Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1048

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. M.
Représentante ou représentant de la partie appelante : R. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (556024) datée du 25 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 27 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Représentant de la partie appelante
Date de la décision : Le 8 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-4160

Sur cette page

Décision

[1] La loi m’oblige à rejeter l’appel de la prestataire. La présente décision explique pourquoi.

[2] Le 3 novembre 2022, la prestataire a demandé la révision d’une décision rendue le 21 décembre 2021 concernant sa demande de prestations. Elle a présenté sa demande de révision en retard.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a rejeté la demande de révision que la prestataire a présentée en retard.

[4] Si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, je n’ai pas le pouvoir d’intervenir. Autrement dit, je ne peux pas demander à la Commission de changer sa décision dans laquelle elle refuse d’accorder plus de temps à la prestataire pour présenter sa demande de révision.

Aperçu

[5] S. M., la prestataire dans le présent appel, est une infirmière autorisée. Le 20 novembre 2021, elle a demandé des prestations d’assurance-emploi après que son employeur l’a congédiée « sans motif ».

[6] Le 21 décembre 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu la prestataire du bénéfice des prestations après avoir décidé qu’elle avait été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[7] Le 27 octobre 2022, la prestataire a écrit à la Commission pour demander la révision de cette décision. Sa lettre, déposée au dossier le 3 novembre 2022, est considérée comme la demande de révision.

[8] La Commission affirme avoir refusé la demande de révision de la prestataire parce qu’elle l’a présentée en retard. La Commission affirme que la prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard et qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait une intention constante de demander une révision au cours des mois du retard.

[9] La prestataire affirme qu’elle était bouleversée émotionnellement par la perte de son emploi et qu’elle était occupée à essayer de subvenir aux besoins de sa famille. Donc, il lui a fallu plusieurs mois avant qu’elle se rende compte que la décision de la Commission au sujet de l’inconduite ne correspondait pas à son congédiement « sans motif ».

[10] Mon seul rôle est de vérifier si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a rejeté la demande de révision que la prestataire a présentée en retard. Je peux seulement intervenir si elle ne l’a pas fait.

Questions que je dois trancher

[11] La demande de révision de la prestataire a-t-elle été présentée en retard?

[12] Si oui, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a refusé d’accorder à la prestataire plus de temps pour présenter sa demande de révision?

Analyse

[13] Une personne a 30 jours pour demander à la Commission de réviser sa décision, à compter du jour suivant la date à laquelle la Commission a communiqué la décisionNote de bas page 1. C’est à la Commission de prouver qu’elle a bel et bien communiqué sa décision.

[14] Dans certains cas, la Commission peut accorder plus de temps à une personne pour demander une révision si elle remplit certaines conditionsNote de bas page 2. C’est à cette personne de prouver qu’elle remplit ces conditions.

[15] Si la demande est en retard de moins d’un an, la personne doit remplir deux conditions : elle doit démontrer qu’elle avait une explication raisonnable pour ne pas avoir présenté sa demande plus tôt et elle doit également démontrer qu’elle avait une intention constante de faire une demandeNote de bas page 3. Si la demande est en retard de plus d’un an, la personne doit remplir d’autres conditions additionnelles : la demande doit avoir une chance raisonnable de succès et le délai supplémentaire ne doit pas porter préjudice aux intérêts de la CommissionNote de bas page 4.

[16] Comme la demande de la prestataire avait moins d’un an de retard, seules les deux premières conditions devaient être remplies.

Rendre des décisions discrétionnaires

[17] Lorsque la Commission refuse de réviser une demande qui est présentée en retard, elle exerce son pouvoir discrétionnaireNote de bas page 5. Lorsqu’elle rend ce type de décision, la Commission doit prouver qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire correctementNote de bas page 6. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi et dans un but régulier, qu’elle a tenu compte de tous les facteurs pertinents et qu’elle a ignoré les facteurs non pertinentsNote de bas page 7.

[18] Je peux remplacer la décision de la Commission par la mienne seulement si elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement.

[19] Dans cette affaire, la Commission a rendu une seule décision liée à une demande de révision, soit celle de rejeter la demande de révision de sa décision dans laquelle elle exclut la prestataire du bénéfice des prestations. Par conséquent, la seule chose que je dois examiner est ce refus.

[20] Pour rendre ma décision, je dois d’abord me pencher sur les questions suivantes :

  1. a. La Commission a-t-elle communiqué sa décision à la prestataire? Si oui, quand?
  2. b. Lui a-t-elle expliqué le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?
  3. c. Quand la prestataire a-t-elle présenté sa demande de révision? Était-elle en retard?
  4. d. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a rejeté la demande de la prestataire?

La Commission a communiqué sa décision à la prestataire

[21] La Commission affirme avoir d’abord communiqué verbalement sa décision à la prestataire le 21 décembre 2021. Elle dit que, lors d’un appel téléphonique, elle l’a informée du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision. Le dossier comprend une preuve de cet appel téléphonique.

[22] La Commission affirme avoir envoyé la décision à la prestataire et l’avoir informée de ses droits de demander une révision par la poste le 21 décembre 2021. Le dossier comprend une preuve de cette lettre.

[23] Dans la lettre qu’elle a écrite pour demander une révision, la prestataire n’a pas confirmé quand la Commission lui a communiqué verbalement sa décision initiale ni quand elle a reçu sa lettre de décision. Cependant, elle ne nie pas avoir reçu l’appel ni avoir reçu la lettre.

[24] La Commission s’est donc acquittée de sa responsabilité de communiquer sa décision à la prestataire. Je vais maintenant examiner quand la prestataire a reçu la décision de la Commission.

La prestataire a reçu la décision de révision au plus tard le 14 janvier 2022

[25] Je conclus que la prestataire a reçu la décision de révision au plus tard le 14 janvier 2022. La date est importante, car le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision commence le jour suivant la date à laquelle la Commission communique sa décision à une partie prestataire.

[26] La preuve montre que la Commission a communiqué verbalement sa décision à la prestataire le 21 décembre 2021. Cependant, il est possible que la communication par téléphone n’ait pas été claire. Les instructions peuvent être mal comprises. C’est l’une des raisons pour lesquelles la division d’appel du Tribunal dit que la Commission doit démontrer qu’elle a aussi communiqué la décision par écritNote de bas page 8.

[27] Je conclus que la Commission a communiqué sa décision par écrit à la prestataire au plus tard le 14 janvier 2022. Postes Canada dit que la livraison du courrier régulier peut prendre jusqu’à 10 jours, mais j’ai également ajouté 10 jours de plus en raison des retards de livraison qui peuvent survenir pendant la période des fêtes.

La lettre de la Commission précisait le délai de 30 jours

[28] La preuve de la Commission montre qu’elle a expliqué verbalement le délai de 30 jours à la prestataire le 21 décembre 2021, puis dans une lettre de décision datée du même jour.

[29] Un avis verbal à lui seul n’est pas suffisant pour garantir que la prestataire comprenait le délai de 30 jours qu’elle avait pour exercer son droit de demander une révision. Cependant, j’estime que l’explication dans la lettre de décision était claire. La prestataire ne le conteste pas. Elle soutient plutôt que le délai de 30 jours n’est pas suffisant pour qu’une personne dans une situation difficile comme la sienne puisse répondre.

Quand la prestataire a-t-elle présenté sa demande de révision? Était-elle en retard?

[30] La prestataire a demandé une révision dans une lettre datée du 27 octobre 2022. La preuve montre que la Commission a reçu sa lettre le 3 novembre 2022. Il s’agit donc de la date à laquelle sa demande de révision a été déposée.

[31] Par conséquent, sa demande a été présentée en retard. La décision lui a été communiquée au plus tard le 14 janvier 2022. Pour respecter le délai de 30 jours, elle avait jusqu’au 14 février 2022 pour présenter une demande.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement

[32] Je conclus que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a rejeté la demande de révision que la prestataire a présentée en retard. En effet, la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents et elle a ignoré les facteurs non pertinents. Rien ne prouve que la Commission a agi de façon inappropriée ou de mauvaise foi. Elle a respecté le critère prévu par la loi en ce qui concerne la durée du retard de la prestataire.

[33] Je vais maintenant examiner comment la Commission a traité les deux questions suivantes lorsqu’elle a décidé si elle devait accorder ou non plus de temps à la prestataire pour présenter sa demande révision en retard. Ce sont les seules questions qu’elle avait le pouvoir d’examiner lorsqu’elle a rendu cette décision.

La prestataire avait-elle une explication raisonnable pour justifier son retard?

[34] La prestataire affirme que son explication est raisonnable. Elle dit qu’elle était trop choquée et bouleversée émotionnellement pour s’occuper de sa demande de révision plus tôt. Sa priorité était de subvenir aux besoins de sa famille. Elle affirme que le délai de 30 jours prévu par la loi n’est pas suffisant pour qu’une personne puisse se remettre du choc causé par un congédiement et le fait de se voir refuser des prestations, puis faire les démarches nécessaires.

[35] La Commission a tenu compte du fait que la prestataire a déclaré qu’elle était trop bouleversée pour répondre plus tôt. Elle a démontré qu’elle a tenu compte de ce facteur. La prestataire a témoigné plus en détail au sujet de son état émotionnel, mais elle n’a mentionné aucun autre facteur pertinent que la Commission aurait omis de prendre en considération. Rien ne prouve non plus que la Commission a fondé sa décision sur des facteurs non pertinents.

[36] La prestataire affirme que la Commission n’a pas tenu compte du fait que son employeur l’a congédiée « sans motif », ce qui signifie qu’elle a ignoré un facteur pertinent.

[37] Cependant, bien que la prestataire conteste le fond de la décision de la Commission portant sur l’inconduite, cela n’est pas pertinent. La Commission devait décider si la prestataire avait une explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision. C’est ce que la Commission devait prendre en considération à ce moment-là.

[38] La Commission a donc exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a décidé que la prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande.

La prestataire a-t-elle manifesté une intention constante de demander une révision?

[39] La prestataire affirme que c’est seulement en octobre 2022 qu’elle s’est rendu compte que la Commission l’avait exclue du bénéfice des prestations en raison d’une inconduite, bien qu’elle ait été congédiée sans motif par son employeur. C’est donc à ce moment-là qu’elle a écrit à la Commission pour demander une révision.

[40] La Commission a tenu compte de cette explication lorsqu’elle a décidé que la prestataire n’avait pas manifesté une intention constante de demander une révision. En effet, elle a conclu que la prestataire n’avait fait aucune démarche pour présenter une demande de révision au cours de la période du retard.

[41] Je conclus que la Commission n’a pas ignoré d’éléments de preuve pertinents pour en arriver à cette conclusion puisqu’il n’y en a pas. La prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait fait des démarches pendant les mois du retard qui démontraient qu’elle avait manifesté une intention constante de présenter une demande. Pour montrer qu’elle avait une intention constante, elle aurait pu, par exemple, faire des démarches pour communiquer avec la Commission afin de discuter de sa décision, avoir recours à des services juridiques ou demander plus d’information sur l’assurance-emploi en cas de congédiement.

[42] La Commission a donc exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a décidé que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait eu une intention constante de demander une révision.

[43] Je suis sensible à la détresse de la prestataire causée par son congédiement, après des années de travail dévoué comme infirmière de soins de première ligne. Mais je ne peux pas changer la loiNote de bas page 9.

[44] La prestataire affirme qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant des années et qu’il est injuste que la Commission l’empêche de demander une révision de sa décision pour qu’elle puisse recevoir ses prestations. Mais comme pour tous les régimes d’assurance, il ne suffit pas de cotiser à un régime pour avoir droit aux prestations. Il faut également remplir toutes les conditions requises, dont le respect du délai accordé pour présenter une demandeNote de bas page 10.

[45] Rien dans la preuve ne démontre que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a examiné la demande de révision que la prestataire a présentée en retard. Par conséquent, je n’ai pas le pouvoir de modifier la décision de la Commission de refuser d’accorder plus de temps à la prestataire pour présenter sa demande.

Conclusion

[46] La demande de révision de la prestataire était en retard. La Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents et elle a ignoré les facteurs non pertinents lorsqu’elle a rejeté la demande de révision en retard. Elle a donc exercé son pouvoir discrétionnaire correctement. C’est pourquoi je n’ai pas le pouvoir d’intervenir pour modifier sa décision.

[47] Voilà pourquoi je dois rejeter l’appel de la prestataire.

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