Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1222

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada datée du 10 juin 2022
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marisa Victor
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 août 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Interprète
Date de la décision : Le 29 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1132

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études. Par conséquent, il n’est pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Il se peut donc que l’appelant ait droit à des prestations.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 10 mai 2021 au 2 avril 2022 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Une partie appelante doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler. L’appelant doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que l’appelant n’était pas disponible parce qu’il était aux études à temps plein.

[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que même s’il était aux études, qu’il se recyclait pour être programmeur informatique, il aurait arrêté ses études pour occuper un emploi convenable. Auparavant, il travaillait comme concepteur principal dans une entreprise de construction navale. Il dit aussi qu’il cherchait du travail dans son domaine même pendant qu’il suivait son programme de recyclage collégial.

Question que je dois examiner en premier

La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale

[7] L’appel de l’appelant a été renvoyé à la division générale.

[8] L’appelant a d’abord fait appel du refus de lui verser des prestations d’assurance-emploi à la division générale du Tribunal en juin 2022. Le 18 décembre 2022, la membre de la division générale a rejeté l’appel de l’appelant parce qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler.

[9] L’appelant a fait appel à la division d’appel. Le 8 avril 2023, la division d’appel a rendu sa décision accueillant l’appel et annulant la décision rendue par la division générale le 18 décembre 2022. La division d’appel a ordonné le renvoi de l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue sur la question de la disponibilité au titre de l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi seulement. La division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas la compétence nécessaire pour examiner l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[10] La présente décision résulte de la nouvelle audience ordonnée par la division d’appel.

Question en litige

[11] L’appelant était-il disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

[12] Deux articles de loi différents exigent que les parties appelantes démontrent qu’elles sont disponibles pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au titre d’un seul de ces articles, soit l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. De plus, la division d’appel a décidé que la division générale avait seulement compétence pour examiner l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelant doit donc remplir les critères de cet article pour recevoir des prestations.

[13] L’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 2. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[14] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les personnes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 3. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[15] Je vais d’abord voir si je peux présumer que l’appelant n’était pas disponible pour travailler. Ensuite, je vérifierai s’il était disponible selon l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[16] La présomption selon laquelle les personnes qui sont aux études ne sont pas disponibles pour travailler s’applique seulement aux personnes qui étudient à temps plein.

[17] L’appelant était étudiant à temps plein. Cependant, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’il est possible de démontrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption était réfutée, elle ne s’appliquerait pas.

[18] L’appelant peut réfuter la présomption selon laquelle il n’était pas disponible. Par exemple, il peut démontrer qu’il a déjà travaillé à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 4. Il peut aussi démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 5.

L’appelant affirme que des circonstances exceptionnelles existent

[19] L’appelant affirme qu’il y a des circonstances exceptionnelles. L’appelant a déclaré qu’il a toujours été prêt à quitter le programme s’il trouvait un emploi convenable. Il a dit qu’il avait continué de postuler pour des emplois dans le domaine de la construction navale et le secteur maritime pendant toute la période pertinente. Il a insisté sur le fait qu’il aurait accepté de travailler et quitté son emploi [sic] s’il s’était vu offrir un poste convenable.

[20] L’appelant a également déclaré avoir fourni des réponses incorrectes dans sa demande d’assurance-emploi. Il a dit qu’il avait fait une erreur en répondant qu’il n’était pas prêt à quitter son programme collégial pour travailler. Il a dit qu’il aurait toujours choisi un emploi convenable plutôt que ses études parce qu’il devait subvenir aux besoins de sa famille.

[21] L’appelant a également déclaré qu’il aurait pu travailler n’importe quand au cours de la première session, de mai 2021 à août 2021, puisque tous les cours étaient en ligne. La progression du cours dépend de l’engagement de l’étudiante ou l’étudiant. Pour le reste des trimestres, même si les cours changeaient chaque trimestre, la plupart du temps, les cours n’occupaient que 2,5 heures par jour. L’appelant a dit qu’il était possible de travailler en respectant cet horaire.

[22] L’appelant a également parlé de son expérience de travail antérieure pendant ses études. Il a dit qu’il avait d’abord travaillé en Chine, puis qu’il avait émigré au Canada. Il a ensuite étudié à l’université de Terre-Neuve en architecture navale. Il y a pris part à un stage de travail organisé par le département d’ingénierie. Il a dit que même lorsqu’il était en session de travail, il suivait des cours à temps partiel.

La Commission affirme que l’appelant n’a pas réfuté la présomption

[23] La Commission soutient que l’appelant n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité. Elle affirme que l’appelant a déclaré dans sa demande d’assurance-emploi qu’il ne pouvait pas travailler pendant qu’il étudiait à temps plein et parce qu’il a dit qu’il n’avait pas travaillé auparavant pendant ses études. La Commission s’est également appuyée sur des déclarations ultérieures à la Commission où l’appelant a dit qu’il préférerait terminer sa formation avant d’accepter un emploi. La Commission soutient également que l’appelant a dit qu’il limiterait sa recherche à un emploi à temps partiel qui conviendrait à son horaire de cours. Elle a déclaré que l’appelant a demandé quelle réponse il devait fournir pour ne pas avoir à rembourser d’argent.

L’appelant a réfuté la présomption

[24] Je conclus que l’appelant a réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible en démontrant l’existence de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 6. En effet, il m’a convaincue qu’il était prêt à accepter un emploi convenable à tout moment et qu’il se serait retiré de son programme collégial pour accepter un tel emploi.

[25] L’appelant a appuyé son témoignage sur des preuves de demandes d’emploi qu’il a faites tout au long de ses études. Ces demandes étaient principalement destinées à des entreprises de construction navale ou du secteur maritime partout au Canada. Les postes pour lesquels il postulait étaient des postes à temps plein. Il est clair pour moi qu’il cherchait du travail dans son domaine d’expertise et qu’il aurait non seulement quitté ses études, mais aussi déménagé avec sa famille afin d’obtenir un emploi convenable.

[26] L’appelant a également expliqué qu’il serait possible d’avoir un emploi et de poursuivre ses études si un employeur était flexible. Il a réitéré qu’il se conformerait à la politique de l’employeur en matière d’heures de travail, mais qu’il était possible de travailler en dehors de son horaire de cours étant donné que certains cours étaient en ligne et que le reste ne nécessitait en moyenne que 2,5 heures de son temps par jour.

[27] Enfin, je crois que l’appelant a peut-être eu de la difficulté à communiquer avec la Commission. Cette audience s’est déroulée avec l’aide d’un interprète mandarin. Bien que l’appelant ait été principalement capable de communiquer en anglais, il a eu recours à l’aide de l’interprète lorsque les questions que j’ai posées étaient plus complexes. Je n’ai vu aucun document dans les dossiers de la Commission indiquant qu’elle a fait appel à un interprète pour l’aider à communiquer avec l’appelant. L’appelant n’a peut-être pas bien compris les questions dans la demande d’assurance-emploi ou les questions qu’on lui a posées au téléphone avec la représentante de la Commission. Cela explique pourquoi l’appelant a peut-être fourni des réponses différentes à la Commission que celles qu’il m’a fournies.

[28] L’appelant a réfuté la présomption selon laquelle il n’était pas disponible pour travailler.

[29] Le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que l’appelant n’est pas disponible. Je dois tout de même examiner l’article 18(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et décider si l’appelant est réellement disponible.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[30] Je dois maintenant vérifier si l’appelant était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour rendre ma décision. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 8 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire excessivement) ses chances de retourner travailler.

[31] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 9.

Vouloir retourner travailler

[32] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[33] Les éléments de preuve dont il a été question plus haut concernant la réfutation de la présomption de non-disponibilité sont également pertinents dans la présente affaire. L’appelant a clairement indiqué que sa priorité était un emploi convenable et qu’il voulait retourner travailler le plus tôt possible. Il l’a démontré en postulant pour des emplois convenables partout au pays pendant toute la période pertinente. Je remarque également qu’il s’agissait de postes à temps plein. Il a également expliqué qu’il avait besoin d’un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille.

[34] L’appelant a démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[35] L’appelant a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[36] Il a déclaré avoir postulé pour 16 emplois dans le domaine de la construction navale et le secteur maritime. L’appelant a également fourni une capture d’écran de ses fichiers informatiques montrant d’autres demandes d’emploi faites pendant la période pertinente. L’intimée affirme que l’appelant a seulement postulé pour 3 emplois convenables au cours de la période pertinente. L’appelant a contesté cette conclusion.

[37] J’estime que la preuve de l’appelant est convaincante. Il a expliqué ses demandes d’emploi. Il a également expliqué que le processus d’embauche pour certains emplois au gouvernement était long. Il a également postulé pour des emplois dans différents secteurs, y compris des emplois en construction navale et des emplois liés aux technologies de l’information, pendant la période pertinenteNote de bas de page 10. En plus des emplois convenables, il a également expliqué qu’il a postulé pour des emplois de débutant chez Walmart et Winners.

[38] En plus des demandes d’emploi, j’ai également examiné la liste des activités de recherche d’emploi énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi. Cette liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 11. Elle comprend neuf activités de recherche d’emploi. En voici quelques exemplesNote de bas de page 12 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois ou agences de placement en ligne;
  • faire du réseautage;
  • communiquer avec des employeurs potentiels;
  • postuler pour des emplois;
  • participer à des entretiens d’embauche.

[39] Les démarches de l’appelant pour trouver un nouvel emploi comprenaient la mise à jour de son curriculum vitae et la création d’une alerte d’emploi. Il a déclaré qu’il vérifiait les sites de recherche d’emploi tous les jours. Il a également fait du réseautage avec un ancien superviseur et un collègue pour s’informer des possibilités d’emploi, et il a écrit à des entreprises pour s’informer des possibilités d’emploi à venir. Il a dit qu’il tenait son profil en ligne à jour et qu’il avait répondu à des demandes sur LinkedIn. Enfin, il a participé à des entretiens d’embauche auxquels il avait été convoqué.

[40] Ces démarches étaient suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce qu’elles démontrent qu’il effectuait des démarches continues de recherche d’emploi. Il a fait des démarches pour se trouver un emploi pendant toute la période pertinente.

Limiter excessivement ses chances de retourner travailler

[41] L’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter excessivement ses chances de retourner travailler.

[42] L’appelant affirme ne pas avoir établi de conditions excessivement limitatives parce qu’il a fait des recherches d’emplois à temps plein et à temps partiel, qu’il n’a pas limité sa recherche d’emploi à sa région géographique, qu’il a postulé pour des emplois convenables dans les secteurs de la construction navale et de l’informatique ainsi que des emplois qui étaient bien en deçà de sa formation et de ses capacités. Il a dit qu’il n’avait pas limité sa recherche d’emploi en fonction de son salaire, de sa religion ou de ses obligations familiales. Enfin, il a dit qu’il aurait accepté n’importe quelles heures de travail et qu’il se serait adapté aux exigences de l’entreprise.

[43] La Commission affirme qu’elle n’avait pas envisagé au départ un délai raisonnable pour que l’appelant limite sa recherche d’emploi aux seuls emplois dans son domaine. Elle dit que les restrictions devraient être mises en balance avec la probabilité de trouver un emploi convenable pour déterminer la durée de la période raisonnable de restrictions.

[44] Je conclus que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles et qu’il n’avait pas de restrictions importantes. Il a postulé pour des emplois convenables pour lesquels il était qualifié. Au début, cela comprenait seulement les entreprises de construction navale. Toutefois, il n’a imposé aucune restriction géographique et a pu postuler pour des postes partout au pays. Au fil du temps, il a inclus des emplois en technologie de l’information. Enfin, il a postulé pour des emplois de débutant chez Walmart et Winners qui ne nécessitaient pas son niveau d’expérience et de formation. Comme il a été établi précédemment, l’appelant était prêt à abandonner ses études pour accepter un emploi convenable à temps plein.

[45] L’appelant n’a pas démontré de restrictions personnelles qui limitaient excessivement ses chances de retourner travailler.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[46] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je juge que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[47] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus que l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations. Il se peut donc que l’appelant ait droit à des prestations.

[48] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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