Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : XS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1137

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Parties demanderesse : X. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 4 mai 2023 (GE-22-2634)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 21 août 2023
Numéro de dossier : AD-23-581

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] La demanderesse, X. S. (prestataire), a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeuse. La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi est considérée comme une inconduite. Elle a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations.

[4] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Celle‑ci a rejeté l’appel. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de l’employeuse. Elle a décidé que cette raison est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[5] La prestataire veut maintenant porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a fait des erreurs de droit et de compétence et qu’elle a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. Elle doit cependant obtenir la permission de faire appel pour que son dossier aille de l’avant.

[6] Je dois décider si la division générale a fait une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit en se fondant sur une décision de jurisprudence non pertinente?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas respecté le Guide de la détermination de l’admissibilité?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle a mal énoncé le critère juridique de l’inconduite?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas vérifié si le congé de la prestataire était justifié?
  5. e) Est-il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence parce qu’elle n’a pas interprété le contrat de travail de la prestataire?
  6. f) Est-il possible de soutenir que la division générale a ignoré les éléments de preuve présentés par la prestataire?

Je refuse la permission de faire appel

[8] Dans le cadre d’une demande de permission de faire appel, le critère juridique que la prestataire doit remplir est peu rigoureux : y a-t-il un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance de succèsNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis demandé si la division générale avait peut-être fait une ou plusieurs des erreurs pertinentes (appelées « moyens d’appel ») qui figurent dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. En fait, il faut plutôt que je décide :

  1. a) si la procédure de la division générale était inéquitable;
  2. b) si la division générale a oublié de trancher une question alors qu’elle aurait dû le faire ou si elle a tranché une question alors qu’elle n’aurait pas dû le faire;
  3. c) si elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) si elle a fait une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel ci‑dessus lui donne une chance raisonnable de succès. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait peut-être gagner sa cause. Je dois aussi tenir compte des autres moyens d’appel possibles, ceux que la prestataire n’a pas cernés avec précisionNote de bas de page 5.

La décision de la division générale

[12] La division générale a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire a été suspendue. Elle a souligné que la prestataire ne contestait pas le fait que l’employeuse l’avait placée en congé sans solde pour non-respect de la politique, mais qu’elle n’était pas d’accord avec le fait que c’était une inconduiteNote de bas de page 6. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue pour non-respect de la politique et que son congé était involontaireNote de bas de page 7.

[13] Ensuite, la division générale a vérifié si la raison de la suspension était considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a énoncé le critère juridique de l’inconduite tel qu’il a été établi par la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 8.

[14] Enfin, la division générale a appliqué le critère juridique à la situation de la prestataire, comme l’indique la jurisprudence. Voici pourquoi elle a conclu que la Commission avait prouvé que la prestataire a été suspendue pour inconduite :

  • L’employeuse avait adopté une politique de vaccination qui disait que les personnes qui ne s’y conformaient pas tomberaient en congé sans solde.
  • La prestataire a clairement été informée de la politique et des attentes qu’elle devait remplir.
  • L’employeuse a communiqué la politique à tout le personnel.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politiqueNote de bas de page 9.
  • La prestataire a refusé de se conformer à la politique en toute connaissance de causeNote de bas de page 10.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit

[15] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire soutient que la division générale a fait de nombreuses erreurs de droit. Elle affirme que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs affaires non pertinentes qu’elle a traitées comme si elles faisaient partie de la loi, ce qui était une erreur. La prestataire dit qu’il n’y a pas de jurisprudence concernant l’inconduite dans le contexte du refus de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 11.

[16] Dans sa décision, la division générale mentionne des décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 12. Elles portent sur des circonstances de fait différentes de celles de la prestataire, mais les principes de droit qui s’y trouvent s’appliquent à la question de l’inconduite en général. La division générale est obligée de suivre ces décisions. Elle n’a donc pas fait d’erreur de droit en s’appuyant sur elles.

[17] La division générale a aussi mentionné une décision récente de la Cour fédérale qui portait sur la vaccination contre la COVID-19 et la question de l’inconduiteNote de bas de page 13. Dans l’affaire Cecchetto c Canada (Procureur général), la Cour a confirmé qu’un employé qui avait décidé de façon délibérée de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur avait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14. Elle a aussi confirmé que la loi n’autorise pas le Tribunal à se pencher sur le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de l’employeurNote de bas de page 15.

[18] La prestataire soutient aussi que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas obligée de suivre le Guide de la détermination de l’admissibilité. La prestataire avance que c’était aussi une erreur de droit parce que la division générale a fait un outrage à la justice lorsqu’elle a refusé de suivre le GuideNote de bas de page 16.

[19] La division générale a expliqué avec justesse que le Guide est un outil de référence, et non une loi. Elle a déclaré qu’elle doit appliquer la loi et la jurisprudence applicables à l’analyse de l’inconduite et qu’elle n’est pas obligée de suivre les principes du Guide. Cette approche a été confirmée par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 17.

[20] Je conclus qu’il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a tiré cette conclusion. La division générale a reconnu les arguments de la prestataire au sujet du Guide avant d’expliquer pourquoi elle n’était pas d’accord avec elle.

[21] La prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Elle affirme que même s’il faut que la conduite soit délibérée pour qu’il y ait inconduite, cela ne veut pas dire que tous les gestes délibérés sont une inconduite. Selon la prestataire, la division générale a conclu à tort que toute conduite délibérée qui entraîne la perte de son emploi constitue une inconduiteNote de bas de page 18.

[22] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite. Elle a énoncé et appliqué la loi comme il se doit. La déclaration de la division générale est conforme aux principes établis par la jurisprudence.

[23] La prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait parce qu’elle n’a pas vérifié si le congé de la prestataire était fondé. Elle affirme que l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi s’applique à sa situation. Elle fait valoir que la perte de son emploi répond à la définition d’un départ volontaire justifié par les actions de son employeuseNote de bas de page 19.

[24] La prestataire affirme que son employeuse ne lui a pas offert d’autres options. Ainsi, quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Ses conditions de travail avaient beaucoup changé.

[25] L’expression « sans justification » s’applique quand les prestataires ont volontairement pris un congé ou quitté leur emploi. Elle ne s’applique pas aux situations d’inconduite. Dans la présente affaire, les faits sont clairs : l’employeuse a placé la prestataire en congé parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique. La prestataire n’a pas pris ce congé de façon volontaire. C’était l’équivalent d’une suspension.

[26] La division générale n’a pas fait d’erreur de droit lorsqu’elle n’a pas vérifié si le congé de la prestataire était justifié. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas demandé de partir en congé et que le congé n’était pas volontaire. La division générale n’avait donc pas à regarder s’il était justifié.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence

[27] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire soutient que la division générale a fait une erreur de compétence et une erreur de fait. Elle affirme que la division générale aurait dû examiner le contrat de travail et la question de savoir si l’employeuse l’a enfreintNote de bas de page 20.

[28] La prestataire fait valoir que la Loi sur l’assurance-emploi contient de nombreuses références aux contrats de travail et le refus de la division générale d’interpréter la convention collective ou le contrat de travail est contraire au fondement de l’assurance-emploiNote de bas de page 21.

[29] La division générale a cité la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale avant de conclure qu’elle ne peut pas vérifier si l’employeuse a enfreint le contrat de travailNote de bas de page 22. Elle a fait remarquer que les membres du personnel qui croient que leur convention collective ou leurs droits ont été violés peuvent s’adresser à d’autres cours ou tribunauxNote de bas de page 23.

[30] Il est bien établi que la conduite de l’employeuse n’est pas en cause lorsqu’on évalue l’inconduite. La division générale n’a pas fait d’erreur en refusant d’interpréter la convention collective et le contrat de travail.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait

[31] La prestataire avance que la division générale n’a pas tenu compte des observations qu’elle a présentées après l’audience. Selon elle, la division générale a simplement résumé ses arguments, mais a ignoré des éléments importants pour le contexte. Elle soutient que la Commission n’a pas fourni assez d’éléments de preuve pour appuyer sa décisionNote de bas de page 24.

[32] Il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait ou qu’elle n’a pas examiné tous les éléments de preuve. Elle n’est pas tenue d’exposer chaque élément de preuve porté à sa connaissance. Elle a abordé tous les arguments importants présentés par la prestataire, elle a appliqué le bon critère juridique et elle a appuyé ses conclusions sur des éléments de preuve. Je ne peux pas réévaluer la preuve.

[33] En plus d’avoir examiné les arguments de la prestataire, je me suis aussi penchée sur les autres moyens d’appel. La prestataire n’a signalé aucune injustice procédurale de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve que la procédure a été inéquitable. On ne peut donc pas soutenir que la division générale a fait une erreur.

[34] La prestataire n’a relevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission de faire appel.

Conclusion

[35] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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