Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1298

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : G. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (507688) datée du 15 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jillian Evans
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience  : Le 17 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-22-4172

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je suis en désaccord avec l’appelant. Il est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il a été suspendu de son emploi pour inconduite.

Aperçu

[2] L’emploi de l’appelant, G. M., a pris fin en mars 2022.

[3] Son employeur a instauré une politique exigeant que tout le personnel reçoive la vaccination contre la COVID-19 comme condition de son emploi, sauf si l’employeur établit que le personnel a besoin d’une mesure d’adaptation en raison d’une contre-indication médicale, de croyances religieuses ou de tout autre motif de discrimination interdit.

[4] La demande de mesures d’adaptation de l’appelant a été refusée. Lorsqu’il ne s’est pas fait vacciner comme l’exige la politique, il a été mis en congé sans solde.

[5] La Commission a décidé que G. M. avait été suspendu de son emploi pour avoir enfreint intentionnellement l’une des politiques de son employeur. La Commission a conclu que cela constituait une inconduite. Elle a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raison.

[6] L’appelant conteste le fait qu’il a été suspendu pour inconduite. Il affirme s’être fait imposer un lock-out dans le cadre d’un conflit collectif et que rien de son comportement ne correspond à la définition de l’inconduite.

[7] Mon travail consiste à décider si l’appelant a été suspendu ou non et, dans l’affirmative, s’il a été suspendu ou non pour inconduite.

Question que je dois examiner en premier

[8] G. M. a demandé la permission d’enregistrer son audience sur vidéo. Il a indiqué qu’il voulait avoir un compte rendu exact et complet de la façon dont l’audience a été menée et des propos tenus pendant celle-ci.

[9] J’ai examiné sa demande. Le Tribunal de la sécurité sociale suit le principe de la publicité des débats judiciaires. Ce principe revêt de l’importance dans le système de justice canadien et favorise l’accès des parties, des médias et du public aux tribunaux judiciaires et administratifs et aux autres instances. Les membres du public et les médias sont autorisés à assister aux audiences du Tribunal et à les observer.

[10] Toutes les audiences devant le Tribunal sont enregistrées sur support audio et cet enregistrement fait partie du dossier d’appel.

[11] Ni le Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 1 ni les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 2 ne fournissent de directives précises sur la question de savoir si les parties, les médias ou les membres du public sont autorisés ou non à préparer leurs enregistrements personnels d’une audience. Je suis donc autorisé à exercer mon propre pouvoir discrétionnaire pour statuer sur cette demande.     

[12] J’ai rejeté la demande de G. M. d’enregistrer son audience sur vidéo. Cette décision est conforme aux procédures de la plupart des autres tribunaux canadiens, où la diffusion ou l’enregistrement d’instances est interdit sans demande préalable ou permission spéciale.

[13] Le fait de refuser à l’appelant son propre enregistrement de l’audience ne lui porte aucunement préjudice. Il a reçu une copie de l’enregistrement audio de l’instance par le Tribunal pour pouvoir disposer d’un dossier exact et complet des propos tenus au cours de l’instance. Il obtient ainsi le compte rendu souhaité desdits propos.

Questions en litige

[14] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 3. C’est le cas, que vous soyez congédié ou suspenduNote de bas page 4.

[15] Je dois décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher trois éléments.

  1. Premièrement, je dois déterminer la raison pour laquelle G. M. a cessé son emploi.
  2. Je dois ensuite établir la nature de cette cessation : l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi ou a-t-il été mis en lock-out par son employeur?
  3. Si je conclus que l’appelant a été suspendu, je dois établir si la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) considère ce motif comme une inconduite.

Analyse

Question en litige no 1 – Pourquoi l’appelant a-t-il cessé son emploi?

[16] L’appelant a cessé son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[17] La Commission et l’appelant s’entendent sur le motif de cessation d’emploi.

[18] L’appelant affirme qu’il a été mis en lock-out pendant un conflit collectif avec son employeur. Il affirme que le différend est survenu lorsqu’on lui a refusé une exemption de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur et que son employeur l’a forcé à prendre un congé sans solde de son emploi.

[19] L’appelant affirme avoir été exclu de son lieu de travail sans solde parce qu’il n’a pas reçu les vaccins exigés par la politique de vaccination de son employeur.

[20] La Commission affirme également que l’appelant a cessé son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. Elle indique que l’employeur de l’appelant a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire, a finalement décidé que l’appelant ne se conformait pas à cette politique et que l’appelant a été empêché de travailler parce qu’il ne s’était pas conformé à cette politique.

[21] La Commission affirme qu’il existe un lien de causalité clair entre le non-respect de la politique par l’appelant et son employeur qui met fin à son emploi.

[22] Les deux parties conviennent que G. M. a cessé son emploi parce qu’il n’a pas fourni la preuve qu’il avait reçu les vaccins requis par la politique de son employeur. Je ne vois aucune preuve du contraire. Je conclus donc que c’est la raison pour laquelle il a cessé son emploi.

Question en litige no 2 – L’appelant a-t-il été mis en lock-out ou a-t-il été suspendu de son emploi?

[23] L’appelant a été suspendu de son emploi par son employeur.

[24] La Commission a décidé que G. M. était suspendu de son emploi. Elle affirme que lorsqu’un employé est « mis en congé sans solde par l’employeur »Note de bas page 5, cela équivaut à une suspension.

[25] G. M. nie avoir été suspendu de son emploi. Il affirme que la preuve démontre que les circonstances de sa cessation d’emploi correspondent à la définition d’un conflit collectif : il s’agissait d’un employé qui n’était pas d’accord avec son employeur au sujet d’une condition qui avait été imposée à son emploi.

[26] L’appelant soutient que ces événements correspondent à la définition d’un conflit collectif et que la décision de son employeur de l’obliger à prendre un congé sans solde de son emploi pendant un tel conflit répond à la définition d’un lock-out et non d’une suspension.

[27] La Loi définit un « conflit collectif » comme un « [c]onflit, entre employeurs et employés ou entre employés, qui se rattache à l’emploi ou aux modalités d’emploi de certaines personnes ou au fait qu’elles ne sont pas employées »Note de bas page 6.

[28] La Loi n’indique pas si un conflit collectif peut exister entre un seul employé et son employeur, ce qui est le cas dans la présente affaire.

[29] Bien qu’il ne lie pas le Tribunal, le Guide de la détermination de l’admissibilité (Guide) peut fournir des conseils.

[30] Le Guide confirme que la définition que donne la Loi d’un conflit collectif est large – tout conflit entre employeurs et employés qui se rattache aux modalités d’emploiNote de bas page 7. Toutefois, le Guide précise également que pour qu’un désaccord entre un employé et un employeur constitue un conflit collectif, le conflit doit concerner plusieurs employés :« L’idée réelle de conflit collectif sous-entend que les actions des employés sont coordonnées, même si un nombre très restreint d’employés, comme un seul groupe ou une seule catégorie de travailleurs, est réellement impliqué. Cela ne serait pas le cas d’une mésentente entre un employeur et un seul de ses employés, à moins que cette mésentente n’attire d’autres employés qui appuieraient la position prise par cet employé »Note de bas page 8.

[31] La Cour fédérale a également examiné cette question et a confirmé qu’un conflit collectif, par définition, concerne un groupeNote de bas page 9.

[32] Je conclus que le conflit de G. M. avec son employeur au sujet de la nécessité ou non de se conformer à la politique de vaccination n’était pas un conflit collectif.

[33] L’appelant affirme que les circonstances et la façon dont son employeur l’a empêché de travailler correspondent à un lock-out. Il contestait une condition de son emploi et il était au cœur d’un désaccord continu avec son employeur au sujet de cette exigence en milieu de travail. En outre, son employeur a répondu en désactivant son laissez-passer de sécurité, en retirant son accès à ses systèmes informatiques de travail et en lui ordonnant de retourner son ordinateur et d’autres articles appartenant à l’employeur.

[34] Son employeur l’a empêché de travailler à la suite du conflit qui les opposait. L’appelant affirme que l’« arrêt de travail » imposé par son employeur constitue  un lock-out.

[35] Ni la Loi ni le Règlement ne définissent le terme « lock-out ».

[36] Encore une fois, cependant, le Guide peut fournir une orientation. Le Guide précise que les lock-out surviennent pendant les conflits collectifs. « La grève et le lock-out constituent des moyens de pression disponibles respectivement pour les employés et l’employeur [pendant les conflits collectifs]. Ces moyens ne représentent pas eux-mêmes un conflit; ils en sont le résultat »Note de bas page 10.

[37] Compte tenu de ma conclusion selon laquelle le désaccord de G. M. avec son employeur ne constituait pas un conflit collectif, je conclus que les circonstances de la cessation d’emploi de l’appelant correspondent davantage à une suspension qu’à un lock-outNote de bas page 11.

[38] Il a été suspendu de son emploi.

Question en litige no 3 – L’appelant a-t-il été suspendu pour inconduite?

[39] Ayant conclu que l’appelant a été suspendu de son emploi par son employeur, je dois maintenant décider si le motif de sa suspension équivaut à une inconduite au sens de la Loi.

[40] Je conclus que le refus de l’appelant de se conformer aux exigences de son employeur en matière de vaccination contre la COVID-19 constitue une inconduite au sens de la Loi.

[41] La Loi ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous montre comment décider si les actes de l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi. La loi énonce le critère juridique en matière d’inconduite. Dans certaines circonstances, par exemple, le terme « inconduite » désigne la violation par l’employé d’une règle d’emploi.

[42] Lorsque la Commission estime qu’un travailleur qui demande des prestations a commis une inconduite, elle assume le fardeau de la preuve. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Dans le cas de G. M., cela signifie qu’il incombe à la Commission de démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il ait été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas page 12.

[43] Je dois me concentrer sur ce que G. M. a fait ou non et sur la question de savoir si sa conduite constitue une inconduite au sens de la Loi. Je ne peux pas prendre ma décision en me basant sur d’autres lois, comme celles qui pourraient régir la relation entre G. M. et son employeur.

[44] Je ne peux pas décider, par exemple, si un travailleur a été suspendu à tort en vertu du droit du travail : la Cour fédérale a indiqué clairement que le Tribunal ne possède pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur était équitable ou si la suspension ou le congédiement d’un employé en vertu de cette politique était justifié ou raisonnableNote de bas page 13.

[45] De même, je ne suis pas autorisée à analyser un contrat de travail ni à interpréter une convention collectiveNote de bas page 14. Je ne peux pas décider si l’employeur avait l’obligation légale en vertu du droit du travail de prendre des mesures d’adaptation pour G. M. La Cour fédérale a déclaré que les travailleurs avaient d’autres recours juridiques pour contester la conduite d’un employeur ou pour contester la légalité de ce que l’employeur a fait ou n’a pas fait.

[46] La compétence du Tribunal se limite à la Loi. L’assurance-emploi est un régime d’assurance. À l’instar des autres polices d’assurance, les travailleurs qui souhaitent toucher des prestations en vertu de ce régime doivent satisfaire aux conditions précisées dudit régimeNote de bas page 15.

[47] Le rôle du Tribunal consiste à établir si un travailleur – la personne qui demande le paiement des prestations en vertu de la police d’assurance – remplit les conditions requises. Je dois donc me concentrer sur le comportement et les actions de G. M. et décider si ces comportements respectent ou non les conditions de la politiqueNote de bas page 16.

[48] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, le comportement de l’appelant doit être délibéré. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 17.

[49] L’appelant n’a pas à avoir une intention fautive. G. M. n’a pas à vouloir faire quelque chose d’illégal, de dangereux ou de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas page 18.

[50] En outre, selon la jurisprudence, il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas page 19.

[51] L’appelant et la Commission sont en grande partie d’accord au sujet de la chronologie des événements qui ont mené à la cessation d’emploi de G. M. J’ai examiné le dossier (y compris les déclarations écrites et les pièces jointes de l’appelant, le contenu du dossier de la Commission et la preuve que G. M. a présentée à son audience). J’estime que la preuve démontre ceci :

  1. L’employeur a mis en œuvre une politique sur la COVID-19 et l’a communiquée à tout le personnel touché (y compris l’appelant).
  2. Selon la politique, tous les membres du personnel devaient attester avoir reçu une série complète de vaccins contre la COVID, à moins qu’une mesure d’adaptation leur soit accordée en raison d’une contre-indication médicale certifiée, d’une religion ou de tout autre motif de distinction illiciteNote de bas page 20.
  3. La politique prévoyait que les gestionnaires étaient responsables de prendre des décisions sur la question de savoir si l’employeur avait ou non l’obligation d’accepter la demande de mesures d’adaptation d’un employéNote de bas page 21.
  4. La politique s’appliquait à tout le personnel, qu’il travaille sur place, à distance ou en télétravailNote de bas page 22.
  5. La politique indiquait que les employés qui ne s’y conformaient pas seraient placés en congé administratif sans solde et que leur accès au lieu de travail serait restreintNote de bas page 23.
  6. L’appelant a demandé une mesure d’adaptation et a fourni à son employeur un affidavit sous serment attestant sa croyance religieuse sincère qui lui interdisait de recevoir des vaccins contre la COVID-19Note de bas page 24.
  7. L’employeur a informé G. M. que sa demande de mesures d’adaptation avait été refuséeNote de bas page 25.
  8. L’appelant n’était pas d’accord avec cette décision de son employeur, mais on lui a dit que la décision était définitiveNote de bas page 26.
  9. G. M. a été informé par écrit que s’il ne se conformait pas à la politique d’ici le 11 mars 2022, il serait mis en congé administratif sans soldeNote de bas page 27.
  10. Le 11 mars 2022 était le dernier jour de travail de l’appelantNote de bas page 28.

[52] La Commission affirme que cette preuve démontre que l’appelant s’est livré à une inconduite : il a sciemment refusé de suivre la politique de son employeur concernant la vaccination contre la COVID-19 et il savait que s’il ne respectait pas la politique, il y avait de véritables chances qu’il soit mis en congé.

[53] Il a quand même choisi de ne pas se conformer à la politique.

[54] La Commission affirme que cela répond à la définition d’inconduite au sens de la Loi.

[55] L’appelant soutient que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que ses comportements constituent de l’inconduite.

[56] L’appelant a soulevé un certain nombre de préoccupations au sujet de ce qu’il affirme être des lacunes et des inexactitudes dans l’enquête de la Commission sur sa demande. L’appelant affirme que la Commission a manqué à son obligation d’enquêter et de soupeser la preuve à sa disposition de façon juste et impartiale. Il affirme que la loi exige que la Commission procède à un exercice rigoureux et équitable de recherche des faits avant d’établir qu’un prestataire qui demande des prestations s’est livré à une inconduite.

[57] L’appelant a présenté la preuve suivante du défaut de la Commission d’enquêter pleinement et équitablement sur sa demande :

  1. Il affirme que la Commission a agi de concert avec son employeur pour modifier indûment son relevé d’emploi une fois que l’enquête sur sa demande de prestations était déjà en coursNote de bas page 29.
  2. Il affirme que l’agent des prestations qui lui a posé des questions sur le motif de sa cessation d’emploi n’a pas communiqué avec l’employeur pour obtenir des précisions ou le contexte avant de prendre sa décision.
  3. L’appelant affirme que l’agent des prestations a omis de ses notes des renseignements censés étayer les conversations avec G. M.
  4. G. M. affirme également que l’agent des prestations a refusé d’accepter des documents pertinents de sa part (soit une copie de son affidavit établi sous serment et des renseignements sur le grief qu’il avait déposé).
  5. L’appelant affirme que l’agent des prestations a mal consigné ses conversations avec lui, a noté à tort qu’il refusait de discuter des raisons de sa non-vaccination et a inventé des choses qu’il n’avait pas dites au sujet des tests médicaux sur les fœtus.

[58] L’appelant affirme que tous ces éléments démontrent que la Commission ne s’est pas acquittée de son devoir d’agir de bonne foi envers lui en tant que prestataire. Il soutient que, compte tenu de ce processus injuste, la Commission a considéré sa demande de mauvaise foi et que l’on ne peut pas dire qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[59] L’appelant prétend en outre que même dans le dossier soumis à la Commission, la preuve n’étaye pas la conclusion selon laquelle « il savait ou aurait dû savoir que sa conduite était telle qu’elle nuisait à l’exécution des tâches qu’il devait accomplir pour son employeur et que, par conséquent, le congédiement était une réelle possibilité »Note de bas page 30.

[60] G. M. affirme que les exigences en matière de vaccination énoncées dans la politique ne faisaient pas partie de sa convention collective. Selon lui, la politique ne devrait pas être considérée comme une condition d’emploi implicite parce qu’elle n’avait pas été négociée dans le cadre de la convention collectiveNote de bas page 31.

[61] L’appelant soutient également que la politique de l’employeur équivaut à de la coercition et viole son droit au consentement médicalNote de bas page 32.

[62] Enfin, l’appelant soutient qu’il a travaillé à distance et que son défaut de se conformer à la politique de l’employeur ne nuisait pas à sa capacité d’exercer les fonctions de son emploi. Il affirme également qu’il a fait tout ce qu’il pouvait, de bonne foi, pour tenter de régler le conflit avec son employeur et qu’il n’aurait donc pas pu s’attendre à une cessation d’emploi dans ces circonstances.

[63] Il fait valoir que ses comportements de bonne foi ne peuvent être qualifiés d’inconduites.

Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite

[64] Compte tenu de la preuve, je conclus que la Commission a établi que le comportement de G. M. constituait une inconduite. La preuve démontre ce qui suit :

  1. il était au courant de la politique de vaccination;
  2. il savait qu’il pourrait être mis en congé involontaire de son emploi s’il ne respectait pas la politiqueNote de bas page 33;
  3. il savait que si sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux était refusée, il contreviendrait à la politiqueNote de bas page 34;
  4. il a pris une décision intentionnelle et personnelle de ne pas se faire vacciner;
  5. il a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique sur les vaccins.

[65] En ce qui concerne les observations de l’appelant selon lesquelles la Commission n’a pas cherché – et n’aurait donc pas pu avoir – tous les renseignements pertinents au moment où elle a rendu sa décision, j’ai tenu compte de toutes les allégations de l’appelant concernant des modifications inappropriées et des dossiers inexacts.

[66] Même si j’acceptais la véracité de toutes les allégations de l’appelant, je conclus que la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. L’appelant a sciemment adopté un comportement dont il aurait raisonnablement dû savoir qu’il entraînerait sa cessation d’emploi.

[67] Comme je l’ai expliqué plus haut, je n’ai pas compétence pour décider si la politique de l’employeur était juste ou raisonnable. Je n’ai pas le pouvoir de rendre des décisions en vertu du Code canadien du travail ni d’évaluer si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation pour l’employé. Je me limite à interpréter et à appliquer la Loi. Je ne peux fonder ma décision sur d’autres lois.

[68] Les tribunaux ont déclaré que les employés qui croient avoir été suspendus à tort de leur emploi ou victimes de discrimination de la part de leur employeur ont d’autres options à leur disposition et peuvent intenter des poursuites contre leur employeur devant d’autres instances. Les employés syndiqués ont le droit de déposer des griefs. Les travailleurs peuvent déposer des plaintes auprès des commissions provinciales ou fédérales des droits de la personne ou intenter des poursuites civiles pour congédiement injustifié.

[69] Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement du régime d’assurance‑emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas page 35.

[70] Je conclus également que les affaires Hopp c Lepp et Malette c Shulman ne s’appliquent pas à cette situation. Ces deux décisions concernent des patients qui ont été soumis à des procédures médicales sans consentement éclairé suffisant ou sans aucun consentement. Les tribunaux ont conclu qu’ils étaient soumis à une batterie médicale.

[71] G. M. n’a subi aucune intervention médicale de force. Il a eu le choix de se soumettre ou non à une intervention médicale (vaccination contre la COVID-19) et a pris une décision éclairée de ne pas recevoir les vaccins. Son autonomie médicale n’a pas été bafouée.

[72] Je ne suis pas non plus convaincue par la décision du Tribunal dans AL c CAEC. Je n’ai pas à suivre d’autres décisions du Tribunal. Je peux compter sur elles pour me guider là où je les trouve utiles, mais je ne suis pas tenue d’adopter leur raisonnement ou leurs constatations.

[73] Je ne suis pas d’accord avec l’analyse et l’application de la loi par mon collègue dans la décision AL c CAEC. Quand l’employeur de l’appelant a fait de sa politique sur la vaccination contre la COVID-19 une exigence pour l’ensemble de ses employés, celle-ci est devenue une condition d’emploi expresse pour G. M. Et la loi indique clairement qu’une violation voulue de la politique d’un employeur peut être considérée comme une inconduite au sens de la loiNote de bas page 36.

[74] Dans la décision Cecchetto c Canada, la Cour fédérale a récemment confirmé que le Tribunal n’est pas autorisé à évaluer la légitimité ou la validité scientifique de la politique d’un employeur ni à décider si la sanction imposée par l’employeur en vertu de cette politique était appropriéeNote de bas page 37. Il se limite à décider si la politique a été violée ou non et si les circonstances de cette violation constituent une inconduite.

[75] Dans l’affaire Cecchetto, un travailleur faisant appel de son refus de l’assurance-emploi devant la Cour fédérale a soulevé un certain nombre d’arguments similaires à ceux de G. M. Il avait lui aussi subi une cessation d’emploi pour avoir refusé de recevoir des vaccins contre la COVID-19.

[76] Tout comme G. M., il a soutenu que la politique de son lieu de travail violait son droit à l’intégrité corporelle et se révélait discriminatoire à l’égard des travailleurs qui avaient certaines croyances. En outre, il a fait valoir que son caractère sûr et efficace n’était pas prouvé scientifiquement.

[77] Sa demande de prestations avait été rejetée par la Commission et ce refus a été confirmé par le Tribunal. Il a demandé un contrôle judiciaire de la décision du Tribunal à la Cour fédérale.

[78] La Cour fédérale a confirmé que le Tribunal n’était autorisé à examiner et à appliquer que la Loi.

[Traduction]

[32] Bien que le demandeur soit manifestement frustré qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques –, cela ne rend pas déraisonnable la décision du Tribunal. Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loi.

[…]

[47] La DG du TSS et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. Dans cette affaire, ce rôle consistait à établir pour quel motif le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite ». C’est exactement ce qu’ils ont fait, et le demandeur n’a présenté aucun argument juridique ou factuel qui me convainc que la décision de la division d’appel est déraisonnableNote de bas page 38.

[79] J’ai appliqué la Loi et la jurisprudence aux actions de l’employé afin de décider s’il satisfait aux conditions requises pour une demande en vertu de ce régime d’assurance, comme je suis tenue de le faire.

[80] Dans ce contexte, je conclus que la décision consciente de l’appelant de ne pas se conformer à la politique claire de vaccination de son employeur répond à la définition d’inconduite.

Conclusion

[81] L’appel est rejeté.

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