Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1045

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (523189) rendue le 7 septembre 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 2 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3330

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire. La présente décision explique pourquoi.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a utilisé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a décidé de façon rétroactive que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’a pas pu vérifier sa disponibilité pour le travail.

[3] Le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein. Il ne peut donc pas conserver les prestations que la Commission lui a versées.

Aperçu

[4] Dans le présent appel, le prestataire, M. C., est un étudiant universitaire. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi à compter du 25 octobre 2020. Il a reçu des prestations jusqu’à la fin de ses cours le 30 avril 2021.

[5] Le 9 juin 2022, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice de ces prestations parce qu’elle ne pouvait pas vérifier sa disponibilité pour le travail pendant la période où il étudiait à temps plein.

[6] Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, les prestataires doivent prouver leur disponibilité pour le travail en cherchant un emploi chaque jour ouvrable sans établir de conditions personnelles. Les personnes aux études doivent aussi prouver leur disponibilité.

[7] Le prestataire a d’abord dit à la Commission qu’il n’avait pas cherché d’emploi puisqu’il attendait d’être rappelé à son travail. Par la suite, il a dit qu’il avait cherché du travail tout au long de sa période de prestations. Il fait valoir qu’il a toujours travaillé à temps plein pendant qu’il étudiait à temps plein.

Les questions que je dois trancher

[8] Premièrement, la Commission a-t-elle utilisé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a décidé de façon rétroactive que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations qu’elle lui avait déjà versées?

[9] Deuxièmement, le prestataireétait-il disponible pour travailler pendant sa période de prestations?

Documents présentés après l’audience

[10] Après l’audience, le prestataire a déposé le détail de ses recherches d’emploi. J’ai jugé que ces renseignements étaient pertinents et je les ai fait parvenir à la Commission, mais celle-ci n’a formulé aucun autre commentaire.

Analyse

1. La Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire correctement

[11] Je dois d’abord décider si la Commission a utilisé ses pouvoirs discrétionnaires de la bonne façon lorsqu’elle a décidé de façon rétroactive que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations.

[12] Selon un article de la loi, si des faits nouveaux sont présentés, la Commission peut examiner de nouveau une demande dans les 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 1. C’est l’une des façons de réviser une demande de prestations. Mais ce n’est pas la seule.

[13] Selon un nouvel article de loi dont l’application est temporaire, la Commission peut aussi vérifier que les personnes aux études étaient disponibles pour travailler, et elle peut faire ces vérifications à tout moment après leur avoir versé des prestationsNote de bas de page 2. Cet article a été adopté pendant la pandémie pour que les étudiantes et étudiants aient accès aux prestations plus rapidement. Il autorisait le versement des prestations avant la vérification de la disponibilité, mais prévoyait le droit de faire les vérifications plus tard.

[14] Selon la division d’appel du Tribunal, je dois d’abord décider si la Commission a fait un nouvel examen de sa décision dans le dossier du prestataire ou si elle a vérifié sa disponibilitéNote de bas de page 3.

[15] Je conclus que la Commission a fait des vérifications au sujet de sa décision voulant que le prestataire puisse toucher des prestations régulières d’assurance-emploi. C’était plus d’un an après le versement des prestations. Elle effectuait les versements même si, dans ses déclarations, le prestataire indiquait qu’il n’avait pas cherché de travail.

[16] Quand la Commission décide de revoir une demande, elle prend une décision discrétionnaire. En effet, la Commission utilise son pouvoir discrétionnaire pour choisir les décisions à vérifier. Elle ne revoit pas automatiquement toutes les demandes après avoir versé des prestations aux prestataires.

[17] Lorsqu’elle rend une décision discrétionnaire, la Commission doit agir de façon judiciaire. Cette expression veut dire que la Commission doit montrer que :

  • elle a agi de bonne foi, sans faire de discrimination et sans avoir un but irrégulier;
  • elle a examiné tous les facteurs pertinents;
  • elle a ignoré tous les facteurs non pertinentsNote de bas de page 4.

[18] Je juge que la Commission a agi dans un but régulier au sens de la loi, c’est-à-dire pour vérifier la disponibilité du prestataire pour le travail pendant qu’il étudiait à temps plein.

[19] Je ne vois rien qui prouve que la Commission a agi de mauvaise foi, de façon discriminatoire ou dans un but inapproprié. Elle n’a ignoré aucun élément pertinent. Elle n’a pas non plus examiné les éléments non pertinents. La loi lui permettait de vérifier la disponibilité du prestataire pour le travail à tout moment après lui avoir versé des prestations, même après plus d’un an.

[20] La Commission a donc utilisé son pouvoir discrétionnaire de la bonne façon quand elle a vérifié l’admissibilité du prestataire aux prestations, puis qu’elle a décidé de façon rétroactive qu’il était inadmissible et qu’elle a calculé le montant du trop-payé (prestations versées en trop).

[21] Je vais maintenant voir si le prestataire était disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein.

2. Il faut être disponible pour travailler

[22] Il faut démontrer qu’on est capable de travailler et disponible pour travailler pour tout jour ouvrable pour lequel on veut demander des prestationsNote de bas de page 5. Les personnes aux études doivent aussi prouver leur disponibilitéNote de bas de page 6. Elles doivent démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elles sont disponibles pour travailler.

On suppose que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[23] On présume que les prestataires qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 7. Autrement dit, nous pouvons présumer (tenir pour acquis) que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler sauf si elles peuvent prouver le contraire.

[24] Je vais donc commencer par voir si je peux présumer que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Ensuite, je vérifierai s’il était activement disponible pour travailler.

[25] Le prestataire étudiait à temps plein. La présomption s’applique donc à lui.

[26] La Commission affirme que le prestataire ne peut pas réfuter la présomption de non-disponibilité parce qu’il n’a pas démontré qu’il essayait de trouver du travail.

[27] Je juge cependant que le prestataire peut réfuter la présomption en raison de ses antécédents de travail : il a l’habitude de travailler 25 heures par semaine pendant qu’il étudie à temps plein. En général, les personnes qui demandent des prestations peuvent réfuter la présomption de non-disponibilité seulement si elles ont déjà travaillé à temps plein pendant leurs études à temps plein Note de bas de page 8 ou si les circonstances sont exceptionnelles Note de bas de page 9.

[28] Je m’appuie sur une décision rendue par la division d’appel du Tribunal dans un contexte semblableNote de bas de page 10. Dans cette affaire, la division d’appel a conclu que la nature à temps partiel de l’emploi précédemment occupé par la prestataire et sa capacité de maintenir ce rythme de travail tout en étudiant à temps plein constituaient des circonstances exceptionnelles. La division d’appel a affirmé que cela suffisait à réfuter la présomption de non-disponibilité.

[29] C’est pourquoi je conclus que le prestataire peut réfuter la présomption avec ses 25 heures de travail par semaine. Mais je dois quand même vérifier s’il était activement disponible pour travailler.

[30] La Commission affirme que les prestataires doivent faire des démarches « habituelles et raisonnables » pour trouver du travail. Le prestataire a rempli des questionnaires sur les cours de formation, mais la Commission ne lui a posé aucune autre question sur ses recherches d’emploi avant la fin de ses cours.

[31] Pour cette raison, je ne me pencherai pas sur la question de l’inadmissibilité découlant de l’absence de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi Note de bas de page 11. Je vais regarder seulement l’inadmissibilité que la Commission a imposée suivant le critère de la disponibilité, que j’explique iciNote de bas de page 12.

[32] Selon ce critère, le prestataire devait prouver les trois choses suivantes :

  1. i) Il voulait retourner travailler dès qu’il trouvait un emploi convenable.
  2. ii) Il a essayé de retourner travailler en faisant assez d’efforts pour trouver du travail.
  3. iii) Il n’a pas fixé de conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment (à tort) ses chances de trouver un emploi convenable Note de bas de page 13.

[33] Je dois examiner chacun de ces éléments pour trancher la question de la disponibilité. Je regarderai aussi l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 14.

Le prestataire voulait retourner travailler

[34] Pour le premier élément du critère, j’admets que le prestataire voulait retourner travailler puisque son historique de travail pendant ses études témoigne d’une éthique de travail solide. Les messages textes qu’il a envoyés à son employeur et l’historique des paiements de la Commission montrent qu’il a pris les quarts de travail qui étaient disponibles pendant sa période de prestations. Ainsi, son attitude et sa conduite démontrent un désir de retourner sur le marché du travail.

Le prestataire n’a pas fait assez d’efforts pour trouver du travail

[35] Toutefois, en ce qui concerne le deuxième élément du critère, le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait assez d’efforts pour trouver du travail, car il attendait d’être rappelé par son employeur précédent. Il a démontré qu’il est demeuré en contact avec son employeur pour faire des quarts de travail quand c’était possible, mais il n’a pratiquement pas fait d’autres démarches.

[36] Le fait d’attendre un rappel sans faire d’autres recherches ne démontre pas qu’on fait assez d’efforts pour trouver du travail, surtout lorsque les emplois dans son domaine habituel se font rares, du moins temporairement.

[37] J’admets que le prestataire a fait quelques efforts pour trouver un emploi comme celui qu’il avait perdu en raison de la COVID-19. C’est ce que je constate en regardant la liste des bars et des restaurants qu’il a visités à des dates non précisées pour demander du travail. J’admets qu’il a eu une entrevue pour un emploi. L’employeur l’a confirmé. J’accepte aussi son témoignage sous serment voulant qu’il ait postulé pour un emploi dans une entreprise de sécurité.

[38] Autrement, le prestataire est resté vague au sujet de ses démarches, sauf pour dire qu’il avait cherché des emplois en ligne. Il n’a conservé aucune trace de ses recherches d’emploi malgré les instructions claires dans sa demande de prestations qui lui demandaient de conserver un registre pendant au moins six ansNote de bas de page 15.

[39] Le prestataire dit avoir supprimé les comptes qu’il avait créés sur LinkedIn, Indeed et Glassdoor, de sorte qu’il ne peut pas accéder à l’historique de ses recherches d’emploi ou de ses demandes d’emploi. Il ne s’est pas inscrit auprès d’une agence de placement. Les démarches de recherche d’emploi qu’il a faites en juin 2021 tombent après la période visée.

[40] C’est pourquoi je conclus que le prestataire n’a pas fourni assez d’éléments de preuve pour écarter ses déclarations antérieures selon lesquelles il ne cherchait pas de travail et avait déjà un emploi qui l’attendait. C’est ce qu’il avait déclaré le 6 novembre 2020 et le 14 janvier 2021 dans ses questionnaires sur les cours de formation.

[41] Les cours disent que les déclarations initiales et spontanées des prestataires sont plus crédibles que les celles faites plus tard, quand le versement des prestations est compromisNote de bas de page 16. Dans cette optique, je n’ai aucune raison de conclure que le prestataire n’a pas dit la vérité lorsqu’il a fait ses premières déclarations. Sans d’autres éléments de preuve sur ses recherches d’emploi, je ne peux pas simplement rejeter ces déclarations.

[42] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que ses déclarations initiales étaient vraies, surtout si je tiens compte des prédictions optimistes de l’employeur quant au retour au travail du prestataire.

[43] Le prestataire ne peut donc pas prouver qu’il était disponible pour travailler juste parce que son horaire de cours ne l’empêchait pas de travailler ou qu’il a toujours travaillé pendant ses études. Il ne suffit pas non plus de dire qu’il n’y avait pas de travail nulle part en raison de la COVID-19. Les personnes qui demandaient des prestations devaient tout de même démontrer par leurs efforts qu’elles cherchaient du travail pour tout jour ouvrable, même si elles croyaient avoir peu de chances de trouver un emploiNote de bas de page 17. Le prestataire n’a pas démontré qu’il a fait de telles démarches.

Le prestataire avait fixé des conditions personnelles

[44] Le prestataire s’imposait aussi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de trouver un emploi parmi les possibilités qui étaient offertes à ce moment-làNote de bas de page 18.

[45] Le prestataire a dit préférer avoir un emploi [traduction] « raisonnablement proche » de son lieu de résidence. Il explique qu’il n’a pas de voiture, alors il avait l’habitude de marcher 50 minutes pour se rendre à son emploi précédent. De cette façon, son uniforme n’était pas froissé. Il dit qu’il aurait accepté de se déplacer jusqu’à une heure en autobus [traduction] « si les choses en arrivaient là ». Mais il n’a pas démontré que ses recherches d’emploi s’étendaient au-delà du quartier où il travaillait avant.

[46] Ainsi, compte tenu des éléments de preuve, je juge que le prestataire a généralement limité ses recherches d’emploi aux restaurants situés dans un seul secteur de la ville alors que ce type de travail se faisait rareNote de bas de page 19.

[47] On comprend aisément qu’une personne puisse préférer travailler près de chez elle, mais cela devient une condition personnelle lorsqu’elle limite sa recherche d’emploi en fonction de cette préférence. C’est pourquoi je conclus que le prestataire avait fixé des conditions personnelles quant au lieu de travail.

[48] Il s’était aussi fixé une autre condition personnelle. Il dit qu’il ne pouvait pas poser sa candidature dans une épicerie ou un Walmart près de chez lui parce que sa petite amie est immunovulnérable. Il n’a cependant pas démontré qu’il avait reçu un avis médical lui disant de limiter sa propre exposition sur son lieu de travail pour le bien-être de sa petite amie ni que le port d’un masque ne serait pas une protection suffisante dans ces milieux.

[49] Les problèmes de santé ne sont pas des conditions personnelles. Cependant, dans la présente affaire, le prestataire imposait une condition personnelle à l’acceptation d’un emploi en raison de létat de santé d’une autre personne. Il dit que les supermarchés et les magasins Walmart seraient des environnements de travail plus risqués en raison du fort achalandage. Il n’a donc pas déposé son curriculum vitae ni envisagé d’occuper un emploi à ces endroits.

[50] Ne pas sonder le marché du travail pour trouver d’autres emplois possiblement vacants durant une période où il y avait peu de travail dans les secteurs de l’hôtellerie, du tourisme et de la sécurité était une condition personnelle.

[51] Le prestataire s’imposait donc des conditions personnelles qui auraient indûment limité ses chances de trouver du travail.

Somme toute, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour travailler?

[52] À la lumière des conclusions que j’ai tirées sur les trois éléments ci-dessus, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[53] Je compatis avec le prestataire pour la situation difficile où il se trouve et les difficultés financières qu’entraîne le remboursement du trop-payé. Mais la loi dit que les personnes qui étudient et qui veulent recevoir des prestations doivent démontrer par leurs actions qu’elles sont disponibles pour travailler, selon l’interprétation présentée plus haut. Je n’ai pas le pouvoir de modifier cette disposition de la loiNote de bas de page 20.

[54] Malheureusement, je n’ai pas non plus le pouvoir d’annuler ou de réduire la dette du prestataire. Il lui reste encore quelques options.

[55] Le prestataire peut demander à la Commission d’envisager la défalcation (l’annulation) totale ou partielle de sa dette en raison d’un préjudice abusifNote de bas de page 21. Il peut faire appel à la Cour fédérale du Canada si jamais la Commission rejette sa demande.

[56] Le prestataire peut aussi composer le 1-866-864-5823 pour joindre le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada. Il peut expliquer sa situation financière et demander l’annulation totale ou partielle de sa dette. Il peut aussi demander une entente de remboursement à long terme qu’il pourra gérer de façon réaliste.

Conclusion

[57] La Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de la bonne façon lorsqu’elle a décidé de façon rétroactive que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations, car il n’a pas pu prouver sa disponibilité pour le travail pendant les vérifications.

[58] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein du 26 octobre 2020 au mois d’avril 2021. Comme il était inadmissible, il doit rembourser les prestations qui lui ont été versées en trop.

[59] Voilà pourquoi je dois rejeter l’appel du prestataire.

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