Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1102

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : J. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 17 mai 2023 (GE-22-3621)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 15 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-570

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, J. B., travaillait comme inspecteur des aliments pour un organisme du gouvernement du Canada. Le 18 mars 2022, l’organisme l’a mis en congé sans solde après qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le fait qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu qu’il avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a jugé qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il perdrait probablement son emploi s’il ne respectait pas la politique de vaccination.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il prétend que la division générale a ignoré des éléments de preuve montrant que la Commission l’avait induit en erreur. Il affirme que le personnel de Service Canada lui a expressément dit qu’il aurait droit à des prestations s’il s’inscrivait à un programme de recyclage. Il dit que bien qu’il ait suivi un programme au Collège Sheridan conformément à l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’a jamais reçu de prestations.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape-ci, je dois évaluer s’il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit et les éléments de preuve qui l’ont menée à cette décision. J’ai conclu que la cause du prestataire n’est pas défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[9] Lorsqu’il s’agit d’évaluer s’il y a eu inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une personne et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[10] Il est important de garder à l’esprit que le terme inconduite a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à sa signification courante. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que je décide que sa conduite est une inconduite. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas page 4.

[11] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Elle a ensuite conclu à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir l’inconduite de façon explicite

[12] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que la politique de vaccination obligatoire de son employeur portait atteinte à ses droits de la personne. Cependant, là n’était pas la question. Ce qui importait, c’était de savoir si son employeur avait adopté une politique et si le prestataire l’avait ignorée de façon délibérée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je dois me pencher sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas examiner si la politique de l’employeur est raisonnable ou si la suspension était une pénalité raisonnableNote de bas page 5.

[13] Je ne vois pas comment il serait possible de soutenir que ce passage cite incorrectement la loi. Étant donné que les décisions clés obligeaient la division générale à se concentrer sur deux questions très précises, elle est arrivée à la conclusion inévitable que le prestataire avait commis une inconduite, dans le sens où le terme est utilisé dans le contexte de l’assurance-emploi.

La division générale s’est fondée à juste titre sur la décision Cecchetto

[14] Comme la division générale l’a noté dans sa décision, la question de l’inconduite dans le contexte précis des obligations vaccinales contre la COVID-19 a été examinée dans une décision récente. En effet, dans la décision Cecchetto, la Cour fédérale a confirmé que la loi ne permet pas au Tribunal de trancher certaines questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, rien ne justifie l’annulation de la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la Directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ou de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 6.

[15] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a précisé que le système juridique offrait d’autres voies par lesquelles M. Cecchetto aurait pu porter plainte pour congédiement injustifié ou atteinte aux droits de la personne.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[16] Le prestataire a déposé à la division générale un affidavit d’un pasteur de son église décrivant ses objections religieuses au développement du vaccin. Il a soutenu que son employeur aurait dû l’exempter de l’obligation de se faire vacciner pour des raisons religieuses. Il a fait valoir qu’en l’obligeant à accepter le vaccin sous peine de perdre son emploi, son employeur avait porté atteinte à ses droits à la liberté religieuse et à l’intégrité corporelle.

[17] La division générale a abordé ces points dans sa décision, mais elle les a jugés peu convaincants. Étant donné le droit relatif à l’inconduite, je ne vois pas en quoi la division générale a commis une erreur dans l’évaluation des éléments de preuve disponibles.

[18] La division générale a fondé sa décision sur les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique exigeant que chaque personne prouve qu’elle avait été entièrement vaccinée dans un délai précis.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il perdrait son emploi s’il ne respectait pas la politique dans le délai prévu.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner avant la date limite.
  • Le prestataire n’a pas convaincu son employeur qu’il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption religieuse au titre de la politique.
  • L’employeur n’était pas tenu d’accepter la demande d’exemption du prestataire.

[19] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier et le témoignage du prestataire. Dans son rôle de juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve portée à sa connaissanceNote de bas page 7. Dans la présente affaire, après avoir examiné les courriels, les notes et les témoignages, la division générale a conclu que le prestataire connaissait la politique de son employeur et comprenait qu’il y avait de bonnes chances qu’il soit congédié s’il ne s’y conformait pas dans un certain délai. En l’absence d’une erreur de fait importante, je ne vois aucune raison de remettre en question cette conclusionNote de bas page 8.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré le programme de recyclage du prestataire

[20] Le prestataire affirme que le personnel de la Commission lui a assuré qu’il recevrait des prestations d’assurance-emploi s’il participait à un programme de recyclage conformément à l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi. Bien qu’il ait terminé un tel programme en novembre 2022, la Commission l’a quand même déclaré inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Il reproche maintenant à la division générale de ne pas avoir reconnu qu’il avait reçu des conseils trompeurs.

[21] Cet argument n’est selon moi pas défendable.

[22] Les décideurs judiciaires et quasi judiciaires sont présumés avoir tenu compte de tous les éléments de preuve portés à leur connaissanceNote de bas page 9. Dans sa décision, la division générale n’a peut-être pas fait référence aux observations du prestataire sur son programme de recyclage, mais cela ne signifie pas qu’elle les a ignorées. On ne peut pas s’attendre à ce que les décideurs traitent chaque observation d’une partie prestataire, quelle que soit leur importance.

[23] Dans la présente affaire, je peux voir pourquoi la division générale a choisi de ne pas discuter de la décision du prestataire de retourner aux études. En effet, elle n’était pas pertinente à la question de savoir si le prestataire avait commis une inconduite.

[24] Selon l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire est réputée disponible pour travailler si elle suit un programme de recyclage vers lequel elle a été dirigée par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner. D’après ce que je peux voir, le prestataire n’a jamais présenté de preuve montrant que la Commission ou une autorité qu’elle a désignée l’a dirigé vers le programme de mécanicien-monteur qu’il a suivi au Collège Sheridan. La preuve montre plutôt qu’après que le prestataire a été congédié, c’est lui, et lui seul qui a décidé de consacrer son temps à l’apprentissage d’une autre compétenceNote de bas page 10.

[25] Le prestataire laisse entendre qu’il a été induit en erreur et qu’il croyait que le programme de recyclage lui donnerait droit aux prestations d’assurance-emploi. Toutefois, cet argument ne peut être retenu. Même si la Commission lui a fourni au des renseignements erronés (ce qui n’a pas été prouvé), cela ne le soustrait pas à l’application de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 11. Les personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi ont l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour comprendre leurs droits et leurs obligations au titre de la loiNote de bas page 12.

Conclusion

[26] Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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