Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1124

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : W. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (562115) datée du 30 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 8 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 19 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-378

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, elle n’a pas fourni de raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, la demande de l’appelante ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 17 juin 2022. Elle souhaite que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 2 janvier 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas avoir demandé des prestations plus tôt.

[5] La Commission affirme que l’appelante n’avait pas de motif valable parce que, même si elle remplissait les conditions requises à une date antérieure, elle n’a pas démontré qu’elle avait agi comme une personne raisonnable se trouvant dans la même situation l’aurait fait pour s’assurer de ses droits et obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2. La Commission dit que même si l’appelante a été payée pour la dernière fois par son employeur le 2 janvier 2022, elle ne pensait pas pouvoir demander des prestations d’assurance-emploi. La Commission souligne que l’appelante aurait pu communiquer avec Service Canada pour se renseigner sur son admissibilité, mais qu’elle ne l’a pas fait.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et soutient qu’elle attendait les résultats d’une enquête en milieu de travail. Elle dit qu’elle s’entretenait régulièrement avec le service des ressources humaines de son employeur et avec son syndicat. Elle affirme que, comme son dossier d’employée était actif dans le système informatique (SAP) de son employeur, elle croyait ne pas pouvoir demander de prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[7] La demande de prestations de l’appelante peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 2 janvier 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[8] Pour que sa demande de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas page 3 :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle a une explication acceptable selon la loi.
  2. b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[9] Les arguments principaux dans la présente affaire servent à décider si l’appelante avait un motif valable. C’est donc par cela que je vais commencer.

[10] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelante doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas page 4. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie l’aurait fait dans une situation semblable.

[11] L’appelante doit démontrer qu’elle a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas page 5. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelante va du 2 janvier 2022 au 17 juin 2022.

[12] L’appelante doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas page 6. Cela veut dire que l’appelante doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si l’appelante ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéeNote de bas page 7.

[13] L’appelante doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

Position de l’appelante

[14] L’appelante affirme qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il y avait une enquête en cours dans son milieu de travail. Elle dit que son dernier jour de travail était le 24 octobre 2021. Elle affirme qu’elle était en congé payé pendant l’enquête dans son milieu de travail.

[15] L’appelante affirme qu’elle a reçu son plein salaire jusqu’au 2 janvier 2022. Par la suite, elle a reçu trois petits versements découlant d’obligations aux termes de la convention collective (par exemple, un crédit de congé qui est accordé une seule fois et un paiement unique relatif au coût de la vie). À l’exception de ces trois petits versements, reçus au début de 2022, elle n’avait aucune source de revenus à partir du 2 janvier 2022.

Enquête

[16] Selon l’appelante, on lui a promis qu’une enquête serait menée. Elle dit qu’en date du 13 mai 2022, une enquête était toujours en coursNote de bas page 8. L’appelante croyait qu’une fois son enquête en milieu de travail terminée, elle pourrait retourner au travail. L’appelante affirme qu’il y a eu une enquête sur le harcèlement de sa superviseure à son endroit. Cependant, il semble également y avoir une autre enquête concernant un incident en milieu de travail mettant en cause l’appelante.

[17] Le 9 juin 2022, l’appelante a allégué que l’enquêteur chargé de son dossier n’était pas neutreNote de bas page 9.

[18] Elle dit que le différend avec l’enquêteur tient au fait qu’elle voulait que son syndicat soit présent et qu’il a refusé. Elle dit qu’elle ne voulait pas que l’enquêteur poursuive l’enquête.

[19] Elle dit que l’enquête menée par cette personne a pris fin le 9 juin 2022. Elle croit que c’était ce jour-là parce qu’elle pense que c’est celui où l’employeur l’a retirée de son système informatique SAP.

[20] Bien qu’elle ait été retirée du système informatique SAP de l’employeur et que rien ne se soit passé en rapport avec l’enquête depuis juin 2022, l’appelante croit toujours que les choses suivent leur cours.

Cessation d’emploi signifiée par la superviseure

[21] La superviseure de l’appelante lui a envoyé une lettre de congédiement datée du 26 avril 2022Note de bas page 10. La lettre indique qu’on l’a envoyée par courriel et par Xpresspost (par l’entremise de Postes Canada). Bien que sa superviseure lui ait envoyé un courriel de licenciement, l’appelante affirme que le congédiement doit provenir du service des ressources humaines. Cela signifie qu’elle ne croyait pas à la cessation d’emploi communiquée par la superviseure.

[22] De plus, l’appelante affirme qu’elle n’a pas lu le courriel de congédiement lorsqu’elle l’a reçu. Elle dit qu’en raison du harcèlement qu’elle subissait de la part de la même superviseure, elle ne lisait pas régulièrement les courriels de cette dernière. L’appelante a convenu qu’elle a pris connaissance du courriel envoyé le 26 avril 2022 par la superviseure en mai 2022 lorsqu’elle l’a transmis à une personne qui enquêtait sur son dossier.

[23] L’appelante ajoute qu’elle a téléphoné fréquemment au service des ressources humaines de l’employeur et qu’on lui a dit que, comme elle figurait toujours [traduction] « dans le système », on n’avait pas mis fin à son emploi.

[24] L’appelante croit toujours qu’elle est une employée au service de son employeur.

Relevé d’emploi

[25] L’appelante affirme ne pas avoir pu imprimer de relevé d’emploi parce que son dossier figurait toujours comme étant actif dans le système informatique (SAP) de son employeur. Elle dit qu’elle pensait qu’elle ne pouvait pas demander de prestations d’assurance-emploi sans relevé d’emploi.

[26] L’appelante affirme avoir été retirée du système de son employeur (SAP) vers le 14 juin 2022Note de bas page 11. Elle dit que lorsqu’on l’a retirée du système SAP, elle a su qu’elle avait été congédiée. L’appelante affirme que son syndicat en est un bon et qu’elle a une bonne assurance grâce à son employeur. Elle affirme que son employeur n’est pas autorisé à congédier une personne pendant qu’une enquête est en cours.

Syndicat

[27] L’appelante affirme que sa convention collective lui interdit d’avoir recours à l’assurance-emploi. Elle n’a pas fourni de copie de sa convention collective. Elle dit avoir demandé ce qu’elle devait faire à son syndicat. L’appelante dit que le syndicat lui a indiqué que la convention collective était la principale entente. Selon elle, le syndicat lui a aussi dit que tant qu’il n’y avait pas de décision d’arbitrage, elle n’était pas congédiée.

[28] Selon l’appelante, le 2 janvier 2022, le syndicat lui a dit qu’elle serait protégée. Elle affirme qu’on lui a promis qu’elle serait payée. Elle dit qu’à une occasion antérieure, soit en janvier ou en février 2020, elle était en congé et que son syndicat lui avait également donné une assurance semblable, à savoir qu’elle serait payée pour le temps au cours duquel elle ne travaillait pas. Dans ce cas-là, elle a fini par recevoir un paiement. Elle croyait que la même chose se produirait cette fois-ci et qu’elle devait simplement être patiente.

Circonstances atténuantes

[29] L’appelante affirme que du 2 janvier 2022 au 19 juin 2022, il n’est rien survenu de spécial de son côté. Elle dit qu’elle attendait.

[30] L’appelante estime avoir respecté la loi. Elle dit avoir respecté sa convention collective. Elle dit qu’elle pensait qu’il lui fallait attendre patiemment.

Position de la commission

[31] La Commission soutient que l’appelante n’avait pas de motif valable parce que, même si elle remplissait les conditions requises à une date antérieure, elle n’a pas démontré qu’elle avait agi comme une personne raisonnable se trouvant dans la même situation l’aurait fait pour s’assurer de ses droits et obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 12. La Commission dit que même si l’appelante a été payée pour la dernière fois par son employeur le 2 janvier 2022, elle ne pensait pas pouvoir demander des prestations d’assurance-emploi parce que son dossier d’employée était [traduction] « actif » dans le système informatique (SAP) de son employeur. La Commission souligne que l’appelante aurait pu communiquer avec Service Canada pour se renseigner sur son admissibilité, mais qu’elle ne l’a pas fait.

[32] J’estime que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations parce qu’elle se fondait sur ses propres hypothèses, qui n’ont pas été vérifiées.

[33] L’appelante croyait qu’elle travaillait toujours et elle n’avait pas de relevé d’emploi; elle ne pouvait donc pas demander de prestations d’assurance-emploi. Pourtant, elle n’a pris aucune mesure pour communiquer avec Service Canada. Si elle l’avait fait, elle aurait pu se renseigner sur ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] L’appelante s’est plutôt fondée sur les renseignements que lui ont donnés son syndicat et son service des ressources humaines. Pourtant, la loi est claire : les renseignements non vérifiés provenant de sources externes ne donnent pas un motif valable permettant à une partie prestataire de justifier son retardNote de bas page 13.

[35] L’appelante n’avait pas de motif valable depuis le 2 janvier 2022. À ce stade, elle ne recevait plus de revenu régulier. À ce moment-là, elle aurait pu communiquer avec Service Canada pour se renseigner sur ses droits et obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Il s’agit de démarches rapides dont une personne raisonnable et prudente aurait pu s’acquitter.

[36] L’appelante affirme qu’elle croyait toujours, en principe, être une employée parce que son dossier d’employée était actif dans le système informatique (SAP) de son employeur. Pourtant, elle n’a jamais téléphoné à Service Canada pour se renseigner sur ses droits et obligations lorsqu’elle ne travaillerait plus ou ne serait plus payée.

[37] Même si l’appelante n’a pas communiqué avec Service Canada en janvier 2022, il n’y a pas de motif valable de ne pas l’avoir fait en avril ou en mai 2022. C’est à ce moment-là que l’on présume que sa superviseure l’a congédiée au moyen d’un courriel ou d’une lettreNote de bas page 14, que l’appelante a reconnu avoir lue en mai 2022. La lettre de sa superviseure indique clairement que l’on avait mis fin à son emploi.

[38] L’appelante affirme qu’elle n’a ni consulté le courriel de sa superviseure ni lu de copie de la lettre envoyée avant mai 2022 environ. Ainsi, si l’appelante ignorait que l’on avait prétendument mis fin à son emploi le 26 avril 2022, elle le savait certainement quand elle a ouvert le courriel et l’a transmis à la personne qui enquêtait au début du mois de mai 2022. Autrement dit, en mai 2022, l’appelante aurait pu et aurait dû communiquer avec Service Canada pour se renseigner sur ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[39] L’appelante affirme s’être fiée aux dires de son syndicat, selon lesquels elle serait payée. Elle dit que sa convention collective ne lui permet pas d’avoir recours à l’assurance-emploi pour recevoir des prestations. On ne sait pas ce que dit la convention collective puisque l’appelante n’en a pas fourni une copie. Même si j’accepte que la convention collective indique que l’employeur est le premier payeur, le fait est que l’appelante ne recevait aucune somme d’argent d’une source quelconque. Cela signifie qu’elle aurait pu, à tout le moins, téléphoner à Service Canada (ou se rendre dans un de ses centres) pour se renseigner sur ses droits et obligations aux termes de la loi. L’appelante n’a fourni aucune raison pour expliquer qu’elle ne pouvait pas l’avoir fait, si ce n’est qu’elle attendait son syndicat, qui détenait l’entente [traduction] « principale ». Cela signifie qu’il aurait été raisonnable et prudent pour l’appelante de communiquer avec Service Canada pour comprendre ses droits et ses obligations même si le syndicat lui avait dit que la convention collective passait en premier.

[40] L’appelante affirme également que le service des ressources humaines de l’employeur lui disait sans cesse que son dossier d’employée était actif. Elle dit qu’elle croyait que cela signifiait qu’elle ne pouvait pas obtenir de relevé d’emploi ni demander des prestations d’assurance-emploi. Pourtant, l’appelante ne s’est pas renseignée pour savoir si c’était vrai. Si elle l’avait fait, elle aurait découvert qu’elle n’avait pas besoin de son relevé d’emploi pour présenter une demandeNote de bas page 15.

[41] Je comprends que l’appelante affirme qu’elle écoutait son syndicat et le service des ressources humaines. Pourtant, elle a déclaré qu’elle n’a rien fait de spécial de janvier 2022 à juin 2022. Cela signifie qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles. Par conséquent, rien n’empêchait l’appelante de téléphoner à Service Canada. Si l’appelante avait communiqué avec eux, elle aurait pu savoir rapidement quels étaient ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[42] Je conclus que l’appelante n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation. Je suis d’avis qu’il n’y avait aucune circonstance exceptionnelle survenue à ce moment-là et qui aurait empêché l’appelante de communiquer avec Service Canada.

[43] Je n’ai pas besoin d’examiner si l’appelante remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. Si elle n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[44] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[45] L’appel est rejeté.

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