Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1217

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada datée du 5 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin (A. H.)
Date de la décision : Le 14 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1682

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde de son emploi le 31 octobre 2021. L’employeur de la prestataire (« Air Canada ») a déclaré que la prestataire avait été placée en congé sans solde parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] La Commission a accepté la raison de suspension de l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er novembre 2021.

[5] La Commission affirme que la prestataire était au courant des dates limites de vaccination de l’employeur et qu’elle ne les a pas respectées tout en sachant que des conséquences négatives découleraient d’un tel refus. La Commission affirme également que le congé sans solde de la prestataire a été considéré comme équivalant à une suspension, parce que la raison du congé sans solde était le refus de respecter la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.

[6] La prestataire affirme qu’elle s’est conformée à la politique de vaccination de l’employeur en demandant une exemption religieuse. Toutefois, la prestataire affirme qu’on lui a refusé l’exemption religieuse après qu’elle a été placée en congé sans solde.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[9] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[10] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la véritable raison de la suspension. L’employeur a dit à la Commission que les employés avaient été avisés par courriel en août 2021 qu’ils devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. L’employeur a également dit à la Commission que les employés avaient été informés que s’ils refusaient de respecter la politique, cela entraînerait un congé sans solde à compter du 31 octobre 2021 (GD3-39).

[11] La prestataire affirme avoir respecté la politique de vaccination de l’employeur en demandant une exemption religieuse. Cependant, la prestataire affirme qu’on lui a refusé l’exemption religieuse après qu’elle a été mise en congé.

[12] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Je comprends que la prestataire a soutenu qu’elle s’est conformée à la politique de vaccination de l’employeur parce qu’elle a présenté une demande d’exemption religieuse, laquelle a été rejetée lorsqu’elle a été mise en congé sans solde. Néanmoins, la prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique au plus tard le 31 octobre 2021. Je vais aborder l’argument de la prestataire concernant le moment où sa demande d’exemption religieuse a été rejetée dans la section suivante.

La raison de la suspension de la prestataire était-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison de la suspension de la prestataire était une inconduite au sens de la loi.

[14] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 2 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 3 Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 4

[15] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raison.Note de bas de page 5

[16] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.Note de bas de page 6

[17] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire a confirmé qu’elle savait quelles conséquences découleraient du refus de respecter la politique de vaccination de l’employeur et qu’elle a choisi néanmoins de ne pas s’y conformer. La Commission affirme également qu’il y avait un lien de causalité clair entre l’inconduite de la prestataire et sa suspension.

[18] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle a respecté la politique de l’employeur en demandant une exemption religieuse. Elle ajoute qu’on lui a refusé une exemption religieuse après qu’elle a été placée en congé sans solde.

[19] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car elle a démontré que la prestataire a été informée par courriel de la politique de vaccination de l’employeur le 25 août 2021. Plus précisément, la Commission a démontré que la prestataire savait que les employés devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021, sinon ils seraient placés en congé sans solde pendant six mois (GD3-18). De plus, la prestataire a confirmé lors de l’audience qu’en août 2021, les employés ont été avisés que leur statut vaccinal devait être fourni au plus tard le 8 septembre 2021 et qu’ils devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. La prestataire a également confirmé lors de l’audience qu’elle savait que le refus de respecter la politique de l’employeur entraînerait un congé sans solde à compter du 31 octobre 2021.

[20] Je reconnais que la prestataire a fait valoir qu’elle s’est conformée à la politique de l’employeur parce qu’elle a demandé une exemption religieuse, mais que sa demande a été rejetée après qu’elle a été mise en congé. Toutefois, l’employeur a confirmé que la prestataire avait présenté sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux le 31 octobre 2021 et que les documents à l’appui de sa demande avaient été reçus le 31 octobre 2021 et le 12 novembre 2021 (GD3-21). De plus, la politique de l’employeur indiquait que tous les employés devaient avoir reçu leur première dose (dans le cas d’un vaccin à deux doses) et avoir communiqué leur statut vaccinal au plus tard le 8 septembre 2021. De plus, ils devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. Je ne peux tout simplement pas conclure que la prestataire a respecté les dates limites de l’obligation vaccinale de l’employeur telles qu’énoncées dans sa politique de vaccination contre la COVID-19 (GD3-33).

Arguments supplémentaires de la prestataire

[21] Je comprends que la prestataire a également soutenu qu’elle avait été forcée de prendre un congé sans solde et elle a fait référence aux principes du Guide de la détermination de l’admissibilité relatifs à une période de congé autorisée. Toutefois, je suis d’accord avec la Commission pour dire que la prestataire n’était pas tenue de prendre un congé sans solde; elle a plutôt choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Autrement dit, la décision de la prestataire de ne pas se conformer à la politique de l’employeur a entraîné son congé sans solde.

[22] Je reconnais également que la prestataire était surprise et déçue du fait que l’employeur lui ait refusé une exemption religieuse. Toutefois, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable en mettant en œuvre une politique de vaccination obligatoire ou en rejetant une demande d’exemption religieuse. La prestataire avait d’autres moyens de soulever ces arguments.Note de bas de page 7 De plus, je dois appliquer le critère juridique relatif à l’inconduite aux faits. Bref, je ne peux pas modifier ou ignorer la loi, pas même pour un motif de compassion.Note de bas de page 8

Témoignage du témoin

[23] Je comprends que le témoin a déclaré que la politique de vaccination de l’employeur ne faisait pas partie du contrat de la prestataire lorsqu’elle a commencé à travailler pour « Air Canada » en 2015. Toutefois, je n’ai ni le pouvoir ni la compétence de décider si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable en mettant en œuvre sa politique de vaccination obligatoire en 2021. Comme je l’ai mentionné, la prestataire avait d’autres moyens de soulever ces arguments.Note de bas de page 9

[24] Je reconnais également que le témoin a cité une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (GE-22-3918) pour appuyer l’appel de la prestataire. Plus précisément, le témoin a expliqué que cette décision indiquait qu’on ne tenait pas compte du caractère délibéré si un employé se conformait en partie à la politique de vaccination de l’employeur en demandant une exemption religieuse. Une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’est pas juridiquement contraignante pour moi. De plus, une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’établit pas de précédent juridique.

[25] Le témoin a également cité une décision de la Cour fédérale appuyant en principe l’appel de la prestataire.Note de bas de page 10 Toutefois, la décision de la Cour fédérale citée par le témoin a expressément expliqué qu’aucune des observations de l’appelant dans cette affaire ne fournissait un fondement pour infirmer la décision de la division d’appel.

[26] Enfin, le témoin a soutenu que la prestataire avait [traduction] « suivi les étapes » de la politique de vaccination de l’employeur. Je suis conscient du fait que la prestataire a présenté une demande d’exemption religieuse le 31 octobre 2021 (avec les documents à l’appui le 31 octobre 2021 et le 12 novembre 2021). Toutefois, je ne peux pas conclure que la prestataire a suivi la politique de vaccination de l’employeur qui exigeait que les employés aient reçu leur première dose et communiqué leur statut vaccinal au plus tard le 8 septembre 2021, et qu’ils soient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021.

[27] En résumé, la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire était au courant des exigences de vaccination de l’employeur et qu’elle a pris la décision délibérée et consciente de ne pas se conformer à cette politique.

La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[28] À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[29] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 1er novembre 2021.

[30] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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