Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1799

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (457738) datée du
18 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-988

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante (la prestataire).

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, la prestataire n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de la prestataire ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] La prestataire a cessé de travailler en raison d’une maladie en mars 2021. Manuvie lui a versé des prestations d’invalidité de courte durée jusqu’au 21 mars 2021. Elle a amorcé un retour progressif au travail le 4 juin 2021.Note de bas de page 2 Le 27 juillet 2021, Manuvie a confirmé qu’elle ne lui verserait aucune prestation après le 21 mars 2021.Note de bas de page 3

[4] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 18 novembre 2021.Note de bas de page 4 Elle voulait recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant la période où elle ne pouvait pas travailler. Pour obtenir des prestations pour cette période, sa demande devait être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 21 mars 2021.Note de bas de page 5

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé de traiter sa demande comme si elle l’avait présentée plus tôt.

[6] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable pour ne pas avoir demandé des prestations plus tôt.

[7] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable pour toute la période du retard. Elle affirme qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait examiné la possibilité d’obtenir des prestations d’assurance-emploi peu de temps après avoir reçu la lettre de refus de juillet 2021 de Manuvie.

[8] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que la Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve.Note de bas de page 6 Elle ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle contestait le refus de Manuvie.

Question en litige

[9] La demande de prestations de la prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 21 mars 2021? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[10] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 7 : 

  1. a)  La personne avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période du retard. Autrement dit, elle avait une explication acceptable selon la loi.
  2. b)  Elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée).

[11] Les principaux arguments dans la présente affaire portent sur la question de savoir si la prestataire avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.

[12] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables.Note de bas de page 8 Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait si la situation était semblable.

[13] La prestataire doit démontrer qu’elle a agi de cette façon pendant toute la période du retard.Note de bas de page 9 Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté sa demande de prestations. Pour la prestataire, la période de retard s’étend du 21 mars 2021 au 18 novembre 2021.

[14] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loi.Note de bas de page 10 Cela signifie que la prestataire doit démontrer qu’elle a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle le pouvait. Si la prestataire n’a pas fait ces démarches, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi elle ne l’a pas fait.Note de bas de page 11

[15] La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

Ce que dit la prestataire

[16] La prestataire affirme qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pour les raisons suivantes :

  • Elle était malade. Elle n’a pas pu obtenir de conseils professionnels pour l’aider à remplir sa demande en raison de la douleur, de la fatigue et d’une toux sèche. Elle a dû rester à la maison en raison des restrictions liées à la COVID-19.
  • Elle travaillait toujours sur sa réclamation pour Manuvie. Elle ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations d’assurance-emploi tout en essayant d’obtenir des prestations de Manuvie.
  • Manuvie avait besoin de renseignements d’un spécialiste des poumons. Elle n’a pas pu voir le spécialiste avant avril 2022.
  • Il y a eu des retards quant à la consultation des médecins et des spécialistes en raison des restrictions liées à la COVID-19.
  • Elle ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce que son médecin le lui dise. Elle a présenté sa demande après l’avoir appris.
  • Elle avait des difficultés financières parce qu’elle n’avait aucun revenu pendant des mois.
  • La Commission n’a pas examiné tous les documents médicaux.

Ce que dit la Commission

[17] La Commission affirme que la prestataire avait un motif valable jusqu’au 27 juillet 2021. Elle affirme que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard du 27 juillet 2021 au 18 novembre 2021, car contrairement à ce qu’une « personne raisonnable » aurait fait, elle ne s’est pas renseignée sur la possibilité de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[18] La Commission souligne que la prestataire n’était pas incapable de présenter une demande en raison d’une maladie, car les notes médicales et ses déclarations montrent qu’elle était rétablie et qu’elle travaillait à temps plein à compter de juillet 2021.

[19] La Commission a fourni des éléments de preuve montrant que la prestataire avait déjà demandé des prestations régulières d’assurance-emploi et que, dans le cadre d’une autre demande, elle avait téléphoné à la Commission et avait été informée d’un autre type de prestations d’assurance-emploi (prestations de compassion de l’assurance-emploi).Note de bas de page 12

Mes conclusions

[20] Je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écoulée.

[21] La prestataire n’avait aucun revenu du 21 mars 2021 jusqu’à son retour au travail en juin 2021. Dans ces circonstances, même avec une toux persistante et les restrictions liées à la COVID-19, une personne raisonnable et prudente aurait demandé par téléphone s’il y avait d’autres types de prestations disponibles.

[22] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que, compte tenu de son expérience antérieure en matière de prestations d’assurance-emploi, elle aurait dû savoir qu’elle pouvait téléphoner à Service Canada pour s’informer de la possibilité de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[23] Comme la prestataire ne s’est pas renseignée avant novembre 2021, on ne peut pas dire qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables.

[24] J’accepte ce que la prestataire dit au sujet de sa situation à ce moment-là. Il n’y a aucune raison de douter de ce qu’elle dit. Je comprends que la prestataire n’a pas les compétences en informatique ni des enfants qui pourraient l’aider. Je comprends qu’elle était malade et qu’il y a eu des retards au niveau des rendez-vous médicaux en raison de la COVID-19.

[25] Malgré sa situation, la prestataire aurait quand même pu téléphoner à Service Canada pour se renseigner sur les prestations offertes. De plus, après s’être rétablie, elle était capable de travailler, donc elle aurait pu se rendre à un Centre Service Canada.

[26] Comme la prestataire n’a rien fait pour se renseigner sur la possibilité de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant les mois d’août, de septembre et d’octobre de l’année 2021, on ne peut pas dire qu’elle a vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations.

[27] Je comprends que la prestataire ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations d’assurance-emploi avant que son médecin lui dise de le faire.

[28] Les tribunaux ont déclaré qu’il peut y avoir des cas où l’inaction et l’attente sont compréhensibles, mais que pour être considérées comme une excuse valable pour un retard, les circonstances doivent être « exceptionnelles ».Note de bas de page 13

[29] La prestataire n’a pas prouvé l’existence de circonstances exceptionnelles. J’ai tenu compte de ce qu’elle a dit au sujet du fait qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait demander deux types de prestations en même temps. Cependant, le fait d’ignorer l’existence d’un type de prestations ne constitue pas une circonstance exceptionnelle.Note de bas de page 14

[30] La prestataire affirme que la Commission n’a pas examiné tous ses éléments de preuve médicale et qu’elle s’est trompée lorsqu’elle a considéré l’antidatation dans le cadre des prestations régulières d’assurance-emploi, au lieu des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[31] Je conviens que la lettre de décision initiale de la Commission donne l’impression qu’elle a tenu compte de son antidatation dans le contexte des prestations régulières d’assurance-emploi.Note de bas de page 15

[32] Même si la Commission n’a pas examiné un élément de la preuve médicale et a envoyé une lettre de décision initiale mal rédigée, la prestataire n’a toujours pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[33] Je n’ai pas besoin d’examiner si la prestataire remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Comme la prestataire n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[34] Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée. Par conséquent, sa demande ne peut pas être considérée comme ayant été présentée plus tôt.

[35] L’appel est rejeté.

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