses déclarations du prestataire dans le délai prévu constituent un motif valable pouvant justifier un tel retard, au sens de la Loi.

[20] L’une de ces raisons réfère au fait que l’appelante a d’abord rempli avec succès ses déclarations du prestataire pour les semaines du 10 janvier 2021 au 6 février 2021 et qu’elle a alors reçu un message lui indiquant qu’elle n’avait pas à communiquer avec la Commission pour savoir si elles avaient bien été reçues. L’autre raison concerne l’état de santé mentale de l’appelante qui indique une difficulté pour celle-ci de gérer ses responsabilités.

[21] Je considère que ces raisons démontrent la présence de circonstances exceptionnelles ayant eu pour effet d’empêcher l’appelante de remplir ses déclarations plus tôt ou de se renseigner auprès de la Commission pour savoir si elle pouvait recevoir des prestations.

[22] Dans le présent dossier, la période de retard de l’appelante s’étend du 10 janvier 2021, soit la date à la laquelle elle a demandé que ses déclarations du prestataire soient traitéesNote de bas de page 19, au 25 janvier 2022, soit la date à laquelle elle a présenté sa demande d’antidateNote de bas de page 20.

[23] Dans le cas présent, la preuve indique que le 8 mars 2021, l’appelante a rempli avec succès ses déclarations du prestataire (« successful on-line report») pour chacune des semaines suivantes : 10 au 16 janvier 2021, 17 au 23 janvier 2021, 24 au 30 janvier 2021 et 31 janvier 2021 au 6 février 2021Note de bas de page 21.

[24] Pour chacune de ces semaines, les déclarations du prestataire remplies par l’appelante indiquent que les déclarations en question avaient été remplies avec succès et que cette dernière n’avait pas besoin de communiquer avec la Commission pour vérifier qu’elles avaient bien été reçuesNote de bas de page 22.

[25] La preuve au dossier indique aussi que les 7 mai 2021,15 et 16 janvier 2022, ainsi que les 21 et 24 février 2022, l’appelante a tenté de remplir ses déclarations du prestataire, mais elles ont été refusées par le système de déclarations de la CommissionNote de bas de page 23.

[26] L’appelante fait valoir qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à remplir ses déclarations. Son témoignage et ses déclarations indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelante explique avoir reçu un diagnostic médical indiquant qu’elle a un trouble du déficit de l’attention (TDA) accompagné d’anxiété généralisée et de symptômes dépressifs. Des documents médicaux précisent la nature de ses problèmes de santéNote de bas de page 24. Un suivi médical est effectué avec un psychiatre afin de trouver une médication pouvant lui convenir. Son état de santé fait en sorte qu’elle ne réussit pas à gérer seule toutes ses responsabilitésNote de bas de page 25 ;
  2. b) En janvier 2021, avant de présenter sa demande de prestations, elle a rencontré une conseillère en emploi du ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du Nouveau-Brunswick (EPFT) dans le but de faire approuver sa formation entreprise le 8 septembre 2020Note de bas de page 26 ;
  3. c) Après avoir rempli ses déclarations du prestataire, le 8 mars 2021, elle n’a pas reçu de prestations ;
  4. d) Après avoir constaté que des prestations ne lui avaient pas été versées, elle a appelé la Commission (centre d’appel de Service Canada), mais ne se rappelle pas la date de son appel. Elle indique que la représentante de la Commission ne l’avait pas aidée. L’appelante dit ne pas avoir compris les mots ou les termes utilisés par la représentante, car ils étaient « compliqués »Note de bas de page 27 ;
  5. e) L’appelante a conclu qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas de page 28 ;
  6. f) À la suite des démarches effectuées avec sa mère pour qu’une antidate lui soit accordée, elle a appris que ses déclarations du prestataire avaient été rejetées, car la formation qu’elle avait entreprise n’avait pas encore été approuvée par la Commission ou l’instance que celle-ci peut désigner pour donner cette approbationNote de bas de page 29.

[27] La représentante de l’appelante, sa mère en l’occurrence, fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante a des problèmes de santé mentale (ex. : TDA, symptômes d’anxiété généralisée et symptômes dépressifs). Elle a donc de la difficulté à gérer ses responsabilités et ne comprend pas toujours l’information qui lui est transmise. Elle est suivie par un psychiatre depuis très longtemps et sa médication est revue de façon régulièreNote de bas de page 30 ;
  2. b) Elle a réussi à faire ses études tout en continuant à travailler, mais a reçu l’aide d’un tuteur. Son niveau d’anxiété était très élevé et ses symptômes dépressifs étaient souvent sévèresNote de bas de page 31 ;
  3. c) La représentante demande comment l’appelante pouvait savoir, après avoir rempli ses déclarations avec succès, le 8 mars 2021, pour la période du 10 janvier 2021 au 6 février 2021, qu’elle devait communiquer avec la Commission, étant donné le message qu’elle avait reçu lui indiquant qu’elle n’avait pas besoin de communiquer avec celle-ci pour vérifier qu’elles avaient été bien reçuesNote de bas de page 32 ;
  4. d) Puisque l’appelante n’a pas reçu de prestations après avoir rempli ses déclarations pour la période du 10 janvier 2021 au 6 février 2021, elle a cru qu’elle ne pouvait pas en recevoir et s’est concentrée sur ses études et son travailNote de bas de page 33 ;
  5. e) La représentante indique avoir commencé à représenter l’appelante le 19 janvier 2022Note de bas de page 34. Elle souligne qu’elle n’était pas impliquée dans le dossier de l’appelante depuis le début de la demande de prestations de cette dernière, comme l’affirme la Commission dans son argumentationNote de bas de page 35.

[28] La Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pour expliquer son retard à remplir ses déclarations du prestataire. Elle n’a fait aucune tentative pour les remplir avant le 8 mars 2021Note de bas de page 36 ;
  2. b) Les déclarations du prestataire que l’appelante a remplies le 8 mars 2021, pour les semaines du 10 janvier 2021 au 6 février 2021, ont été rejetées (erreur #519), le 8 mars 2021Note de bas de page 37 ;
  3. c) Une agente de la Commission a donné une explication à l’appelante relativement à « l’erreur #519 » lors d’une conversation téléphonique tenue le 18 avril 2022. L’explication suivante a été donnée à l’appelante : « Il est expliqué à la cliente [l’appelante] que sa première déclaration, soit pour la période du 10 au 23/1/2021 a été complétée sur Internet le 8/3/2021. Elle a été rejetée à cause de la formation qui a été approuvée seulement pour la période du 28/2/2021 au 26 juin 21 »Note de bas de page 38 ;
  4. d) L’appelante a de nouveau essayé de remplir cette déclaration, le 7 mai 2021, mais celle-ci a aussi rejetéeNote de bas de page 39 ;
  5. e) L’appelante a confirmé qu’elle pensait qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations, après que les déclarations du prestataire qu’elle a remplies pour les semaines du 10 janvier 2021 au 6 février 2021 aient été rejetéesNote de bas de page 40 ;
  6. f) Rien n’empêchait l’appelante de s’informer auprès de la Commission pour connaître la raison du rejet de ses déclarations du prestataireNote de bas de page 41 ;
  7. g) Même si l’appelante a fourni une note médicale indiquant qu’elle a un trouble du déficit de l’attention (TDA) et qu’elle souffre d’anxiété, cela ne change pas la décision de la Commission. La Commission dit constater que l’appelante est représentée par sa mère et que celle-ci est impliquée dans le dossier depuis le début de la demande de prestations. La Commission indique que la représentante confirme avoir essayé de remplir les déclarations du prestataire une deuxième fois et elle a abandonnéNote de bas de page 42 ;
  8. h) L’appelante a suivi une formation « dirigée » à compter du début de sa demande de prestations, et ce, jusqu’au 26 juin 2021Note de bas de page 43 ;
  9. i) L’appelante et sa représentante n'ont fait aucun effort pour s’informer auprès de Service Canada (la Commission) des procédures à suivre et sur ce qui se passait avec le dossier d’assurance-emploi, et ce, dans un délai de plus de 10 moisNote de bas de page 44.

[29] Dans le présent dossier, je considère qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à son cas, l’appelante démontre que pour toute la période de retard, soit du 10 janvier 2021 au 25 janvier 2022, elle avait un motif valable d’avoir tardé à remplir ses déclarations du prestataire ou de se renseigner auprès de la Commission sur son droit de recevoir des prestations.

[30] Je considère que les gestes de l’appelante représentent ceux qu’une « personne raisonnable » aurait posés, si celle-ci avait été placée dans des circonstances similaires aux siennes.

[31] Bien que la Commission fasse valoir que lorsque l’appelante a rempli ses déclarations du prestataire, le 8 mars 2021, pour les semaines du 10 janvier 2021 au 6 février 2021, celles-ci ont été rejetées en référant à un code d’erreur spécifique (erreur #519)Note de bas de page 45, la preuve au dossier indique bien que ces déclarations ont été remplies avec succèsNote de bas de page 46.

[32] De plus, lorsque l’appelante a rempli ses déclarations pour les semaines en question, un message lui a aussi été donné lui indiquant spécifiquement qu’elle n’avait pas besoin de communiquer avec la Commission pour vérifier si elles avaient bien été reçuesNote de bas de page 47.

[33] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel, le 8 mars 2021, lorsque l’appelante a rempli ses déclarations du prestataire pour les semaines du 10 janvier 2021 au 6 février 2021, elles ont été rejetées. Je suis d’avis que si ces déclarations ont été rejetées, cette décision a été prise après avoir donné une indication à l’appelante qu’elles avaient été remplies avec succès.

[34] J’estime que dans ce contexte, la Commission a alors fourni un renseignement erroné à l’appelante lorsque celle-ci a rempli ses déclarations le 8 mars 2021.

[35] Même si la Commission indique avoir expliqué à l’appelante que les déclarations en question avaient été rejetées parce que la formation de cette dernière n’avait été approuvée que pour la période du 28 février 2021 au 26 juin 2021, cette explication ne lui a été fournie que le 18 avril 2022, soit plus d’un an après la présentation de sa demande de prestationsNote de bas de page 48.

[36] En effet, à l’exception du résumé de la conversation téléphonique tenue entre une représentante de la Commission et l’appelante, le 18 avril 2022Note de bas de page 49, rien dans la preuve au dossier n’indique que cette dernière a été informée, avant ce moment, que la formation qu’elle avait entreprise n’avait pas été approuvée par la Commission ou par l’autorité ou l’instance qu’elle peut désigner en la matière avant le 28 février 2021.

[37] Je ne retiens pas non plus l’argument de la Commission voulant que la preuve médicale indiquant que l’appelante vit avec un trouble du déficit de l’attention (TDA) et qu’elle éprouve un problème d’anxiété ne changeait pas sa décision, car la représentante de cette dernière, sa mère, est impliquée dans le dossier depuis le début de la demande de prestationsNote de bas de page 50.

[38] Sur ce point, je retiens l’explication de la représentante selon laquelle ce n’est qu’à compter du 19 janvier 2022 qu’elle représente l’appelante et qu’elle s’occupe du dossier d’assurance-emploi de cette dernière, et non depuis le début de sa demande de prestations. Je souligne que la preuve au dossier indique bien que le 19 janvier 2022, la représentante a rempli un document indiquant qu’elle était autorisée par l’appelante à recevoir des renseignements pour cette dernièreNote de bas de page 51. La demande d’antidate a été présentée dans les jours qui ont suivi, soit le 25 janvier 2022Note de bas de page 52. Il n’y a aucun élément de preuve au dossier indiquant que la représentante a agi à ce titre auprès de l’appelante avant le 19 janvier 2022.

[39] J’estime que dans ce contexte, la Commission ne peut imputer à la représentante, la responsabilité de ne pas s’être renseignée plus tôt au sujet de la demande de prestations de l’appelante. Rien n’indique non plus que la représentante a indiqué ou confirmé avoir essayé de remplir les déclarations du prestataire une deuxième fois et qu’elle a abandonné, comme l’affirme la CommissionNote de bas de page 53.

[40] Je suis d’avis que la Commission devait aborder la question de l’état de santé mentale de l’appelante dans son analyse pour évaluer dans quelle mesure cette situation avait fait en sorte qu’elle tarde à remplir ses déclarations du prestataire ou à se renseigner auprès d’elle pour savoir si elle pouvait recevoir des prestations. La Commission n’a pas fait cette démarche. Elle semble avoir plutôt occulté le problème de santé mentale de l’appelante en tentant d’attribuer la responsabilité de ce retard à la représentante de cette dernière.

[41] Je retiens que les raisons de santé évoquées par l’appelante expliquent aussi son retard à remplir ses déclarations du prestataire.

[42] Les explications de l’appelante concernant son état de santé mentale (ex. : trouble du déficit de l’attention, diagnostic d’anxiété généralisée avec comorbidité de dépression) sont d’ailleurs soutenues par une preuve médicale détaillée et convaincanteNote de bas de page 54.

[43] Les rapports médicaux présentés spécifient également que l’appelante est facilement surpassée par le stress et perd tous ses moyens, qu’elle a besoin d’accommodement pour faire ses études et qu’un psychiatre effectue un suivi médical avec cette dernière depuis mars 2017Note de bas de page 55.

[44] J’estime que la preuve médicale présentée démontre qu’en raison de son état de santé mentale, l’appelante éprouve des difficultés à gérer seule ses responsabilités, dont celles se rapportant à son dossier d’assurance-emploi.

[45] J’estime que dans ce contexte, l’appelante a pu raisonnablement croire que si elle n’a pas reçu des prestations après avoir rempli ses déclarations du prestataire, le 8 mars 2021, et qu’elle a tenté de les remplir à nouveau par la suite, entre autres le 7 mai 2021, mais cette fois sans succèsNote de bas de page 56, c’était parce qu’elle ne pouvait pas en recevoir.

[46] Je considère que les circonstances exceptionnelles se rapportant au cas de l’appelante permettent d’établir qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à remplir ses déclarations du prestataire ou à se renseigner auprès de la Commission pour savoir si elle pouvait recevoir des prestations.

[47] Ce n’est d’ailleurs qu’à la suite du soutien que lui a apporté sa représentante dans son dossier d’assurance-emploi que l’appelante a présenté sa demande d’antidate le 25 janvier 2022.

[48] Dans l’une de ses décisions, la Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel) a conclu que l’état psychologique d’un prestataire de même que d’autres circonstances propres à son cas constituaient des circonstances exceptionnelles l’exemptant de l’exigence voulant qu’un prestataire doive normalement vérifier assez rapidement s’il a droit à des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 57. Dans cette décision, la Division d’appel a également souligné que la croyance selon laquelle le prestataire n’était pas admissible aux prestations n’était qu’un facteur parmi d’autres à considérerNote de bas de page 58. La Division d’appel a aussi précisé qu’il fallait considérer la totalité des circonstances pour établir s’il y a un motif valable justifiant le retard d’un prestataire à présenter une demande de prestationsNote de bas de page 59.

[49] Je souligne également que plusieurs décisions rendues par la Division générale du Tribunal (la Division générale) indiquent que les problèmes de santé mentale d’un prestataire démontrent l’existence de circonstances exceptionnelles et représentent unmotif valable pour justifier son retard à demander des prestationsNote de bas de page 60.

[50] Bien que je ne sois pas lié par les décisions du Tribunal, je trouve convaincantesses conclusions dans les cas mentionnés plus hautNote de bas de page 61 pour démontrer que les problèmes de santé mentale ou psychologique d’un prestataire peuvent représenter des circonstances exceptionnelles justifiant sa demande d’antidate. J’adopte ainsi la même approche dans le présent dossier.

[51] La Cour nous informe aussi qu’on s’attend à ce qu’une personne raisonnable vérifie assez rapidement si elle a droit à des prestations d’assurance-emploi et quelles sont les obligations en vertu de la Loi, à moins qu’il y ait des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 62.

[52] Dans le cas présent, je suis d’avis que le caractère exceptionnel de la situation de l’appelante fait en sorte de la soustraire de l’exigence qu’a normalement un prestataire de vérifier assez rapidement s’il a droit à des prestations d’assurance-emploi.

[53] Je considère que l’appelante démontre les circonstances exceptionnelles propres à son cas et qu’elle s’est conduite comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires aux siennes pour s’assurer de ses droits et de ses obligations.

[54] J’estime que ces circonstances exceptionnelles ont empêché l’appelante de s’informer de ses droits et responsabilités avant qu’elle n’obtienne l’aide de la part de sa représentante.

[55] La Cour nous indique aussi que l’ignorance de la Loi et la bonne foi, dans certaines circonstances, peuvent constituer un motif valableNote de bas de page 63.

Conclusion

[56] Je conclus que l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable pour justifier son retard à remplir ses déclarations du prestataire pendant toute la période écoulée. Sa demande de prestations doit être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

[57] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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