Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1798

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (488062) datée du 26 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2018

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur l’a congédié le 20 décembre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’entreprise sur la vaccination contre la COVID-19.

[4] Le prestataire ne conteste pas que c’est ce qui s’est produit.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] La Commission affirme que l’employeur exigeait que le prestataire soit entièrement vacciné ou qu’il fournisse à celui-ci un résultat négatif à un test antigénique rapide au début de son quart de travail chaque lundi. Le prestataire devait payer les coûts du test. La Commission affirme que le prestataire a délibérément omis de respecter la politique.

[7] Le prestataire affirme qu’il aurait fourni un résultat de test négatif si l’employeur l’avait payé. Il fait valoir que ses agissements ne constituent pas une inconduite. Il dit que son employeur ne s’est pas conformé à la politique de vaccination parce qu’on ne lui a pas fourni l’information utile nécessaire. Le prestataire affirme que son employeur a modifié les modalités de son contrat de travail. Il dit que son employeur a fait de fausses déclarations à la Commission.

[8] Le prestataire affirme également que son employeur a contrevenu à un certain nombre de lois provinciales, fédérales et internationales. Cela comprend le droit de préserver son intégrité corporelle, le droit de travailler et le droit de renoncer à des actes médicaux qui nuisent à sa santé et à sa sécurité. Est également incluse la protection contre la discrimination et une peine cruelle et inusitée.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[12] La politique de vaccination de l’employeur est datée du 17 septembre 2021; elle a été mise à jour le 28 octobre 2021. La politique précise que toutes les personnes employées doivent fournir une preuve de vaccination au plus tard le 15 octobre 2021Note de bas de page 2.

[13] La politique de vaccination de l’employeur prévoit que les employés qui ne fournissent pas de preuve de vaccination doivent passer un test de dépistage rapide de détection d’antigène. Selon la politique, le test devrait avoir lieu dans les 24 heures suivant le début du quart de travail de la personne employée. Le test doit être effectué une fois par semaine. Les résultats doivent être communiqués à l’employeur. La personne employée devait payer le testNote de bas de page 3.

[14] L’employeur a suspendu le prestataire pour une journée, soit le 17 novembre 2021, pour non-respect de la politique. Le 16 novembre 2021, le prestataire a reçu une lettre de l’employeur indiquant qu’il n’avait pas fourni de résultats de tests. Le document précise que le prestataire était tenu de fournir des résultats de tests avant de retourner au travail le 18 novembre 2021. Il devait le faire à tous les lundis à l’avenir. La lettre précise qu’il ferait l’objet d’autres mesures disciplinaires, y compris un congédiement, s’il ne respectait pas la politique de vaccinationNote de bas de page 4.

[15] L’employeur a mis le prestataire en congé sans solde pendant trois semaines. Le 23 novembre 2021, le prestataire a reçu une lettre de l’employeur indiquant qu’il n’avait pas fourni de résultats de tests. La lettre dit que la COVID-19 a fait de nombreuses victimes au Canada et que la meilleure protection était la vaccination. La lettre suggère au prestataire de parler à son médecin pour mieux comprendre pourquoi il est important de respecter la politique de vaccination. La lettre précise que s’il ne respectait pas la politique, le prestataire serait congédiéNote de bas de page 5.

[16] L’employeur a congédié le prestataire parce que celui-ci n’a pas respecté la politique de vaccination de l’entreprise. Le prestataire a reçu une lettre de licenciement de la part de l’employeur le 20 décembre 2021. La lettre indique que le prestataire avait refusé de se soumettre à des tests, conformément à la politiqueNote de bas de page 6.

[17] Le prestataire affirme que la politique lui a été remise par son employeur. Le prestataire n’est pas certain de la date à laquelle il a reçu la politique. Le prestataire a remis une copie de la politique au Tribunal. Le prestataire a fourni au Tribunal des copies des lettres de suspension, de congé sans solde et de congédiement.

[18] Le prestataire affirme qu’il n’a pas fourni de résultats de tests ou de preuve de vaccination à son employeur.

[19] D’après ces renseignements, je suis d’avis qu’il est incontesté que le prestataire a été congédié de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[20] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[21] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 8. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa façon d’agir soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 9.

[22] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 10.

[23] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 11.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a délibérément omis de respecter la politique de vaccination de l’employeur. Celui-ci exigeait que le prestataire soit entièrement vacciné ou qu’il lui fournisse les résultats des tests au début de son quart de travail chaque lundi. Le prestataire n’a pas fourni de preuve de vaccination ni de résultats de tests.

[25] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il aurait fourni des résultats de tests, si l’employeur les avait payés. Le prestataire dit qu’il n’avait pas les moyens de passer le test. Il dit que chaque test coûtait de 20 $ à 50 $. Selon lui, essentiellement, il paierait pour aller travailler. Il affirme avoir donné à l’employeur des renseignements sur la façon d’obtenir des tests gratuits.

[26] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que les tests doivent être faits chez un détaillant ou dans une pharmacie. L’employeur n’accepterait pas les résultats d’un test effectué à la maison. Le représentant de l’employeur affirme que les tests faits à la maison ne sont pas aussi précis. Selon le représentant de l’employeur, lorsque des tests sont effectués chez un détaillant ou dans une pharmacie, il y a un processus de vérification, incluant la présentation d’une pièce d’identité.

[27] La représentante du syndicat a dit à la Commission que les tests doivent être faits dans une pharmacie, pour s’assurer qu’ils sont valables. La représentante syndicale indique que le syndicat a négocié avec l’employeur pour permettre l’utilisation des tests antigéniques rapides, plutôt que les tests PCR. La représentante syndicale affirme que les tests antigéniques rapides sont moins coûteux.

[28] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il ne pensait pas que le non-respect de la politique l’empêcherait d’exercer ses fonctions. Il dit avoir travaillé pendant toute la pandémie en suivant d’autres consignes de sécurité, y compris le port d’équipement de protection individuelle. Il affirme qu’il ne pensait pas qu’il serait congédié parce qu’il cumule 16 années d’expérience au sein de l’entreprise. Il dit avoir un dossier d’emploi vierge. Le prestataire se fonde sur une décision du Tribunal pour démontrer que le personnel doit avoir l’occasion d’examiner et de comprendre la politique de l’employeur et disposer d’un délai suffisant pour s’y conformerNote de bas de page 12.

[29] Le prestataire a déclaré qu’il avait des préoccupations concernant la sûreté des tests de dépistage. Il affirme qu’il y a un produit chimique sur l’écouvillon qui est inséré dans le nez. Son employeur n’a pas pu répondre à ses questions sur la sûreté des tests. Il a communiqué avec l’équipe de la santé et de la sécurité au travail, mais ces personnes n’avaient pas d’information. Il dit qu’à un moment donné, il s’est rendu chez un détaillant qui effectue des tests pour lui poser des questions sur leur sûreté, mais la file était trop longue.

[30] Le prestataire affirme qu’il a un médecin de famille, qu’il consulte depuis environ huit ans. Il dit qu’il ne se souvenait pas avoir parlé à son médecin de ses préoccupations concernant le vaccin et l’innocuité des tests.

[31] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce que son employeur n’a pas respecté toute la politique relative à la vaccination. Plus précisément, son employeur ne lui a pas fourni l’information utile nécessaire. La politique vaccinale prévoit ce qui suit : [traduction] « Avant d’être congédiée pour un motif valable, chaque personne employée recevra de l’information utile sur l’importance du dépistage et de la vaccinationNote de bas de page 13 ».

[32] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce que son employeur a fait de fausses déclarations à la Commission. Voici quelques-unes de ces déclarations :

  1. a) La gestionnaire du service de la paie de l’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait abandonné son emploi. Le prestataire affirme qu’il a essayé d’aller travailler, mais qu’on l’a renvoyé chez lui.
  2. b) La gestionnaire des ressources humaines de l’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été suspendu pour une période de trois semaines. Le prestataire affirme qu’il s’agissait d’un congé sans solde de trois semaines, et non d’une suspension.
  3. c) Le gestionnaire a dit à la Commission que le prestataire était le seul employé à avoir des préoccupations concernant la politique. Le prestataire affirme que d’autres employés étaient également en désaccord avec la politique.

[33] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce que son employeur a modifié les modalités de son contrat de travail. Il affirme que son employeur a contrevenu à un certain nombre de lois provinciales, fédérales et internationales. Cela comprend le droit de préserver son intégrité corporelle, le droit de travailler et le droit de renoncer à des actes médicaux qui nuisent à sa santé et à sa sécurité. Est également incluse la protection contre la discrimination et une peine cruelle et inusitée. Le prestataire a présenté une décision d’arbitrage pour appuyer son argumentNote de bas de page 14. Le prestataire affirme que la Commission des relations de travail de l’Ontario a récemment décidé que son syndicat ne l’avait pas représenté conformément à son obligation de représentation équitable.

[34] La gestionnaire du service de la paie de l’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été congédié pour abandon d’emploi. Par la suite, le gestionnaire des ressources humaines de l’employeur a précisé à la Commission que le prestataire avait été congédié pour non-respect de la politique de vaccination. La gestionnaire affirme que le prestataire a refusé d’être entièrement vacciné ou de fournir des résultats de tests.

[35] Le gestionnaire des ressources humaines de l’employeur a dit à la Commission que le personnel était avisé toutes les deux semaines, au moment de chaque paie, de l’obligation de respecter la politique au plus tard le 15 octobre 2021. La politique elle-même prévoit que [traduction] « le non-respect de la présente politique peut entraîner des mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiement pour un motif valableNote de bas de page 15 ».

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car la preuve démontre que le prestataire était au courant de la politique, qu’il savait qu’il était possible qu’il soit congédié s’il ne la respectait pas et qu’il a choisi de ne pas le faire. J’estime que le choix qu’il a fait de ne pas respecter la politique était conscient, voulu et intentionnel. Le prestataire a fourni au Tribunal une copie de la politique et des lettres l’avisant de sa suspension et de sa mise en congé sans solde. Chaque document précise que le prestataire doit fournir des résultats de tests, faute de quoi il risque d’être congédié. Je conclus que le prestataire a reçu des renseignements précis concernant ses obligations aux termes de la politique et les risques encourus s’il ne la respectait pas.

[37] En ce qui a trait aux autres arguments du prestataire :

  1. a) Information utile. J’estime que la disposition de la politique de l’employeur qui indique que l’on fournira au personnel de l’information utile sur l’importance de se soumettre à des tests est accessoire à l’essentiel de la politique. Dans l’alternative, je conclus que l’employeur a respecté cette condition de sa politique dans la lettre datée du 23 novembre 2021. La lettre disait au prestataire que la COVID-19 avait fait de nombreuses personnes au Canada et que la meilleure protection était la vaccination. La lettre suggère au prestataire de parler à son médecin pour mieux comprendre pourquoi il est important de respecter la politique de vaccination. Le prestataire a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir parlé à son médecin de famille de ses préoccupations concernant le vaccin.
  2. b) Fausses déclarations. Je reconnais que les représentants de l’employeur peuvent avoir fait des déclarations inexactes à la Commission. Je me fonde donc sur la correspondance de l’employeur, y compris le texte de la politique et les lettres de suspension, de congé sans solde et de licenciement, pour rendre ma décision.
  3. c) L’employeur a modifié les modalités de son contrat de travail et a contrevenu à un certain nombre de lois provinciales, fédérales et internationales. Je souligne qu’il y a d’autres instances où le prestataire peut soulever ces arguments. La conduite de l’employeur n’est pas un élément pertinent aux termes de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Mon analyse porte plutôt sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de l’article 30 de la LoiNote de bas de page 16. Je ne décide pas si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Je peux seulement examiner si les agissements du prestataire constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.
  4. d) Autre décision du Tribunal de la sécurité sociale. Je conclus que la présente décision peut être fondée sur des faits distincts. De plus, je ne suis pas liée par les autres décisions du Tribunal. Dans l’autre décision du Tribunal, le prestataire n’a eu que deux jours pour respecter la politique de vaccination de l’employeur. La membre a soutenu que le prestataire n’avait pas eu assez de temps pour le faire et qu’il ne pouvait pas savoir qu’il serait congédié à cause de sa conduite. Dans la présente affaire, je suis d’avis que le prestataire a eu assez de temps pour respecter la politique. J’estime que le prestataire a reçu des avertissements répétés indiquant qu’il serait congédié s’il ne respectait pas la politique.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.