Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1116

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : F. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada datée du 16 mai 2022
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marisa Victor
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 27 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-1321

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été mis en congé sans solde par son employeur. L’employeur affirme que l’appelant a été mis en congé sans solde parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination : il n’a pas attesté avoir été vacciné.

[4] L’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, mais il dit qu’il n’a pas commis d’inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a estimé que le congé de l’appelant était une suspension due à une inconduite. La Commission a donc conclu que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant a d’abord fait appel du refus de lui accorder des prestations d’assurance‑emploi à la division générale du Tribunal en juin 2022. La membre de la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire sans tenir d’audienceNote de bas de page 2.

[7] L’appelant a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. La membre de la division d’appel a conclu que l’appel de l’appelant n’aurait pas dû être rejeté de façon sommaire. Elle a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour qu’une ou un autre membre tienne une nouvelle audienceNote de bas de page 3.

[8] La présente décision fait suite à cette audience.

Question en litige

[9] L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique lorsque l’employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 4.

[11] Pour décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[12] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi parce que son employeur a dit qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[13] La Commission affirme que l’employeur a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 et qu’il a mis l’appelant en congé sans solde lorsqu’il ne s’y est pas conformé. La Commission a jugé que ce congé sans solde était une suspension au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. Elle dit que c’est l’employeur qui a pris l’initiative de la cessation d’emploi parce que l’appelant n’a pas respecté sa politique.

[14] L’appelant affirme que son employeur l’a mis en congé sans solde parce qu’il lui reproche de ne pas avoir respecté sa politique de vaccination. Il soutient toutefois qu’il s’agissait d’un congé forcé imposé par son employeur en violation de son contrat de travail. Il dit également que son employeur n’a pas indiqué que son congé était une suspension dans son relevé d’emploi.

[15] Je conclus que les deux parties conviennent que le congé de l’appelant était dû au fait que l’employeur a déclaré qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[16] Je juge également que l’attribution par la Commission du code associé à une suspension au congé forcé de l’appelant est appropriée selon la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 5. Les deux parties conviennent que le congé était une cessation d’emploi décidée par l’employeur parce qu’il estimait que l’appelant n’avait pas respecté une politique en milieu de travail. Cela est confirmé par la lettre que l’employeur a adressée à l’appelant le 14 février 2022 pour expliquer les raisons de la cessation d’emploi. J’estime que cette lettre décrit une suspension, même si l’employeur n’a pas attribué ce code à la cessation d’emploi dans le relevé d’emploi.

[17] Par conséquent, j’estime que la suspension de l’appelant était due à la position de son employeur selon laquelle il n’avait pas respecté sa politique de vaccination.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] La Commission n’a pas prouvé que la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[19] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[20] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si la suspension de l’appelant est le résultat d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique de l’inconduite, c’est‑à-dire les questions et les éléments à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[21] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 9.

[22] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 10.

[23] J’ai seulement le pouvoir de trancher les questions qui relèvent de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois offrent d’autres options à l’appelant. Il ne m’appartient pas de décider si l’employeur a agi de façon inappropriée ou s’il aurait dû offrir des mesures d’adaptation raisonnables à l’appelantNote de bas de page 11. Je peux seulement évaluer si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné.
  • L’appelant a reconnu avoir été informé de la politique et des conséquences en cas de non-respect, notamment la possibilité d’être mis en congé sans solde.
  • L’employeur a mis l’appelant en congé sans solde lorsqu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.
  • L’employeur a remis une lettre à l’appelant lui expliquant qu’il était mis en congé sans solde parce qu’il n’avait pas attesté avoir été vacciné avant la date limite du 14 février 2022.

[25] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Les traitements médicaux forcés vont à l’encontre de ses croyances en tant que musulman.
  • Il a fourni des raisons valables pour lesquelles il ne voulait pas se faire vacciner.
  • Sa décision de ne pas se faire vacciner n’est pas une inconduite parce qu’il a le droit de contrôler ce qui arrive à son corps et il a le droit légal de refuser un traitement médical.
  • Son contrat de travail ne comportait aucune obligation express ou implicite de se faire vacciner.
  • Il n’a jamais consenti à se faire vacciner lorsqu’il a accepté son poste chez l’employeur.
  • Sa convention collective n’a jamais été modifiée pour exiger la vaccination.
  • Aucune loi n’exigeait la vaccination obligatoire.

[26] Aucune des parties n’a déposé en preuve la politique de vaccination de l’employeur. L’appelant a cependant témoigné quant à sa compréhension de la politique. Il a expliqué qu’au départ, la politique exigeait qu’il se fasse vacciner au plus tard le 21 octobre 2021. À ce moment-là, les personnes qui n’attestaient pas avoir été vaccinées pouvaient travailler si elles portaient un masque et effectuaient des tests de dépistage rapide deux fois par semaine. L’appelant a suivi cette procédure. Puis, en décembre 2021, l’employeur a modifié sa politique pour mettre fin aux tests de dépistage rapides. On a alors donné à l’appelant jusqu’au 1er février 2022 pour attester qu’il était entièrement vacciné.

[27] L’appelant a ensuite demandé une exemption religieuse en janvier 2022. Il a communiqué avec ses chefs religieux pour obtenir des documents justificatifs. Il a demandé l’exemption religieuse selon le processus établi dans la politique de vaccination. On lui a dit que sa demande d’exemption religieuse serait prise en considération.

[28] L’appelant a déclaré qu’il est ensuite tombé malade et qu’il s’est donc absenté du travail. Par conséquent, la date limite pour attester qu’il avait été vacciné a été repoussée au 14 février 2022.

[29] L’appelant dit être revenu au travail le 14 février 2022 après un congé de maladie. Il n’avait toujours pas reçu de réponse de son employeur concernant sa demande d’exemption religieuse. Le même jour, il a été convoqué au bureau pour parler à son gestionnaire. Au cours de cette rencontre, on lui a dit qu’on le mettait en congé sans solde pour ne pas avoir respecté la politique de l’employeur et on lui a remis la lettre de l’employeur du 14 février 2022 expliquant les raisons de sa décision. La lettre ne mentionne pas la demande d’exemption religieuse en suspens. L’employeur a reconnu verbalement au cours de la rencontre que la demande d’exemption religieuse de l’appelant était toujours en cours de traitement.

[30] L’appelant a déclaré que la politique de vaccination de l’employeur prévoyait le droit d’obtenir une exemption religieuse. Il a dit que l’employeur avait créé un portail en ligne pour en faire la demande. Il soutient que c’est ce qu’il a fait conformément à la politique de vaccination contre la COVID-19.

[31] La demande d’exemption religieuse de l’appelant a été rejetée le 17 février 2022, alors qu’il avait déjà été mis en congé sans solde.

[32] Je conclus que la Commission n’a pas prouvé que l’appelant avait commis une inconduite à la date de sa suspension. En effet, la preuve datant de ce moment-là ne permet pas d’affirmer que l’appelant savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’il pouvait être suspendu en raison de sa conduite.

[33] Personne ne conteste le fait que l’appelant était au courant de la politique de vaccination de l’employeur. Il a demandé une exemption religieuse conformément à cette politique. Cela appuie la conclusion selon laquelle il avait l’intention de se conformer à la politique en obtenant une exemption.

[34] Je considère que l’appelant a suivi la politique de vaccination de l’employeur pour obtenir une exemption religieuse. Je n’avais pas la politique comme preuve devant moi, mais j’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel il y avait un processus pour demander une exemption religieuse. Aucun élément de preuve ne contredit cela. L’appelant a également fourni comme preuve sa demande d’exemption religieuse ainsi que les documents justificatifs de ses chefs religieux. Enfin, j’ai la lettre de l’employeur du 17 février 2021 rejetant la demande d’exemption de l’appelant.

[35] Je conclus que l’appelant a seulement appris qu’il ne respectait pas la politique après que sa demande exemption religieuse a été rejetée le 17 février 2022. Au moment où il a été suspendu, sa demande d’exemption religieuse n’avait pas encore été traitée. Par conséquent, rien n’indique que l’appelant a délibérément enfreint la politique de l’employeur avant d’être suspendu le 14 février 2022.

[36] Pour que la conduite de l’appelant soit une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, elle doit avoir été délibérée. La conduite en question est son non-respect de la politique de vaccination de l’employeur. Dans la présente affaire, l’appelant n’a pas agi de façon délibérée en ne respectant pas la politique avant d’être suspendu de son emploi le 14 février 2022.

[37] Avant le rejet de sa demande d’exemption religieuse, l’appelant ne savait pas ni ne pouvait raisonnablement savoir qu’il pouvait être suspendu pour sa conduite parce qu’il agissait toujours conformément à la politique. Je conclus donc que l’appelant n’avait pas délibérément enfreint la politique de l’employeur au moment de sa suspension.

[38] J’ai conclu que la Commission n’a pas prouvé que l’appelant, au moment de sa suspension, avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’examiner les autres arguments de l’appelant.

[39] Je comprends cependant que le principal argument de l’appelant était que son employeur avait violé son contrat de travail parce qu’il n’y avait pas de clause explicite ou implicite dans sa convention collective qui l’obligeait à se faire vacciner.

[40] Je dois surtout vérifier si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Les tribunaux ont clairement établi que l’accent doit être mis sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas faitNote de bas de page 12. Je ne peux pas décider si d’autres lois lui offrent d’autres options, bien que je note qu’il a déjà déposé un grief syndical.

[41] D’autres voies s’offrent à une partie appelante si elle estime que l’employeur n’a pas respecté une convention collective. C’est pourquoi je ne vais pas décider si l’employeur a enfreint une disposition de la convention collective, car cela ne relève pas de mon pouvoir.

L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelant n’a pas été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite Il n’est donc pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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