Assurance-emploi (AE)

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Citation : LG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 289

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (511581) datée du 8
août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 19 janvier 2023
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 3 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3016

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que le refus de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) de verser à l’appelante des prestations spéciales d’assurance-emploi (prestations de maladie) à compter du 1er mai 2022 est justifié, car elle a reçu des prestations de ce type pour le nombre maximum de semaines auquel elle avait droitNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le 22 décembre 2021, l’appelante présente une demande de prestations d’assurance-emploi de maladie (prestations spéciales) après avoir cessé de travailler comme adjointe juridique pour l’employeur X, le 22 décembre 2021Note de bas de page 2.

[3] Une période de prestations a été établie à compter du 9 janvier 2022Note de bas de page 3.

[4] Le 1er mai 2022, l’appelante présente une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi (prestations de maladie)Note de bas de page 4.

[5] Le 30 mai 2022, la Commission l’informe qu’elle n’a pas droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi à partir du 1er mai 2022, car elle a reçu des prestations de ce type pour le nombre maximal de semaines pour lesquelles elle y était admissible, soit 15 semainesNote de bas de page 5.

[6] Le 8 août 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 30 mai 2022Note de bas de page 6.

[7] L’appelante fait valoir qu’elle devrait avoir le droit de recevoir des prestations de maladie pour plus que les 15 semaines pour lesquelles elle en a reçues. Elle explique avoir cessé de travailler, le 22 décembre 2021, pour des raisons médicales. Elle devait subir une chirurgie en janvier 2022, mais en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 7, cette chirurgie a eu lieu le 11 avril 2022. À la suite de cette chirurgie, elle a été en convalescence jusqu’au 15 juillet 2022 et a repris le travail le 18 juillet 2022, alors qu’elle a cessé de recevoir des prestations de maladie le 30 avril 2022. L’appelante fait valoir qu’elle n’est pas responsable du fait qu’elle a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé plus longtemps que prévu. Elle soutient avoir subi un préjudice financier découlant de cette situation. L’appelante fait valoir qu’à titre de compensation, elle devrait pouvoir bénéficier d’une mesure semblable à celles dont les personnes ayant perdu leur emploi ont pu se prévaloir en ayant accès plus facilement aux prestations d’assurance-emploi en raison de la pandémie. Elle soutient également qu’elle devrait avoir le droit de recevoir des prestations de maladie pendant plus de 15 semaines, étant donné que le gouvernement du Canada a annoncé des mesures en ce sens dès 2021. L’appelante fait aussi valoir que le gouvernement devrait faire preuve de souplesse pour les personnes qui ne sont pas en mesure de souscrire à un régime d’indemnité en cas de maladie offert par leur employeur, étant donné le coût qu’une telle protection peut représenter en raison de leur âge. Le 12 septembre 2022, l’appelante conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Question en litige

[8] Je dois déterminer si le refus de la Commission de verser à l’appelante des prestations spéciales d’assurance-emploi (prestations de maladie) à compter du 1er mai 2022 est justifiéNote de bas de page 8.

Analyse

[9] Dans le cas d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine, et ce, jusqu’à l’entrée en vigueur de modifications législatives s’appliquant aux demandes de prestations d’assurance-emploi présentées avant le 18 décembre 2022, la Loi prévoyait que le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations de maladie (prestations spéciales) pouvait être versées au cours d’une période de prestations était de 15 semainesNote de bas de page 9.

[10] Pour les demandes de prestations présentées à compter du 18 décembre 2022, ce nombre maximal a été augmenté à 26 semaines suivant l’entrée en vigueur de modifications législatives à cet effetNote de bas de page 10.

[11] Dans le présent dossier, je considère que l’appelante ne peut recevoir de prestations de maladie (prestations spéciales) pendant plus que les 15 semaines pour lesquelles elle en a reçues suivant l’établissement de sa période de prestations à compter du 9 janvier 2022 et la présentation de sa demande de renouvellement de prestations, le 1er mai 2022.

[12] Le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent les éléments suivants :

  1. a) Elle devrait avoir le droit de recevoir des prestations de maladie pour plus que les 15 semaines pour lesquelles elle en a reçuesNote de bas de page 11 ;
  2. b) Elle ne peut être tenue responsable du délai relié à sa chirurgie et de la durée de la période au cours de laquelle elle a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales, après avoir cessé de travailler le 22 décembre 2021Note de bas de page 12 ;
  3. c) Le 28 octobre 2021, le CHU de Québec (Centre hospitalier universitaire de Québec – Université Laval – Direction chirurgie et périopératoire) l’informe qu’il planifie son opération pour janvier 2022. L’établissement lui indique que le délai prévu de six mois, étant donné son statut, était dépassé en date du 28 octobre 2021Note de bas de page 13 ;
  4. d) En raison de la pandémie de COVID-19, le délai d’attente s’est prolongé avant qu’elle ne puisse subir sa chirurgie à la hanche droite, laquelle a eu lieu le 11 avril 2022Note de bas de page 14 ;
  5. e) Étant donné le délai avant de subir sa chirurgie, sa condition physique s’est détériorée et ses problèmes de santé ont amplifié (problèmes de mobilité)Note de bas de page 15 ;
  6. f) Elle a ensuite été en convalescence jusqu’au 15 juillet 2022. Elle a repris le travail le 18 juillet 2022Note de bas de page 16 ;
  7. g) Elle a cessé de recevoir des prestations de maladie le 30 avril 2022 ;
  8. h) Elle ne devrait pas être assujettie à la limite de 15 semaines de prestations de maladie prévue par la Loi, étant donné qu’elle n’avait aucun contrôle sur les délais imposés par le système de santé. Elle souligne que ce n’est pas sa faute si elle a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé pendant une période plus longue période que prévuNote de bas de page 17 ;
  9. i) D’autres personnes que celles qui ont perdu leur emploi en raison des fermetures d’entreprises, de commerces et de lieux publics ont été touchées par les conséquences de la pandémieNote de bas de page 18 ;
  10. j) Bien qu’elle n’ait pas perdu son emploi en raison de la pandémie, elle ne pouvait plus l’occuper pour des raisons médicales. La pandémie est également une des causes pour lesquelles sa chirurgie a été retardée (ex. : engorgement des services de santé en raison de la COVID-19, problème de disponibilité des chambres dans les établissements hospitaliers, manque de personnel dans les salles d’opération)Note de bas de page 19 ;
  11. k) Elle soutient avoir subi un préjudice financier découlant du fait qu’elle n’a pu être opérée dans un délai raisonnable en raison des éclosions de cas de COVID-19. Il serait juste et équitable, selon elle, d’être compensée financièrement, comme pour les personnes ayant subi des pertes financières en raison de la pandémie (ex. : fermetures d’entreprises, de commerces et de lieux publics) et qui ont bénéficié des mesures gouvernementales pour faciliter l’accès aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 20 ;
  12. l) Les délais dans les soins de santé liés à la COVID-19 auraient dû faire en sorte que des mesures gouvernementales soient adoptées également pour des prestataires admissibles au bénéfice des prestations de maladie (prestations spéciales), de manière à ne pas limiter à 15 semaines leur admissibilité à ce type de prestationsNote de bas de page 21 ;
  13. m) En novembre 2022, le gouvernement du Canada a annoncé des modifications à la Loi, dans le but d’augmenter à plus de 15 semaines le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations de maladie pouvaient être versées. Ces modifications étaient déjà prévues dans le budget 2021 du gouvernement et devaient entrer en vigueur dès le mois de janvier 2022. N’ayant aucun contrôle quant au délai d’entrée en vigueur de ces modifications, la limite de 15 semaines de prestations de maladie ne devrait pas s’appliquer à son cas, d’autant plus que cette limite a déjà été jugée insuffisante lors de l’adoption du budget en 2021Note de bas de page 22 ;
  14. n) Même si les modifications législatives annoncées n’étaient pas encore en vigueur, lorsqu’elle a bénéficié de 15 semaines de prestations de maladie (du 16 janvier 2022 au 30 avril 2022), elles pourraient s’appliquer à son casNote de bas de page 23 ;
  15. o) En raison de son âge, elle n’était plus couverte par le régime d’indemnité en cas de maladie de son employeur lorsqu’elle a cessé de travailler en décembre 2021Note de bas de page 24. Pour bénéficier d’une telle couverture d’assurance, il aurait fallu qu’elle souscrive à un régime privé dont le coût était trop élevéNote de bas de page 25 ;
  16. p) Elle considère être ainsi victime d’âgisme relativement à l’assurance collective. C’est davantage lorsqu’une personne est plus âgée ou lorsqu’elle est en fin de carrière qu’elle peut avoir davantage besoin de soins médicaux que lorsqu’elle commence sa carrière. Elle devrait ainsi pouvoir bénéficier d’un soutien financier du gouvernement. Elle fait valoir que celui-ci devrait faire preuve de souplesse lorsqu’un problème de santé associé au vieillissement survientNote de bas de page 26.

[13] En fonction des dispositions de la Loi, applicables au cas de l’appelante, lors de l’établissement de sa période de prestations à compter du 9 janvier 2022, et lorsque celle-ci a présenté une demande de renouvellement de sa demande de prestations, le 1er mai 2022, le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations de maladie (prestations spéciales) pouvant lui être versées, était de 15 semainesNote de bas de page 27.

[14] L’appelante a reçu des prestations de ce type pour la période du 16 janvier 2022 au 30 avril 2022Note de bas de page 28, soit pour la période maximale de 15 semaines pendant laquelle elle y avait droit.

[15] L’argument de l’appelante selon lequel elle devrait recevoir des prestations de maladie pendant plus de 15 semaines parce que le retard de sa chirurgie est en lien avec la pandémie, et bénéficier ainsi de mesures pour faciliter l’accès aux prestations, tout comme celles dont les personnes ayant perdu leur emploi, en raison de la pandémie, ont pu s’en prévaloir, ne peut être retenu en sa faveur.

[16] Malgré la pertinence de son propos sur ce point, je précise que lorsque le gouvernement du Canada a modifié la Loi afin d’atténuer les répercussions économiques découlant de la pandémie et de faciliter l’accès aux prestations avec la mise en œuvre de « mesures temporaires », il n’a pas inclus de dispositions dans le but de majorer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations de maladie (prestations spéciales) pouvaient être verséesNote de bas de page 29. Ce nombre est demeuré à 15 semaines.

[17] Je ne retiens pas l’argument de l’appelante selon lesquelles le nombre maximal de semaines de prestations de maladie qu’elle peut recevoir devrait être de plus de 15 semaines puisque des modifications à la Loi ont été annoncées en ce sens par le gouvernement du Canada en novembre 2022, que ces modifications étaient déjà prévues dans le budget du gouvernement du Canada de 2021 et qu’elles devaient entrer en vigueur en janvier 2022.

[18] Sur cet aspect, je suis d’avis que même si le législateur a exprimé son intention d’augmenter le nombre de semaines pendant lesquelles un prestataire peut recevoir des prestations de maladie (prestations spéciales) à plus de 15 semaines dès 2021, il demeure que toutes les étapes législatives devaient d’abord être franchies avant que des mesures en ce sens n’entrent en vigueurNote de bas de page 30.

[19] Je souligne que suivant l’annonce du gouvernement canadien à ce sujet, en novembre 2022, ce sont les demandes de prestations présentées depuis 18 décembre 2022 qui permettent à des prestataires de recevoir des prestations de maladie (prestations spéciales) pendant un nombre maximum de 26 semaines. Rien dans la Loi n’indique que cette mesure a un effet rétroactif, pour les demandes de prestations présentées avant le 18 décembre 2022.

[20] L’argument de l’appelante voulant que le gouvernement devrait faire preuve de souplesse et offrir un soutien financier aux travailleurs n’ayant pas les moyens de souscrire à régime d’indemnité en cas de maladie de leur employeur, entre autres, en raison de leur âge, ne peut non plus être retenu en sa faveur. La Loi ne prévoit pas de dispositions à cet égard.

[21] En résumé, bien que l’appelante soit demeurée dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales à la suite de la période du 16 janvier 2022 au 30 avril 2022, pour laquelle elle a reçu des prestations de maladie, elle ne peut recevoir des prestations de ce type que pour une période maximale de 15 semainesNote de bas de page 31.

[22] L’appelante a reçu toutes les prestations de maladie auxquelles elle avait droitNote de bas de page 32.

[23] Bien qu’entièrement sympathique à la cause de l’appelante, la Cour d’appel fédérale (la Cour) nous informe qu’il n’est pas permis aux arbitres, ce qui inclut le Tribunal, de réécrire la Loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 33.

Conclusion

[24] Je conclus que le refus de la Commission de verser à l’appelant des prestations spéciales d’assurance-emploi (prestations de maladie) à compter du 1er mai 2022 est justifié, car elle a reçu des prestations de ce type pour le nombre maximum de semaines auquel elle avait droit.

[25] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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