Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1435

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada datée du 26 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 octobre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin
Date de la décision : Le 30 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2155

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu) par l’employeur le 17 novembre 2021. L’appelant a ensuite été congédié par l’employeur le 20 décembre 2021. Celui-ci a déclaré que l’appelant avait été suspendu puis congédié parce qu’il n’avait pas fourni de « résultats de tests de dépistage rapide » comme l’exigeait la politique de vaccination de l’entreprise.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a d’abord décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. L’appelant a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le 7 octobre 2022, la division générale a établi que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. L’appelant a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal.

[6] Le 24 octobre 2022, l’appelant a été réintégré dans son emploi précédent chez l’employeur sans modification à son ancienneté. L’appelant n’a reçu aucun montant versé en guise de règlement ni indemnisation de l’employeur.

[7] Le 6 juin 2023, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale afin que celle-ci puisse pleinement examiner les effets de la réintégration de l’appelant et décider si une suspension éventuelle (continue) était attribuable à une inconduite. La division d’appel a également écrit que la réintégration de l’appelant signifiait en fait que la cessation d’emploi n’était plus traitée comme s’il avait été congédié. La division d’appel a expliqué que l’appelant ne serait pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle a cependant expliqué plus en détail que cela ne signifiait pas nécessairement que l’appelant était admissible au bénéfice des prestations. La division d’appel a écrit qu’il restait encore à déterminer quel aurait été le statut probable de l’appelant entre le 18 novembre 2021 et le 24 octobre 2022 s’il n’avait pas été congédié.

[8] De plus, la division d’appel a expliqué que puisque la division générale n’a pas abordé la question de savoir si la suspension de l’appelant était attribuable à une inconduite, il convenait de renvoyer l’affaire à la division générale pour cette raison également.

[9] La Commission a fait valoir que la conclusion d’inconduite devrait être maintenue, mais que l’exclusion pour une période indéterminée prévue par la loi devrait être remplacée par une inadmissibilité à compter de la date de début de la période de prestations (le 30 janvier 2022) jusqu’au 24 octobre 2022.

[10] La Commission ajoute que puisque la réintégration le 24 octobre 2022 n’incluait pas d’indemnisation financière rétroactive, la preuve porte à conclure qu’il était plus probable qu’improbable que l’employeur a simplement remplacé un congédiement par une période de suspension plus longue.

[11] L’appelant affirme qu’il était prêt à passer le test antigénique rapide, mais qu’il n’avait pas les moyens de le faire chaque semaine. Il affirme que l’employeur l’a congédié à tort. Il ajoute qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi du 30 janvier 2022 jusqu’à sa réintégration le 24 octobre 2022.

Question que je dois examiner en premier

[12] L’épouse de l’appelant (J. S.) a souhaité témoigner de vive voix à l’audience. Par la suite, elle a prêté serment et a témoigné pendant l’audience.

Question en litige

[13] L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[14] Pour décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelant a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[15] J’estime que l’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu), car l’employeur a indiqué qu’il n’avait pas fourni de « résultats de tests de dépistage rapide » comme l’exigeait sa politique de vaccination (page GD7-3 du dossier).

[16] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est celle de la suspension. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant refusait de lui fournir ses résultats de tests antigéniques rapides.

[17] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il était prêt à effectuer un test antigénique rapide, mais qu’il n’en avait pas les moyens. Il ajoute qu’il a été congédié à tort le 20 décembre 2021.

[18] Je conclus que l’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu) parce que l’employeur a indiqué qu’il n’avait pas fourni « résultats de tests de dépistage rapide » comme l’exigeait la politique de vaccination de l’entreprise.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[19] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelant n’est pas une inconduite.

[20] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 4.

[21] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 5.

[22] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite, parce que l’appelant savait que la non-conformité à la politique de vaccination de l’employeur pouvait entraîner une perte d’emploi, qu’elle soit temporaire ou permanente.

[24] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il était prêt à se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, mais ne pouvait pas se permettre le coût du test antigénique rapide. Il ajoute avoir fourni à l’employeur des liens vers des sites gouvernementaux où celui-ci pouvait commander des tests gratuits.

[25] Je suis d’avis que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons décrites dans les paragraphes ci-dessous.

[26] Premièrement, la Commission n’a pas démontré que l’appelant a fait le choix conscient de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Autrement dit, la Commission n’a pas démontré que l’appelant a déjà directement prévenu l’employeur qu’il ne passerait pas le test antigénique rapide. L’appelant a plutôt déclaré qu’il ne pouvait pas se permettre d’en payer le coût chaque semaine, mais qu’il était prêt à passer le test. Je comprends que la Commission a fait valoir que l’appelant a intentionnellement choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Cependant, je ne peux pas conclure que l’appelant a intentionnellement fait cela parce qu’il a dit à l’employeur qu’il passerait le test antigénique rapide.

[27] Deuxièmement, la Commission n’a pas démontré les cas où la conduite de l’appelant était tellement insouciante qu’elle était presque délibérée. À titre d’exemple, l’appelant n’a pas négligé inconsidérément la politique de vaccination de l’employeur. Au contraire, il a dit à l’employeur qu’il se soumettrait au test antigénique rapide, mais qu’il ne pouvait pas s’en permettre le coût. Je comprends que l’employeur avait tout à fait le droit de ne pas fournir de tests antigéniques rapides à son personnel. Cependant, je ne conteste pas l’équité ou le bien-fondé de sa décision de ne pas fournir ces tests. Je conclus plutôt que la Commission n’a pas démontré que l’appelant a volontairement refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

Observations supplémentaires de la Commission

[28] Je comprends que la Commission a également fait valoir que puisque la réintégration de l’appelant le 24 octobre 2022 n’incluait pas d’indemnisation financière rétroactive, la preuve porte à conclure qu’il était plus probable qu’improbable que l’employeur a simplement remplacé un congédiement par une période de suspension plus longue. Cependant, ce n’était qu’une hypothèse de la part de la Commission. Le fait est que l’appelant a d’abord été mis en congé sans solde (suspendu) le 17 novembre 2021, puis congédié le 20 décembre 2021. De plus, l’appelant a été réintégré dans son emploi le 24 octobre 2022. Bref, il est impossible de dire formellement si l’employeur aurait maintenu ou non l’appelant en congé sans solde (suspension) s’il ne l’avait pas congédié le 20 décembre 2021.

[29] Je comprends également que, selon la dernière observation de la Commission, l’exclusion pour une période indéterminée prévue par la loi devrait être remplacée par une inadmissibilité. Par conséquent, la seule question en litige portée à ma connaissance est de savoir si la Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Comme je l’ai mentionné, je ne peux pas conclure que la Commission a démontré que l’appelant a agi de façon délibérée et intentionnelle puisqu’il était prêt à se conformer à la politique de vaccination de l’employeur et à passer le test antigénique rapide.

[30] Enfin, je reconnais que l’employeur et l’appelant ne s’entendaient pas sur la question de savoir qui devait payer pour les tests antigéniques rapides. Cependant, il ne s’ensuit pas que l’appelant a volontairement rejeté la politique de vaccination de l’employeur puisqu’il avait accepté de passer le test antigénique rapide.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[31] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant n’a pas été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[32] La Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[33] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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