Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1320

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : N. K.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (553054) datée du 21 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 15 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-4221

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’a pas établi une raison acceptable selon la loi) au moment où il l’a fait. L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il avait une solution raisonnable de rechange à son départ, ce qu’il n’a pas tenté d’appliquer. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi de géomètre de pipelines.

[4] Il a énuméré plusieurs raisons pour lesquelles il est parti, mais il affirme que la principale raison était le défaut de son employeur de fournir l’équipement de sécurité nécessaire.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’assurance-emploi à l’appelant, car elle affirme qu’il avait une solution de rechange raisonnable à son départ, qu’il n’a pas exploré. Il aurait pu parler à son employeur du manque d’équipement de sécurité ou déposer une plainte auprès d’un organisme gouvernemental pertinent.

[6] Je dois décider si l’appelant a démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable.

Question en litige

[7] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant a déclaré qu’il avait démissionné et son employeur affirme la même choseNote de bas de page 1. Rien ne prouve le contraire.

Les parties ne conviennent pas que l’appelant avait une justification

[10] Selon la loi, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations s’il a quitté volontairement son emploi et n’était pas fondé à le faireNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que la personne était fondée à poser ce geste.

[11] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Selon la loi, pour que l’appelant soit fondé à quitter son emploi, il devait ne pas avoir d’autre solution raisonnable que de démissionner au moment où il l’a fait.

[12] Il appartient à l’appelant de prouver qu’il avait une justificationNote de bas de page 3. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où il a démissionné.

L’emploi de l’appelant et la raison de son départ

[13] L’appelant a déclaré qu’il avait un emploi de géomètre de pipelines.

[14] Il marchait environ 10 km ou plus par jour, à travers des champs et des broussailles. Il transportait un sac à dos avec de l’équipement GPS et une batterie et utilisait un localisateur pour cartographier l’emplacement des pipelines sous terre.

[15] Le travail était extrêmement exigeant physiquement. L’appelant passait toute la journée à marcher dans des champs, des broussailles et sur un sol inégal, à traverser des ruisseaux, à franchir des clôtures et à traverser des autoroutes en courant, tout en transportant tout l’équipement lourd au milieu de la chaleur estivale extrême.

[16] L’appelant a déclaré que la formation relative à son poste avait été très superficielle. Il n’a jamais vraiment été formé à utiliser l’équipement de localisation, c’était plutôt un scénario d’apprentissage en cours d’emploi. Le conseil qu’il a reçu au sujet des animaux était d’espérer échapper aux morsures ou de faire le mort. Pour traverser une clôture, on lui a dit d’utiliser des cordons élastiques pour tenir les fils ensemble, puis de franchir la clôture, mais de tels cordons ne lui ont jamais été fournis.

[17] Toutefois, la plus grande préoccupation de l’appelant était le manque de mesures de sécurité et d’équipement de sécurité appropriés.

[18] L’appelant affirme qu’au début de chaque journée de travail, ils faisaient une séance d’information sur la sécurité comportant un examen du formulaire d’analyse du risque professionnel (ARP). Dans les faits, cependant, le superviseur lisait brièvement le formulaire sur son ordinateur portable.

[19] Des choses de base ont été mentionnées : surveiller l’endroit où vous marchez, surveiller les animaux, être prudent en franchissant les barbelés, et ainsi de suite.

[20] Le formulaire d’ARP a en fait été envoyé par la poste à l’appelant à la fin de chaque jour de travail. Les deux premiers jours, il ne l’a jamais consulté.

[21] Une fois à l’hôtel, il a décidé d’ouvrir le formulaire d’ARP qui lui avait été envoyé. Lorsqu’il l’a fait, il a constaté que le formulaire énumérait un ensemble d’équipement de sécurité comme des radios et de multiples appareils de surveillance du gaz qu’il devait avoir, mais qui n’avaient jamais été fournis par l’entreprise.

[22] L’appelant affirme, après avoir vu cela, et s’être occupé de l’aspect physique écrasant du travail et de l’absence de mesures de sécurité, comme le simple fait de devoir courir au milieu d’une autoroute pour prendre une lecture plutôt que de disposer d’un quelconque contrôle de la circulation, qu’il a décidé de démissionner.

[23] La Commission affirme que l’appelant a quitté son emploi sans discuter des prétendues conditions de travail dangereuses avec son employeur et sans explorer avec celui-ci la possibilité que la nature ou les conditions du travail puissent être modifiées pour apaiser ses préoccupationsNote de bas de page 4.

[24] L’appelant convient qu’il n’a pas discuté avec son employeur de ses préoccupations concernant le fait de ne pas disposer de l’équipement de sécurité ou le manque de mesures de sécurité. L’appelant affirme qu’il n’est pas certain de savoir avec qui il aurait soulevé les problèmes, car les seules personnes qu’il avait rencontrées en personne étaient son superviseur sur le terrain et J, un gestionnaire de projet qu’il avait rencontré pendant un certain temps lors de sa première journée sur le terrain.

[25] Le prestataire affirme qu’il ne connaissait aucun spécialiste en santé et sécurité au travail à contacter chez son employeur et qu’il ne souhaitait pas lancer les hostilités avec son employeur au sujet de ces questions.

Le prestataire est-il fondé à quitter son emploi?

[26] Je conclus que les problèmes physiques soulevés par l’appelant ne lui donnent pas une justification pour quitter son emploi. Il affirme qu’il savait, à la lumière de l’offre d’emploi et de l’entrevue relative à l’emploi, qu’il travaillerait à l’extérieur et marcherait dans des champs et ailleurs toute la journée. Je conclus que bien qu’il n’ait peut-être pas aimé l’aspect physique du travail (marcher dans les champs, traverser les cours d’eau, franchir des clôtures et faire face à des animaux), il ne s’agissait pas d’éléments inattendus du travail et, en fait, il faut s’attendre à ce qu’il ait accepté ces éléments parce qu’il a accepté l’emploi.

[27] Je conclus en outre que la formation insuffisante ne constitue pas une justification pour que l’appelant quitte son emploi. Je peux comprendre qu’il serait ennuyeux de ne pas avoir reçu une formation complète sur l’utilisation de l’équipement, mais l’appelant apprenait en cours d’emploi et son employeur semblait satisfait de son rendement. En effet, l’appelant n’a jamais mentionné que son employeur le punissait pour son manque de connaissances relatives à l’utilisation de l’équipement.

[28] Toutefois, les problèmes qu’il a soulevés quant au manque d’équipement de sécurité et à son comportement lorsqu’il travaillait sur l’autoroute sont très préoccupants.

[29] L’appelant a raison de dire que le formulaire d’ARP précise que l’équipement de sécurité requis pour son travail comporte un moniteur H2S, une radio et un détecteur 4 gazNote de bas de page 5. Je peux accepter que ces appareils n’aient pas été fournis à l’appelant par l’entreprise, car il a pris des photos de son équipement pour montrer à ses amis ce qu’il transportait et qu’aucun de ces appareils n’apparaît sur les photosNote de bas de page 6.

[30] Je suis d’accord avec l’appelant pour affirmer qu’il est préoccupant que son employeur le fasse courir au milieu de l’autoroute pour prendre une lecture sans signalisation ni contrôle de la circulation.

[31] Je conclus que les conditions de travail suivantes constituaient un danger pour la santé et la sécurité de l’appelant : il n’a pas reçu l’équipement de sécurité que son employeur a déclaré nécessaire pour l’emploi dans le formulaire d’ARP et on lui a demandé d’effectuer des lectures au milieu d’une circulation non contrôlée.

[32] Toutefois, je ne peux conclure qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il avait une solution de rechange raisonnable à son départ qu’il n’a pas explorée. Cette solution raisonnable consistait à soulever ces questions auprès de son employeur.

[33] J’estime qu’il était raisonnable pour lui de soulever ces questions auprès de son employeur, soit par l’entremise de son superviseur sur le terrain, soit du gestionnaire de projet (J) qu’il a rencontré le premier jourNote de bas de page 7, soit, comme il avait son téléphone cellulaire avec lui, en envoyant un courriel ou un message texte au gestionnaire qui l’a embauché, soit en envoyant un courriel ou un message texte à l’autre gestionnaire de projet avec lequel il avait affaire pendant son orientationNote de bas de page 8.

[34] Je note que l’appelant a déclaré que lorsqu’il a dit à son superviseur qu’il quittait son emploi, ce dernier lui a demandé de parler à J, ce qui montre en outre qu’il était, à tout le moins, en mesure de parler à son superviseur et à J des problèmes qu’il avait causés en ne recevant pas l’équipement de sécurité mentionné dans l’ARP et de la façon dont le travail sur la route était géré.

[35] Il se peut très bien que son employeur ait ignoré les questions qu’il a soulevées, mais on ne peut le savoir avec certitude, puisque l’appelant n’a jamais soulevé ces questions auprès de lui.

[36] Je tiens à souligner que la Cour d’appel fédérale a déclaré que, dans des conditions de travail dangereuses, le fait pour un appelant de soulever des préoccupations au sujet de ces conditions de travail auprès de l’employeur constitue une solution raisonnableNote de bas de page 9.

[37] Comme j’ai conclu, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelant avait une solution raisonnable autre que de démissionner, une solution qu’il n’a pas explorée, cela signifie qu’il n’est pas fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 10.

Conclusion

[38] L’appel est rejeté.

[39] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait une justification pour démissionner. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations, c’est-à-dire qu’il ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi.

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