Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1050

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (514990) datée du
18 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3082

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire affirme qu’il a été congédié parce qu’il est allé à l’encontre de sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a jugé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire affirme qu’il a été embauché moins de trois mois avant que l’employeur établisse la politique de vaccination. Il affirme qu’il aurait dû être informé des conditions de son emploi, y compris la vaccination, à ce moment-là.

[7] Le prestataire affirme qu’il ne s’est pas fait vacciner pour des raisons de santé. Il dit que l’employeur aurait dû offrir d’autres solutions que le vaccin, comme le travail à domicile et le dépistage. Il dit que la politique n’est pas raisonnable et que l’inconduite devrait être fondée sur le comportement, et non sur des renseignements personnels liés à la santé.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il est allé à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[12] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[13] La Commission affirme que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il est allé à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[14] Je conclus qu’il n’est pas contesté que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il est allé à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[17] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[18] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une possibilité réelle qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour le prestataireNote de bas de page 9 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je ne peux examiner qu’une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement communiqué la politique au prestataire;
  • le prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique.

[23] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • il a été embauché moins de trois mois avant que l’employeur établisse la politique de vaccination et il aurait dû être informé de cette condition d’emploi au début de son contrat de travail;
  • l’employeur aurait dû autoriser des solutions de rechange au vaccin, comme le travail à domicile ou le dépistage;
  • la politique n’est pas raisonnable;
  • l’inconduite devrait être fondée sur le comportement, et non sur des renseignements personnels liés à la santé.

[24] La politique de vaccination de l’employeur est datée du 20 septembre 2021. Elle dit ce qui suit : [traduction]

  • les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 1er octobre 2021 pour se présenter au bureau;
  • à compter du 1er janvier 2022, la vaccination complète sera une condition d’emploi;
  • l’employeur envisagera d’accorder une exemption à la politique pour des motifs médicaux, religieux ou fondés sur les croyancesNote de bas de page 11.

[25] Le prestataire affirme qu’il a été embauché par l’employeur pour commencer le 1er juin 2021. Il dit que les conditions de son emploi ne l’obligeaient pas à se faire vacciner, même si le vaccin était disponible. Il déclare que son employeur n’a pas mentionné la vaccination au moment de son embauche. Il a fourni une ébauche de son contrat de travail. Le contrat ne mentionnait pas que la vaccination était une condition d’emploiNote de bas de page 12.

[26] Le prestataire affirme avoir entendu parler pour la première fois d’une éventuelle politique de vaccination en août 2021.

[27] Il dit avoir reçu une copie de la politique au moment de sa mise en œuvre, vers le 20 septembre 2021.

[28] Le prestataire affirme avoir des antécédents de maladie dans sa famille, y compris un trouble auto-immunitaire qui provoque la coagulation sanguine. Il dit avoir parlé à quelques médecins pour obtenir une exemption à la politique. Cependant, il affirme ne pas avoir pu obtenir une exemption médicale écrite à la politique.

[29] Le prestataire affirme avoir discuté de ses préoccupations médicales avec son employeur. Il dit que l’employeur avait un spécialiste avec qui le prestataire pouvait parler de vaccination. Il affirme que le spécialiste n’avait pas su le rassurer et qu’il ne comprenait pas ses préoccupations médicales.

[30] Le prestataire affirme que son employeur lui a dit qu’il n’était pas exempté de la politique pour des raisons médicales.

[31] Il dit qu’il a compris qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas la politique.

[32] Le 27 octobre 2021, l’employeur a donné un avis écrit au prestataire au sujet de la politique et de ses conséquences. L’avis précise qu’à compter du 1er janvier 2022, la vaccination complète deviendra une condition d’emploi, sous réserve des exceptions. Il dit que le prestataire sera congédié à compter du 31 décembre 2021, à moins qu’il soit entièrement vacciné et qu’il fournisse une preuve de vaccination au plus tard à cette dateNote de bas de page 13.

[33] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que les membres du personnel soient vaccinés comme condition d’emploi, à moins qu’une exemption ne soit fournie par l’employeur;
  • l’employeur a clairement dit au prestataire ce qu’il attendait des membres de son personnel en ce qui concerne la vaccination, même si la politique a été mise en œuvre peu de temps après l’embauche du prestataire;
  • l’employeur n’a pas exempté le prestataire de la politique;
  • l’employeur a envoyé la politique et d’autres lettres écrites au prestataire pour lui faire part de ses attentes;
  • le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[35] En effet, les actions du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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