Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1040

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Daniel McRoberts

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 26 janvier 2023
(GE-22-3892)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 2 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-200

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel et je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle tranche la question de savoir quels ont été les effets de la réintégration du prestataire et s’il y a eu inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant, N. S. (prestataire), fait appel de la décision rendue par la division générale le 26 janvier 2023. La division générale a rejeté la demande du prestataire pour l’annulation ou la modification de la décision antérieure qu’elle a rendue 7 octobre 2022Note de bas de page 1.

[3] Dans sa décision antérieure, la division générale a rejeté l’appel du prestataire concernant les prestations d’assurance-emploi. La division générale a fait cela parce qu’elle a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait prouvé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations.

[4] Le prestataire a demandé à la division générale d’annuler ou de modifier sa décision antérieure. Le prestataire a fourni de nouveaux éléments de preuve avec sa demande. Il a soutenu que ces nouveaux éléments de preuve donnaient à la division générale le motif d’annulation ou de modification de sa décision antérieure.

[5] La division générale a rejeté la demande d’annulation ou de modification du prestataire parce qu’elle a conclu que les nouveaux éléments de preuve n’avaient aucune incidence sur la question de savoir s’il devait être exclu du bénéfice des prestations. De plus, la division générale a conclu qu’elle n’avait pas rendu sa décision antérieure avant que soit connu un fait essentiel et qu’elle n’avait pas non plus fondé sa décision antérieure sur une erreur relative à un tel fait.

[6] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante en rejetant sa demande d’annulation ou de modification d’une décision. Il demande à la division d’appel de rendre la décision que, selon lui, la division générale aurait dû rendre. Il affirme que les nouveaux éléments de preuve montrent que son employeur l’a congédié à tort. Il soutient que lorsqu’une personne est réintégrée dans son emploi sans perte d’ancienneté, cela établit qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Il affirme être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] La Commission convient que la division générale a commis une erreur en rejetant la demande d’annulation ou de modification du prestataire et en concluant qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La Commission convient également que la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[8] Toutefois, la Commission soutient que la division générale aurait dû conclure que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, la Commission affirme que même avec la réintégration, la conduite du prestataire représentait encore une inconduite.

[9] Je conclus que la division générale a commis une erreur en rejetant la demande d’annulation ou de modification de sa décision antérieure. Elle a commis une erreur concernant les nouveaux éléments de preuve et leur incidence sur l’issue de l’affaire.

[10] Les nouveaux éléments de preuve montrent que le prestataire a été réintégré dans son emploi sans perte d’ancienneté. Cependant, la preuve n’a pas démontré que son employeur l’a entièrement indemnisé pour son absence du travail. La réintégration du prestataire dans ses fonctions signifiait qu’il n’était pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[11] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait au sujet de l’issue du grief du prestataire?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée? 

Analyse

[12] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de fait.Note de bas de page 2

[13] Pour ce qui est des erreurs de fait, la division générale devait avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait au sujet de l’issue du grief du prestataire?

[14] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante. La division générale a constaté que le prestataire avait fourni un dossier de grief indiquant qu’il avait été congédié injustement. La division générale a également constaté que le prestataire avait été « réintégré avec une pleine indemnisation pour les pertes subies et qu’il n’a pas perdu son anciennetéNote de bas de page 3 ».

[15] La division générale a conclu que la réintégration du prestataire n’avait aucune incidence sur la question de savoir s’il devait être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[16] Le prestataire reconnaît avoir été réintégré sans perte d’ancienneté. Cependant, il affirme qu’il n’a pas reçu une pleine indemnisation pour les pertes subies. Il affirme donc que la division générale a commis une erreur sur ce point. Il dit que, comme il n’a pas été entièrement indemnisé pour les pertes subies, il a droit à des prestations d’assurance-emploi pour la période où il était au chômage.

[17] La Commission convient que la division générale a commis une erreur de fait. Toutefois, la Commission affirme que le fait que l’employeur du prestataire l’ait réintégré ne change pas la conclusion initiale de la division générale concernant l’inconduite. La Commission explique que, bien que le prestataire n’ait pas été congédié, il a été effectivement suspendu. La Commission soutient que la suspension du prestataire était attribuable à une inconduite.

[18] La Commission soutient que, comme le prestataire a été suspendu pour inconduite, la division générale aurait dû modifier sa décision antérieure pour remplacer l’exclusion par une inadmissibilitéNote de bas de page 4.

La division générale a mal interprété le grief

[19] La division générale a mal interprété le griefNote de bas de page 5, qui énonçait la résolution que le prestataire cherchait à obtenir. Le grief indiquait que le prestataire demandait une indemnisation complète pour les pertes subies.

[20] L’employeur du prestataire l’a réintégré dans son emploiNote de bas de page 6. Sa date de retour était le 24 octobre 2022. Son employeur ne l’a pas indemnisé pour les périodes de congé.

[21] En fait, la réintégration signifiait que la cessation d’emploi n’était plus traitée comme si le prestataire avait été congédié. Par conséquent, le prestataire ne serait pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Correction de l’erreur

[22] La division générale a fait une erreur concernant la façon dont la réintégration du prestataire a eu une incidence sur sa demande de prestations d’assurance-emploi. Quelle est la meilleure façon de corriger cette erreur?

Les arguments des parties

[23] Les deux parties soutiennent que la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, selon elles.

[24] En ce qui le concerne, le prestataire affirme que la division d’appel devrait conclure que son employeur l’a congédié à tort et que, par conséquent, il n’y a pas eu inconduite. Il nie que son employeur aurait continué sa période de suspension s’il ne l’avait pas congédié. Il soutient qu’il est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[25] Quant à la Commission, elle fait valoir que la division d’appel devrait conclure que le prestataire a été suspendu de son emploi et qu’il aurait continué à l’être si son employeur ne l’avait pas congédié.

[26] Selon la Commission, cela signifie qu’il faut modifier la décision de la division générale en remplaçant l’exclusion par une inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi jusqu’au moment du retour du prestataire sur le marché du travail.

[27] La Commission fait également valoir que, dans l’alternative, si la division d’appel décidait qu’elle a besoin d’éléments de preuve supplémentaires relativement au règlement du grief, elle ne s’opposerait pas à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour que celle-ci rende une nouvelle décision sur toute la question de l’inconduite.

Absence du prestataire : il soutient qu’elle ne devrait pas être considérée comme une suspension

[28] Le prestataire s’est absenté du travail du 18 novembre 2021 au 24 octobre 2022. Il fait valoir qu’il est erroné de présumer qu’il a été suspendu pour inconduite pendant cette période.

[29] Le prestataire soutient qu’il a prouvé que son employeur l’a congédié à tort de son emploi. Il affirme que sa réintégration par son employeur sans perte d’ancienneté signifie qu’il aurait travaillé pendant toute cette période. Il affirme que le fait que son employeur l’ait réintégré sans perte d’ancienneté prouve que celui-ci a convenu qu’il n’avait pas agi de façon inappropriée.

[30] Le prestataire cite la décision D. V. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSGDE 75 (décision GE-13-1632). Il affirme que cette affaire démontre qu’il n’y a pas inconduite lorsqu’une personne employée est réintégrée dans son emploi Note de bas de page 7.

Décision D. V. c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[31] L’employeur de D. V. l’a congédié après qu’il a été pris en train de fumer sur le lieu de travail. D. V. a contesté le congédiement et a conclu une entente avec son employeur. D. V. a reçu un règlement en espèces et une lettre de recommandation au lieu d’être réintégré.

[32] La division générale a conclu qu’il n’y avait pas eu inconduite dans le cas de D. V. Cependant, ce n’est pas parce qu’il a conclu une entente avec son employeur. La division générale a jugé qu’il y avait des éléments de preuve contradictoires sur la question de savoir si l’employeur avait averti D. V. de ne pas fumer sur les lieux. Autrement dit, D. V. ne savait pas et ne pouvait pas savoir que le fait de fumer sur les lieux pouvait entraîner son congédiement.

[33] La division générale a également conclu que le congédiement de D. V. n’était pas lié au fait d’avoir fumé sur les lieux. D’autres aspects inexpliqués ont mené aux mesures disciplinaires que l’employeur a prises à l’encontre de D. V.

[34] Fait plus important encore, la cessation d’emploi de D. V. était attribuable à une décision prise d’un commun accord par l’employeur et D. V., et non à un geste de sa part.

[35] Autrement dit, simplement parce qu’il y a une entente à la suite d’un grief, il faut quand même examiner les circonstances ayant mené à la cessation d’emploi, car il peut y avoir eu ou non inconduite. Une entente à elle seule, y compris la réintégration d’une personne dans son emploi, n’est pas déterminante.

[36] La décision D. V. se distingue sur le plan factuel. Les faits ne sont pas assez semblables à ceux de l’appel du prestataire. La décision ne s’applique donc pas directement.

Il y a des lacunes dans la preuve

[37] Le prestataire soutient que la réintégration sans perte d’ancienneté signifie qu’il aurait travaillé durant tout ce temps. Cependant, il n’y a tout simplement pas assez d’éléments de preuve pour conclure définitivement que le prestataire aurait travaillé du 18 novembre 2021 au 24 octobre 2022.

[38] Lorsque la Commission a demandé à l’employeur pourquoi il exigeait des tests antigéniques rapides administrés dans une pharmacie ou un chez un détaillant, plutôt que des tests à domicile, celui-ci a répondu que ce genre de test exigeait une vérification. L’employeur exigeait une vérification dans l’éventualité d’une inspection aléatoire de la santé publique. L’employeur était passible de lourdes amendesNote de bas de page 8.

[39] L’employeur a d’abord imposé au prestataire une suspension de trois semaines pour non-respect de sa politique de vaccinationNote de bas de page 9. Le prestataire a confirmé que son employeur l’avait suspendu pour une période de trois semainesNote de bas de page 10.

[40] Le prestataire a contesté la suspension et le congédiement. La politique de vaccination de l’employeur est demeurée en place pendant le processus de grief. L’employeur a quand même exigé que son personnel soit vacciné ou qu’il fournisse des résultats de tests négatifs. Les tests étaient effectués aux frais des personnes employées.

[41] Selon le courriel de la médiatrice, le prestataire et l’employeur ont conclu une entente le 14 octobre 2022 ou avant cette dateNote de bas de page 11. L’employeur a réintégré le prestataire.

[42] Le prestataire a continué à transgresser la politique de vaccination de son employeur. Je comprends que le prestataire est demeuré en congé et qu’il est retourné au travail seulement après que son employeur a mis fin à sa politique de vaccination.Note de bas de page 12 Il convient toutefois de clarifier cela.

[43] Les éléments suivants manquent à la preuve et doivent être clarifiés :

  • La question de savoir si l’employeur du prestataire a annulé ou modifié ses exigences au titre de sa politique de vaccination à tout moment entre le 18 novembre 2021 et le 24 octobre 2022.
  • La question de savoir si l’employeur avait toujours des préoccupations concernant des inspections aléatoires de santé publique après le 18 novembre 2021.
  • La question de savoir si l’employeur aurait prolongé le congé autorisé ou la suspension du prestataire jusqu’à ce qu’il se conforme à la politique de vaccination ou jusqu’à la modification ou à la fin de la politique.
  • La question de savoir si le prestataire serait retourné au travail avant que l’employeur mette fin à sa politique de vaccination.

[44] Le prestataire a peut-être retrouvé son emploi, mais la preuve ne permet pas de savoir s’il aurait été de retour au travail et s’il y a eu une modification à la politique de vaccination de son employeur ou si elle a pris fin.

[45] L’appel sous-jacent porte sur la décision de la division générale de rejeter la demande d’annulation ou de modification de sa décision antérieure rendue le 7 octobre 2022Note de bas de page 13. Le renvoi de l’affaire à la division générale sur cette question limitée n’est d’aucune utilité pratique, étant donné les lacunes dans la preuve. Si je renvoyais l’affaire à la division générale pour lui permettre de lever l’exclusion, la question de l’admissibilité du prestataire aux prestations resterait sans réponse.

[46] Compte tenu des lacunes dans la preuve, je renvoie l’affaire à la division générale sur la question en litige, au-delà de la correction de l’exclusion. De cette façon, la division générale peut examiner et décider si le prestataire aurait repris son travail entre le 18 novembre 2021 et le 24 octobre 2022.

[47] Comme l’affaire sera instruite de nouveau à la division générale, les parties peuvent produire de nouveaux éléments de preuve.

La suspension du prestataire était-elle attribuable à une inconduite?

[48] Les parties se disputent pour savoir s’il y a eu inconduite. Le prestataire nie que son comportement représentait une inconduite, alors que la Commission soutient que la suspension du prestataire était attribuable à une inconduite.

[49] Comme la division générale n’a pas abordé la question de savoir si la suspension du prestataire était attribuable à une inconduite, il convient de renvoyer l’affaire à la division générale pour cette raison également. De cette façon, elle peut examiner les faits et décider si une suspension est attribuable à une inconduite.

Conclusion

[50] L’appel est accueilli. La division générale n’a pas tenu compte du fait que la réintégration signifiait que le prestataire devait être traité comme si son employeur ne l’avait jamais congédié de son emploi.

[51] J’accueille la demande du prestataire pour l’annulation ou la modification de la décision de la division générale datée du 7 octobre 2022. J’accepte les nouveaux éléments de preuve du prestataire selon lesquels son employeur l’a réintégré dans son emploi. Ayant été réintégré dans son emploi, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[52] Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que le prestataire est admissible au bénéfice des prestations. Il reste encore à déterminer quel aurait probablement été le statut du prestataire entre le 18 novembre 2021 et le 24 octobre 2022 s’il n’avait pas été congédié.

[53] Les parties ne s’entendent pas sur les autres répercussions que la réintégration aurait pu avoir sur l’emploi du prestataire. Elles se disputent pour savoir s’il aurait repris le travail entre le 18 novembre 2021 et le 24 octobre 2022.

[54] Je renvoie l’affaire à la division générale pour qu’elle puisse pleinement examiner les effets de la réintégration et décider si une éventuelle suspension (continue) était attribuable à une inconduite.

[55] Cette décision rend maintenant la demande du prestataire (ayant le numéro de dossier AD-22-809) théorique. Dans cette demande, le prestataire a contesté avoir perdu son emploi en raison d’une inconduite. Compte tenu de sa réintégration et de ma conclusion selon laquelle il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, il n’est pas nécessaire que sa demande (numéro de dossier AD-22-809) aille de l’avant.

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