Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimée occupait un poste administratif au sein d’un ministère du gouvernement fédéral. Son employeur a mis en œuvre une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, laquelle exigeait que le personnel divulgue son statut de vaccination. L’intimée n’a pas divulgué son statut de vaccination. On l’a placée en congé sans solde parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique.

L’intimée a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a décidé que l’intimée ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’elle avait été suspendue en raison de sa propre inconduite. L’intimée a fait appel de la décision de la Commission à la division générale. La division générale a accueilli l’appel. Elle a conclu que la Commission ne s’était pas acquittée de son fardeau de prouver que l’intimée avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. La Commission a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

La division d’appel a conclu qu’il s’agissait d’une erreur de droit de tenir compte de la conduite de l’employeur en décidant si l’intimée avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. La division générale a eu tort de mettre l’accent sur la conduite de l’employeur, qui a mis en œuvre la politique de vaccination, au lieu de s’en tenir à la conduite de l’intimée. La division générale devait décider si l’intimée était au courant de la politique de vaccination et des exigences qui en découlaient, si elle avait délibérément et consciemment choisi de ne pas s’y conformer, et si elle connaissait les conséquences possibles de ses actes. Dans sa décision, la division générale a conclu que l’intimée connaissait la politique et ce qu’elle devait faire pour la respecter. Elle a conclu que l’intimée savait qu’elle serait mise en congé si elle ne s’y conformait pas et qu’elle avait pris la décision de ne pas le faire. Malgré ces conclusions claires, la division générale a conclu que la décision consciente de l’intimée de ne pas se conformer à la politique de vaccination ne constituait pas une inconduite. Même s’il ne faisait aucun doute que l’employeur avait mis en œuvre une politique dont l’intimée était au courant, la division générale a conclu que la politique n’imposait aucune obligation expresse ou implicite à l’intimée.

La division d’appel a également conclu que la division générale avait outrepassé sa compétence en examinant si la suspension de l’intimée était justifiée et en évaluant la conduite de l’employeur. Plutôt que d’examiner la conduite de l’intimée, la division générale s’est concentrée sur les raisons pour lesquelles elle a fait ce qu’elle a fait et sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas respecté la politique. La division générale a également outrepassé sa compétence lorsqu’elle a conclu que la politique de l’employeur avait été imposée unilatéralement et que, par conséquent, l’intimée n’avait pas l’obligation expresse ou implicite de s’y conformer. La division générale a conclu que l’employeur avait unilatéralement mis en œuvre la politique parce qu’il n’y avait aucune preuve qu’il avait entamé une négociation avec l’agent ou l’agente de négociation pour modifier le contrat de travail. Elle a décidé que l’employeur avait essentiellement modifié le contrat de travail en imposant une nouvelle condition essentielle à l’emploi sans le consentement de l’intimée. Cette décision ne relevait pas de sa compétence.

La division d’appel a accueilli l’appel et rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle a conclu que l’intimée avait été suspendue en raison d’une inconduite et qu’elle était inadmissible au bénéfice des prestations.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JB, 2023 TSS 1062

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Dani Grandmaître
Partie intimée : J. B.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 29 décembre 2022 (GE-22-2861)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : La personne qui représente l’appelante
L’intimée
Date de la décision : Le 10 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-83

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite et a excédé sa compétence. J’ai rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. La prestataire a été suspendue en raison de son inconduite et n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] L’intimée, J. B. (prestataire), travaillait en administration pour un ministère fédéral. Son employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui exigeait que chaque membre du personnel communique son statut vaccinal. La prestataire a refusé de dire si elle s’était fait vacciner. Elle a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté la politique.

[3] La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduite.

[4] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a accueilli son appel. Elle a conclu que la Commission ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve, qui consistait à montrer que la prestataire avait manqué à une obligation expresse (explicite) ou implicite découlant de son contrat de travail.

[5] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale. Selon la Commission, la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a conclu que la politique vaccinale de l’employeur n’était pas une condition d’emploi expresse ou implicite. La Commission affirme aussi que la division générale a mal interprété ce qu’est l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence. J’ai rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. Je conclus que l’appelante [sic] est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Question en litige

[7] Voici les questions que je dois trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de ce qu’est l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) La division générale a-t-elle excédé sa compétence lorsqu’elle a conclu que la politique de vaccination ne constituait pas une obligation expresse ou implicite que la prestataire devait respecter?
  3. c) Comment devrais-je corriger l’erreur, s’il y a lieu?
  4. d) La Commission a-t-elle prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Je peux intervenir seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si elle a fait au moins une des choses suivantesNote de bas page 1 :

  • omettre d’offrir une procédure équitable;
  • omettre de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou décider d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interpréter ou mal appliquer la loi;
  • fonder sa décision sur une erreur de fait importante.

Décision de la division générale

[9] L’employeur de la prestataire a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 qui exigeait que les membres du personnel confirment leur statut vaccinal au plus tard le 29 octobre 2021Note de bas page 2. La politique précisait que toute personne contrevenante serait mise en congé sans solde au plus tard le 15 novembre 2021. La prestataire n’a pas communiqué son statut vaccinal et s’est retrouvée en congéNote de bas page 3.

[10] La division générale a établi que le congé sans solde de la prestataire correspondait à une suspensionNote de bas page 4. Elle a aussi conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté la politique vaccinale de son employeurNote de bas page 5.

[11] La division générale a ensuite examiné si la raison de la suspension était considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a mentionné que la Commission était responsable de prouver que les gestes de la prestataire constituaient une inconduiteNote de bas page 6. La division générale a déclaré que la Commission devait prouver les trois éléments suivants :

  • que la conduite de la prestataire était délibérée;
  • qu’il y a eu un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail;
  • que la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 7.

[12] La division générale a fait remarquer qu’elle devait se concentrer uniquement sur la conduite de la prestataire et non sur celle de l’employeurNote de bas page 8. De plus, elle pouvait seulement tenir compte de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle n’avait pas à décider si la prestataire avait été congédiée injustement ou si son employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptationNote de bas page 9.

[13] La division générale a conclu que la Commission n’avait pas prouvé que la prestataire avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Elle a décrit une obligation expresse comme un énoncé formel qui se trouve dans un contrat de travail, ou bien une notion si fondamentale qu’elle est évidente en soiNote de bas page 10.

[14] Pour conclure qu’aucune obligation expresse ne s’appliquait, la division générale s’est appuyée sur le fait qu’il n’y avait aucune preuve d’une exigence explicite obligeant la prestataire à accepter toute vaccination requise par l’employeurNote de bas page 11. La division générale a établi que la Commission n’avait fourni aucune preuve qui montrait que la prestataire avait accepté, dans sa convention collective ou dans un protocole d’entente, d’être vaccinée avant sa suspensionNote de bas page 12.

[15] La division générale a conclu que la Commission n’avait pas non plus prouvé qu’il y avait une obligation implicite découlant du contrat de travail de la prestataire. Elle a établi que la Commission n’avait fourni aucune preuve qui montrait que la prestataire était tenue d’accepter toute politique de l’employeurNote de bas page 13. Elle a souligné que l’obligation d’accepter un traitement médical pour garder un emploi allait au-delà de l’exigence de respect des normes de santé et de sécuritéNote de bas page 14.

[16] La division générale a établi que l’employeur avait imposé lui-même une nouvelle condition d’emploi essentielle avec [sic] le consentement de la prestataire ou de l’équipe de négociation de son syndicatNote de bas page 15. Comme cette condition essentielle ne faisait pas partie du contrat de travail de la prestataire au moment de son embauche, la division générale a conclu qu’il n’y avait aucune obligation expresse ou implicite de respecter la politique de vaccinationNote de bas page 16.

[17] La division générale a mentionné que rien n’indiquait qu’il existait des parties de loi fédérale ou provinciale exigeant que le personnel soit vacciné contre la COVID-19Note de bas page 17. Elle a conclu que c’était le choix de l’employeur d’instaurer sa politique sans consulter l’équipe de négociation de la prestataireNote de bas page 18.

[18] En ce qui concerne les autres éléments que la Commission devait prouver, la division générale a établi que la prestataire était au courant de la politique et des conséquences en cas de non-respect. Elle a affirmé que les gestes de la prestataire étaient intentionnelsNote de bas page 19. Toutefois, elle a conclu que ces facteurs n’étaient pas pertinents parce que la Commission n’avait pas prouvé que la prestataire avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travailNote de bas page 20.

[19] La division générale a ensuite examiné la légalité du choix de la prestataire de ne pas se faire vacciner. Elle a établi que la prestataire avait le droit de refuser tout traitement médical, ce qui rendait la vaccination volontaireNote de bas page 21. Elle a conclu que l’exercice d’un droit ne peut être considéré comme une inconduiteNote de bas page 22.

Appel de la Commission

[20] La Commission affirme que la division générale a mal interprété ce qu’est l’inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. Elle soutient que la division générale a confondu deux concepts juridiques différents : la question de savoir s’il y avait une obligation expresse ou implicite découlant de l’emploi de la prestataire et celle de savoir si la politique de l’employeur était valideNote de bas page 23.

[21] La Commission fait valoir qu’examiner la validité de la politique de l’employeur était une erreur de droit. La conduite de l’employeur n’est pas pertinente pour évaluer l’inconduite d’une personne. Dans ce type d’affaire, la Commission affirme qu’il faut uniquement tenir compte des gestes de la personne employée et se demander si elle a omis délibérément de se conformer à la politiqueNote de bas page 24. Ce n’est pas pertinent d’analyser si la personne a exercé un droit lorsqu’elle a choisi de déroger à la politique.

[22] La Commission soutient que la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a examiné la conduite de l’employeur et appliqué des principes du droit du travail. Elle ajoute qu’en assurance-emploi, ce n’est pas pertinent d’évaluer si la suspension ou le congédiement d’une personne est justifié selon les principes du droit du travail.

[23] La Commission soutient également que la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a examiné la validité de la politique de vaccination dans le contexte de la convention collective de la prestataire. La Commission affirme que cette analyse est réservée aux responsables du traitement des griefs et qu’elle dépasse donc l’examen de l’inconduiteNote de bas page 25.

[24] La prestataire affirme que la politique de l’employeur était illégale et portait atteinte à ses droits d’employée. Elle remet en question l’efficacité du vaccin et souligne que la politique n’offrait pas d’autres options, comme les tests de dépistage.

[25] La prestataire affirme que c’est une grossière erreur de dire qu’une personne commet une inconduite si elle refuse de se conformer à une politique illégale. Elle fait valoir que c’est l’employeur qui a commis une inconduite. Selon la prestataire, la division générale n’a fait aucune erreur révisable.

La division générale a mal interprété la Loi sur l’assurance-emploi

[26] L’inconduite n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi, mais elle a été interprétée par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. Les cours disent qu’il y a inconduite si une personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 26.

[27] La conduite en question doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 27.

[28] Il doit y avoir un lien entre l’inconduite présumée et l’emploi. L’inconduite doit découler d’un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas page 28. Il faut que l’analyse porte sur la conduite de la personne employée, et non sur ce que l’employeur a fait ou n’a pas faitNote de bas page 29.

[29] C’était une erreur de droit d’évaluer la conduite de l’employeur pour décider s’il y avait une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travail de la prestataire. La division générale a mentionné l’argument de la Commission selon lequel la politique vaccinale de l’employeur établissait une obligationNote de bas page 30. Toutefois, elle a rejeté cet argument parce que l’employeur a imposé unilatéralement sa politiqueNote de bas page 31.

[30] Quand la division générale a examiné la conduite de l’employeur dans la mise en œuvre de sa politique, elle a fait l’erreur de détourner l’attention de la conduite de la prestataire. Les tribunaux ont déclaré à maintes reprises que les questions concernant les gestes d’un employeur sont destinées à d’autres instances, comme un tribunal des droits de la personne ou les responsables du traitement des griefsNote de bas page 32.

[31] La division générale devait trancher les questions suivantes : la prestataire était-elle au courant de la politique vaccinale et de ses exigences; a-t-elle choisi de façon consciente et volontaire de ne pas s’y conformer; connaissait-elle les conséquences possibles de ses actes?

[32] Dans sa décision, la division générale a établi que la prestataire connaissait la politique et ce qu’elle devait faire pour la respecterNote de bas page 33. Elle a aussi mentionné que la prestataire savait qu’elle serait mise en congé en cas de non-respectNote de bas page 34. Elle a conclu que la prestataire avait elle-même décidé de ne pas se conformer à la politiqueNote de bas page 35.

[33] Malgré tout, la division générale a décidé que le choix conscient de la prestataire de transgresser la politique vaccinale ne constituait pas une inconduite. Même s’il était clair que la prestataire était au courant, la division générale a conclu que la politique n’établissait aucune obligation expresse ou implicite que la prestataire devait respecter.

[34] Pour arriver à cette conclusion, la division générale s’est penchée sur la conduite de l’employeur. Elle a établi qu’il avait imposé unilatéralement sa politique sans consulter le syndicat ou l’équipe de négociationNote de bas page 36. La division générale consacre une grande partie de son analyse à la décision de l’employeur de mettre en œuvre sa politique sans consultation ni fondement législatif.

[35] Dans son analyse, la division générale cite correctement la jurisprudence et dit qu’elle s’en sert pour examiner la conduite de la prestataire, et non celle de l’employeur. Cependant, son analyse se tourne ensuite vers la conduite de l’employeur dans la mise en œuvre de sa politique. C’est une erreur de droit.

La division générale a excédé sa compétence

[36] La division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a évalué si la suspension de la prestataire était justifiée et lorsqu’elle a examiné la conduite de l’employeur.

[37] La division générale a reconnu que les actions de l’employeur n’étaient pas pertinentesNote de bas page 37. Elle s’est ensuite penchée sur la conduite de la prestataire entourant sa décision de ne pas respecter la politique vaccinale, c’est-à-dire les raisons du non-respect.

[38] La division générale a établi que la prestataire avait le droit de refuser un traitement médical et qu’on ne pouvait pas dire qu’elle faisait quelque chose de mal en exerçant son droitNote de bas page 38. Le membre de la division générale a déclaré :

Même en l’absence d’une décision de la Cour d’appel fédérale qui pourrait m’orienter sur la question, je suis persuadé que la prestataire a le droit d’accepter ou de refuser un traitement médical. Malgré le fait que son choix contredit la politique de son employeur et a entraîné sa suspension, j’estime que l’exercice de ce « droit » ne peut pas être qualifié d’acte répréhensible ou de conduite indésirable qui mènerait à une conclusion d’inconduite, et ainsi, à l’exclusion au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 39.

[39] Toutefois, la Cour d’appel fédérale oriente bel et bien la compétence du Tribunal. La Cour a affirmé à maintes reprises qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si une sanction est justifiée ou si la conduite d’une personne est un motif valable de congédiementNote de bas page 40.

[40] Plutôt que d’examiner la conduite de la prestataire en soi, la division générale s’est concentrée sur les raisons de ses gestes et sur la justification de son choix de ne pas respecter la politique. J’estime que la division générale a excédé sa compétence en rendant une décision sur la justification du congédiementNote de bas page 41.

[41] La division générale a également excédé sa compétence en décidant que la politique de l’employeur avait été imposée unilatéralement et que, par conséquent, la prestataire n’avait pas l’obligation expresse ou implicite de s’y conformer.

[42] La division générale a fait référence à la politique, que la Commission avait fournie. Il s’agit de la Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du CanadaNote de bas page 42. La prestataire travaillait en administration pour un ministère fédéral.

[43] La division générale a établi que l’employeur avait lui-même mis en œuvre la politique parce que rien n’indiquait qu’il avait discuté avec l’équipe de négociation pour modifier le contrat de travail de la prestataireNote de bas page 43. Elle a conclu que l’employeur avait essentiellement rouvert le contrat de travail et imposé une nouvelle condition d’emploi essentielle sans le consentement de la prestataireNote de bas page 44. La division générale n’avait pas le pouvoir de tirer cette conclusionNote de bas page 45.

[44] La Cour fédérale a récemment rendu une décision qui s’intitule Cecchetto. Celle-ci confirme que la compétence du Tribunal est limitée pour ce qui est de décider si une politique de vaccination est légale ou non. Dans cette affaire, il était aussi question d’une politique de vaccination mise en œuvre unilatéralementNote de bas page 46.

[45] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a parlé de la compétence limitée du Tribunal dans certains domaines :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, le fait que la division d’appel n’a pas évalué ni établi le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 ne justifie pas l’annulation de sa décision. Ce genre de conclusion ne relevait ni du mandat ni de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale, que ce soit à la division d’appel ou à la division généraleNote de bas page 47.

[46] La Cour a confirmé que la décision du prestataire de ne pas se conformer à la politique de vaccination contrevenait à une obligation qu’il avait envers son employeur et que sa perte d’emploi découlait de son inconduiteNote de bas page 48.

[47] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit, car elle a mal appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite. Elle a aussi excédé sa compétence lorsqu’elle a examiné la conduite de l’employeur dans la mise en œuvre de sa politique vaccinale et lorsqu’elle a vérifié si la suspension de la prestataire était justifiée.

Réparation

[48] À l’audience en ma présence, la Commission a mentionné que si je concluais que la division générale avait fait erreur, je devrais rendre la décision que celle-ci aurait dû rendreNote de bas page 49. La prestataire n’a pas pris position à propos de la réparation, mais elle a estimé qu’il pourrait être nécessaire de tenir une autre audience si le résultat de l’appel était négatif pour elle.

[49] J’estime que, dans la présente affaire, il convient de remplacer la décision de la division générale par la mienne. Les faits ne sont pas contestés et la preuve au dossier est suffisante.

La prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite

[50] Je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. La preuve fait ressortir les faits suivants :

  • L’employeur a mis en place une politique qui exigeait que chaque membre du personnel se fasse vacciner, à moins d’obtenir une mesure d’adaptation approuvée pour des motifs médicaux ou liés aux droits de la personneNote de bas page 50.
  • La prestataire était au courant de la politique et de la possibilité qu’elle soit suspendue ou congédiée si elle ne s’y conformait pasNote de bas page 51.
  • Elle a choisi de ne pas communiquer son statut vaccinal à son employeurNote de bas page 52.
  • Elle a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique.

[51] Ces faits montrent que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle était au courant de la politique et a admis qu’elle avait décidé volontairement de ne pas s’y conformer. Elle a déclaré avoir choisi de ne pas se faire vacciner ni d’informer son employeur de son statut vaccinal, et que c’était une décision personnelle. Elle savait que sa décision pouvait entraîner sa suspension ou son congédiement.

[52] La conduite de l’employeur dans la mise en œuvre de sa politique n’est pas pertinente, pas plus que les raisons du non-respect de la prestataire. Je comprends que la prestataire doutait du vaccin et s’inquiétait de la protection de ses renseignements personnels, mais il y a d’autres instances pour faire valoir ce genre de revendications.

Conclusion

[53] L’appel est accueilli. La division générale a excédé sa compétence et a commis une erreur de droit. La prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Elle est donc inadmissible aux prestations.

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