Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1084

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. Y.
Représentante : M. Y.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada datée du 15 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 14 avril 2023
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 15 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3777

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue puis congédiée en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue, puis congédiée de son emploi de technicienne en échographie dans un centre de santé. L’employeur de l’appelante a déclaré à la Commission que l’appelante avait été congédiée parce qu’elle était allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle ne s’était pas fait vacciner.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle affirme qu’elle a agi délibérément lorsqu’elle a décidé de ne pas se faire vacciner et qu’elle savait qu’elle allait probablement perdre son emploi pour cette raison. Par conséquent, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations à compter du 25 novembre 2021.

[5] L’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, mais elle fait valoir qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite. Elle dit qu’elle avait de graves préoccupations au sujet de l’innocuité du vaccin et qu’elle se demandait si cela pouvait déstabiliser son état de santé actuel. Elle fait également valoir que l’employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation et que son contrat de travail reconnaît expressément son droit de refuser la vaccination.

[6] Le 1er septembre 2022, la division générale du Tribunal a décidé de rejeter sommairement l’appel de l’appelante. Celle-ci a porté la décision en appel à la division d’appel du Tribunal et, le 15 novembre 2022, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale. J’ai tenu une audience sur l’appel le 14 avril 2023.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[7] Parfois, le Tribunal envoie à l’ancien employeur de la partie appelante une lettre lui demandant s’il souhaite être ajouté comme partie à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a écrit à l’employeur de l’appelante pour lui demander s’il souhaitait être mis en cause, mais il n’a pas réponduNote de bas de page 2. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause, car il n’y a aucune preuve montrant qu’il a un intérêt direct dans l’issue de l’appel.

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[8] Après l’audience, l’appelante a envoyé une copie de sa convention collective ainsi que des arguments écrits. J’ai accepté les documents, car ils sont pertinents pour les questions en litige dans l’appel. Le Tribunal a envoyé les documents à la Commission et lui a donné le temps de répondre. La Commission n’a présenté aucun nouvel argument en réponse.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Au Canada, il existe un certain nombre de lois qui protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non-discrimination). Ces lois comprennent la Déclaration canadienne des droits et un certain nombre d’autres lois qui protègent les droits et libertés.

[11] Le Tribunal n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits d’une partie prestataire ou à rendre des décisions fondées sur la Charte canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou toute autre loi protégeant les droits et libertés. Il faut s’adresser à un autre tribunal ou à une autre cour pour régler ce type de question.

[12] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 3. Mon rôle est de décider si une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[13] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a été congédiée en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[14] L’appelante a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[15] La Commission affirme que l’appelante a été congédiée parce qu’elle n’a pas été vaccinée comme l’exigeait la politique d’immunisation de l’employeur.

[16] L’appelante ne conteste pas le fait que l’employeur l’a congédiée pour avoir refusé de se faire vacciner. Elle fait valoir qu’elle n’a jamais consenti à l’exigence de vaccination et qu’elle avait de graves préoccupations quant à cette dernière. Elle affirme également que la politique entrait directement en conflit avec son contrat de travail.

[17] Je conclus que l’appelante a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[18] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[19] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 6).

[20] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 7.

[21] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou omis de faire et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[22] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a des options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour elleNote de bas de page 10 (lui offrir des mesures d’adaptation).

[23] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 11.

L’argument de la Commission

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement informé l’appelante de ses attentes concernant la vaccination;
  • l’employeur a envoyé des courriels à l’appelante pour lui communiquer ses attentes;
  • l’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

L’argument de l’appelante

[25] L’appelante affirme qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Elle soutient qu’elle ne s’est pas fait vacciner parce qu’elle a un problème de santé et qu’elle craint que le vaccin puisse avoir des conséquences néfastes sur sa santé. Elle était prête à suivre d’autres protocoles, mais le vaccin aurait pu provoquer une réaction grave, voire une situation pouvant mettre sa vie en dangerNote de bas de page 12.

[26] Elle affirme que son employeur a fait preuve de discrimination à son égard et qu’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation compte tenu de son invalidité. Deux médecins ont dit qu’ils ne pouvaient pas garantir que le vaccin était sûr pour elle, mais qu’ils ne pouvaient pas accorder une exemption parce que les critères n’étaient pas assez larges pour inclure son problème de santé.

[27] L’appelante soutient également que le congédiement est contraire aux termes de son contrat de travail, qui lui permet de refuser de se faire vacciner. Elle fait valoir qu’un contrat de travail diffère d’une politique et que l’employeur ne peut pas imposer unilatéralement une nouvelle condition d’emploi. Elle a fait référence à une autre décision de la division générale du TribunalNote de bas de page 13 dans laquelle le Tribunal a décidé que la Commission n’avait pas prouvé que l’appelante avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail.

Mes conclusions

[28] Je conclus que la raison pour laquelle l’appelante a perdu son emploi est une inconduite au sens de la loi.

[29] La politique de vaccination de l’employeur prévoit que tous les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19 à moins d’avoir une preuve écrite d’une exemption médicaleNote de bas de page 14.

[30] L’employeur a fait parvenir à l’appelante un exemplaire de la politique de vaccination émise le 7 septembre 2021 et mise à jour le 24 novembre 2021. La politique précise que les membres du personnel doivent fournir la preuve qu’ils ont reçu une première dose du vaccin au plus tard le 25 novembre 2021. Elle précise également que si une personne ne fournit aucune preuve à cette date, elle sera placée en congé sans solde. Ensuite, si elle ne fournit pas la preuve qu’elle a reçu une première dose au plus tard le 3 décembre 2021, elle sera congédiéeNote de bas de page 15.

[31] L’appelante ne conteste pas le fait que l’employeur l’a informée des exigences de la politique de vaccination et des conséquences du non-respect de celles-ci.

[32] L’employeur de l’appelante a décidé, dans le contexte d’une pandémie mondiale, de suivre les recommandations de santé publique pour modifier les conditions des contrats des membres du personnel afin d’imposer une politique de vaccination. Cette politique exigeait que les membres du personnel soient vaccinés contre la COVID-19. Il est bien établi en droit qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 16.

[33] Un employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Ainsi, lorsque l’employeur a mis en place cette politique comme exigence pour tous les membres du personnel, la politique est devenue une condition d’emploi de l’appelante.

[34] Je reconnais la décision rendue récemment par la division générale du présent Tribunal dans le dossier 2022-SST-1428. Cependant, les cours et la division d’appel du Tribunal ont conclu, dans des circonstances semblables, que le Tribunal n’est pas l’instance appropriée auprès de laquelle une partie prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas de page 17.

[35] Il ne m’appartient pas de décider si la politique de l’employeur a eu une incidence sur la santé et la sécurité au travail, si elle a violé le contrat de travail de l’appelante ou si elle a enfreint ses droits fondamentauxNote de bas de page 18.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que l’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que tous les membres du personnel soient vaccinés contre la COVID-19.

[37] L’employeur a clairement informé l’appelante de ce qu’il attendait des membres du personnel en matière de vaccination. L’appelante connaissait donc ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[38] Je suis sensible à la situation de l’appelante et je comprends pourquoi elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, je dois suivre les règles énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi et je ne peux pas faire d’exception pour des cas spéciaux, même pour des motifs de compassionNote de bas de page 19.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[39] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[40] En effet, les gestes posés par l’appelante ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[41] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 25 novembre 2021 au 2 décembre 2021 et exclue du bénéfice des prestations à compter du 3 décembre 2021.

[42] La loi m’oblige à rejeter l’appel.

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