Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1304

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : B. K.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 juin 2023
(GE-23-529)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 28 septembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-757

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’interjeter appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, B. K. (la prestataire), demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La division générale a rejeté l’appel de la prestataire.

[3] La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a prouvé que la prestataire était suspendue de son emploi en raison de son inconduite. En d’autres termes, elle a conclu qu’elle avait fait quelque chose qui avait mené à sa suspension. La division générale a conclu que la prestataire ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur.

[4] En conséquence de son inconduite, la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[5] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure, de droit et de fait. Elle nie avoir commis une quelconque inconduite.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendable en droitNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, cela met fin à l’affaireNote de bas de page 2.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. (a) Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite?
  2. (b) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure ou de fait en négligeant certains éléments de preuve?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission d’interjeter appel

[9] La division d’appel doit accorder la permission d’interjeter appel, à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès si la division générale a pu commettre une erreur de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 3.

[10] Dans le cas d’erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle est saisie.

Peut-on soutenir que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite?

[11] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété la signification de l’inconduite. Elle nie avoir commis une quelconque inconduite. Elle affirme que l’inconduite ne survient que 1) si la conduite est délibérée et 2) si un prestataire manque à ses obligations envers son employeur. Elle prétend qu’il n’y a pas d’inconduite si un prestataire a droit à une mesure d’adaptation ou à une exemption de ses fonctions.

[12] Au paragraphe 16, la division générale a conclu que pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’intention fautive n’est pas requise.

[13] Au paragraphe 17, la division générale a conclu que pour qu’il y ait inconduite, un appelant doit ou devrait savoir que sa conduite pourrait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu.

La prestataire nie le caractère délibéré de sa conduite

[14] La prestataire nie toute inconduite. Elle affirme en effet qu’elle n’avait aucun contrôle sur la décision de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Elle affirme avoir été [traduction] « soumise à des objections morales »Note de bas de page 4. La prestataire s’est opposée à la politique de vaccination de son employeur en raison de ses croyances religieuses. Elle a constaté qu’elle ne pouvait pas aller à l’encontre de ces croyances.

[15] La prestataire n’est pas en désaccord avec la définition d’inconduite énoncée par la division générale. L’inconduite suppose une conduite délibérée. Cependant, elle n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a appliqué la définition d’inconduite aux faits de son affaire.

[16] Dans une affaire appelée Quadir, la Cour d’appel fédérale a décidé que « l’application des principes établis aux faits est une question mixte de fait et de droit, et ne constitue pas une erreur de droit. Par conséquent, la division d’appel n’avait pas compétence pour modifier la décision de la division générale »Note de bas de page 5. La Cour d’appel a confirmé ce principe dans la décision GarveyNote de bas de page 6, mais elle a précisé que, lorsqu’une erreur mixte de fait et de droit révèle une erreur de droit isolable, la division d’appel peut intervenir.

[17] L’argument de la prestataire selon lequel sa conduite n’était pas délibérée ne révèle pas une erreur de droit isolable. L’appel n’a donc pas de chance raisonnable de succès sur ce point.

[18] Outre ce facteur, lorsqu’il s’agit d’évaluer s’il y a eu inconduite, la Loi sur l’assurance-emploi ne tient pas compte des raisons d’un manquement d’un prestataire. Or, c’est essentiellement ce que la prestataire demande à la division d’appel de faire.

La prestataire affirme qu’elle s’est acquittée de toutes ses obligations

[19] La prestataire nie toute inconduite. Elle affirme qu’elle s’est acquittée de toutes les obligations qu’elle avait envers son employeur.

[20] La division générale a conclu que la prestataire était tenue de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que la prestataire avait manqué à cette obligation. Elle a donc conclu qu’il y avait inconduite.

[21] Je comprends que la prestataire peut laisser entendre que l’obligation expresse ou implicite doit découler du contrat de travail. Elle peut se fonder sur une affaire appelée LemireNote de bas de page 7dans laquelle la Cour d’appel fédérale a écrit :

[14] Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail : Canada (Procureur général) c Brissette, 1993 CanLII 3020 (CAF) [1994] 1 C. F. 684 (C.A.) au para 14; Canada (Procureur général) c Cartier, 2001 CAF 274, 284 N.R. 172 au para 12; Canada (Procureur général) c Nguyen, 2001 CAF 348, 284 N. R. 260 au para 5.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[22] Toutefois, il est maintenant bien établi que la politique d’un employeur n’a pas à faire partie du contrat de travail pour qu’il y ait inconduite :

  • Dans l’affaire KukNote de bas de page 8, M. Kuk a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient pas à faire partie du contrat de travail de M. Kuk. Il y avait inconduite dans cette affaire parce que M. Kuk a sciemment omis de respecter la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas.
  • Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 9, l’appelante avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a été vue en état d’ébriété publiquement dans la réserve où elle travaillait. L’employeur a considéré qu’il s’agissait d’une violation de son interdiction de consommer de l’alcool. Mme Nelson a nié que l’interdiction de consommer de l’alcool de son employeur faisait partie des exigences de son emploi prévues dans son contrat de travail écrit, ou que sa consommation d’alcool se reflétait dans son rendement au travail. La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il n’était pas pertinent que la politique de l’employeur contre la consommation d’alcool ne fasse pas partie de son contrat de travail. Elle a conclu que Mme Nelson avait commis une inconduite.
  • Dans l’affaire NguyenNote de bas de page 10, la Cour d’appel a conclu que l’employeur avait une politique sur le harcèlement qui ne décrivait pas le comportement de M. Nguyen et qui ne faisait pas partie du contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel a conclu que M. Nguyen avait commis une inconduite lorsqu’il a harcelé un collègue de travail au casino où ils travaillaient.
  • Dans une autre affaire, appelée KareliaNote de bas de page 11, l’employeur a imposé de nouvelles conditions à M. Karelia. Il était toujours absent du travail. Ces nouvelles conditions ne faisaient pas partie du contrat de travail. Malgré tout, la Cour d’appel a décidé que M. Karelia devait s’y conformer — même s’il s’agissait de nouvelles conditions — sans quoi il y avait inconduite.

[23] Donc, contrairement à ce que la prestataire laisse entendre, les obligations découlant de la politique de vaccination de son employeur n’avaient pas à faire partie de son contrat de travail.

[24] Comme les tribunaux l’ont toujours déclaré, le critère de l’inconduite est très limité et précis. Il s’agit d’évaluer si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte), contrairement à ses obligations professionnellesNote de bas de page 12.

[25] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de droit selon laquelle pour qu’une inconduite survienne, il doit y avoir manquement à une obligation en vertu du contrat de travail. 

La prestataire a demandé une mesure d’adaptation pour un motif religieux

[26] La prestataire nie qu’il y ait eu inconduite parce qu’elle affirme qu’elle avait droit à une mesure d’adaptation pour un motif religieux. Si elle avait bénéficié d’une mesure d’adaptation de son employeur, elle n’aurait pas contrevenu à la politique de vaccination de son employeur et elle n’aurait pas fait l’objet d’une suspension. 

[27] Toutefois, comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans une affaire appelée MishibinijimaNote de bas de page 13, le manque de mesures d’adaptation d’un employeur n’est pas pertinent en ce qui concerne la question de l’inconduite. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle n’a pas abordé la question de savoir si le prestataire aurait dû avoir droit à une mesure d’adaptation pour motif religieux.

[28] Je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de droit sur ce point.

Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure ou de fait en négligeant certains éléments de preuve?

[29] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de procédure et de fait en négligeant certains éléments de preuve. Elle affirme qu’elle a témoigné au sujet du document intitulé « Congregation for the Doctrine of the Faith » à l’audience devant la division générale. Elle soutient que si la division générale avait examiné ce document, elle aurait accepté qu’elle eût des objections religieuses légitimes à l’égard de la politique de vaccination de son employeur. Elle dit qu’elle avait un devoir moral d’éviter de se faire vacciner. Elle affirme qu’elle aurait dû être exemptée de la politique.

[30] La prestataire soutient également que la division générale n’a pas tenu compte du manque de transparence de son employeur en réponse à sa demande de mesure d’adaptation pour motif religieux. Elle affirme qu’en raison du manque de transparence, elle a pu difficilement répondre à toutes les questions concernant sa demande de mesure d’adaptation. Elle prétend que le manque de transparence de son employeur a directement mené à la suspension. Si son employeur avait fait preuve de transparence, elle affirme qu’elle aurait été en mesure de répondre et d’obtenir la mesure d’adaptation qu’elle cherchait à obtenir.

[31] Les erreurs de procédure concernent des questions de procédure, par exemple la question de savoir si le Tribunal de la sécurité sociale ou la division générale aurait pu omettre de communiquer des documents aux parties ou si elle n’a pas donné un avis adéquat d’audience. La prestataire n’allègue pas une erreur de cette nature.

[32] Le document proprement dit n’a pas été soumis en preuve devant la division générale. Outre ces éléments, un décideur n’a pas à se reporter à l’ensemble de la preuve dont elle dispose. On présume généralement qu’il a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Un décideur doit discuter des éléments de preuve si importants qu’ils pourraient avoir une incidence sur le résultat. Or, ce n’était pas le cas dans la présente affaire.

[33] La prestataire avait des objections religieuses à la politique de vaccination de son employeur. Elle était guidée et se sentait liée par sa foi sur la question de savoir si elle devait se conformer à la politique. Cependant, les raisons de sa non-conformité n’étaient pas importantes pour la question de l’inconduite.

[34] Comme les tribunaux l’ont toujours déclaré, le critère de l’inconduite est très limité et précis. Il s’agit d’évaluer si un prestataire a intentionnellement commis un acte (ou a omis de commettre un acte), contrairement à ses obligations professionnellesNote de bas de page 14. Elle ne tient pas compte des raisons pour lesquelles un prestataire refuse de se conformer à la politique d’un employeur.

[35] Comme le témoignage de la prestataire au sujet de ses préoccupations religieuses et du manque de transparence de son employeur n’était pas pertinent en ce qui concerne l’inconduite, je ne suis pas convaincue qu’elle puisse soutenir que la division générale a négligé cette preuve.

Conclusion

[36] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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