Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande parce qu’il a quitté son emploi sans justification. La Commission a procédé à une révision, mais a maintenu sa décision. L’appelant a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division générale. Son appel a été rejeté, alors il a porté la décision de la division générale en appel devant la division d’appel.

La division d’appel a établi que la division générale a commis l’erreur de fait suivante : elle a omis de tenir compte de la preuve selon laquelle il est possible que l’appelant ait eu une formation inadéquate sur des aspects autres que l’utilisation d’équipement. La division d’appel a reconnu que l’une des raisons pour lesquelles l’appelant avait quitté son emploi était la formation insuffisante sur la sécurité. La division générale aurait dû reconnaître que cette lacune créait un risque de plus pour la santé et la sécurité de l’appelant.

Lorsque la division générale examine les diverses circonstances qui ont amené une personne à quitter son emploi, il n’est pas suffisant d’évaluer de façon abstraite les [traduction] « conditions de travail qui constituent un risque pour la santé et la sécurité ». Elle doit tenir compte de toutes les conditions de travail dangereuses. Les faits de l’affaire permettent de voir si le départ de la personne était la seule solution raisonnable dans les circonstances. La division générale n’a pas fait référence aux inquiétudes de l’appelant concernant la formation insuffisante en matière de sécurité personnelle. Elle a admis que ses conditions de travail comportaient un risque pour sa santé et sa sécurité en général. Mais il était davantage question de son équipement de protection individuelle et des tâches qu’il devait effectuer à même la circulation, sans signalisation. Elle n’a pas tenu compte du fait que la formation sur la sécurité était peut-être inadéquate. Cette erreur signifie que la division générale a négligé la preuve pertinente lorsqu’elle a évalué si le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable.

Dans son évaluation des solutions raisonnables, la division générale a seulement examiné les conditions de travail qui constituaient un risque pour la santé et la sécurité de l’appelant. Elle n’a pas reconnu qu’il pouvait y avoir d’autres circonstances pertinentes. Toutefois, l’appelant a convaincu la division d’appel que la division générale a ignoré certaines preuves de conditions de travail dangereuses, même si elle a reconnu les conditions de travail dangereuses comme étant une circonstance pertinente. Selon la division d’appel, la division générale aurait dû aussi tenir compte du fait que [traduction] « les conditions de travail étaient plus difficiles que prévu ». Bref, la division d’appel a décidé que la division générale n’a pas tenu compte de [traduction] « toutes les circonstances ». Selon la division d’appel, il pourrait s’agir d’une erreur de droit. Cependant, s’il s’agissait d’une erreur de droit, elle découlait d’une erreur de fait. Par conséquent, la décision était fondée sur une erreur de fait.

La division d’appel a conclu que la division générale a commis une erreur de fait importante aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre, mais le résultat était le même. Elle a décidé que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi et qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1319

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : N. K.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentante : Nikkia Janssen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 15 février 2023
(GE-22-4221)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 3 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-192

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur et j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[3] Après avoir corrigé l’erreur de la division générale, je dois quand même conclure que le prestataire avait une solution de rechange raisonnable à son départ. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] N. K. est l’appelant. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi, alors je l’appellerai le prestataire. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande, parce qu’il avait quitté son emploi sans justification. Le prestataire n’était pas d’accord et a demandé à la Commission de réviser sa décision. Cette dernière ne l’a pas modifiée.

[5] Le prestataire a interjeté appel de la décision de révision de la Commission devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Son appel a été rejeté. Il a donc interjeté appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[6] Je rejette l’appel. Je suis d’accord avec le prestataire : la division générale a commis une erreur de fait importante. Toutefois, lorsque je rectifie cette erreur, je dois quand même en arriver à la même conclusion que la division générale.

Questions préliminaires

Nouveaux éléments de preuve

[7] Un appel devant la division d’appel est un appel sur la foi du dossier. La division d’appel peut vérifier si la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a tenu l’audience, compris la preuve et appliqué le droit. À quelques exceptions près, par exemple lorsqu’une partie tente de démontrer en quoi le processus d’audience était injuste, la division d’appel ne tient pas compte de la preuve dont la division générale ne disposait pasNote de bas de page 1.

[8] Les observations du prestataire reprennent une grande partie de la preuve présentée à la division générale, mais elles ajoutent également des détails factuels que la division générale n’avait pas. Le prestataire a également envoyé à la division d’appel d’autres éléments de preuve documentaire, comme des captures d’écran de textes et une copie d’une offre d’emploi.

[9] Je ne tiendrai pas compte des détails supplémentaires, des textes, des textes publicitaires ou d’autres documents nouveaux. Ils n’avaient pas été soumis à la division générale, de sorte que je ne peux pas les prendre en considération dans le présent appel.

Question en litige

[10] La question en litige à plusieurs volets dans le présent appel est la suivante :

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ne tenant pas compte :

  1. a) De la preuve que ses conditions de travail étaient plus difficiles et dangereuses que ce à quoi il s’attendait?
  2. b) De la preuve que sa formation professionnelle ne couvrait pas ses fonctions professionnelles?
  3. c) De la preuve que l’employeur a enfreint la loi?
  4. d) De la preuve des répercussions possibles du signalement des préoccupations en matière de sécurité à l’employeur?

Analyse

Principes généraux

[11] La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[12] Le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il y a « justification » lorsqu’un prestataire n’a pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi « compte tenu de toutes les circonstances »Note de bas de page 4.

[13] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) énumère un certain nombre de circonstances qui doivent être prises en compte pour établir si un prestataire est fondé à quitter son emploi lorsque la preuve le suggère. La liste des circonstances ne se veut pas exhaustive. Autrement dit, il peut y avoir d’autres circonstances non énumérées qui pourraient être pertinentes.

Erreur de fait importante

[14] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante.

[15] Je me pencherai sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a évalué la situation du prestataire et, en fin de compte, si elle a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé qu’il avait une solution de rechange raisonnable à son départNote de bas de page 5.

[16] La division générale a abordé deux circonstances (ou ensembles de circonstances) que le prestataire avait désignées comme étant importantes pour sa décision de démissionner. La première concernait ses préoccupations particulières en matière de sécurité.

Conditions de travail dangereuses

[17] La division générale s’est penchée sur la question de savoir si les conditions de travail du prestataire étaient des « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité ». C’est l’une des circonstances énumérées dans la Loi.

[18] Le prestataire a soutenu que ses conditions de travail n’étaient pas sécuritaires. Il a fait valoir que l’employeur n’avait pas fourni l’équipement de protection individuelle (ÉPI), le soutien ou la formation nécessaires pour atténuer adéquatement les divers dangers en milieu de travail.

[19] La division générale a convenu que le prestataire avait soulevé des préoccupations légitimes en matière de sécurité au sujet du fait qu’il n’avait pas l’ÉPI approprié et qu’il devait prendre des lectures dans une circulation non contrôlée. Elle a convenu que cela représentait un danger pour sa santé et sa sécurité. Par conséquent, la division générale a compris qu’elle devait tenir compte de cette préoccupation lorsqu’elle a analysé l’existence d’autres solutions raisonnables que le départ.

[20] Le prestataire n’a pas laissé entendre que la division générale a commis une erreur en acceptant que ses conditions de travail fussent dangereuses.

Des conditions de travail dont le degré de difficulté était inattendu

[21] Lorsque le prestataire a demandé la permission d’interjeter appel à la division d’appel, il a soutenu qu’il ignorait qu’il pourrait avoir à traiter avec des animaux. Il a ajouté qu’il ignorait qu’il allait devoir traverser des ruisseaux et des étangs et passer par-dessus des clôtures à barbelés. Il soutient que les conditions de travail étaient plus dangereuses et plus exigeantes physiquement qu’on ne l’avait amené à le croire.

[22] Les « conditions de travail dont le degré de difficulté était inattendu » ne sont pas énumérées dans la Loi comme une circonstance pertinente. Cependant, cela ne signifie pas qu’elles ne sont pas pertinentes, particulièrement lorsqu’un prestataire quitte son emploi après seulement quelques jours de travail.

[23] Selon la Loi, « une modification importante des fonctions » est une circonstance pertinente. Dans la présente affaire, il n’y avait aucune preuve que les fonctions du prestataire avaient changé au cours de sa courte période d’emploi. Il affirme toutefois que ses fonctions professionnelles étaient considérablement différentes de ce à quoi il s’attendait. Cela est quelque peu analogue à « une modification importante des fonctions » et cela pourrait être pertinent pour décider s’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[24] À mon avis, le fait qu’un nouvel employé découvre que ses fonctions ou ses conditions de travail sont beaucoup plus difficiles ou dangereuses que ce à quoi il s’attendait est une circonstance pertinente. Si c’était le cas pour le prestataire, la division générale aurait dû en tenir compte lorsqu’elle a évalué le caractère raisonnable des solutions de rechange du prestataire à son départ.

[25] La division générale n’a pas accepté que le travailleur ait eu des conditions de travail imprévues. Toutefois, la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décrit les attentes du prestataire à l’égard de ses fonctions.

[26] La division générale n’a pas admis que le prestataire ne s’attendait pas ou ne pouvait pas s’attendre aux conditions de travail qu’il a décrites. Elle a constaté que « marcher dans les champs, traverser les cours d’eau, franchir des clôtures et faire face à des animaux […] n’étaient pas des éléments inattendus du travail ». Autrement dit, la division générale a accepté que le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les exigences physiques de l’emploi. Cela a joué un rôle dans sa conclusion selon laquelle ses conditions de travail ne permettaient pas de conclure qu’il était fondé à quitter son emploi.

[27] La division générale s’est appuyée sur l’aveu du prestataire selon lequel il était au courant de la nature physique du travail découlant de l’offre d’emploi et de son entrevue.

[28] Lorsque la division d’appel a accordé la permission d’en appeler, elle a conclu que l’on pouvait soutenir que la division générale avait commis une erreur de fait importante. Elle a noté que le prestataire avait dit à la Commission : [traduction] « […] personne ne lui avait dit qu’il devrait traverser des ruisseaux et des étangs »Note de bas de page 6. La division générale ne s’est pas reportée à cet élément de preuve.

[29] Le prestataire a témoigné au sujet de l’offre d’emploi et de l’entrevue. Il a déclaré que l’offre d’emploi indiquait que le travail consistait à inspecter des pipelines souterrains et que cela l’obligerait à marcher sur de longues distances environ dix kilomètres par jour, dans toutes sortes de conditions météorologiques. Parlant de l’entrevue, il a mentionné qu’on lui avait dit [traduction] « à peu près la même chose »Note de bas de page 7. Lorsqu’il a commencé sa formation, il a dit qu’il n’y avait rien sur les animaux ou sur la façon de réagir à ceux-ciNote de bas de page 8, et rien sur le fait de traverser les étangsNote de bas de page 9.

[30] Cette preuve laisse entendre que le prestataire s’attendait à ce qu’il ait à marcher beaucoup. Elle ne permet pas de conclure qu’il s’attendait à l’une ou l’autre des difficultés qu’il a rencontrées.

[31] Je conclus que la division générale a ignoré ou mal compris ce que le prestataire a dit au sujet de ses attentes de travail avant de commencer. Il s’agissait d’un facteur dans la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire s’attendait ou aurait dû s’attendre à se buter à des dangers et difficultés au travail. Cela a fait en sorte que la division générale a écarté ce qu’elle a appelé les « problèmes physiques » du prestataire.

Manque de formation professionnelle

[32] Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas formé ou prêt à s’acquitter des fonctions réelles de l’emploi. Il a parlé de l’équipement spécialisé qu’il devait utiliser et qu’aucune de ses formations ne le préparait pour le travail sur le terrain.

[33] La division générale a décrit cela comme une formation « inférieure à la normale ». Elle a dit que cela pouvait être agaçant, mais qu’il apprenait en cours d’emploi et que son rendement ou la façon dont il utilisait l’équipement ne posaient aucun problème à l’employeur.

[34] Le prestataire n’était pas d’accord pour dire que sa formation était [traduction] « inférieure à la normale ». Il n’a pas du tout été formé, dit-il. Il s’est également opposé à l’hypothèse de la division générale selon laquelle il était ennuyé.

[35] Je ne crois pas que la division générale a commis une erreur en décrivant la formation du prestataire dans son ensemble comme étant inférieure. Le prestataire estimait que sa formation n’était pas utile à ses fonctions réelles, mais il a reçu une formation sur d’autres choses qui auraient pu être utiles à un moment donné. Le fait que la division générale ait décrit la formation comme étant « inférieure à la normale » ne signifie pas qu’elle ne comprenait pas que le prestataire considérait sa formation comme non pertinente à ses fonctions.

[36] La division générale a reconnu que le prestataire était mécontent que l’employeur s’attende à ce qu’il utilise de l’équipement spécialisé sans formation. Le prestataire ne s’est peut-être pas décrit comme « ennuyé », mais je n’admets pas que l’utilisation du terme « ennuyé » par la division générale soit d’une quelconque importance pour la décision.

[37] Toutefois, le prestataire ne s’est pas simplement opposé au peu de formation qu’il a reçue sur l’équipement. Il a également dit qu’il n’avait pas été adéquatement formé à la façon de traiter avec la faune ou les chiens, et à la façon de passer par-dessus les clôtures de barbelés ou de maîtriser les dangers de l’eau.

[38] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait en n’examinant pas la preuve que le prestataire avait peut-être reçu une formation inadéquate dans d’autres aspects de l’emploi, sans lien avec son utilisation de l’équipement.

[39] J’admets que la mauvaise formation en matière de sécurité était en partie la raison pour laquelle le prestataire a quitté son emploi. À mon avis, la division générale aurait dû reconnaître cette lacune comme une autre des conditions de travail constituant un danger pour la santé ou la sécurité.

[40] Lorsque la division générale tient compte des diverses circonstances entourant la décision d’un prestataire de quitter son emploi, il ne suffit pas qu’elle tienne compte des « conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité » dans le résumé. Elle doit prendre en compte toutes les conditions particulières qui sont dangereuses. La question de savoir s’il existe des solutions de rechange raisonnables au départ dans les circonstances dépendra des faits particuliers.

[41] La division générale n’a pas fait référence aux préoccupations du prestataire concernant une mauvaise formation dans des domaines liés à sa sécurité personnelle. Elle a admis que les conditions de travail du prestataire comportaient un danger pour sa santé ou sa sécurité en général, mais qu’il s’agissait davantage de son ÉPI et de son travail dans une circulation non contrôlée. Elle ne considérait pas qu’il n’avait peut-être pas suivi la formation appropriée en matière de sécurité.

[42] Une telle erreur signifie que la division générale a évalué les solutions de rechange raisonnables du prestataire sans tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents.

L’activité illégale de l’employeur

[43] Le prestataire a également fait valoir que la division générale ne considérait pas que l’employeur enfreignait la loi. Il soutient que cela établit qu’il était fondé à quitter son emploi. Cet argument doit être rejeté pour trois raisons.

[44] Premièrement, les circonstances énumérées dans la Loi sont simplement des circonstances qui, lorsqu’elles existent, doivent être prises en compte pour décider s’il y a des solutions de rechange raisonnables. La présence de l’une ou l’autre des circonstances énumérées, ou de toute autre circonstance, n’établit pas qu’il n’existe pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Cela signifie seulement que le caractère raisonnable des solutions de rechange au départ doit être évalué en tenant compte de ces circonstances.

[45] Dans la présente affaire, la division générale a déclaré qu’il était raisonnable pour le prestataire d’avoir discuté de ses préoccupations avec l’employeur avant de démissionner. Si l’employeur enfreignait la loi, cela pourrait avoir une incidence sur la disponibilité de solutions de rechange raisonnables. Cela dépendrait toutefois de la manière dont il enfreignait la loi. Par exemple, il n’est peut-être pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un employé confronte un employeur à des activités illégales qui comprenaient l’agression de ses employés pour avoir pris la parole. Toutefois, il pourrait être raisonnable pour un employé de signaler à son employeur une infraction moindre ou involontaire.

[46] Deuxièmement, c’est la première fois que le prestataire soutient que l’employeur a enfreint la loi à la division générale. Il n’a pas soulevé cette question à la division générale et il n’a rien dit à la division générale sur la façon dont les activités de l’employeur étaient illégales.

[47] Le prestataire a dit à la division générale que l’employeur n’avait pas fourni tout l’équipement de sécurité indiqué dans le formulaire d’analyse du risque professionnel (ARP), mais qu’il n’y avait aucune preuve que l’équipement indiqué dans l’ARP était exigé par la loi. Le prestataire a déclaré que le formulaire pouvait avoir constitué une exigence de l’employeur lui-même ou que l’employeur pouvait l’avoir obtenu du client, « TC ».

[48] Il a mentionné à la division générale qu’il avait déposé une plainte auprès de « OHS Alberta » (Occupational Health and Safety, Alberta). Il n’a toutefois pas dit que OHS Alberta laissait entendre que l’employeur avait enfreint la loi.

[49] Troisièmement, il n’y avait aucune preuve que l’illégalité des gestes ou des comportements de l’employeur a influencé la décision du prestataire de partir. Il a témoigné qu’il n’avait pensé communiquer avec OHS Alberta qu’après avoir appris que la Commission avait refusé de réviser sa demandeNote de bas de page 10. C’était bien après sa démission. Ça ne l’aide pas à prouver que c’était un facteur dans sa décision de partir.

[50] La division générale n’avait aucune raison de tenir compte de la légalité des actions de l’employeur eu égard à la question de savoir si le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son poste.

Répercussions

[51] Enfin, le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il [traduction] « ne voulait pas déclencher une guerre avec un important employeur du secteur pétrolier et gazier »Note de bas de page 11. Le prestataire semble faire valoir qu’il craignait de subir des répercussions s’il se plaignait à son employeur.

[52] La perspective de répercussions pourrait faire en sorte qu’il serait déraisonnable de soulever certains types de préoccupations auprès de certains employeurs. Par exemple, un employeur pourrait « qualifier » un employé de perturbateur et l’inscrire sur une liste noire afin qu’il ne trouve pas de travail dans l’industrie dans laquelle il a été formé.

[53] Or, il s’avère que le prestataire n’a pas présenté cet argument à la division générale. Il n’a décrit aucune répercussion ni expliqué pourquoi il pensait avoir des problèmes s’il parlait à son employeur de ses problèmes de sécurité ou des autres difficultés qu’il éprouvait sur le plan de son travail. Il a seulement dit à la division générale qu’il [traduction] « ne voulait pas déclencher une guerre; que ce n’était pas sa personnalité »Note de bas de page 12. Cela indique seulement que le prestataire n’aimait pas les conflits ou préférait les éviter.

[54] La division générale n’a pas commis d’erreur en faisant fi de l’influence des répercussions sur le caractère raisonnable d’exiger du prestataire qu’il parle de ses préoccupations à son employeur avant de démissionner. Il n’y avait aucune preuve à partir de laquelle la division générale aurait pu conclure que le prestataire s’attendait raisonnablement à des répercussions. Il n’y avait aucune preuve qui lui permettrait d’évaluer la nature de ces prétendues répercussions.

Caractère raisonnable des solutions

[55] Pour évaluer si le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que son départ, la division générale est tenue par la loi de tenir compte de « toutes les circonstances ».

[56] Lorsque la division générale a évalué les autres solutions raisonnables du prestataire que son départ, elle a seulement tenu compte du fait que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité. Elle n’a pas admis qu’il y avait d’autres circonstances pertinentes.

[57] Toutefois, le prestataire m’a convaincu que la division générale a ignoré certaines preuves de conditions de travail dangereuses, même si elle a accepté des conditions de travail dangereuses comme circonstance pertinente. En outre, je suis convaincu que la division générale aurait également dû tenir compte [traduction] « des conditions de travail dont le degré de difficulté était inattendu ».

[58] Pour ces motifs, je conclus que la division générale n’a pas tenu compte de « toutes les circonstances ». Cela pourrait être considéré comme une erreur de droit. Toutefois, s’il s’agissait d’une erreur de droit, elle découlait d’une erreur de fait. Cela signifie que la décision était fondée sur une erreur de fait.

[59] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait importante au sens de la Loi.

Réparation

[60] J’ai relevé une erreur dans la façon dont la division générale en est arrivée à sa décision, alors je dois maintenant décider ce que je ferai à ce sujet. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou lui renvoyer l’affaire pour réexamenNote de bas de page 13.

[61] Le prestataire m’a demandé de prendre la décisionNote de bas de page 14.

[62] La Commission a suggéré que je pourrais envisager de renvoyer l’affaire à la division générale parce que cette dernière a posé des questions sur l’offre d’emploi du prestataire, mais ne lui a pas donné l’occasion de la produire.

[63] L’offre d’emploi pourrait appuyer l’affirmation du prestataire selon laquelle les conditions de travail étaient inattendues. Toutefois, le prestataire a témoigné que l’offre lui disait peu au-delà du fait qu’il arpenterait des tuyaux enfouis et qu’il devrait marcher sur de longues distances dans toutes sortes de conditions météorologiques.

[64] Je n’ai cependant aucune raison de douter des déclarations du prestataire. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle puisse soumettre l’offre d’emploi.

[65] Je conclus que le dossier est complet. Il existe déjà des preuves sur chaque question que je dois trancher. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

Circonstances pertinentes

[66] J’ai déjà conclu que deux circonstances pertinentes sont étayées par la preuve :

  • Les conditions de travail du prestataire représentaient un danger pour sa santé et sa sécurité (y compris une formation inadéquate en matière de sécurité).
  • Le degré de difficulté et de danger de ses conditions de travail était inattendu.

[67] Lorsque je décide si le départ du prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas, je dois tenir compte des deux circonstances.

Conditions de travail dangereuses

[68] Les préoccupations du prestataire en matière de sécurité comprenaient une préoccupation selon laquelle l’employeur n’avait pas fourni tout l’ÉPI requis. L’employeur n’a pas fourni de radios, même si les fonctions du prestataire l’obligeaient à travailler dans des régions éloignées. De plus, l’employeur n’a pas fourni de détecteurs de gaz. L’emploi du prestataire comprenait un certain risque d’exposition aux gaz. Il lui faudrait travailler autour de chevalets de pompage ou de stations de pompage. L’employeur n’a pas non plus fourni au prestataire de combinaisons ou de bottes de caoutchouc pour garder ses pieds au sec, mais le prestataire lui-même n’a pas considéré ces préoccupations importantes.

[69] Il y avait aussi d’autres dangers attendus de la part d’animaux sauvages ou de chiens agressifs et des dangers causés par le franchissement de clôtures de barbelés. Le prestataire a déclaré que l’employeur ne l’avait pas formé adéquatement pour régler ces problèmes. Son travail l’obligeait aussi à faire de brèves lectures sur une autoroute. L’employeur n’a pas fourni de signaleur pour avertir ou arrêter la circulation pendant ces lectures.

[70] Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait soulevé aucune de ces questions auprès de son employeur. Il n’a pas donné à l’employeur l’occasion de remédier aux préoccupations du prestataire en matière de sécurité ou de les atténuer.

[71] Dans une autre affaire appelée Hernandez, la Cour d’appel fédérale a examiné le cas d’un prestataire qui a quitté son travail en raison de sa crainte de conditions de travail dangereusesNote de bas de page 15. Le prestataire est parti sans discuter de ses conditions de travail ou de la possibilité que l’employeur puisse apporter des changements en réponse à ses préoccupations. La Cour a déclaré qu’il n’y avait aucun élément « permettant de conclure que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas ». Je crois que l’arrêt Hernandez s’applique à la présente affaire.

[72] La division générale a conclu qu’il aurait été raisonnable pour le prestataire de mentionner ses préoccupations en matière de sécurité auprès de son employeur avant de démissionner. Je suis d’accord avec la division générale.

[73] Le prestataire a admis qu’il n’avait pas fait part de ses préoccupations en matière de sécurité à son employeur. Le prestataire a dit qu’il ne pensait pas que l’employeur ferait quoi que ce soit au sujet de ses préoccupations en raison de son peu d’anciennetéNote de bas de page 16 et de ses expériences antérieures avec des employeursNote de bas de page 17. Toutefois, dans les faits il ne le savait pas et il n’a même pas posé de questions.

[74] Le prestataire a dit que les communications étaient difficiles et qu’il pouvait difficilement contacter son employeur. Toutefois, il a pu parler à son superviseur pour lui dire qu’il quittait son emploi, et ce dernier lui a demandé de parler à J., le responsable du site. Il a parlé à J. qui lui a demandé s’il avait besoin d’un congé. Il a répondu que cela ne répondrait pas à ses préoccupations, mais il a admis ne pas les avoir expliquées lorsqu’il a parlé au responsable du siteNote de bas de page 18. Il aurait pu demander à l’un ou l’autre de ces représentants de l’employeur de répondre à ses préoccupations en matière de sécurité ou de les présenter à quelqu’un qui le ferait.

[75] Rien dans la présente affaire ne laisse croire qu’il aurait été déraisonnable pour le prestataire de parler au moins à l’employeur de ses préoccupations en matière de sécurité, y compris l’absence d’ÉPI, les dangers liés au travail dans la circulation et la formation inadéquate en matière de sécurité.

Des conditions de travail dont le degré de difficulté était inattendu

[76] J’ai conclu que la division générale aurait dû tenir compte du fait que le prestataire ne s’attendait pas à certaines des conditions de travail difficiles et dangereuses qu’il a subies. Je vais maintenant examiner comment cette circonstance a influé sur ses solutions de rechange raisonnables.

[77] Le prestataire est âgé de 50 ans. Il a dit que l’employeur n’avait pas exigé de test de condition physique, mais qu’il pensait pouvoir marcher sur une distance d’environ dix kilomètres par jour comme le décrit l’offre d’emploi. Il ignorait qu’il devrait aussi composer avec des obstacles comme des clôtures de barbelés, des ruisseaux et des étangs.

[78] Le prestataire a décrit comment ses conditions de travail étaient plus difficiles en raison de son âge et de sa condition physique. Il a parlé de ses cloques et de son épuisement après le travail, et du fait que tout le monde était tellement plus jeune que lui.

[79] J’admets que les exigences physiques de l’emploi auraient été plus difficiles pour le prestataire que pour une personne qui était jeune et endurcie. Il a peut-être surestimé son endurance. Il a peut-être sous-estimé la difficulté des exigences professionnelles qu’il aurait dû prévoir. Ou il ignorait peut-être certaines des exigences professionnelles particulièrement difficiles auxquelles il se buterait. Je soupçonne qu’il s’agissait d’une combinaison de tous ces éléments.

[80] Il est compréhensible que le prestataire ait regretté rapidement d’avoir accepté l’emploi. Il est également compréhensible qu’il ait quitté un emploi qu’il trouvait trop exigeant physiquement. Toutefois, je conclus que le prestataire aurait pu discuter de ses préoccupations avec son employeur comme solution de rechange raisonnable à son départ.

[81] La Cour d’appel fédérale a examiné des circonstances similaires dans une affaire appelée GreenNote de bas de page 19. Dans cette affaire, l’appelant a quitté un emploi très exigeant physiquement après seulement six jours de travail. Lorsqu’il a démissionné, il a dit à son employeur qu’il était trop vieux pour l’emploi et il a dit à la Commission que l’emploi était trop difficile. Il a par la suite soutenu que l’emploi avait aggravé ses problèmes de genou.

[82] Malgré tout, la Commission avait déclaré que l’appelant avait la solution raisonnable de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi. C’est ce qu’a confirmé le conseil arbitral. Ses conclusions ont été adoptées par le juge-arbitreNote de bas de page 20 et ont finalement été confirmées par la Cour d’appel fédérale. La Cour a confirmé que les problèmes de genou de l’appelant ne signifiaient pas qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner, même s’il avait été conclu qu’il occupait un emploi très exigeant physiquement.

[83] Le prestataire était également nouveau dans son emploi et il a aussi découvert sur-le-champ que ses conditions de travail étaient trop difficiles. Il n’a pas prétendu avoir un problème de genou ni aucun autre problème de santé, mais son âge et son conditionnement physique inadéquat ont rendu le travail plus difficile.

[84] Tout comme dans l’affaire Green, aucune preuve ne laisse croire qu’il aurait été déraisonnable pour le prestataire de parler à l’employeur avant de quitter son emploi. Le prestataire peut croire qu’une telle discussion n’aurait pas été productive et que l’employeur n’aurait aucun intérêt à l’accommoder de quelque façon que ce soit. Néanmoins, il avait au moins l’obligation d’essayer.

[85] De plus, au moins quelques éléments de preuve laissent croire que l’employeur aurait pu être disposé à apporter certains changements. Lorsque le prestataire a parlé à J. de son départ, ce dernier lui a offert quelques jours de congé. Le prestataire a dit que cela ne répondrait pas à ses préoccupations, mais il n’a pas établi quelles étaient ces préoccupations ni examiné ce que l’employeur pouvait faire pour répondre à ses besoins. Il est possible que l’employeur ait offert de l’affecter à d’autres tâches ou à un horaire de travail différent pendant qu’il bâtissait son endurance.

[86] Je comprends que le prestataire ait pu avoir l’impression qu’il ne pouvait pas continuer d’occuper son emploi ne serait-ce qu’un jour de plus. Cependant, son employeur lui a offert un congé. Cela signifie qu’il n’avait pas besoin de démissionner d’urgence. S’il avait accepté l’offre de congé, il aurait eu le temps de parler à l’employeur de ses préoccupations et de chercher une solution à ses difficultés. Il a démontré qu’il pouvait communiquer avec son superviseur et son chef d’équipe. Même s’il ne lui a pas été facile de communiquer avec la personne qui l’a embauché, il savait comment le faire. Il aurait probablement pu découvrir comment communiquer également avec le représentant de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail, s’il l’ignorait.

[87] J’admets que le prestataire avait de bonnes raisons de quitter son emploi. Toutefois, il n’est pas question ici de savoir s’il avait de bonnes raisons. Pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi, il doit démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi, ce qui constitue un critère juridique : Il doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[88] J’ai tenu compte de toutes les circonstances découlant des faits de la présente affaire. J’ai pris en compte le fait que les conditions de travail du prestataire comportaient des risques pour la santé et la sécurité, y compris une formation médiocre ou manquante en matière de sécurité, et qu’il avait d’autres préoccupations découlant de tâches imprévues qui étaient dangereuses et trop difficiles pour le prestataire.

[89] Après avoir tenu compte de ces circonstances, je conclus que dans le cas du prestataire, il y avait d’autres solutions raisonnables. Il aurait pu discuter de ses diverses préoccupations avec son employeur avant de quitter son emploi.

[90] Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi et il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[91] L’appel est rejeté.

[92] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait importante. Toutefois, lorsque je corrige cette erreur, j’obtiens le même résultat.

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