Assurance-emploi (AE)

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Citation : TL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 650

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. L.
Représentante : Annie Faucher
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (562617) datée du
9 février 2023 rendue par la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 25 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 29 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-689

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à avoir présenté ses déclarations du prestataire du 20 février 2022 au 2 avril 2022. Un motif valable est une raison acceptable selon la Loi pour expliquer le retard.

Aperçu

[3] L’appelant a présenté une demande renouvelée de prestations de maladie le 4 mars 2022. Le 12 avril 2022, il a essayé de transmettre sa déclaration du prestataire par téléphone pour la période du 20 février 2022 au 26 février 2022, mais cette tentative a échoué parce qu’il avait jusqu’au 19 mars 2022 pour le faire.

[4] Le 13 avril 2022, l’appelant a demandé à la Commission que sa déclaration du prestataire soit considérée comme ayant été présentée le 20 février 2022.

[5] Pour que ce soit possible, l’appelant doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter ses déclarations du prestataire pour la période du 20 février 2022 au 2 avril 2022.

[6] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas présenté un motif valable expliquant son retard à produire ses déclarations du prestataire dans le délai prévu et elle a rejeté la demande.

[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il explique qu’il n’est pas familier avec le système et qu’il pensait qu’il allait recevoir une lettre lui fournissant un code d’accès. Comme il ne recevait pas cette information, il a contacté la Commission par téléphone.

[8] Je dois déterminer si l’appelant avait une explication raisonnable justifiant son retard à transmettre sa déclaration du prestataire dans le délai prévu.

Question en litige

[9] L’appelant avait-il une explication raisonnable justifiant son retard à présenter ses déclarations du prestataire entre le 20 février 2022 et le 2 avril 2022 ?

Analyse

[10] L’appelant veut que sa demande de prestations d’assurance‑emploi soit traitée comme s’il avait produit ses déclarations du prestataire à compter du 20 février 2022.

[11] Pour qu’une déclaration du prestataire soit considérée comme ayant été présentée plus tôt que la date de la déclaration réelle, l’appelant doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard.Note de bas de page 1 L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[12] De plus, pour établir qu’il existe un motif valable, l’appelant doit également démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait si elle avait été placée dans des circonstances semblables.Note de bas de page 2 Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie l’aurait fait si elle avait été placée dans une telle situation.

[13] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la Loi lui imposait.Note de bas de page 3 Cela veut dire que l’appelant doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêché.Note de bas de page 4

[14] Un prestataire dispose d’un délai de trois semaines pour présenter sa demande de prestations pour une semaine visée.Note de bas de page 5 De plus, il est nécessaire qu’il présente une déclaration du prestataire pour chaque semaine pour laquelle il souhaite recevoir des prestations.Note de bas de page 6

[15] Le 12 avril 2022, l’appelant a tenté de transmettre une déclaration du prestataire par téléphone pour la période du 20 février 2022 au 26 février 2022. Le système de l’assurance-emploi n’a pas accepté sa demande parce qu’il était en retard et que le délai dont il disposait pour le faire était dépassé.

[16] Le lendemain, l’appelant a contacté la Commission par téléphone. Il a indiqué qu’il n’était pas familier avec le système et qu’après avoir présenté sa demande de prestations, il attendait que la Commission l’informe de la suite des choses, mais qu’il n’avait jamais reçu un nouveau code d’accès.

[17] Lors de l’audience, il a expliqué que lorsqu’il a dit à un employé de la Commission qu’il ne connaissait pas bien le système, il voulait dire qu’il n’est pas à l’aise avec cette procédure. L’appelant travaille manuellement et il n’a pas terminé ses études secondaires. Cependant, il admet que ce n’est pas sa première demande de prestations et que, justement pour cette raison, il s’attendait à recevoir un code d’accès puisque c’est ce qui s’est passé chaque fois auparavant.

[18] En ce sens, la représentante de l’appelant fait valoir que sur le formulaire de demande de prestations, il est indiqué que si une demande de prestations a été déposée au cours des 52 dernières semaines, la demande sera réactivée.Note de bas de page 7 Tout de suite après suit une section intitulée « Quelle est la prochaine étape ? ». Dans cette section, il est expliqué qu’un relevé des prestations avec un code d’accès sera posté au prestataire. Il y est également indiqué que si un prestataire a déjà présenté une demande de prestations au cours du dernier mois, un nouveau code d’accès ne sera pas posté. Dans ce cas, le prestataire pourra utiliser le code d’accès qu’il avait auparavant. Cependant, elle explique que ce n’était pas le cas de l’appelant.

[19] Elle fait donc valoir que l’appelant attendait son code d’accès, qu’il a agi de façon diligente et que le délai mis à contacter la Commission n’est pas déraisonnable. Au contraire, il a tenté de trouver des solutions avec les moyens qu’il avait. Elle soutient que même pour un prestataire habitué, les explications de la Commission sur le formulaire de demande de prestations renvoient à des petits caractères dans le cas d’une demande particulière et qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’études comprenne toutes explications.

[20] L’appelant a également expliqué qu’il a attendu au 13 avril 2022 pour contacter la Commission parce que, pendant cette période, les médias ont annoncé de l’attente et des problèmes d’accès aux différents bureaux de Service Canada en raison d’une grande demande pour les passeports. L’appelant a alors pensé qu’il ne recevait pas son code d’accès parce que le bureau de Service Canada était débordé. Il explique que lorsqu’il a contacté la Commission le 13 avril 2022, l’employée ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas reçu un nouveau code d’accès. Elle lui a assuré qu’il le recevrait sous peu, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. L’appelant a dû rappeler de nouveau et il s’est également déplacé au bureau de Service Canada puisque sa demande n’était pas traitée.

[21] La Commission affirme que, même si l’appelant mentionne qu’il n’était pas familier avec le système, il a présenté des demandes de prestations chaque année depuis 2013. Pour cette raison, elle soutient que l’appelant savait qu’il pouvait utiliser le même code d’accès que les années précédentes pour effectuer ses déclarations du prestataire.

[22] De plus, elle fait valoir qu’il avait la possibilité de s’informer avant le 19 mars 2022 en se présentant au bureau de Service Canada ou en téléphonant. Pour cette raison, elle soutient que l’ignorance de la Loi ne constitue pas une justification pour son retard. Elle explique qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait agi avant.

[23] Cependant, dans ce cas-ci, je suis d’accord avec l’appelant quant aux circonstances exceptionnelles qu’il a présentées. Il est vrai que, pendant cette période, les temps d’attente étaient longs aux différents bureaux de Service Canada et que les médias ont avisé la population de cette affluence étant donné une grande demande pour les passeports. Il était alors raisonnable pour l’appelant de penser qu’il y aurait un délai plus long pour le traitement de sa demande.

[24] De plus, l’appelant avait déjà demandé des prestations dans le passé et il a affirmé que, chaque fois, il a reçu une lettre par la poste lui indiquant son code d’accès pour présenter ses déclarations du prestataire. Il m’apparaît raisonnable de croire qu’une personne placée dans les mêmes circonstances ait pensé qu’elle recevrait un code d’accès par la poste et que le délai était plus long cette fois-ci étant donné des circonstances exceptionnelles reliées aux longues files d’attente dans les bureaux de Service Canada. En raison de ces circonstances, il était raisonnable de penser que le délai de traitement de sa demande serait un peu plus long qu’à l’habitude.

[25] Ainsi, l’appelant était en retard de quatre semaines lorsqu’il a contacté la Commission. Même si la Commission soutient que l’appelant n’a fait aucun effort pour s’enquérir de ses droits et s’informer, l’appelant attendait de recevoir ses prestations et il n’a pas abandonné ses démarches. En ce sens, j’accepte son explication indiquant que le formulaire de demande de prestations mentionne qu’un code d’accès lui sera transmis.

[26] Dans l’affaire Pirotte, la Cour d’appel fédérale a indiqué :

Mais alors ce qui expliquerait le retard du réclamant ne serait pas tant son ignorance de la Loi que les fausses représentations faites au nom de la Commission. On pourrait alors considérer le retard justifié parce qu’il serait attribuable à la Commission et non au réclamant.Note de bas de page 8

[27] Ainsi, la Commission a indiqué sur le formulaire de demande de prestations qu’elle transmettrait un code d’accès à l’appelant. Lorsqu’il a appelé, une employée de la Commission a confirmé à l’appelant qu’il aurait dû recevoir un code d’accès et elle n’avait pas d’explications à lui fournir pour expliquer pourquoi il ne l’avait pas encore reçu.

[28] J’accepte également l’explication de l’appelant indiquant qu’il a cru que le délai de traitement de sa demande était plus long alors que les bureaux de Service Canada étaient difficilement accessibles pendant cette période. L’important achalandage aux bureaux de Service Canada pendant cette période est une situation exceptionnelle.

[29] L’appelant n’a pas attendu plusieurs mois, il a attendu quatre semaines et j’estime que l’appelant a démontré qu’il avait une explication raisonnable pour présenter ses déclarations du prestataire en retard. En raison des circonstances exceptionnelles chez Service Canada pendant cette période, l’appelant a attendu une période raisonnable de quatre semaines avant de contacter la Commission.

[30] L’appelant devait présenter sa déclaration du prestataire au plus tard le 19 mars 2022. Cependant, il n’a pas reçu un code d’accès par la poste comme la Commission l’en avait avisé sur le formulaire de demande de prestations, il n’a reçu aucune indication que sa demande était acceptée.

[31] Étant donné les circonstances présentées, l’appelant a agi comme une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances l’aurait fait.

[32] Les explications de l’appelant sont raisonnables et je conclus qu’il a présenté un motif valable justifiant son retard à présenter ses déclarations du prestataire entre le 20 février 2022 et le 2 avril 2022.

Conclusion

[33] L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard à présenter ses déclarations du prestataire pendant toute la période écoulée. Cela signifie que sa demande peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

[34] L’appel est accueilli.

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