Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et JL, 2023 TSS 1221

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Employeur : X (employeur)
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie prestataire : J. L. (prestataire)

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (476424) datée du 25 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Personne représentant l’employeur
Prestataire
Date de la décision : Le 24 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-952

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant a démontré que le mis en cause a quitté volontairement son emploi.

[3] Le mis en cause n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] Par souci de simplicité et de clarté, je désignerai l’appelant comme étant l’employeur et le mis en cause comme étant le prestataire.

[5] L’employeur affirme que le prestataire n’a pas été mis à pied, mais qu’il a quitté son emploi.

[6] Le prestataire affirme que l’employeur lui a [traduction] « proposé de se retirer », ce qui signifie qu’il serait mis à pied.

[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a d’abord décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Elle a par la suite annulé cette décision lorsque le prestataire a demandé une révision.

[8] L’employeur a fait appel de la demande de révision. Personne n’a assisté à l’audience initiale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a décidé que le prestataire avait quitté son emploi sans justification. Le prestataire a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Celle-ci a renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle soit instruite de nouveau, notant plusieurs lacunes critiques dans la preuve qui n’avaient pas été présentées par les deux parties à la division générale.

[9] Les parties ont eu l’occasion de fournir des éléments de preuve supplémentaires avant de fixer la date de l’audience. Aucune autre observation n’a été reçue.Note de bas de page 1

[10] Je dois décider si le prestataire a été mis à pied, congédié pour inaptitude ou s’il a quitté volontairement son emploi. Si je décide qu’il a démissionné, je dois décider s’il a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur m’a demandé d’ajourner (c’est-à-dire de suspendre) l’appel

[11] Le représentant de l’employeur n’a pas été informé qu’un nouvel appel avait été ordonné ou prévu. Le prestataire n’avait aucun problème à reporter l’audience.

[12] L’audience a donc été reportée.

Question en litige

[13] Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi ou a-t-il été congédié ou mis à pied?

[14] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté son emploi sans justification?

[15] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner comment l’emploi a pris fin. Si je décide que le prestataire a démissionné, je dois établir s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[16] L’employeur affirme que le prestataire a quitté son emploi.

[17] Le prestataire affirme que l’employeur lui a [traduction] « proposé de se retirer », ce qu’il a compris comme signifiant qu’il serait mis à pied pour pouvoir toucher des prestations d’assurance-emploi.

[18] Il incombe à l’employeur de démontrer que le départ était volontaire. Ensuite, le fardeau de la preuve revient au prestataire, qui doit prouver qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 2. Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante de sa position pour satisfaire au critère juridique.

[19] Le critère juridique dans la présente affaire repose sur la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se soient déroulés comme décrit.

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[20] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a quitté volontairement son emploi. Autrement dit, il a démissionné.

[21] L’employeur a embauché le prestataire comme soudeur-fabricant. Le prestataire était un apprenti soudeur de 3e année et il pensait pouvoir accumuler ses heures pratiques en travaillant pour l’employeur. Après trois jours, le prestataire et l’employeur ont discuté de leurs besoins respectifs découlant de la relation d’emploi. Cette conversation a mis fin à la relation d’emploi. Les parties ne s’entendent pas sur les détails de la conversation.

[22] Le prestataire affirme que l’employeur lui a dit qu’il ne pouvait pas approuver ses heures d’apprentissage en soudure; il devait changer de métier et être apprenti fabricant. Le prestataire affirme qu’il n’était pas prêt à « gaspiller » 2 ans de formation et d’éducation. Il dit que l’employeur lui a [traduction] « proposé de se retirer », ce qu’il a interprété comme étant une mise à pied.

[23] Le prestataire a répété à la Commission qu’il y avait eu une erreur de communication et que l’employeur cherchait en fait des fabricants et non des soudeurs. Comme le prestataire était soudeur, et non fabricant, l’employeur l’a appelé au bureau après trois jours et l’a mis à pied parce qu’il n’avait pas la bonne formationNote de bas de page 3. Le prestataire a dit à la division d’appel qu’il croyait que s’il n’acceptait pas d’être mis à pied, il serait congédiéNote de bas de page 4.

[24] Lors de cette audience, le prestataire a clairement indiqué qu’il n’aimait pas le type de travail qu’il devait faire dans un atelier de fabrication et qu’il n’était pas prêt à travailler dans un endroit où il ne pouvait pas accumuler d’heures d’apprentissage. Il a répété que l’employeur lui avait dit qu’il ne pouvait pas approuver ses heures d’apprentissage à moins qu’il ne devienne un manufacturier, et que ce n’était pas quelque chose qu’il était prêt à faire, alors l’employeur lui a [traduction] « proposé de se retirer ». Le prestataire a déclaré que si l’employeur était prêt à le garder sans changer de métier, il n’aurait pas continué sans être sous contrat.

[25] Le représentant de l’employeur a déclaré qu’ils ne forment pas les apprentis soudeurs, seulement les apprentis fabricants, mais qu’ils ont des ouvriers soudeurs et du personnel qui ont travaillé pendant des années sans carte de compétence. Il a dit qu’ils n’ont jamais forcé personne à aller à l’école de métiers ou à commencer un programme d’apprentissage. Il a dit qu’ils auraient pu approuver certaines heures d’apprentissage en soudage, mais seulement pour le soudage TIG et MIG parce que l’atelier ne fait pas de soudage à l’électrode. Il a dit qu’ils n’avaient aucun problème de rendement avec le prestataire et qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle il n’aurait pas pu continuer à travailler à l’atelier s’il l’avait voulu.

[26] Aucune preuve concernant le message texte du prestataire mentionné dans l’avis d’appel de l’employeur n’a été présentéeNote de bas de page 5.

[27] Le relevé d’emploi dit que le prestataire a démissionné, et il a été produit le même mois qu’il a quitté son emploiNote de bas de page 6.

[28] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a quitté son emploi parce que l’employeur n’était pas en mesure de répondre à ses besoins d’apprentissage.

[29] Bien que la conversation entre le prestataire et l’employeur ait pu être comprise différemment par chacune des parties, la preuve du prestataire et de l’employeur montre que le prestataire n’avait pas l’intention de rester travailler dans un atelier de fabrication et que l’employeur n’avait aucune raison de le congédier.

Qu’est-ce qu’une justification?

[30] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 7. Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que l’on était fondé à le faireNote de bas de page 8.

[31] La loi dit qu’une personne est « fondée à » quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait d’autre choix raisonnable que de le faire au moment où elle l’a faitNote de bas de page 9.

[32] Le prestataire doit prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 10. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 11.

[33] Je dois examiner toutes les circonstances entourant la démission du prestataire pour décider s’il était fondé à quitter son emploi. La loi énonce certaines de ces circonstancesNote de bas de page 12. Après avoir établi les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci doit démontrer que quitter son emploi à ce moment-là était la seule solution raisonnable qui s’offrait à luiNote de bas de page 13.

Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[34] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[35] Le prestataire affirme qu’il a quitté son emploi parce que l’employeur ne pouvait pas l’embaucher comme apprenti soudeur. Le prestataire affirme que quitter son emploi à ce moment-là était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui parce qu’il devait soit changer de métier, soit travailler sans pouvoir accumuler d’heures pour son apprentissage.

[36] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment où il l’a fait. J’estime qu’il aurait pu continuer à travailler pour l’employeur jusqu’à ce qu’il puisse trouver un poste mieux adapté à ses besoins de formation en apprentissage.

[37] Ce n’est pas parce que le prestataire estimait que ses tâches n’étaient pas idéales pour atteindre ses objectifs à long terme qu’il a droit aux prestations d’assurance-emploi. Le fait que le prestataire estimait que son emploi n’était pas convenable ne justifie pas qu’il l’abandonne et qu’il demande à d’autres de le soutenir par l’entremise du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 14.

[38] En fin de compte, le critère juridique n’est pas de savoir si quitter son emploi est ce qu’une personne raisonnable et prudente ferait dans des circonstances semblables, mais bien si quitter son emploi est la seule solution raisonnable qui s’offrait au prestataire. Le caractère raisonnable peut être un « motif valable », mais il ne s’agit pas nécessairement d’une « justification ». Bien que le prestataire ait quitté son emploi pour ce qu’il considère être une bonne raison, les tribunaux ont clairement conclu qu’un motif valable est différent d’une justification. Il ne suffit pas que le prestataire prouve qu’il était tout à fait raisonnable qu’il quitte son emploiNote de bas de page 15.

Conclusion

[39] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[40] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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