Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1047

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : S. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 juin 2023 (GE-22-4160)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 4 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-632

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le 20 novembre 2021, la demanderesse (prestataire) a demandé des prestations d’assurance-emploi après que son employeur l’a congédiée « sans motif ». Le 21 décembre 2021, la défenderesse (Commission) a exclu la prestataire du bénéfice des prestations après avoir conclu qu’elle avait été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] Le 27 octobre 2022, la prestataire a écrit à la Commission pour demander la révision de cette décision initiale. Sa lettre, déposée au dossier le 3 novembre 2022, est considérée comme la demande de révision. Le 25 novembre 2022, la Commission a rejeté sa demande de révision parce qu’elle l’avait présentée en retard. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait manifesté une intention constante de faire une demande pendant les mois du retard. La prestataire a porté la décision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait présenté sa demande de révision de la décision du 21 décembre 2021 en retard. Elle a jugé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé à la prestataire de prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Elle soutient qu’elle n’a pas eu droit à une audience équitable devant la division générale. Elle fait valoir que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Questions préliminaires

[9] Pour trancher la demande de permission de faire appel de la prestataire, j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale.

Analyse

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. a) la division générale n’a pas offert un processus équitable ou elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher;
  2. b) la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[12] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[13] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en qualifiant son ami de représentant. Il était seulement présent pour lui offrir du soutien moral. La prestataire soutient qu’elle a clairement indiqué dans sa demande de permission de faire appel qu’elle voulait discuter de la question de son congédiement sans motif et de la question de l’inconduite, qui selon elle n’avait pas lieu d’être. On lui aurait fait croire que le fond de son appel serait discuté pendant l’audience.

[14] La prestataire soutient qu’on ne lui a pas donné les renseignements nécessaires pour qu’elle puisse se préparer à l’audience. Dans l’avis d’audience complet du 5 avril 2023 et à l’audience elle-même du 27 avril 2023, on ne lui a pas précisé que le Tribunal devait ignorer entièrement le fond de son appel, soit les erreurs importantes commises dans la décision qui indique qu’on lui refuse des prestations d’assurance-emploi. De plus, les raisons pour lesquelles elle a déposé son appel plus tard ont été clairement discutées avec la membre, mais ces faits ne sont pas divulgués dans la décision relative à l’appel.

[15] La prestataire soutient qu’au lieu de faire son travail pour évaluer équitablement les faits et le fond de son appel, la division générale a choisi de faire preuve de complicité et de corruption en aidant la Commission à éviter de rendre des comptes lorsqu’elle a rejeté son appel uniquement sur une base procédurale et en ignorant le fond des erreurs commises par la Commission.

Question soulevée devant la division générale

[16] La décision rendue par la Commission le 25 novembre 2022 dit que la demande de révision de la prestataire concernant sa décision initiale portant sur l’inconduite était en retard. Elle indique aussi que l’explication pour son retard ne satisfaisait pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision. Par conséquent, la décision initiale portant sur l’inconduite ne sera pas révisée.

[17] Dans sa demande d’appel à la division générale, la prestataire a indiqué qu’elle faisait appel de la décision qui lui a été communiquée le 25 novembre 2022Note de bas page 1. Elle a joint une copie de la décision à sa demandeNote de bas page 2.

[18] Je remarque que dans les observations écrites qu’elle a présentées à la division générale le 29 décembre 2022, soit quatre mois avant l’audience, la Commission précise que la question que doit trancher la division générale ne porte pas sur les raisons du congédiement de la prestataire. La division générale est seulement tenue d’examiner la décision de la Commission dans laquelle elle refuse la révision demandée par la prestataire en raison de son retardNote de bas page 3.

[19] La prestataire a pris connaissance des observations de la Commission qui précisent clairement la question que la division générale doit trancher. La prestataire avait donc été informée de la question en litige avant l’audience de la division générale, même si elle n’était pas d’accordNote de bas page 4.

[20] Je remarque que, dès le début de l’audience, la membre de la division générale a expliqué à la prestataire pourquoi elle ne pouvait pas aborder la question de l’inconduite. Elle a dit à plusieurs reprises que la seule question qu’elle pouvait trancher était celle de la demande de révision présentée en retardNote de bas page 5. La prestataire n’a pas demandé que l’audience soit ajournée parce qu’elle n’était pas prête ou parce qu’elle avait été surprise par la question en litige.

[21] Je ne vois aucune erreur révisable que la division générale aurait commise lorsqu’elle n’a pas abordé dans sa décision la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Selon la loi, la seule question que la division générale pouvait trancher dans l’appel était celle liée à la décision de la Commission rendue le 25 novembre 2022, dans laquelle elle refuse d’accorder à la prestataire plus de temps pour présenter une demande de révisionNote de bas page 6. La division générale ne pouvait pas examiner la question de l’inconduite.

[23] Ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Allégations de corruption et de complicité avec la Commission

[24] La prestataire soutient qu’au lieu de faire son travail pour évaluer équitablement les faits et le fond de son appel, la division générale a choisi de faire preuve de complicité et de corruption en aidant la Commission à éviter de rendre des comptes lorsqu’elle a rejeté son appel uniquement sur une base procédurale et en ignorant le fond des erreurs commises par la Commission.

[25] Une allégation de partialité à l’égard d’un tribunal, surtout de partialité réelle, et non une simple crainte de partialité, est très grave. Elle remet en question l’intégrité du Tribunal et des membres qui ont pris part à la décision contestée. Une telle allégation ne peut être faite à la légère. Elle ne peut pas reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou un simple sentiment éprouvé par une partie prestataire. L’allégation doit être appuyée par des éléments de preuves importants qui démontrent un comportement dérogeant à la norme. Pour ce faire, il est souvent utile, et même nécessaire, de recourir à des éléments de preuve externes aux faits de l’affaire.

[26] J’estime que les paroles et les actions de la membre de la division générale n’appuient pas les allégations de la prestataire. La membre a clairement cerné la question qu’elle devait trancher et elle l’a expliquée à la prestataire. Elle a écouté toute la présentation de la prestataire. Elle lui a dit à plusieurs reprises ce qu’elle devait prouver pour que son appel soit accueilli. La membre a expliqué pourquoi elle ne pouvait pas entendre les observations de la prestataire sur la question de l’inconduite. Elle a ensuite exprimé son intention d’étudier soigneusement le dossier avant de rendre sa décision. La décision de la membre est très détaillée et contient le droit applicable et les faits pertinents de l’affaire.

[27] Je ne vois aucun élément de preuve déterminant qui montrerait que la conduite de la membre de la division générale déroge à la norme.

[28] Je tiens à répéter qu’une telle allégation ne devrait pas être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou un simple sentiment éprouvé par une partie prestataire.

[29] Je conclus que ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Manquement à un principe de justice naturelle

[30] À l’audience, la membre de la division générale a reconnu que la prestataire avait amené un ami à l’audience pour obtenir un soutien moral. Cependant, pendant l’audience, l’ami est manifestement allé au-delà de son rôle de soutien moral et a agi comme un représentant. À plusieurs reprises, il est intervenu et a conseillé la prestataire sur les sujets qu’elle devrait aborder. Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a qualifié l’ami de la prestataire de représentant dans sa décision. Quoi qu’il en soit, le fait que cet ami ait été qualifié de représentant n’a eu aucune incidence sur l’équité de l’audience.

[31] La prestataire était au courant de la question en litige avant l’audience de la division générale. Elle a eu quatre mois pour préparer sa réponse aux allégations de la Commission selon lesquelles elle n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard et qu’elle n’avait pas manifesté l’intention constante de demander une révision. À l’audience, la membre de la division générale a donné à la prestataire plusieurs occasions d’expliquer les raisons pour lesquelles elle avait tardé à présenter sa demande de révision.

[32] Je comprends que la prestataire voulait être entendue sur la question de l’inconduite. Comme l’a expliqué la membre de la division générale, cela ne pouvait tout simplement pas se faire avant que la question portant sur sa demande de révision en retard ne soit d’abord tranchée, conformément à la loi.

[33] Je constate que la prestataire a eu une audience équitable. Elle a reçu un avis d’audience suffisamment à l’avance. Elle a eu l’occasion d’être entendue, elle s’est prévalue de son droit de savoir ce qui lui était reproché et elle a eu la possibilité de répondre aux allégations. Je ne peux pas conclure qu’il y a eu un manquement à la justice naturelle de la part de la division générale.

[34] Ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

La demande en retard

[35] La division générale devait décider si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé à la prestataire de prolonger le délai de 30 jours pour demander une révisionNote de bas page 7.

[36] La prestataire a reconnu avoir reçu la lettre de décision initiale datée du 21 décembre 2021. La division générale a conclu que la prestataire avait reçu la décision au plus tard le 14 janvier 2022.

[37] La prestataire a déposé sa demande de révision le 3 novembre 2022, soit plus de neuf mois après que la Commission lui a communiqué sa décision initiale. La division générale a conclu que la prestataire avait présenté sa demande de révision en retard.

[38] La division générale a déclaré à juste titre que la Commission peut accorder un délai plus long pour demander la révision d’une décision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable justifiant la demande de prolongation du délai et que la personne a manifesté une intention constante de demander une révisionNote de bas page 8.

[39] La division générale a déclaré à juste titre que lorsque la Commission rejette une demande de révision en retard, elle doit démontrer qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire correctementNote de bas page 9.

[40] La division générale a conclu que la Commission avait tenu compte de ce que la prestataire avait dit concernant le fait qu’elle était trop bouleversée émotionnellement après avoir perdu son emploi pour demander une révision plus tôtNote de bas page 10.

[41] Devant la division générale, la prestataire a répété qu’elle n’avait pas demandé une révision de la décision initiale portant l’inconduite plus tôt parce qu’elle était trop choquée et bouleversée émotionnellement pour s’occuper de sa demande de révision. Sa priorité était de subvenir aux besoins de sa famille. Elle était également contrariée parce qu’on lui a refusé des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Ces faits figurent dans la décision de la division généraleNote de bas page 11.

[42] La division générale a conclu que la Commission avait tenu compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé si la prestataire avait ou non une explication raisonnable pour justifier son retard et si elle avait ou non manifesté une intention constante de demander une révision. Elle a tenu compte des éléments suivants : la prestataire a demandé une révision plus de neuf mois après le délai prévu parce qu’elle était trop choquée et bouleversée émotionnellement à la suite de son congédiement; la prestataire devait se concentrer sur sa famille pendant cette période difficile. La division générale a considéré qu’elle n’avait fait aucune démarche pour présenter une demande de révision pendant toute la période du retard.

[43] La division générale a jugé que la Commission avait ignoré les facteurs non pertinents. La division générale a conclu que rien ne prouvait que la Commission avait agi de façon inappropriée ou de mauvaise foi puisqu’elle avait respecté le critère prévu par la loi en ce qui concerne la durée du retard de la prestataire.

[44] La division générale a estimé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision et qu’elle n’avait pas manifesté une intention constante de demander une révision. Elle n’avait donc pas le pouvoir légal de modifier la décision de la Commission au sujet du retard de la demande.

[45] Je ne vois aucune erreur révisable que la division générale aurait commise. Elle a correctement déterminé les faits pertinents et elle a correctement appliqué le droit pour en arriver à la conclusion que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai prévu de 30 jours.

Décision finale

[46] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou le non-respect d’un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[47] Pour les raisons mentionnées plus haut et après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[48] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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