Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1085

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : L. Y.
Représentante : M. Y.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 mai 2023
(GE-22-3777)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 14 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-591

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] L. Y. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a travaillé comme technicienne en échographie. Lorsqu’elle a cessé de travailler, elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue et congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[4] La division générale est arrivée à la même conclusionNote de bas de page 2. Elle a déclaré que la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appelNote de bas de page 3. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante ou qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la conduite de la prestataire constituait une inconduite?

Analyse

Le critère pour obtenir la permission de faire appel

[8] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel donne la permission de faire appelNote de bas de page 5.

[9] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Cela signifie qu’il doit y avoir un motif défendable qui permettrait de soutenir que l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 7.

[10] Les moyens d’appel possibles à la division d’appel sont énumérés ci-dessous. La division générale doit avoir :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • commis une erreur de droit;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 8.

[11] Pour que l’appel de la prestataire aille de l’avant, je dois conclure qu’un des moyens d’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 9.

[12] Il y a erreur de fait lorsque la division générale a « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 10 ».

[13] Par conséquent, je peux intervenir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire. Seulement certaines erreurs de fait me permettront d’intervenir. Une erreur de fait doit être suffisamment importante pour que la division générale s’y soit fondée pour tirer une conclusion qui a eu une incidence sur l’issue de la décision.

[14] Cela implique d’examiner certaines des questions suivantesNote de bas de page 11 :

  • La preuve contredit-elle carrément l’une des principales conclusions de la division générale?
  • Y a-t-il des éléments de preuve qui pourraient appuyer rationnellement l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels qui contredisent l’une de ses principales conclusions?

[15] Toutefois, j’ai également examiné s’il y avait eu une erreur de droit parce que certains des arguments de la prestataire allèguent que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduiteNote de bas de page 12.

[16] Une erreur de droit peut survenir lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou lorsqu’elle utilise la bonne loi, mais qu’elle l’interprète ou l’applique incorrectementNote de bas de page 13.

Je n’accorde pas la permission de faire appel à la prestataire

[17] La prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de fait dans sa décision en ignorant, en négligeant ou en faisant des déclarations de fait qui n’étaient pas étayéesNote de bas de page 14.

[18] Voici un résumé des principaux arguments que la prestataire a présentés dans sa demande à la division d’appelNote de bas de page 15 :

  • La division générale n’a pas tenu compte de l’affaire AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada (CAEC), 2022 TSS 1428, qu’elle a présentée parce que les faits sont presque identiques à sa cause et que cette personne a reçu des prestations d’assurance-emploi.
  • La division générale a ignoré le fait que la prestataire occupe un emploi syndiqué et qu’il y avait une convention collective en place qui précisait que l’hôpital ne peut pas exiger qu’un membre du personnel se fasse vacciner.
  • La division générale a ignoré le fait que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur ne faisait pas partie de la convention collective, de sorte qu’il n’y a pas eu manquement à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail.
  • La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur était devenue une condition d’emploi.
  • La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décidé qu’un employeur avait le droit d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail.

La division générale n’a pas ignoré l’affaire du TSS à laquelle la prestataire a fait référence

[19] Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré la décision AL c CAEC, 2022 TSS 1428. Je vais appeler cette affaire « AL ».

[20] La prestataire s’appuie sur la décision de la division d’appel parce que les faits sont semblables et que cette personne a été autorisée à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a soutenu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard et qu’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en raison de son invaliditéNote de bas de page 16. Elle a dit à la division générale que l’employeur n’avait pas tenu compte de ses préoccupations en matière de santéNote de bas de page 17.

[21] La division générale a examiné et abordé l’affaire de la division d’appel dans sa décision. Au paragraphe 34 de sa décision, elle a fait référence à la décision de la division d’appel et a déclaré ce qui suit :

Je reconnais la décision rendue récemment par la division générale du présent Tribunal dans le dossier 2022-SST-1428. Cependant, les cours et la division d’appel du Tribunal ont conclu, dans des circonstances semblables, que le Tribunal n’est pas l’instance appropriée auprès de laquelle une partie prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demande.

[22] La division générale n’a pas ignoré la décision de la division d’appel. Elle a reconnu la décision de la division d’appel, mais n’était pas tenue de la suivre. Les membres de la division générale sont liés par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, mais elles et ils ne sont pas liés par les décisions de leurs collègues rendues à la division générale.

[23] La division générale a également déclaré que le Tribunal n’était pas l’instance appropriée pour obtenir la réparation que la prestataire demandaitNote de bas de page 18. Plus précisément, la décision de la division générale disait que les questions concernant l’effet sur la santé et la sécurité au travail, les violations des conventions collectives ou toute violation des droits fondamentaux n’étaient pas des questions qu’elle pouvait trancherNote de bas de page 19.

[24] La conclusion de la division générale était conforme à la jurisprudence de la Cour fédérale. Dans l’affaire Paradis, la Cour a déclaré que la question de savoir si un employeur a omis de fournir une mesure d’adaptation au titre de la législation sur les droits de la personne n’est pas pertinente à la question de l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette question relève d’une autre instanceNote de bas de page 20.

[25] La division générale s’est également appuyée sur une décision récente de la Cour fédérale, appelée Cecchetto, qui portait sur des faits semblables et sur une politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 21. Plus précisément, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de l’assurance-emploi de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Cela a mené à sa suspension et à son congédiement. La Cour a confirmé le rôle restreint du Tribunal au paragraphe 32 de sa décision lorsqu’elle a dit :

[traduction]
Bien que le demandeur soit clairement frustré par le fait qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève (par exemple, en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou les tests antigéniques), cela ne rend pas la décision de la division d’appel déraisonnable. Le problème clé de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas avoir traité un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés, au titre de la loi, à aborder.

[26] Il n’y a donc aucune chance raisonnable de succès à cet égard parce que la division générale n’a pas ignoré l’affaire de la division d’appel. Il est impossible de soutenir que la division générale a peut-être commis une erreur en ne suivant pas une décision non contraignante de la division générale. Toutefois, elle devait suivre les décisions existantes rendues par la Cour fédérale comme elle l’a fait.

La division générale n’a pas ignoré le fait que la prestataire travaillait dans un milieu syndiqué ou qu’il y avait une convention collective

[27] Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré le fait que la prestataire travaillait dans un milieu syndiqué et qu’elle avait une convention collective pour les raisons suivantes.

[28] La prestataire affirme que la division générale a ignoré le fait qu’elle travaillait dans un milieu syndiqué et qu’elle avait une convention collective.

[29] La division générale savait que la prestataire travaillait dans un milieu syndiqué et qu’elle avait une convention collective. Elle a permis à la prestataire de présenter un exemplaire de sa convention collective après l’audienceNote de bas de page 22.

[30] Toutefois, la division générale a décidé qu’elle n’avait pas à examiner le comportement de l’employeur. Elle devait plutôt examiner ce que la prestataire a fait ou omis de faire et établir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 23. Elle a dit qu’elle devait se concentrer sur la Loi sur l’assurance-emploi et qu’elle ne pouvait pas décider si la prestataire avait d’autres options au titre d’autres loisNote de bas de page 24.

[31] La division générale s’est fondée sur la jurisprudence et sa conclusion était conforme à ce que la Cour a déjà décidéNote de bas de page 25. Dans l’affaire McNamara, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’accent n’est pas mis sur le comportement de l’employeur, mais plutôt sur le comportement de l’employé. Au paragraphe 23 de la décision McNamara, on peut lire ce qui suit :

L’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminéNote de bas de page 26.

[32] Essentiellement, la prestataire demandait à la division générale de se concentrer sur la conduite de l’employeur en fonction de la convention collective en place, mais ce n’était pas quelque chose qu’elle était autorisée à faire selon ce que la Cour a déjà dit.

[33] La division générale n’a commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite selon les paramètres établis par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’ assurance-emploi. La conclusion doit être fondée sur le comportement de l’employée ou l’employé.

[34] Cela signifie qu’il n’y a aucune chance raisonnable de prouver que la division générale ait ignoré le fait que la prestataire travaillait dans un milieu syndiqué et qu’elle avait conclu des conventions collectives parce que cela aurait transféré l’attention sur l’employeur et serait contraire à la jurisprudence existante.

La division générale n’a pas mal interprété le sens d’inconduite

[35] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en interprétant mal le sens d’inconduite pour les raisons suivantes.

[36] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a tiré diverses conclusions sur l’inconduite, y compris qu’il n’y a pas eu manquement à une obligation expresse ou implicite; que la vaccination contre la COVID-19 n’était pas une condition de son contrat de travail; et que l’employeur a le droit de mettre en œuvre des politiques.

[37] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que lorsqu’une personne est suspendue pour inconduite, elle devient inadmissible aux prestations, et que lorsqu’une personne est congédiée pour inconduite, elle est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 27.

[38] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi, mais la Cour d’appel fédérale a fourni une définition de l’inconduite.

[39] La division générale a fourni une définition de l’inconduite fondée sur les propos de la Cour d’appel fédérale. Elle a dit que pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée, ce qui signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 28. Elle a également déclaré qu’il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupable pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 29.

[40] La division générale a également affirmé qu’il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 30.

[41] La Cour a déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 31.

[42] La division générale a décidé que l’employeur avait une politique exigeant que les membres du personnel soient vaccinés contre la COVID-19 dans un délai précisNote de bas de page 32. Elle a dit que la prestataire était au courant de la politique et qu’elle savait que la conséquence du non-respect de la politique était la perte de son emploiNote de bas de page 33. Elle a établi qu’elle n’avait pas d’exemption médicale et qu’elle avait délibérément enfreint la politique parce qu’elle n’était pas vaccinée contre la COVID-19Note de bas de page 34. Compte tenu de sa conduite, la division générale a conclu qu’elle avait été suspendue et qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 35.

[43] Il n’y a aucune chance raisonnable qu’il soit possible de soutenir que la division générale a mal appliqué ou compris le critère relatif à l’inconduite. La division générale a correctement énoncé et appliqué la loi. Elle n’a pas mal interprété ce qu’est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La décision est conforme à la loi et ses conclusions sur l’inconduite sont appuyées par la preuve.

Conclusion

[44] J’ai examiné le dossier documentaire et écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. La preuve appuie la décision de la division générale. Je n’ai trouvé aucun élément de preuve clé que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréterNote de bas de page 36.

[45] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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