Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1218

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M.
Représentant : James S. M. Kitchen
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (483132) datée du
12 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 15 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1374

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. L’employeur de l’appelante a dit que c’est parce qu’elle est allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle n’a pas obtenu d’exemption et elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite. L’appelante estime que son employeur aurait pu l’autoriser à travailler à distance. Elle estime que certaines personnes avaient le droit de faire des tests, mais qu’elle n’avait pas le droit. Elle juge que la politique d’exemption religieuse n’était pas vraie et que son employeur n’a pas vraiment offert de mesures d’adaptation aux membres du personnel.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que l’appelante était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Cette affaire a été renvoyée à la division générale

[6] Cette affaire a déjà été traitée par rejet sommaire à la division générale du présent TribunalNote de bas de page 2. L’appelante a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 3.

[7] La division d’appel a tenu une audience par écrit et a convenu avec les parties qu’une erreur s’était produite au niveau de la division généraleNote de bas de page 4. La division d’appel a décidé que l’affaire devait être renvoyée à la division générale, à une ou un autre membre, pour réexamen.

[8] À la nouvelle audience de la division générale, l’appelante a compris que, même si j’avais examiné tous les documents précédents, il s’agissait d’une audience entièrement nouvelle.

L’appelante a eu l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires

[9] Le 23 juin 2023, l’appelante a eu l’occasion de soumettre tout renseignement supplémentaire qu’elle souhaitait soumettre avant l’audience de sa causeNote de bas de page 5. Ces renseignements ont été demandés au plus tard le 7 juillet 2023.

[10] Le représentant de l’appelante a demandé plus de tempsNote de bas de page 6.

[11] Une date d’audience du 4 août 2023 a été fixée et l’appelante a eu jusqu’au 21 juillet 2023 pour soumettre tout renseignement supplémentaire pour l’audience.

Le représentant de l’appelante a déposé des documents après l’audience

[12] Le représentant de l’appelante n’a présenté aucune jurisprudence avant l’audience. Toutefois, pendant l’audience, il a dit qu’il présenterait toutes ses sources le jour même de l’audience, soit le 4 août 2023. Les sources n’ont pas été présentées avant le 9 août 2023. Même si les documents ont été reçus en retard, je vais les accepter, car le représentant de l’appelante a fait référence à la plupart des affaires pendant l’audience. Le recueil des sources a été étiqueté comme étant le document GD6 dans le dossier d’appel.

Question en litige

[13] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[14] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 7.

[15] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[16] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[17] L’appelante affirme avoir été mise en congé pour cette raison. Elle dit qu’en raison de sa religion, elle ne voulait pas se faire vacciner. L’appelante affirme avoir suivi la politique de son employeur et avoir tenté d’obtenir une exemption religieuse, mais que l’employeur a refusé de lui en accorder une. L’appelante ne croit pas qu’avoir omis de respecter la politique est une inconduite. Elle estime que son employeur a permis à certaines personnes de se soumettre à des tests de dépistage de la COVID-19 au lieu de se faire vacciner. L’appelante juge qu’elle devrait avoir droit à des prestations.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] La raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[19] Le relevé d’emploi Note de bas de page 8 de l’appelante indique que la raison pour laquelle il a été produit est un « congé autorisé ». Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’employé caractérisent leur cessation d’emploi Note de bas de page 9. L’article 31 fait référence à une « suspension » en raison d’une inconduite Note de bas de page 10. Autrement dit, lorsqu’il s’agit de la décision de l’employeur de placer un membre du personnel en congé sans solde, en raison d’une inconduite, c’est généralement la même chose qu’une suspension pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ferai référence au congé sans solde de l’appelante comme étant une suspension parce que c’est le mot utilisé par la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] Le représentant de l’appelante soutient qu’une suspension signifie qu’il y a un élément disciplinaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que le congé de l’appelante était une suspension.

[21] Le représentant de l’appelante affirme que l’employeur de l’appelante n’a pas considéré le congé comme étant disciplinaireNote de bas de page 11. Le représentant de l’appelante a fait valoir que cela signifie que l’appelante devrait avoir droit aux prestations d’assurance-emploi.

[22] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) nous montre comment établir si la suspension de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[23] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 13. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 14).

[24] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 15.

[25] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 16. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou omis de faire, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 17.

[26] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 18.

[27] Je peux seulement trancher les questions au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Ce n’est pas à moi de décider si son employeur l’a suspendue à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour elleNote de bas de page 19 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je ne peux examiner qu’une seule chose : ce que l’appelante a fait ou omis de faire, c’est de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] Dans une affaire appelée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas de page 20. Il a perdu son emploi en raison de la politique de son employeur sur le dépistage de drogue. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait pas de motif raisonnable de croire qu’il était incapable de faire son travail de façon sécuritaire parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage auraient dû être valides.

[29] En réponse, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question à trancher est de savoir si l’acte ou l’omission du membre du personnel constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non si la personne a été congédiée à tortNote de bas de page 21.

[30] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que, lorsqu’on interprète et applique la Loi sur l’assurance-emploi, l’accent est clairement mis sur le comportement de l’employé, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les membres du personnel qui ont été congédiés à tort ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur, plutôt que d’en faire payer les coûts aux contribuablesNote de bas de page 22.

[31] Dans une affaire plus récente appelée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistageNote de bas de page 23. Il a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, puisque les résultats des tests ont démontré qu’il n’avait pas les facultés affaiblies pendant qu’il était au travail. Il a dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en fonction de ses propres politiques et des lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour décider de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 24.

[32] De même, à Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de sa dépendance à l’alcoolNote de bas de page 25. Il a fait valoir que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une invalidité. La Cour d’appel fédérale a répété que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou omis de faire; il n’est pas pertinent que l’employeur n’ait pas pris des mesures d’adaptation pour luiNote de bas de page 26.

[33] Ces affaires ne concernent pas des politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’elles disent est toujours pertinent. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques de l’employeur et de décider s’il était correct de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou omis de faire, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 27. Le Tribunal (la division générale et la division d’appel) avait refusé de verser des prestations à l’appelant parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La Cour a conclu que le Tribunal avait un [traduction] « rôle restreint et précis à jouer dans le système juridiqueNote de bas de page 28 ». Dans ce cas, il devait décider pourquoi l’appelant avait été congédié et s’il s’agissait d’une « inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce que disent la Commission et l’appelante

[35] La Commission et l’appelante s’entendent sur les principaux faits de l’affaire. Les principaux faits sont ceux que la Commission doit prouver pour démontrer que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement informé l’appelante de ses attentes concernant la vaccination;
  • l’employeur a envoyé des lettres à l’appelante à plusieurs reprises pour lui communiquer ses attentes;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se produirait si elle ne respectait pas la politique.

[37] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • la politique de vaccination de l’employeur était injuste;
  • le non-respect de la politique de vaccination de l’employeur n’est pas une inconduite parce que les conséquences du non-respect de la politique n’étaient pas disciplinaires;
  • l’appelante n’avait pas pensé qu’elle pouvait perdre son emploi (ou se faire suspendre) si elle ne se faisait pas vacciner.

[38] La date initiale d’entrée en vigueur de la politique de vaccination de l’employeur était le 14 septembre 2021. La politique dit qu’à compter du 31 octobre 2021, tous les travailleurs doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19Note de bas de page 29. La politique définit un travailleur entièrement vacciné comme une personne qui a reçu une série complète de vaccins contre la COVID-19Note de bas de page 30.

[39] L’appelante convient que son employeur avait une politique de vaccination et qu’elle était au courant.

[40] La politique de l’employeur définit également ce qu’est un « travailleur »Note de bas de page 31. L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle faisait partie des travailleurs de l’employeur. Cela signifie que la politique s’applique à l’appelante.

[41] La politique prévoit également des mesures d’adaptation en milieu de travail pour les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des raisons médicales ou pour un autre motif protégé par l’Alberta Human Rights Act (loi albertaine sur les droits de la personneNote de bas de page 32).

[42] La politique précise également les conséquences en cas de non-respect de la politique. La politique prévoit que si un membre du personnel n’obtient pas de mesures d’adaptation et s’il ne se conforme pas à la politique, il sera placé en congé sans solde pendant la période nécessaire pour se faire entièrement vaccinerNote de bas de page 33.

Exemption médicale ou autre

[43] L’appelante savait que son employeur exigeait qu’elle obtienne une exemption pour continuer à travailler si elle ne se faisait pas vacciner Note de bas de page 34. L’appelante a présenté à son employeur une demande d’exemption religieuse Note de bas de page 35. Elle affirme avoir présenté sa demande vers le 12 octobre 2021. Le 19 novembre 2021, l’employeur a rejeté la demande de mesures d’adaptation (ou d’exemption) de l’appelante Note de bas de page 36. Après le rejet de sa demande d’exemption, l’appelante avait jusqu’au 30 novembre 2021 pour se faire entièrement vacciner. Si l’appelante ne le faisait pas, la lettre disait qu’elle serait placée en congé sans solde à compter du 1er décembre 2021.

[44] Le 6 décembre 2021, l’employeur de l’appelante lui a écrit pour lui dire : [traduction] « conformément à la politique, si vous n’êtes pas entièrement vaccinée au plus tard le 12 décembre 2021, vous serez placée en congé sans solde à compter du 13 décembre 2021Note de bas de page 37 ». La lettre poursuit en disant : [traduction] « par souci de clarté, vous n’êtes pas autorisée à faire des quarts de travail réguliers, occasionnels ou supplémentaires pendant ce congé général ».

[45] La même lettre du 6 décembre 2021 précise également que [traduction] « ce congé n’est pas disciplinaire et ne sera pas déclaré comme tel à votre collège professionnel (s’il y a lieu). Toutefois, si vous êtes inscrite à un collège professionnel qui a publié une déclaration selon laquelle le non-respect de cette politique ou des exigences d’immunisation constitue une conduite non professionnelle, nous serons tenus d’en faire part à votre organisme professionnel conformément à l’article 54 de la Health Professions ActNote de bas de page 38 [loi sur les professions de la santé]. »

[46] L’appelante a témoigné au sujet de ses croyances religieuses sincères concernant la vaccination. Je reconnais que l’appelante refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses.

[47] L’appelante a convenu qu’elle n’avait pas d’exemption à la politique obligatoire de son employeur. Comme il n’y a aucune preuve du contraire, j’accepte le témoignage de l’appelante sur ces points.

Congé et révision de la politique

[48] L’appelante a été mise en congé (suspension) le 13 décembre 2021. Le 29 décembre 2021, l’employeur a écrit à l’appelante pour lui proposer de retourner au travail si elle acceptait de subir temporairement des tests de dépistage fréquents de la COVID-19Note de bas de page 39. La politique révisée de l’employeur est entrée en vigueur le 10 janvier 2022, soit au moment du retour au travail de l’appelanteNote de bas de page 40.

[49] Finalement, le 18 juillet 2022, l’employeur a annulé sa politique de vaccinationNote de bas de page 41.

[50] Le représentant de l’appelante soutient qu’elle devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi pendant la période où elle a été suspendue.

Aucune mesure disciplinaire

[51] Le représentant de l’appelante soutient qu’il ne peut y avoir de conclusion d’inconduite s’il n’y a pas eu de mesures disciplinaires. Il a également fait valoir qu’il n’est pas possible pour la Commission ni pour le Tribunal de la sécurité sociale de conclure à une inconduite alors que l’employeur ne l’a pas fait.

[52] Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d’accord. Les tribunaux ont examiné cette question et décidé que la façon dont un employeur qualifie le congédiement d’un membre du personnel ne détermine pas si la personne a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 42.

[53] De plus, même si l’employeur affirme que le fait de mettre un membre de son personnel en congé sans solde n’est pas une mesure disciplinaire, il s’agit clairement d’une conséquence. Je dis cela parce que la politique elle-même décrit ce qui se produira si un membre du personnel ne s’y conforme pas.

[54] La politique prévoit que tout membre du personnel qui ne respecte pas la politique sera placé en congé sans solde et ne sera pas autorisé à travaillerNote de bas de page 43. L’employeur l’a confirmé dans une lettre qu’il a adressée directement à l’appelanteNote de bas de page 44.

[55] Le représentant de l’appelante a soutenu que le fait que l’appelante a été mise en congé sans solde équivalait à une mise à pied, et qu’elle devrait donc avoir droit à des prestations.

[56] Encore une fois, je ne suis pas d’accord. Rien ne laisse croire que l’employeur n’avait pas de travail disponible pour l’appelante. La question en litige était le non-respect de la politique de l’employeur par l’appelante alors que celle-ci savait que la conséquence du non-respect était d’être mise en congé (suspension).

[57] L’appelante soutient que la politique de l’employeur était injuste parce qu’elle n’offrait pas d’autres mesures d’adaptation aux membres du personnel (comme des tests). Cependant, ce n’est pas à moi de décider si l’employeur de l’appelante l’a suspendue à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour elleNote de bas de page 45 (lui offrir des mesures d’adaptation).

[58] Cela signifie qu’il y a d’autres possibilités pour les parties appelantes si elles estiment que leur employeur n’a pas respecté leur contrat de travail. Pour cette raison, je n’ai pas le pouvoir de décider du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination de son employeur. Ainsi, je ne vais pas me pencher sur la question de savoir si l’employeur a enfreint une clause du contrat, car cela ne relève pas de ma compétence Note de bas de page 46.

[59] Encore une fois, je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois Note de bas de page 47. Je peux seulement décider si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[60] L’appelante fait valoir qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’elle a effectué toutes les tâches qu’elle devait accomplir selon son contrat de travail. Elle affirme que le non-respect de la politique de vaccination ne l’a pas empêchée d’effectuer ses tâches et n’a pas nui à sa capacité de le faire. Elle dit que si l’employeur l’avait autorisée à travailler de la maison, elle aurait pu le faire. Pourtant, l’employeur ne lui a pas permis de travailler de la maison et a exigé qu’elle se conforme à sa politique.

[61] Un employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en place cette politique comme exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue une condition expresse de l’emploi de l’appelante Note de bas de page 48.

[62] L’affaire Cecchetto précise également qu’un employeur peut unilatéralement mettre en place une politique de vaccination sans le consentement des membres du personnel Note de bas de page 49.

[63] Je n’ai pas besoin d’examiner si l’employeur était justifié d’imposer une obligation à l’appelante. Je dois seulement vérifier s’il y avait ou non une obligationNote de bas de page 50. J’estime que oui.

Chapitre 7

[64] Le représentant de l’appelante dit que je devrais tenir compte de la section 3 du chapitre 7 du Guide de la détermination de l’admissibilité de l’assurance-emploi. Il a soutenu qu’un simple manquement à une politique ne suffit pas à conclure à une inconduite. Il a aussi fait valoir qu’une personne doit estimer que la violation est d’une telle ampleur qu’un membre du personnel pourrait normalement s’attendre à être suspendu ou congédié.

[65] Premièrement, le Guide est la politique interne de la Commission. Il s’agit d’un outil utilisé par son personnel pour interpréter et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi afin de trancher les demandes d’assurance-emploi. Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une loi.

[66] Deuxièmement, l’appelante aurait dû s’attendre à la conséquence clairement énoncée dans la politique de l’employeur. Plus précisément, la politique explique de façon claire quelles sont les conséquences de la non-conformité.

[67] La politique dit, et l’employeur l’a répété à l’appelante, que si elle n’obtenait pas une exemption à la politique (des mesures d’adaptation) et qu’elle ne se faisait pas vacciner, elle serait mise en congé sans solde. Il s’agit d’une suspension au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

Autres arguments

[68] Le représentant de l’appelante a présenté 17 affaires avec ses arguments après la fin de l’audience.

[69] Il a fait valoir qu’un congé administratif ne peut pas être considéré comme une mesure disciplinaire. Il a aussi soutenu que les mesures disciplinaires sont impayées. Il a également déclaré que les suspensions administratives sont censées être payées.

[70] Il se fonde sur deux affaires qui appuient cette propositionNote de bas de page 51. Premièrement, il faut noter qu’il ne s’agit pas d’affaires liées à l’assurance-emploi. Il s’agit d’affaires civiles. Cela signifie que le contexte est différent. De plus, même si l’employeur a peut-être dit qu’il ne signalerait pas les membres du personnel qui ne respectent pas la politique à leur collège respectif, cela ne veut pas dire qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire.

[71] De toute évidence, l’employeur a établi une politique et il s’attendait à ce que les membres du personnel la respectent. L’employeur a également établi une conséquence pour le non-respect de la politique.

[72] Les affaires mentionnées par le représentant de l’appelante portent sur les contrats de travail et sur la question de savoir si les membres du personnel ont le droit d’être payés pendant une suspension. Ces affaires ne sont pas instructives dans la présente affaire. Plus précisément, j’estime que ces affaires n’appuient pas le fait qu’une partie prestataire doit recevoir des prestations d’assurance-emploi. 

[73] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante peut avoir d’autres moyens de faire valoir ses prétentions contre son employeur Note de bas de page 52. Celle-ci affirme avoir déposé un grief contre l’employeur, mais qu’il n’a pas encore été réglé. Je dois me concentrer sur les actions de l’appelante, et non sur celles de l’employeur.

[74] Le représentant de l’appelante a affirmé que l’inconduite doit inclure un acte ou une omission répréhensiblesNote de bas de page 53. De plus, il doit y avoir un élément psychologique pour que le membre du personnel sache que l’acte était répréhensible et qu’il entraînerait son congédiementNote de bas de page 54.

[75] Le représentant de l’appelante a également fait valoir la jurisprudence selon laquelle l’accent doit être mis sur la question de savoir si la conduite du membre du personnel constituait ou non une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 55. Je conviens qu’il s’agit de l’objectif principal.

[76] Le représentant de l’appelante a présenté l’affaire ThibodeauNote de bas de page 56. Les paragraphes particuliers auxquels le représentant de l’appelante a fait référence étaient les paragraphes 50 et 51. Ces paragraphes traitent du moment où une personne est suspendue de son emploi, mais choisit ensuite de ne pas retourner volontairement au travail. Cette affaire est différente de la présente affaire. Dans la présente affaire, l’appelante a été mise en congé involontaire, puis, une fois que l’employeur a révisé sa politique, l’appelante a repris le travail. Je ne trouve pas que cette affaire soit utile dans cette situation.

[77] Enfin, le représentant de l’appelante a fait référence à l’affaire Fleming. Le représentant de l’appelante a soutenu que cette affaire démontre qu’une suspension peut signifier qu’une mesure disciplinaire a été prise. Mais cette affaire montre aussi qu’il faut se concentrer sur la question de savoir si la partie demanderesse s’est rendue coupable d’inconduite et si cela a entraîné sa suspension ou son congédiement Note de bas de page 57.Cela signifie que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante. Si celle-ci estime que son employeur n’a pas agi correctement, elle a d’autres voies de recours contre son employeurNote de bas de page 58.

Éléments d’inconduite?

[78] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons qui suivent.

[79] Personne ne conteste le fait que l’employeur avait une politique de vaccination. L’appelante était au courant de la politique. Je considère qu’elle a fait son propre choix de ne pas se faire vacciner. Par conséquent, le choix de l’appelante de refuser de se faire vacciner était conscient, délibéré et intentionnel.

[80] L’appelante n’a pas obtenu d’exemption à la politique (mesures d’adaptation). Sans exemption, l’employeur de l’appelante a clairement indiqué que tout membre du personnel non vacciné serait placé en congé sans solde Note de bas de page 59.

[81] La politique de l’employeur exige que tous les membres du personnel obtiennent une exemption ou se fassent vacciner. L’appelante ne s’est pas fait vacciner et elle n’a pas obtenu d’exemption. Cela signifie qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur. Cela signifie qu’elle ne pouvait pas se rendre au travail pour remplir ses obligations envers son employeur. Cela constitue une inconduite.

[82] L’appelante a reconnu qu’elle savait que si elle ne se faisait pas vacciner (ou si elle n’obtenait pas d’exemption), elle serait placée en congé sans solde. Cela signifie que l’appelante savait qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit placée en congé sans solde (suspendue).

[83] Puisque l’appelante ne s’est pas fait vacciner et n’a pas obtenu d’exemption, son inconduite a entraîné sa suspension.

[84] Je conclus que la Commission a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, il y a eu inconduite parce que l’appelante savait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire et qu’elle n’a pas suivi la politique ni obtenu d’exemption pour ce faire. L’appelante savait qu’en ne respectant pas la politique elle ne serait pas autorisée à entrer au travail. Par conséquent, elle n’a pas pu remplir ses obligations envers son employeur. L’appelante savait également qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raison.

L’appelante a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[85] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[86] En effet, les actions de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément et savait que son refus de se faire vacciner allait probablement entraîner sa suspension.

Conclusion

[87] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[88] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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