Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1134

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (461301) datée du 21 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 31 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-369

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a déclaré l’avoir congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 mise en place au travail (il ne s’est pas fait vacciner).

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’il n’a pas commis d’inconduite parce que son relevé d’emploi le montre et que son employeur a fini par annuler sa propre politique. Il ajoute que la Commission n’a pas bien interprété la loi dans son cas.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant n’a pas fourni de renseignements supplémentaires au Tribunal

[6] L’appelant a demandé une audience par écrit. Je lui ai envoyé une lettre pour l’informer que j’accueillais sa demande et lui demander de fournir, au plus tard le 19 mai 2023, tout autre renseignement qu’il voulait que je prenne en considération dans son appelNote de bas de page 2. Il n’a rien envoyé dans ce délai.

[7] J’ai donc tranché l’appel en me fondant sur les renseignements qui étaient déjà au dossier lorsque j’ai envoyé la lettre à l’appelant.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour trancher cette question, je dois évaluer deux choses. D’abord, je dois établir la raison de la perte d’emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[10] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 (il ne s’est pas fait vacciner).

[11] L’appelant et l’employeur s’entendent sur la raison de la fin d’emploi. L’appelant affirme avoir été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeurNote de bas de page 3. L’employeur a dit la même chose à la CommissionNote de bas de page 4.

La raison du congédiement est-elle une inconduite selon la loi?

[12] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[13] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si le congédiement de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[14] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit qualifié d’inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[15] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[16] La Commission doit prouver que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[17] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Et ce n’est pas à moi non plus de décider si son employeur l’a congédié injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une seule chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait qu’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 était en place et qu’il risquait d’être congédié s’il ne la suivait pas, mais qu’il a quand même choisi de ne pas la suivreNote de bas de page 11.

[19] L’appelant affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part parce que son employeur a modifié son relevé d’emploi et a fini par annuler sa politique. Il soutient aussi que la Commission n’a pas bien interprété la loi dans son cas parce qu’elle a ignoré une section pertinente du Guide de la détermination de l’admissibilitéNote de bas de page 12.

[20] Voici ce que l’employeur de l’appelant a dit à la CommissionNote de bas de page 13 :

  • Il a congédié l’appelant parce que celui-ci n’a pas respecté la politique mise en place sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19.
  • Il a instauré la politique en septembre 2021 et a demandé au personnel de suivre une formation sur le sujet en octobre 2021.
  • Toute personne pouvait demander d’être exemptée de la politique, mais l’appelant ne l’a pas fait.
  • En octobre 2021, il a discuté de la politique avec l’appelant, mais celui-ci a dit qu’il n’allait pas la suivre.
  • Il a remis une lettre à l’appelant l’informant de ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique (congédiement au plus tard le 12 décembre 2021).
  • Il a prolongé le délai permettant à l’appelant de se faire vacciner et l’a finalement congédié le 3 janvier 2022.

[21] Voici les modalités de la politique de l’employeur :

  • Elle est entrée en vigueur le 7 septembre 2021 et s’appliquait à tout le personnelNote de bas de page 14.
  • Tout le monde devait être entièrement vacciné au plus tard le 30 octobre 2021Note de bas de page 15.
  • Les personnes qui dérogeaient à la politique s’exposaient à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 16.

[22] Voici une preuve que l’employeur a aussi remis à la Commission :

  • Il a envoyé un courriel au personnel le 6 octobre 2021. Il précise que toute personne qui n’est pas entièrement vaccinée (deux doses de vaccination contre la COVID-19) sera suspendue sans solde à partir de la semaine du 1er novembre 2021. Et sans preuve de vaccination complète, il y aura congédiement le 13 décembre 2022 [sic]Note de bas de page 17.

[23] Voici ce que l’appelant a dit à la Commission :

  • Il était au courant de la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 18.
  • Il ne s’est pas fait vacciner comme l’exigeait la politique. Il avait des raisons personnelles et des problèmes de santé (allergie à l’érythromycine) qui l’empêchaient de se faire vacciner. Lors de son embauche, il n’a pas eu à fournir ses renseignements médicaux personnels, alors ceux-ci devraient rester confidentielsNote de bas de page 19.
  • Il n’a pas demandé d’exemption de la politique, parce qu’il n’était pas sûr que le personnel de la santé serait d’accord avec lui de toute façonNote de bas de page 20.
  • Il savait qu’il risquait d’être congédié s’il ne respectait pas la politiqueNote de bas de page 21.
  • En octobre 2021, semployeur a envoyé quelque chose au sujet des conséquences du non-respect de la politiqueNote de bas de page 22.

[24] Voici d’autres arguments de l’appelantNote de bas de page 23 :

  • Le 22 décembre 2022, son employeur a produit un nouveau relevé d’emploi. La raison indiquée était désormais [traduction] « congé involontaire ».
  • La Commission n’a pas bien interprété la loi dans son cas. Elle a ignoré une section pertinente du Guide de la détermination de l’admissibilité, soit la section 6.6.2, Période de congé autorisée – Article 32.
  • La Commission l’a discriminé et lui a refusé des prestations auxquelles il a droit.
  • Le 1er décembre 2022, l’employeur a annulé sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Toute personne qui avait été congédiée pouvait se faire réembaucher.
  • C’est son employeur qui a commis une inconduite, pas lui.

[25] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[26] Je considère que l’appelant a fait des choses qui ont mené à son congédiement. Il savait que son employeur avait établi une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et qu’il devait respecter certaines exigences pour s’y conformer.

[27] J’estime également que ce qu’il a fait était intentionnel, car il a décidé consciemment de ne pas suivre la politique.

[28] La preuve montre que l’appelant connaissait la politique de son employeur. Il a dit qu’il était au courant, comme je l’ai mentionné plus haut.

[29] La preuve montre aussi que l’appelant a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Comme je l’ai mentionné plus haut, il a affirmé ne pas s’être fait vacciner comme l’exigeait la politique.

[30] Je reconnais que l’appelant croit que l’inconduite ne vient pas de lui, mais bien de son employeur.

[31] Cependant, je juge que cet argument n’est pas pertinent pour mon examen. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Loi sur l’assurance-emploi et les tribunaux limitent mon analyse de l’inconduite aux actions de l’appelant qui ont entraîné son congédiement, alors je dois laisser de côté la conduite de l’employeur.

[32] Autrement dit, je ne peux pas évaluer si l’employeur a agi injustement dans le cadre de sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (par exemple, en demandant des renseignements médicaux personnels). C’est bien au-delà de ce que je peux examiner. Si l’appelant veut faire valoir cet argument, il doit s’adresser à une autre instance.

[33] Je reconnais également que l’appelant croit qu’il n’a pas commis d’inconduite parce que son employeur a fini par annuler sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 24.

[34] Mais encore une fois, je juge que cet argument n’est pas pertinent pour mon examen. Comme je l’ai mentionné plus haut, mon analyse de l’inconduite se limite aux actions de l’appelant qui ont entraîné son congédiement.

[35] Autrement dit, la décision de l’employeur d’annuler sa politique des mois après le congédiement n’a aucune incidence sur ce que je peux examiner. Si l’appelant veut faire valoir cet argument, il doit s’adresser à une autre instance.

[36] Je reconnais que l’appelant croit que son nouveau relevé d’emploi montre qu’il n’a commis aucune inconduite parce que la raison pour laquelle il a été produit est désormais [traduction] « congé involontaireNote de bas de page 25 ».

[37] Je ne suis pas d’accord. Je peux tenir compte du relevé d’emploi seulement pour décider si l’appelant a commis une inconduite selon la loi. Je remarque que la raison du nouveau relevé d’emploi est simplement [traduction] « congéNote de bas de page 26 » et non [traduction] « congé involontaire », comme l’appelant l’affirme. Je remarque aussi qu’il n’a présenté aucun renseignement ni élément de preuve expliquant pourquoi son employeur avait modifié son relevé d’emploi.

[38] Selon moi, la preuve montre clairement que l’appelant n’a pas respecté la politique de son employeur et qu’il a été congédié pour cette raison. Lui-même et son employeur disent que c’est ce qui s’est passé, comme je l’ai mentionné plus haut.

[39] Par conséquent, je considère que le nouveau relevé d’emploi n’a pas beaucoup de poids dans l’affaire.

[40] Je reconnais aussi que l’appelant croit que la Commission a fait erreur lorsqu’elle a omis d’appliquer une section pertinente du Guide de la détermination de l’admissibilité, soit la section 6.6.2 qui, selon lui, appuie son argument selon lequel il n’a pas commis d’inconduiteNote de bas de page 27.

[41] Je ne suis pas d’accord pour deux raisons.

[42] Premièrement, le Guide n’a pas force de loi, alors je n’ai pas à le suivre. Le Guide est la politique interne de la Commission. Autrement dit, ce sont les règles que le personnel de la Commission utilise pour trancher les demandes d’assurance-emploi. Le Guide n’aide pas le Tribunal à rendre des décisions.

[43] Deuxièmement, je dois suivre la Loi sur l’assurance-emploi dans son sens ordinaire et ce que les tribunaux disent à son sujet. Je me concentre alors uniquement sur l’application du critère juridique relatif à l’inconduite (fondé sur les décisions des tribunaux). Autrement dit, comme je l’ai mentionné plus haut, j’examine les actions de l’appelant qui ont entraîné son congédiement.

[44] Par conséquent, je considère que la section 6.6.2 du Guide n’a pas beaucoup de poids dans l’affaire.

[45] Enfin, je reconnais que l’appelant croit que la Commission l’a discriminé et lui a refusé des prestations auxquelles il a droit.

[46] Cependant, je juge que cet argument n’est pas pertinent non plus pour mon examen. Comme je l’ai mentionné plus haut, je me concentre uniquement sur l’application du critère juridique relatif à l’inconduite.

[47] Autrement dit, je ne peux pas examiner la façon dont la Commission a traité l’appelant lorsqu’elle a évalué sa demande de prestations. Si l’appelant veut faire valoir cet argument, il doit utiliser un autre moyen.

[48] Je considère aussi que l’appelant savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique vaccinale de son employeur pouvait mener à son congédiement.

[49] La preuve montre clairement que l’appelant savait qu’il risquait d’être congédié s’il ne respectait pas la politique de son employeur. Comme je l’ai mentionné plus haut, il a dit qu’il savait que c’était possible.

[50] Certains éléments de preuve montrent que l’employeur a averti l’appelant qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas la politique. Le 6 octobre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à ce sujet, comme je l’ai mentionné plus haut.

[51] Selon moi, la preuve montre que l’appelant a été informé qu’il serait congédié s’il ne se faisait pas vacciner avant la date limite prévue par la politique. Par conséquent, il savait ou aurait dû savoir qu’il risquait d’être congédié pour cette raison.

[52] Je conclus donc que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la loi. En effet, il a lui-même adopté la conduite qui a entraîné son congédiement (il n’a pas suivi la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19). Ce qu’il a fait était intentionnel et il savait ou aurait dû savoir que ses actions mèneraient à son congédiement.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[53] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[54] En effet, les actions de l’appelant ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait ou aurait dû savoir que son refus de se faire vacciner (comme l’exigeait la politique de son employeur) pouvait entraîner son congédiement.

Conclusion

[55] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[56] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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